Nations Unies

CERD/C/SR.1983

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

17 mars 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- seizième session

Compte rendu analytique de la 1983 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le 22 février 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quinzième, seizième, dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Cameroun

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quinzième, seizième, dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Cameroun (CERD/C/CMR/15-18; CERD/C/CMR/Q/15-18 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.109)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation camerounaise prend place à la table du Comité.

2.M. Dion Ngute (Cameroun), présentant les quinzième, seizième, dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Cameroun (CERD/C/CMR/15-18), dit que sa délégation se réjouit de pouvoir participer à un dialogue franc et constructif avec le Comité. Il exprime ses regrets pour la soumission tardive des rapports, qui a compliqué la tâche du Comité concernant le suivi de la mise en œuvre de la Convention dans son pays. Son Gouvernement prendra des dispositions pour respecter à l’avenir le calendrier de soumission de ses rapports.

3.Les rapports ont été établis conformément aux directives du Comité et la participation de la société civile et de toutes les structures gouvernementales concernées a été encouragée et facilitée.

4.Pendant la période à l’examen, le Gouvernement s’est efforcé de mettre sa législation en conformité avec la Convention et d’assurer à toutes les personnes résidant au Cameroun la jouissance des droits garantis par cet instrument. Il a également mis un point d’honneur à traduire dans les faits les recommandations formulées par le Comité au sujet de son précédent rapport périodique (CERD/C/304/Add.53).

5.En 2004, le Cameroun a ratifié le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants, et la Convention des Nations Unies contre la corruption. En 2005, il a adhéré au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et, en 2006, il a ratifié deux instruments de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO): la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. En 2008, le Cameroun a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées et, en 2009, il a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo). Des lois ont été adoptées pour assurer le respect des instruments susmentionnés, notamment une loi relative au statut des réfugiés et une loi sur la lutte contre le trafic et la traite des enfants. Le Code de procédure pénale est entré en vigueur en 2007 et la loi relative à l’assistance judiciaire en 2009. Conformément à la Constitution, qui garantit à tous l’égalité en droits et en devoirs sans discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe ou la croyance, ces instruments s’appliquent à toute personne présente sur le sol camerounais.

6.Le Cameroun compte plus de 250 ethnies déterminées par le dialecte. Afin de faire obstacle à toute discrimination fondée sur des critères ethniques, les autorités ont décidé qu’aucune information discriminatoire autre que le sexe ne devrait figurer sur les documents d’état civil, la carte nationale d’identité, le passeport et la carte d’électeur.

7.En 2006, le Gouvernement a adopté la «Stratégie sectorielle de l’éducation», axée sur l’universalisation de l’enseignement primaire, l’amélioration de l’accès et de l’équité, l’amélioration de la qualité et de la pertinence des enseignements, et l’amélioration de la gestion et de la gouvernance. Des zones d’éducation prioritaires ont été définies sur la base des indicateurs d’accès et de rendement. De nouvelles écoles, dotées de personnels qualifiés, ont été ouvertes dans ces zones et ont été équipées de matériels didactiques de base. De manière générale, l’accent est mis sur l’éducation des filles, des personnes handicapées et des groupes marginalisés au moyen de campagnes de sensibilisation qui ciblent les familles et les communautés, par des appuis à l’encadrement des enfants dans les structures alternatives de base et un renforcement des capacités des ONG. L’État soutient également les structures de formation pour les personnes handicapées, favorise le recrutement des personnes handicapées dans le corps enseignant et crée des centres spéciaux pour déficients auditifs et visuels. Les filles, les personnes handicapées et les personnes appartenant à des groupes marginalisés bénéficient de bourses d’études, reçoivent des matériels scolaires et sont exemptées de frais d’inscription. Le Plan d’éducation pour tous adopté par le Gouvernement garantit la gratuité et le caractère obligatoire de l’éducation primaire. Le Cameroun a ainsi atteint un taux de scolarisation de 80 %, l’un des plus élevés d’Afrique subsaharienne.

