Nations Unies

CERD/C/SR.2015

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

18 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix-sept ième session

Compte rendu analytique partiel * de la 2015 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 4 août 2010, à 10 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quatorzième et quinzième rapports périodiques d ’ El Salvador

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quatorzième et quinzième rapports périodiques d’El Salvador (CERD/C/SLV/14-15; CERD/C/SLV/Q/14-15)

1.Sur l ’ invitation du Président, la délégation salvadorienne reprend place à la table du Comité.

2.M. Larios López (El Salvador), répondant à la question relative aux droits fonciers posée à sa délégation lors de la séance précédente, dit que depuis le début de la période coloniale, le lien traditionnellement étroit que les peuples autochtones entretenaient avec la terre qu’ils cultivent s’est de plus en plus distendu. De vastes superficies de terres ont été transférées à des propriétaires privés et converties en lucratives plantations commerciales de café. Incapables de faire valoir leurs droits auprès des grands propriétaires terriens, les peuples autochtones ont souvent été réduits à une pauvreté abjecte. La structure entière de la société rurale a changé, ce qui a eu des conséquences désastreuses sur un pays de taille aussi réduite que El Salvador.

3.M. Cruz Rodríguez (El Salvador), répondant à la question de savoir si son pays a l’intention de ratifier la Convention (no 169) de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, indique que le Gouvernement salvadorien est totalement déterminé à assurer la reconnaissance juridique et institutionnelle des droits de la communauté autochtone. La volonté politique de ratifier ledit instrument est manifeste. Mais, étant donné qu’il est essentiel de veiller à ce que l’État tout entier soutienne une telle initiative, le Gouvernement a entamé des consultations avec toute une série d’organismes publics dans le but que toutes les forces politiques parviennent à un consensus sur la politique à suivre.

4.M. Avelar (El Salvador) explique que son Gouvernement ne considère pas comme discriminatoire la disposition selon laquelle les ressortissants d’autres États d’Amérique centrale qui ont fait partie de la République fédérale d’Amérique centrale au dix-neuvième siècle peuvent demander la nationalité salvadorienne (voir le document CERD/C/SLV/14-15, par. 66). En vertu de la loi relative aux étrangers, le Ministère de l’intérieur supervise toutes les demandes de naturalisation: les intéressés ne sont pas automatiquement considérés comme réunissant les conditions requises aux fins de naturalisation.

5.Les questions autochtones relèvent du Secrétariat à l’intégration sociale pour des raisons purement institutionnelles, afin de répondre aux besoins des peuples autochtones de manière plus efficace. Ce Secrétariat organise actuellement la tenue d’un Congrès national autochtone conjointement avec les secrétariats technique et culturel du Bureau du Président.

6.Répondant à la question de savoir pourquoi les peuples autochtones sont tenus de créer des associations officielles, M. Avelar explique que cette prescription ne vaut que si l’association concernée a sollicité un soutien financier ou entend recueillir des dons. Dans ce cas, il est essentiel que ses membres aient créé une organisation officielle et maintiennent des comptes à jour pour rendre compte de leur action et prévenir le blanchiment d’argent.

7.S’agissant du point de savoir si les programmes décrits sont le fruit d’une politique de gouvernement ou d’une politique de l’État, le représentant explique que le Président du pays représente tous les Salvadoriens et qu’il consulte les représentants de tous les secteurs de la société afin de parvenir à un consensus sur les politiques à mener.

8.M. Avelar affirme que de véritables progrès sont enregistrés en El Salvador. L’enseignement offert par les établissements scolaires publics et les soins de santé dispensés par le système de santé publique sont gratuits. Les élèves des établissements publics reçoivent désormais un «kit scolaire» qui comprend un uniforme de fabrication locale, des fournitures scolaires et de la nourriture, et les familles pauvres reçoivent des «bons» si leurs enfants vont à l’école. Toutes les personnes âgées perçoivent aujourd’hui une pension de 100 dollars É.-U. par mois. Les travailleurs domestiques ont maintenant droit aux prestations de sécurité sociale et des mesures d’incitations fiscales ont été mises en place pour encourager les employeurs à déclarer les travailleurs. Des engrais et des semences sont distribués aux régions les plus démunies.

