NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.189122 septembre 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-treizième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1891e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 8 août 2008, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième à dix‑septième rapports périodiques de l’Autriche (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Quinzième à dix-septième rapports périodiques de l’Autriche (CERD/C/AUT/17; HRI/CORE/1/Add.8; liste des points à traiter et réponses écrites, documents sans cote distribués en séance, en anglais seulement)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation autrichienne reprend place à la table du Comité.

2.MmeOHMS (Autriche) dit que les expressions «minorité ethnique» et «minorité nationale» utilisées dans le rapport constituent en fait deux traductions différentes du terme allemand «Volksgruppe», lequel désigne les minorités ethniques autochtones, soit − d’après la définition contenue dans la loi sur les minorités ethniques − des groupes de personnes de nationalité autrichienne qui sont établies dans le pays depuis une centaine d’années et vivent dans certaines régions, qui ont une langue maternelle autre que l’allemand et des traditions, une culture et un folklore spécifiques. Les migrants sont quant à eux désignés par le terme «minorités». Par ailleurs, l’Autriche ne compte pas de minorité rhéto‑romane. Le Gouvernement autrichien considère que la langue que les individus parlent dans leur vie quotidienne est une caractéristique essentielle de leur identité culturelle, raison pour laquelle les personnes interrogées lors du recensement de 2001 ont pu donner plusieurs réponses aux questions portant sur la langue.

3.D’après les statistiques établies par les organes publics compétents, il existe une corrélation manifeste entre le niveau des revenus et l’origine nationale ou ethnique des individus. On constate en effet des différences non seulement entre ressortissants et non‑ressortissants, mais aussi parmi les Autrichiens eux‑mêmes, entre ceux qui sont Autrichiens depuis la naissance et ceux qui ont acquis la nationalité par naturalisation. Ces statistiques permettent d’orienter les politiques publiques et de prendre des mesures ciblées en faveur des groupes défavorisés.

4.Concernant les mesures spéciales prises afin de donner suite aux dispositions du paragraphe 4 de l’article premier de la Convention, Mme Ohms signale que les pouvoirs publics allouent 3,6 millions d’euros par an à la protection et à la promotion de la langue et de la culture des minorités ethniques vivant en Autriche. Comme il est indiqué au paragraphe 83 du rapport (CERD/C/AUT/17), les Roms bénéficient quant à eux d’une aide supplémentaire de 1,1 million d’euros répartie sur dix ans, qui est notamment destinée au recensement des Roms massacrés sous le régime nazi. En outre, des mesures ont été prises afin que les enfants appartenant à une minorité puissent bénéficier d’un enseignement bilingue. Grâce à ces efforts, la tendance des langues des minorités à disparaître a pu être non seulement jugulée mais aussi inversée.

5.Par ailleurs, Mme Ohms souligne que les conseils consultatifs chargés des minorités ethniques sont tout à fait indépendants vis‑à‑vis du Gouvernement: 50 % des membres de ces organes sont nommés sur la base de propositions émanant d’associations de défense des droits des minorités et la composition de ces conseils est soumise à un contrôle juridique. En outre, leur président doit avoir été désigné par les minorités elles‑mêmes et sa voix a un poids décisif en cas de vote.

6.Quant aux travailleurs migrants, Mme Ohms souligne que des programmes de soutien destinés spécifiquement à cette catégorie de personnes sont financés par le budget de l’État, dont des cours d’aide à la recherche d’emploi. En 2007, 125 millions d’euros ont été alloués à des programmes de ce type et 42 700 personnes en ont bénéficié.

7.La décision rendue en 2001 par la Cour constitutionnelle sur les indications toponymiques en Carinthie et les jugements rendus par la suite ont été publiés au Journal officiel et, de ce fait, les lois alors en vigueur dans cette région ont été abrogées et l’obligation de créer des panneaux indicateurs bilingues dans certaines circonscriptions de la Carinthie et du Burgenland a été réaffirmée. Cette question est extrêmement délicate et le Gouvernement autrichien s’efforce de trouver une solution acceptable pour toutes les parties prenantes.