8.Dans le domaine de la santé, les maladies infectieuses et parasitaires représentent le principal problème. En outre, le taux de prévalence du VIH/sida est actuellement de 5,5 %. Le Gouvernement met en œuvre des programmes visant à lutter contre le paludisme, la tuberculose, l’onchocercose et le VIH/sida. L’accès universel au traitement du VIH/sida est assuré. Le nombre de patients sous antirétroviraux est passé de 600 en 2001 à 50 005 en 2008. Depuis 2007, les médicaments sont distribués gratuitement dans des «centres de traitement agréés». De plus, des mesures ont été prises pour protéger les personnes qui vivent avec le VIH/sida contre la stigmatisation. Le Gouvernement mène aussi des actions plus énergiques de prise en charge psychosociale des orphelins du sida.

9.La loi sur l’assistance judiciaire garantit les droits de la défense des personnes indigentes et garantit à tous les justiciables le droit d’invoquer les traités internationaux, y compris la Convention, qui priment le droit interne. Toute propagande raciste est interdite par le Code pénal et par la loi de 1990 sur la communication sociale.

10.Tous les Camerounais jouissant de la capacité juridique ont le droit de vote. Les élections générales et les élections municipales sont fondées sur le système de liste et chaque liste de parti doit tenir compte des composantes sociologiques de la circonscription électorale concernée.

11.La loi de 2005 relative au statut des réfugiés est applicable tant aux réfugiés qu’aux demandeurs d’asile. La définition qu’elle donne du terme de réfugié est plus complète que celle figurant dans la Convention relative au statut des réfugiés et dans le Protocole relatif au statut des réfugiés puisqu’elle met en relief la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social et les opinions politiques. Elle reconnaît aussi les principes du non-refoulement et de la non-discrimination, la liberté de religion, d’association et de circulation, le droit d’ester en justice, le droit au travail, à la propriété, à l’éducation, au logement et à la naturalisation. Les réfugiés et les demandeurs d’asile ont également accès, sans discrimination, aux soins médicaux, y compris aux traitements antirétroviraux, dispensés gratuitement.

12.Si le Cameroun est fier des résultats obtenus en matière de lutte contre la discrimination, il demeure préoccupé par un certain nombre de questions, notamment l’accès des Pygmées et des Mbororos à la propriété foncière. Le droit foncier camerounais ne contient aucune disposition discriminatoire, mais il est difficile pour les autorités de sécuriser juridiquement le patrimoine foncier de ces communautés en raison de leur tradition de nomadisme et de la mise en valeur précaire des espaces, toutes choses qui rendent difficile la mise en œuvre de procédures juridiques de dédommagement en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique.

13.La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés jouit de l’indépendance technique et financière requise par les Principes de Paris. Toutefois, le droit de vote reconnu aux représentants de l’administration au sein de la Commission constitue un sujet de préoccupation pour le Gouvernement, qui étudie la possibilité de modifier les statuts de la Commission afin de lui donner un rôle essentiellement consultatif, conformément aux Principes de Paris.

14.L’Examen périodique universel concernant le Cameroun a eu lieu en février 2009 et le Conseil des droits de l’homme a adopté son rapport le 10 juin 2009. Le Cameroun a accepté la majorité des recommandations qui lui ont été faites. Un peu plus de six mois après l’adoption de ce rapport, des procédures administratives et des études juridiques étaient en cours en vue de la mise en œuvre de ces recommandations.

15.M. Ewomsan (Rapporteur pour le Cameroun) souhaite la bienvenue à la délégation de haut niveau du Cameroun et dit qu’il est heureux d’apprendre que l’État partie entend soumettre ses prochains rapports périodiques dans les délais prévus par la Convention, puisque le rapport examiné couvre une très longue période, qui va d’août 1997 à septembre 2008.

16.La Constitution a été modifiée en 1996 en vue d’y intégrer la Déclaration universelle des droits de l’homme et tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Cameroun, c’est-à-dire la plupart des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme. Ces instruments priment le droit interne et, comme l’a indiqué l’État partie dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter du Comité (CERD/C/CMR/Q/15-18/Add.1), peuvent être invoqués devant les tribunaux. Toutefois, comme il n’a été fait mention d’aucune jurisprudence à cet égard, M. Ewomsan demande à la délégation si le droit en question est exercé dans la pratique.