9.M. Avelar indique que le rapport périodique suivant de son pays répondra de manière détaillée aux autres questions posées par les membres du Comité.

10.M. Cali Tzay dit que selon le rapport du Bureau de défense des droits de l’homme (Procuradoría para la Defensa de los Derechos Humanos) transmis au Comité, les mesures prises jusqu’à présent par le Gouvernement salvadorien ne sont pas parvenues à améliorer de manière significative la situation des peuples autochtones, qui continuent de souffrir d’inégalités et de marginalisation et sont privés de leurs droits à l’eau potable et à la terre. Il souhaite savoir ce que le Gouvernement entend faire pour que la Constitution salvadorienne reconnaisse explicitement les droits des peuples autochtones. Il souhaite également savoir s’il est prévu de diligenter une enquête sur l’assassinat, en 1980, de Monsignor Óscar Romero et si les autorités envisagent de déroger à la loi d’amnistie en cas de violations des droits de l’homme.

11.M. Avelar (El Salvador) dit que les amendements à la Constitution doivent être ratifiés tant par la session en cours de l’Assemblée législative que par la suivante. Des amendements visant à harmoniser la Constitution avec la Convention sont actuellement examinés par le Bureau de défense des droits de l’homme. Un projet de loi portant modification de la loi d’amnistie a été soumis à l’Assemblée législative. Le Président a présenté ses excuses au peuple salvadorien au sujet de l’assassinat de l’archevêque Romero. Le Gouvernement procède à des consultations avec les populations autochtones sur le projet de construction d’un nouveau barrage afin d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts à l’avenir et d’améliorer la qualité de l’approvisionnement en eau potable des peuples autochtones, qui a pâti de l’utilisation d’insecticides, par exemple.

12.M. Saidou souhaite savoir si l’apartheid est considéré comme une infraction grave en vertu de la législation salvadorienne de lutte contre la discrimination, si une institution nationale de défense des droits de l’homme a été mise en place et, dans l’affirmative, quel est son statut, et si des immigrés d’ascendance africaine vivent en El Salvador.

13.M. Avelar (El Salvador) réaffirme l’invalidité des précédents rapports périodiques soumis au Comité, soulignant à quel point il était absurde que ceux-ci nient l’existence de populations autochtones ou d’ascendance africaine. Le Gouvernement salvadorien prend des mesures pour que le prochain recensement national permette d’évaluer véritablement la situation. Certains ressortissants étrangers venus travailler en El Salvador sont d’ascendance africaine. Les travailleurs migrants, dont certains suppléent les Salvadoriens travaillant à l’étranger, reçoivent des papiers officiels et bénéficient d’une aide légale.

14.M. Diaconu, tout en se félicitant des efforts que déploie le nouveau Gouvernement salvadorien pour effectuer des changements dans le pays au profit de toute la population, met l’accent sur la question de la citoyenneté et de la naturalisation. Rappelant que l’article 1.3 de la Convention interdit tout traitement préférentiel fondé sur la citoyenneté en matière d’octroi de la nationalité, il s’interroge sur les références faites à la République fédérale d’Amérique centrale, défunte depuis fort longtemps, qui semblent contrevenir à cette disposition. Suite à l’examen d’El Salvador par le Conseil des droits de l’homme au début de 2010 dans le cadre de l’Examen périodique universel, M. Diaconu encourage le Gouvernement à prendre des mesures concernant la totalité du nombre inhabituellement élevé de recommandations formulées dans le cadre de cet exercice et acceptées par le pays, en particulier celles qui ont trait à la protection des défenseurs des droits de l’homme, à la lutte contre la discrimination à l’égard des peuples autochtones et à la promotion de leurs droits.

15.M. Avelar (El Salvador) réaffirme que le Gouvernement salvadorien est résolu à opérer des changements mais explique qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs, les amendements à la législation doivent être approuvés par l’Assemblée législative, ce que celle-ci s’emploie actuellement à faire. En ce qui concerne la citoyenneté et la naturalisation, il indique que les mêmes exigences formelles s’appliquent à tous et qu’aucun traitement discriminatoire ou préférentiel fondé sur la nationalité n’est pratiqué dans ce domaine, même si une approche régionale est utilisée pour promouvoir la liberté de mouvement et l’emploi.