8.Les rapports entre le Gouvernement autrichien et la communauté musulmane, communauté religieuse reconnue dans le droit interne depuis 1912, peuvent être qualifiés de satisfaisants. Le Gouvernement autrichien attache une grande importance au dialogue entre les cultures et les religions, comme en témoigne le fait que deux conférences des imams d’Europe ont été organisées en Autriche, l’une à Graz, en 2003, l’autre à Vienne, en 2006.

9.Les pouvoirs publics autrichiens ont à cœur de préserver la liberté d’expression et la diversité des médias. Étant donné que l’Autriche est un petit pays et que beaucoup de journaux subsistent à grand peine, le Gouvernement a décidé de leur allouer des subventions afin de préserver la pluralité de l’offre. En 2007, il a consacré 30 millions d’euros à cette fin. Toutefois, cela ne signifie nullement que les pouvoirs publics s’ingèrent dans les activités des médias: ces derniers ont leur propre organe de contrôle interne, le Conseil de la presse (Presserat), qui veille à ce que la déontologie de la profession soit respectée par ses membres. Il existe en outre un organe judiciaire habilité à recevoir les plaintes des particuliers contre la presse et, le cas échant, à ordonner le versement de dommages et intérêts à la victime.

10.Contrairement à ce qui a été affirmé lors de la première partie de l’examen du rapport, l’Autriche n’a pas de politique préétablie en matière d’adhésion aux instruments internationaux. Si elle n’a pas encore ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, c’est que les experts chargés de l’examiner travaillent par périodes. Pour le moment, ils ont encore des réticences concernant les possibilités d’adhésion de l’Autriche à cet instrument.

11.M. BOGENSBERGER (Autriche) dit qu’en vertu de l’article 3 b) de la loi sur l’interdiction du national‑socialisme, toute forme de participation à une organisation raciste, y compris le fait de soutenir financièrement une telle organisation, constitue une infraction grave passible d’une peine de vingt ans d’emprisonnement. Ladite loi ainsi que l’article 283 du Code pénal répriment les formes les plus graves d’incitation à la haine raciale. Les actes qui ne tombent pas sous le coup de ces deux textes de loi peuvent être punis en vertu des dispositions pertinentes du Code de procédure administrative.

12.L’article 283 du Code pénal n’est nullement exclusif et ses dispositions ne s’appliquent pas uniquement aux groupes ethniques reconnus en tant que tels en Autriche mais à toute personne visée par des propos hostiles en raison de sa religion, de sa race ou de sa nationalité. En conséquence, les étrangers et les demandeurs d’asile bénéficient de la protection prévue à l’article 283 du Code pénal. S’agissant du risque, invoqué par un membre du Comité, que ledit article soit appliqué de manière restrictive, à savoir que les actes d’incitation à la haine raciale ne soient réprimés que dans la mesure où ils portent atteinte à l’ordre public, M. Bogensberger fait observer que le paragraphe 2 dudit article ne mentionne pas les troubles à l’ordre public et qu’en conséquence, cet élément n’est pas indispensable pour ouvrir des poursuites. Toutefois, la délégation a pris bonne note des préoccupations exprimées par le Comité sur ce point et l’informe que les autorités compétentes les prendront en compte au moment de réexaminer l’article 283 du Code pénal, qui doit être revu dans le cadre des travaux de transposition dans le droit interne de la Décision‑cadre relative à la lutte contre le racisme et la xénophobie. Étant donné que des élections législatives anticipées doivent se tenir en septembre 2008, cette question sera examinée une fois que le nouveau parlement aura été élu.

13.La formation de base des juges et des procureurs comporte des cours obligatoires sur la discrimination raciale et la xénophobie ainsi que sur l’attitude à adopter à l’égard des victimes dans le cadre d’une procédure. La formation continue des juges et des procureurs comprend quant à elle des cours dans toute une série de domaines liés aux droits de l’homme, notamment la jurisprudence des juridictions européennes et le rôle des tribunaux dans les procédures d’asile. Le programme de formation des juges et des procureurs pour l’année universitaire 2008/09 comprend au moins six séminaires sur le racisme et la sensibilisation du personnel des organes judiciaires à cette question.