17.Le Conseil constitutionnel n’est pas encore opérationnel et ses fonctions sont actuellement assurées par la Cour suprême. M. Ewomsan demande les raisons du retard pris dans la désignation des membres du Conseil.

18.Il se félicite de la création de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés et encourage le Gouvernement à prendre des mesures plus énergiques pour mettre sa structure et son mode de fonctionnement en conformité avec les Principes de Paris et pour assurer son indépendance et son autonomie financière. Relevant que le Cameroun abrite, depuis 2001, le Centre sous-régional pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) il émet l’avis que la crédibilité de la Commission en tant qu’institution nationale de défense des droits de l’homme devrait être renforcée afin qu’elle puisse être un collaborateur majeur du Centre. M. Ewomsan voudrait savoir si l’État partie envisage de conférer un statut constitutionnel à la Commission. Le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme a accrédité la Commission en 2006 en la dotant du statut «B». M. Ewomsan encourage l’État partie à créer les conditions qui permettraient à la Commission d’obtenir le statut «A».

19.Une Direction des droits de l’homme et de la coopération internationale a été créée en 2005 au Ministère de la justice. Selon les réponses à la liste des points à traiter, l’une des fonctions de cette Direction consiste à aider l’État à se défendre devant les organes internationaux relatifs aux droits de l’homme. M. Ewomsan demande si le mandat de la Direction prévoit la sensibilisation du grand public aux droits de l’homme ou si ses fonctions sont limitées au personnel judiciaire.

20.Dans son rapport, l’État partie n’a communiqué aucune information sur la composition ethnique de la population. Toutefois, comme l’a indiqué la délégation, il existe plus de 250 groupes ethniques, diversité qui pourrait constituer un problème majeur pour un pays qui cherche à réaliser son unité nationale. L’État partie a indiqué dans ses réponses écrites à la liste des points à traiter que la diversité ethnique constituait un obstacle à l’application des dispositions de la Convention. Par exemple, des conflits interethniques ont éclaté à Bawock et à Bali Nyonga. Il va de soi que la prévention de ces conflits passe par la mise en œuvre de la Convention qui, loin de compromettre l’unité nationale, la consolide grâce à l’application du principe de la non-discrimination fondée sur la race. L’unité ne doit pas être perçue comme une homogénéité.

21.Les autorités devraient faire preuve d’une volonté politique en matière d’application des politiques de bilinguisme afin que la population anglophone du sud du pays n’ait pas de raisons de se sentir victime d’injustice dans le domaine de l’emploi, de l’éducation, des médias et des procédures juridiques.

22.M. Ewomsan se félicite de l’incorporation de la Convention dans la Constitution telle que modifiée, mais dit que rien n’indique clairement si la Constitution révisée de 1996 ou le Code de procédure pénale contiennent une définition de la discrimination raciale conforme à celle figurant à l’article premier de la Convention. Les États parties à la Convention s’engagent non seulement à interdire la discrimination raciale dans leur législation nationale, mais aussi à condamner la ségrégation raciale et la propagande raciste et à prévenir toutes les pratiques qui y sont associées. Ils ont aussi le devoir de garantir à chacun le droit à l’égalité devant la loi et d’assurer à toute personne relevant de leur juridiction une protection efficace et des recours utiles au moyen des tribunaux nationaux compétents. Le Comité a fait observer que l’absence de plaintes relatives à la discrimination raciale ne signifiait pas nécessairement qu’aucun acte de discrimination raciale n’était commis. L’orateur souhaiterait donc des renseignements sur les poursuites ou les condamnations en la matière, qui témoigneraient d’une politique rigoureuse pour l’élimination de la discrimination raciale. Des détails supplémentaires sur la formation aux droits de l’homme, en particulier pour les juges, seraient aussi utiles.

23.M. Ewomsan se félicite des mesures prises pour interdire la discrimination dans le domaine de l’enseignement, décrites aux paragraphes 24 à 46 du rapport. Le Comité souhaiterait des informations sur les résultats du projet pilote concernant l’introduction de l’éducation aux droits de l’homme dans les écoles primaires en 2008.