16.M. Ewomsan souhaite obtenir des informations sur la situation des personnes d’ascendance africaine qui vivent dans le pays, en particulier en matière de santé et d’éducation.

17.M. Avelar (El Salvador) dit qu’aucune discrimination fondée sur la race ne s’applique en matière de soins de santé et d’éducation. Ces droits sont aussi accordés aux réfugiés, y compris à ceux d’ascendance africaine, et aux enfants des immigrants.

18.M. Thornberry demande à recevoir l’assurance que l’État partie effectue la distinction appropriée entre les droits permanents des peuples autochtones et les mesures spéciales ou d’action positive en faveur des autochtones ou d’autres groupes de personnes et qui sont destinées à cesser une fois atteinte l’égalité durable. Se félicitant de l’information selon laquelle le Gouvernement salvadorien a l’intention de ratifier la Convention no 169, il souligne néanmoins qu’un long travail législatif sera nécessaire en amont en vue de la pleine mise en œuvre de cet instrument.

19.Constatant une certaine incohérence entre les dispositions de l’article 4 de la Convention et les informations reproduites aux paragraphes 33, 34 et 35 du rapport périodique à l’examen concernant les déclarations incitant à la haine, M. Thornberry souhaite obtenir des précisions sur les dispositions qui sanctionnent, en droit interne, les actes ou idées prohibés en vertu dudit article. Parallèlement, bien que l’article 5 de la Convention soit traité de manière approfondie dans le rapport de l’État partie, aucune référence n’est faite à la liberté d’opinion et d’expression. M. Thornberry fait écho aux observations de M. Diaconu concernant les recommandations formulées dans le cadre de l’Examen périodique universel et met en particulier l’accent sur les questions pertinentes pour le Comité, telles que la protection des droits des peuples autochtones, les droits des migrants, et les campagnes de promotion des documents universels d’identité.

20.M. Avelar (El Salvador) dit que sa délégation a pris note des préoccupations du Comité. El Salvador y répondra en détail dans son rapport périodique suivant.

21.Le Gouvernement salvadorien considère les peuples autochtones comme des détenteurs de droits et non comme des personnes nécessitant une aide sociale. Sous le régime antérieur, les pauvres faisaient la queue chaque jour devant le Secrétariat national à la famille pour obtenir une aide financière et de quoi satisfaire leurs besoins de première nécessité. Le Secrétariat national a été remplacé par le Secrétariat à l’intégration sociale, qui est dirigé par l’épouse du Président, le Département des peuples autochtones, que le représentant dirige, faisant partie intégrante de cette nouvelle instance. Une approche entièrement nouvelle a été conçue, fondée sur l’action à long terme pour lutter contre l’extrême pauvreté. Des mesures d’urgence sont prises pour faire face aux graves problèmes rencontrés en matière de santé et d’accès à l’eau dans certaines régions du pays où vivent des peuples autochtones.

22.Il serait irresponsable de la part de la délégation salvadorienne d’indiquer à quelle date El Salvador adhèrera à la Convention no 169 de l’OIT car, comme M. Thornberry l’a noté, une foule de mesures doivent être prises avant que l’État puisse garantir le plein respect des obligations qui lui incomberont en vertu de cet instrument.

23.M. Lindgren Alves souligne que la délégation salvadorienne a indiqué que le nouveau Gouvernement ne reconnaît pas la validité des rapports périodiques antérieurs du pays. Il est donc inutile de poser des questions détaillées à la délégation salvadorienne sur le rapport précédent de l’État partie. Le Comité devrait plutôt se concentrer sur les déclarations faites par la délégation.

24.Le Président dit que le rapport à l’examen contient des informations factuelles susceptibles d’être utilisées comme cadre de référence. Il va sans dire que le Comité apprécie vivement l’esprit de coopération et la philosophie du nouveau Gouvernement. La délégation salvadorienne est menée par le directeur du Département des peuples autochtones, qui saura certainement tirer profit des contributions constructives des membres du Comité.