14.Conformément au Code de procédure pénale et à la loi sur les victimes d’infractions pénales, les fonctionnaires de police sont tenus d’informer immédiatement les victimes de leurs droits, notamment le droit à une aide juridictionnelle, à une indemnisation et à une aide financière. Les victimes ont accès à une aide juridictionnelle gratuite qui leur est accordée avant, pendant et après la procédure, ainsi qu’à des services de soutien psychosocial offerts dans tous les Länder. En 2000, il n’y avait que quatre services de ce type dans le pays, contre 27 en 2007. Le budget affecté aux services de soutien psychosocial est passé de 17 000 euros en 2000 à 4,5 millions d’euros en 2008. Le nombre de bénéficiaires est passé de 42 en 2000 à 20 000 en 2006, et il a continué de progresser depuis.

15.MmeKUSSBACH (Autriche) dit que le morcellement de la législation sur l’égalité de traitement (voir rapport, par. 36), qui est composée d’une vingtaine de lois, s’explique notamment par le fait que l’Autriche est un État fédéral. Cette situation complique fortement la tâche des victimes qui souhaitent connaître exactement leurs droits ainsi que celle des praticiens du droit et des divers médiateurs du pays. Étant donné l’absence de projet d’harmonisation de la législation en la matière, le Bureau du médiateur pour les questions d’égalité de traitement (voir rapport, par. 36) met l’accent sur la diffusion d’informations à l’intention du public, notamment sur son site Web, et les activités de formation à l’intention du personnel des organismes compétents dans ce domaine.

16.S’agissant de la discrimination dans l’accès aux biens et aux services et des possibilités d’indemnisation, Mme Kussbach rappelle que le Code administratif comporte des dispositions permettant aux victimes d’actes de discrimination de réclamer une indemnisation. En 2007, à la suite de la dénonciation par l’organisation non gouvernementale ZARA (Zivilcourage und Anti ‑Rassismus ‑ Arbeit) du contenu discriminatoire d’une centaine d’offres d’emploi, le conseil du médiateur chargé des droits de l’homme a recommandé que les dispositions du Code administratif soient appliquées plus systématiquement et efficacement et, depuis, des résultats encourageants ont déjà été enregistrés à cet égard.

17.Conformément à loi sur l’égalité de traitement, il est prévu de nommer un médiateur, lequel sera compétent en matière non seulement d’égalité des sexes, mais aussi de discrimination raciale dans l’accès aux biens et aux services. Ce médiateur est habilité à saisir la Commission pour l’égalité de traitement (voir rapport, par. 36) ainsi qu’à régler les litiges par voie de médiation, le cas échéant.

18.S’agissant de l’indemnisation, Mme Kussbach reconnaît que, même si le droit interne contient des dispositions permettant aux victimes d’actes de racisme de demander réparation et qu’en particulier, la loi sur l’égalité de traitement fait bénéficier les victimes de harcèlement raciste d’une indemnisation de 720 euros, ces dispositions ne sont pas assez souvent appliquées dans la pratique du fait que les victimes sont rebutées par le fait qu’une procédure de ce type est généralement longue et coûteuse. Toutefois, les personnes qui souhaitent intenter une action et qui n’en ont pas les moyens peuvent se voir accorder un soutien financier à cette fin par la Chambre du travail (voir rapport, par. 9) et certaines organisations non gouvernementales.

19.M. HOLUBETZ (Autriche) dit que deux améliorations touchant à l’éducation des minorités nationales ont été apportées par son pays depuis la présentation du précédent rapport périodique. Ainsi, la loi carinthienne du 12 juillet 2001 sur le financement des écoles maternelles (voir rapport, par. 77) permet aux écoles maternelles privées bilingues ou multilingues de Carinthie, où vit la minorité slovène, de bénéficier d’un soutien financier de l’État. Cette loi prévoit également des mesures visant à garantir la qualité de l’éducation bilingue dans les écoles maternelles bilingues.