24.Selon des rapports établis par des ONG, aucune loi (ou pratique) ne garantit que les enfants autochtones peuvent entrer dans l’enseignement secondaire sans passer un examen d’admission. L’admission dépend du bon vouloir des chefs d’établissement. D’autres obstacles empêchent en outre de nombreux enfants autochtones d’aller à l’école, notamment des frais de scolarité impossibles à assumer, la nécessité de posséder une carte d’identité, la distance importante entre les villages et les écoles et le fait que les enfants autochtones subissent des brimades et des humiliations de la part des autres élèves et des enseignants. L’orateur demande comment l’État partie entend supprimer ces obstacles et, en particulier, comment il entend faire en sorte que l’école soit réellement gratuite pour les enfants autochtones. Il serait aussi utile de savoir si l’État partie a prévu de mettre en place un système scolaire officiel pour les enfants autochtones, tel que la méthode d’enseignement «ORA», élaborée pour les enfants bakas. Cette méthode est fondée sur leur culture, conformément aux dispositions de la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux. Il félicite l’État partie pour les mesures prises en vue d’améliorer l’enseignement pour les filles et les enfants handicapés, et encourage le Gouvernement à poursuivre ses efforts et à ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

25.S’agissant de la discrimination dans la sphère sociale, la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés a défini les Pygmées, les Mbororos et d’autres groupes comme étant des communautés autochtones. Elle a reconnu que ces communautés devaient faire face à des problèmes tels que l’extrême pauvreté, un faible taux de fréquentation scolaire, l’exploitation, la dépossession de leurs terres et la question de l’identification. Le Comité souhaiterait des renseignements plus détaillés sur les groupes qui ont été définis comme étant des peuples autochtones. Il voudrait aussi savoir pourquoi le terme «populations marginales» a été utilisé aux paragraphes 74 à 82 du rapport périodique, plutôt que celui de «peuples autochtones». Il demande que l’on précise si la population pygmée, comprenant les Bakas, les Bakolas, les Bagyelis et les Bedzams, ainsi que les Mbororos et les peuples montagnards tels que les Mafas, les Madas, les Mandaras, les Zouglous, les Ouldémés, les Molkos, les Mbodkos, les Dallas et les Guemdjeks sont considérés comme des peuples autochtones.

26.Le Comité souhaiterait des détails supplémentaires sur les projets de l’État partie visant à soutenir le développement économique et social des 7 000 Pygmées de la région de Djoum, Oveng et Mintom et à améliorer la qualité de vie des Pygmées de Lolodorf, Bipindi, Campo et Kribi. Il voudrait notamment savoir si les peuples concernés ont été consultés pour la conception des projets. Il souhaiterait un complément d’information sur les plans d’indemnisation qui ont été adoptés lorsque les projets de gestion des forêts ont porté atteinte aux droits des groupes autochtones, et demande en particulier si les plans garantissaient effectivement à ces groupes le droit d’accéder à leurs propres terres et de les gérer. Le Comité a reçu des rapports indiquant que le projet relatif au pipeline Tchad-Cameroun avait aggravé la vulnérabilité de nombreux Bagyelis qui avaient été déplacés et sur lesquels le projet avait eu des retombées négatives, et que le plan d’indemnisation prévu dans le cadre du projet n’avait pas pris en compte ces personnes.

27.Selon des rapports d’ONG, les peuples autochtones ne jouissent pas du droit à l’égalité de traitement devant les tribunaux coutumiers. Alors que les assesseurs participent à la prise de décisions dans ces tribunaux, il n’y a aucun assesseur d’origine baka, bakola, bagyeli ou bedzang. En outre, les tribunaux n’utilisent pas les langues traditionnelles de ces groupes et, aucun service d’interprétation n’étant disponible, les parties sont obligées de parler les langues bantoues, que de nombreux peuples autochtones maîtrisent mal. L’orateur demande quelles mesures l’État partie envisage de prendre pour remédier à cette situation.

28.Compte tenu des conflits intertribaux survenus à Bawock et à Bali Nyonga, il demande quelles mesures prend le Gouvernement pour sensibiliser la population au fait qu’il faut favoriser la tolérance et la coexistence pacifique entre les différentes communautés. Il demande si l’État partie a essayé d’enquêter sur les causes des conflits en vue d’éviter qu’ils ne se répètent.