25.M. Avtonomov dit que le dialogue qui s’est engagé au sujet du rapport périodique d’El Salvador et des informations communiquées par la délégation sont de nature à mieux permettre au Comité de comprendre la situation qui prévaut actuellement dans le pays. Les observations critiques du Comité ne visent pas la politique actuellement suivie par le Gouvernement de l’État partie.

26.Le rapport périodique indique que le statut de réfugié a été accordé à 66 personnes, dont la majorité sont originaires de Colombie et du Nicaragua. Il serait intéressant d’avoir une idée de la durée de la procédure d’obtention du statut de réfugié. Les demandeurs d’asile sont-ils autorisés à travailler dans le pays pendant le traitement de leur demande ou sont-ils placés dans un centre de rétention? M. Avtonomov souhaite également savoir ce qu’il advient des personnes dont la demande est rejetée. Sont-elles renvoyées dans leur pays ou dans un État tiers?

27.M. Avelar (El Salvador) dit que sa délégation a reçu pour instruction de la part du Président et du Ministre des affaires étrangères de répondre aux questions du Comité aussi franchement que possible. Il relève que les questions posées par les experts ressemblent étroitement à celles soulevées à maintes reprises par les peuples autochtones du pays. Le Gouvernement a certes un peu tardé à donner suite aux demandes qui lui ont été adressées par les titulaires de droits mais cela est dû à sa volonté d’y répondre le plus efficacement possible.

28.La condition de base pour obtenir le statut de réfugié est que le demandeur doit craindre avec raison d’être persécuté, comme stipulé dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Certains demandeurs d’asile dont la procédure est en instance bénéficient d’une protection temporaire en attendant que la situation s’améliore dans leur pays d’origine. Les récents événements qui se sont produits au Honduras en sont un exemple. Les demandeurs d’asile sont également autorisés à travailler dans le pays et peuvent y circuler librement.

29.M. Thornberry dit que la plupart des questions posées par le Comité portent sur des questions structurelles liées à la Convention qui concernent tous les États parties, quel que soit le régime au pouvoir. Ces questions portent, par exemple, sur les définitions générales, la discrimination, les prescriptions énoncées aux articles 2 à 5 de la Convention, et les mesures spécifiques relatives à la ratification de la Convention no 169 de l’OIT. L’objectif est d’identifier le lien qui existe entre les lois adoptées et la manière dont elles sont appliquées et de formuler des conseils constructifs et juridiquement adéquats.

30.M. Avelar (El Salvador) assure que son pays s’efforcera de répondre favorablement et rapidement aux questions posées par les membres du Comité. En outre, le prochain rapport périodique sera radicalement différent des précédents. Étant donné que les peuples autochtones n’étaient auparavant pas reconnus, le pays ne disposait ni de données quant à leur nombre et à leur lieu de résidence ni de données ventilées à leur égard. Quoi qu’il en soit, ils ne vivent ni particulièrement en zones urbaines ou en zones rurales mais sont intégrés à la population dans tout le pays. Pour des raisons historiques, ils ont développé des modes alternatifs d’expression culturelle, modifié leur manière de parler et cessé de porter leurs vêtements traditionnels afin de minimiser le risque de discrimination et de torture et d’avoir la vie sauve.

31.M. Avtonomov assure la délégation que les observations et recommandations finales du Comité se fonderont non seulement sur le rapport périodique mais aussi sur les informations détaillées fournies par la délégation salvadorienne. Il se dit certain que les éléments qui y figureront aideront le Gouvernement à élaborer de nouvelles politiques et à soutenir les peuples autochtones qui ont connu de longues souffrances. Les terribles événements de 1932 les ont contraints à modifier leur mode de vie, leur cosmogonie et leur relation à la terre. L’existence de personnes d’ascendance africaine a également été niée. Un tournant historique a été atteint et le Comité fera tout son possible pour aider le Gouvernement salvadorien à mettre en œuvre la Convention.

Le débat résumé prend fin à 11 h 45.