29.Il voudrait savoir quelles mesures sont prises pour apporter des solutions aux problèmes que rencontrent actuellement les réfugiés dans les zones rurales, en particulier en matière d’accès aux services de santé, à l’éducation, au logement, à l’emploi et en ce qui concerne la sécurité. Le Comité souhaiterait également entendre les commentaires de la délégation concernant les informations selon lesquelles certaines entreprises versent à leurs employés des salaires différents selon leur origine ethnique. Quelles mesures prend l’État partie pour faire cesser cette pratique? Le Comité souhaiterait un complément d’information sur la situation actuelle des migrants en situation irrégulière, en particulier ceux venant du Nigéria, et sur la législation de l’État partie en matière d’immigration.

30.Enfin, M. Ewomsan demande si l’État partie a élaboré un plan d’action national pour mettre en œuvre les dispositions de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.

31.M. Amir dit que l’État partie, comme de nombreux autres pays africains, rencontre des difficultés liées au grand nombre de groupes ethniques qui coexistent dans sa population. Il demande un complément d’information sur la mesure dans laquelle les différents groupes ethniques, en particulier ceux considérés comme des peuples autochtones, exercent les droits garantis aux citoyens à part entière, en particulier les droits fonciers.

32.M. Murillo Martínez dit qu’il souhaiterait davantage de données statistiques sur les mesures spéciales prises pour encourager les filles à commencer des études ou à poursuivre leurs études. Il voudrait aussi un complément d’information sur la situation des albinos au Cameroun et sur l’importance de la population albinos. Il voudrait connaître l’étendue des mesures prises pour lutter contre le racisme dans le cadre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Il demande aussi des informations complémentaires sur les conflits ethniques dans le nord-ouest du pays (Oku/Mbessa et Bawock/Bali). Relevant les taux élevés de mortalité infantile et juvénile au Cameroun dont font état les données de 1991, 1998 et 2004, il demande quelle est la situation actuelle.

33.M. Prosper demande quelles définitions le Gouvernement a utilisées pour les différents termes figurant dans le rapport, tels que «population marginalisée», «population vulnérable», «population autochtone», «groupes minoritaires», «groupes ethniques» et «groupes culturels», et selon quels critères il a placé des groupes particuliers dans ces catégories. Il souhaiterait que l’on précise si un groupe de personnes peut appartenir à plus d’une catégorie.

34.M me Dah fait observer que, selon le document de base commun du Cameroun (HRI/CORE/1/Add.109), il y a plus de 230 tribus au Cameroun, mais que le rapport ne cite le nom d’aucune d’entre elles. Il est important que le Comité sache de quel groupe il est question. Davantage de données démographiques sur ces tribus sont nécessaires, notamment l’importance de leur population par région et leur représentation dans les forces armées, la police, le système de justice et le système politique, ainsi que des données relatives à l’éducation, à la santé, au logement, au statut social, etc.

35.Elle se félicite des efforts faits dans le domaine de l’éducation, des taux élevés d’alphabétisation et de l’accent mis sur l’éducation des filles. Toutefois, le Comité souhaiterait savoir si ces efforts concernent aussi les populations vulnérables et les peuples autochtones, quels obstacles pourraient empêcher qu’ils soient pris en compte et comment le Gouvernement envisage de surmonter ces obstacles. Elle recommande au Gouvernement de prendre des mesures spéciales pour aider les groupes ethniques marginalisés et les peuples autochtones.

36.Elle relève que les peuples autochtones rencontrent des difficultés en termes d’accès à la terre. Une nouvelle loi et un nouveau plan d’action sont nécessaires pour corriger l’ancienne législation discriminatoire sur la propriété foncière. Des programmes menés à bien dans certains pays d’Afrique australe pourraient servir d’exemple.

37.Mme Dah se félicite des nombreuses initiatives prises par le Cameroun pour promouvoir les droits de l’homme ces 15 dernières années. Malgré l’adoption de la loi no2005/006, des réglementations nationales concernant le statut des réfugiés sont encore nécessaires, ainsi que des certificats établissant le statut de demandeur d’asile. Mme Dah salue l’adoption du nouveau Code de procédure pénale et de la loi no2006/015 sur l’organisation de la justice. Elle relève aussi avec satisfaction qu’un projet de loi visant à interdire les mutilations génitales féminines et un code de la famille sont à l’étude et souligne qu’il est important de faire aboutir ces efforts le plus rapidement possible et de supprimer des nouvelles lois toute disposition discriminatoire, en particulier en ce qui concerne la transmission aux femmes de biens fonciers par héritage. Elle fait observer que, selon la législation nationale, un mari peut légalement empêcher sa femme de travailler au motif que ce n’est pas dans l’intérêt de la famille. Il n’est pas acceptable qu’à l’époque moderne la législation d’un pays contienne de telles dispositions.

38.Mme Dah relève que le Cameroun a été choisi pour abriter le Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale. Cela entraîne certains avantages pour le Cameroun, mais aussi de nombreuses obligations. Le Cameroun doit veiller à mener à bien son propre plan d’action pour la réforme du système judiciaire. Il doit mettre davantage l’accent sur la formation aux droits de l’homme à l’intention des agents de police, du personnel pénitentiaire, des magistrats et des autres agents de l’État. Le Gouvernement devrait prendre les mesures appropriées pour permettre à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés de regagner son «statut A» lors du passage du Cameroun devant le Comité des droits de l’homme en juillet 2010.

39.M. Lahiri admet qu’il serait difficile de fournir des données démographiques désagrégées pour les 230 tribus du Cameroun. Il fait toutefois observer que ces tribus pourraient être réparties en trois groupes culturels (Bantous, Bantoïdes et Soudanais) et demande à la délégation si elle peut fournir des statistiques pour ces trois groupes principaux. Des statistiques comparatives sur le niveau d’éducation, la santé et les revenus de la population du sud anglophone d’une part, et des régions francophones d’autre part, seraient utiles pour déterminer s’il existe une discrimination fondée sur la langue. Il relève que, selon le rapport, environ 4 millions d’étrangers vivent actuellement au Cameroun. Il demande des informations sur leur situation économique et sociale, sur leur niveau d’éducation et sur leur pays d’origine.

40.M. Avtonomov demande des informations sur l’état d’avancement du Plan de développement des peuples pygmées lancé en 2008 par le Ministère des affaires sociales en partenariat avec la Banque mondiale. Il souhaiterait aussi un complément d’information sur le résultat des divers projets en faveur des peuples pygmées mentionnés dans le rapport. Il fait observer que les Mbororos ne sont pas reconnus en tant que peuple autochtone et voudrait savoir ce qui s’y oppose.

41.Il se déclare satisfait que le Cameroun ait signé de nombreux instruments relatifs aux droits de l’homme − tant des instruments des Nations Unies que des instruments africains. Des initiatives régionales pour la protection des droits de l’homme représentent une contribution essentielle à la cause des droits de l’homme et de tels instruments devraient être élaborés en plus grand nombre en Afrique. Il fait observer que le Cameroun n’a pas ratifié les modifications apportées à l’article 8 de la Convention et voudrait connaître la position du pays à ce sujet.

42.M. Peter dit que, bien que le Cameroun soit un pays bilingue où sont parlés le français et l’anglais, il semble que le français devienne la langue dominante. Il souhaiterait entendre les commentaires de la délégation sur cette question. Il demande si, pour compléter les instruments internationaux auxquels il est partie, le Cameroun envisage d’adhérer à certains des instruments essentiels qu’il n’a pas encore signés, à savoir la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention no 189 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux et la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement.

43.S’agissant de la question de l’égalité entre les hommes et les femmes du point de vue du droit à l’héritage et du droit à la propriété, si un certain nombre de mesures visant à protéger ces droits ont été énumérées au paragraphe 144 du rapport, aucune des mesures mentionnées n’a trait à l’adoption d’une législation. Attendu que, en 1973, la Cour suprême du Cameroun avait reconnu à une femme le droit d’hériter de ses parents, M. Peter se demande pourquoi le Gouvernement n’a pas encore jugé bon d’incorporer ce principe dans l’arsenal juridique du Cameroun.

44.Le pipeline Tchad-Cameroun est très long et a des retombées négatives sur les droits de certains peuples autochtones nomades qui dépendent de la terre pour leur subsistance. Leurs besoins diffèrent par conséquent de ceux des Camerounais vivant dans les zones urbaines. En tant que citoyens camerounais, ils ont droit à la protection de leurs droits par le Gouvernement qui, dans le cas du pipeline, devrait s’efforcer de trouver un équilibre entre les intérêts commerciaux et les intérêts de ses citoyens. La population autochtone du Cameroun représente moins de 1 % de la population totale, mais le niveau de vie des peuples autochtones est parmi les plus bas. M. Peter demande si, conformément aux recommandations formulées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en 2005, le Cameroun a pris des mesures visant à permettre aux peuples pygmée et mbororo d’exercer les droits énoncés dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée par l’Organisation de l’unité africaine (OUA).

45.M. Diaconu demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre afin de mettre en œuvre les normes établies par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, dont l’adoption a été appuyée par le Cameroun. Étant donné que le Gouvernement a clairement l’intention de protéger l’environnement, comme en témoigne la ratification par le Cameroun d’un certain nombre d’instruments pertinents, il demande quelles mesures spécifiques sont envisagées pour protéger les régions menacées du territoire national, en particulier celles où vivent des peuples autochtones. Il voudrait savoir pourquoi il semble exister une certaine réticence à qualifier des peuples tels que les Pygmées et les Mbororos de peuples autochtones. S’agissant des mesures visant à assurer aux peuples autochtones l’accès à la propriété foncière, la seule adoption de lois antidiscriminatoires est insuffisante; les droits des peuples autochtones à la propriété doivent aussi être protégés.

46.M. Diaconu demande un complément d’information sur la législation adoptée par l’État partie pour interdire les associations ou les partis politiques qui incitent à la discrimination raciale ou à la violence raciste. Ces actes devraient être érigés en infractions dans la législation camerounaise. Il demande combien d’autochtones occupent des postes dans les institutions de l’État.

47.S’agissant de l’incident concernant le colonel équato-guinéen Nguema Ondo (mentionné au paragraphe 115 du rapport), il n’est pas suffisant de se limiter à condamner la discrimination fondée sur la nationalité. Il conviendrait plutôt d’enquêter sur l’incident et de sanctionner les coupables. En outre, en ce qui concerne les conflits entre groupes ethniques ayant trait à la propriété foncière, le Gouvernement devrait prendre des mesures, tant au niveau local qu’au niveau central, pour assurer le partage équitable et la délimitation des terres appartenant aux groupes ethniques afin de prévenir les conflits.

48.M. Saidoudit que la pratique consistant à nommer par décret présidentiel le conseil exécutif de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés est contraire aux Principes de Paris et que les procédures devraient être mises en conformité avec ces principes. Il demande des précisions concernant l’élection d’un Mbororo nomade au poste de maire de district. Il demande si des membres des peuples pygmées occupent des postes similaires et comment le Gouvernement veille à ce que les autochtones soient en mesure de faire valoir leurs droits en justice.

49.M. de Gouttes se déclare préoccupé par l’expression «populations marginales» utilisée au paragraphe 74 du rapport périodique, car la phrase peut être interprétée de manière péjorative. Il demande à quel peuple la phrase fait référence.

50.Il serait utile d’avoir un aperçu des pouvoirs de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés ainsi que des ressources dont elle dispose, du nombre de plaintes qu’elle a examinées et des décisions qu’elle a prises à leur sujet. M. de Gouttes demande si les enfants autochtones ont accès à un enseignement gratuit. Il souhaiterait un complément d’information sur les conséquences concrètes du port de l’uniforme dans toutes les écoles secondaires et demande si les uniformes sont obligatoires pour tous les enfants. Cette règle pourrait aider à lutter contre la discrimination à l’école et servir de modèle à d’autres pays.

51.M. de Gouttes demande des statistiques sur la survivance de certaines pratiques traditionnelles auxquelles les femmes et les filles sont encore soumises au Cameroun, telles que les mutilations génitales féminines, le mariage forcé et la polygamie. Il voudrait savoir si les mesures visant à améliorer le fonctionnement de la justice, notamment la formation des juges, à renforcer l’indépendance de la justice et à lutter contre la corruption ont été couronnées de succès. Il demande si les mesures ont été prises pour veiller à ce que les autochtones puissent avoir effectivement recours à la justice, compte tenu de l’assistance dont ils ont besoin pour faire face au coût prohibitif des services d’interprétation et du voyage jusqu’aux tribunaux éloignés. Il demande si des formes de justice différentes sont pratiquées par les peuples autochtones; dans l’affirmative, il demande quelles sont leurs caractéristiques et comment elles se combinent avec l’exercice de la common law.

52.M. Lindgren Alves dit que, selon le document de base commun, le peuple camerounais est composé d’environ 230 tribus. L’une des préoccupations essentielles de nombreux pays africains est de lutter contre le tribalisme, et le Comité demande souvent à des pays tels que le Cameroun de fournir des statistiques ventilées pour chaque tribu ou groupe ethnique. De son point de vue, c’est trop demander à un pays en développement. En outre, rien n’indique qu’une tribu en particulier occupe une position dominante sur les autres. En fait, le souci du Comité est de s’assurer que ce type de domination n’existe pas au Cameroun et que les droits des peuples autochtones sont protégés en vertu du droit international. Le Comité s’intéresse à l’égalité et à la non-discrimination, pas à la protection des différences. Il soutient pleinement l’idée selon laquelle tous les Camerounais devraient s’unir pour former une nation unique.

53.M me  Crickley demande qu’on lui précise si le Cameroun a classé les populations pygmées dans la catégorie des peuples autochtones. Si tel n’est pas le cas, elle souhaiterait savoir pourquoi, car elle croit savoir que les Pygmées eux-mêmes ont émis ce souhait. Elle demande aussi des détails sur les efforts faits par le Gouvernement pour lutter contre la discrimination raciale dont sont victimes les enfants autochtones à l’école. Elle demande des informations sur les femmes députées et également des statistiques sanitaires concernant les personnes dont la santé s’est améliorée et des renseignements sur les circonstances à l’origine de cette amélioration.

54.S’agissant de ce que l’on nomme «la justice de la rue», notamment «le lynchage», elle demande quelles populations ont le plus souffert de cette pratique et si des mesures ont été prises par le Gouvernement pour la combattre.

55.M. Thornberry dit qu’on ne comprend pas très bien comment le Cameroun définit le terme «peuples autochtones» et si cette appellation est fondée sur l’auto-identification des personnes concernées ou sur l’hypothèse selon laquelle chacun au Cameroun est autochtone. En ce qui concerne le projet de loi relatif à la protection des droits des groupes appelés «populations marginales», il demande si les personnes concernées par le projet de loi ont participé au processus de rédaction du projet.

56.Il demande si l’État partie a pris des mesures pour indemniser les personnes qui ont été expulsées de leurs terres ancestrales dans divers parcs nationaux, en particulier à la lumière de la recommandation générale no 23 du Comité concernant les droits des populations autochtones.

57.Il souhaite appeler l’attention de la délégation et du Comité sur une affaire ne concernant pas le Cameroun qui a été récemment examinée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et qui peut constituer un précédent important en Afrique. L’affaire concerne une communauté autochtone qui avait été déplacée de ses terres ancestrales et qui, à la suite des conclusions adoptées par la Commission, a obtenu la restitution, l’accès à la terre, une indemnisation et le droit d’être consultée sur la mise en œuvre des recommandations de la Commission. Cette affaire a permis de placer les relations entre les États, les parcs nationaux et les peuples autochtones dans un contexte juridique moderne qui pourrait intéresser les peuples autochtones du Cameroun.

58.L’orateur demande des précisions sur la politique générale du Cameroun concernant les divers groupes pygmées et les peuples baka et bagyéli; il voudrait aussi savoir comment l’État partie envisage le rôle de ces peuples dans la vie de l’État. Même si aucun groupe ethnique en particulier n’exerce une suprématie au Cameroun, il est avéré que certains groupes sont dominés par d’autres. L’objectif du Comité a toujours été de veiller à ce que le potentiel des États parties en matière de création de victimes de la discrimination raciale ne se réalise pas.

La séance est levée à 18 h 00.