20.Dans le Burgenland, l’enseignement préscolaire destiné aux Croates et aux Hongrois germanophones est traditionnellement assuré par les écoles maternelles municipales des communautés concernées. Une modification de la loi du Burgenland du 8 juillet 2005 sur les écoles maternelles du Burgenland (ibid., par. 77) a porté de neuf à douze heures la durée minimale hebdomadaire de l’enseignement dispensé en croate ou en hongrois, dans les écoles maternelles bilingues. Parallèlement, le nombre minimum requis pour ouvrir une classe maternelle bilingue dans le Burgenland et en Carinthie a été porté à sept élèves, alors que ce nombre est de dix élèves dans d’autres régions du pays. On pense que cette mesure explique pourquoi le nombre d’élèves scolarisés en Carinthie et dans le Burgenland est supérieur à la moyenne nationale.

21.M. Holubetz répond par l’affirmative à la question de savoir si l’apprentissage interculturel inclut l’apprentissage d’une autre langue ou de l’histoire, et précise que le principe de l’enseignement interculturel (ibid., par.22) vise à contribuer à une meilleure compréhension mutuelle et à l’élimination des préjugés.

22.M. RUSCHER (Autriche) explique que le Ministère de l’intérieur dispose depuis 2003 d’un service spécialisé chargé de traiter les plaintes relatives aux comportements racistes et aux mauvais traitements liés à des motifs racistes imputables à des fonctionnaires. Ce service, dénommé «Bureau des affaires internes» (ibid., par. 98), est en quelque sorte une unité de police d’exception totalement indépendante des services de police fédéraux. Il est composé de fonctionnaires qui ont suivi une formation spécialisée.

23.Le Bureau des affaires internes a enregistré 357 plaintes en 2006 et 474 en 2007, pour la plupart liées à des délits d’insultes racistes. Lorsqu’un comportement répréhensible est constaté, une procédure judiciaire est engagée. Si le comportement est de nature délictuelle, le Procureur de l’État peut être saisi; dans le cas inverse, des mesures disciplinaires sont prises contre le fonctionnaire concerné. L’Autriche dispose donc d’un système efficace de justice interne pour les fonctionnaires qui ont enfreint les normes établies en matière de respect des droits de l’homme.

24.Entre mars 2003 et novembre 2005, le Ministère de l’intérieur a adressé un certain nombre de directives aux administrations de l’État pour attirer leur attention sur ce que tout soupçon de comportement raciste ou de mauvais traitement commis par un fonctionnaire de police doit obligatoirement être signalé à un juge d’instruction, au Bureau fédéral des affaires internes, ainsi qu’au Conseil consultatif des droits de l’homme (ibid., par. 99). Lorsque les faits sont avérés, les victimes reçoivent naturellement une indemnisation versée par l’État.

25.Le Conseil consultatif des droits de l’homme, constitué en juillet 1999, est un organisme indépendant qui est chargé d’examiner la conformité aux droits de l’homme des activités des agents de la force publique, des autorités subordonnées au Ministre fédéral de l’intérieur et des institutions ayant des pouvoirs de commandement ou de contrainte en tant qu’autorités administratives.

26.Le Conseil consultatif des droits de l’homme rédige des rapports de fond sur de grands thèmes relatifs au respect des droits de l’homme. Il a ainsi publié trois rapports: le premier portant sur le traitement des plaintes formées par des instances nationales contre des fonctionnaires, le deuxième sur l’assistance sanitaire aux personnes en attente d’expulsion et le troisième sur les conditions de détention dans les postes de police, dont il s’est inspiré pour adresser des propositions d’amélioration au Ministre fédéral de l’intérieur. Depuis 1999, le Conseil a adressé 326 recommandations au Ministre de l’intérieur, dont 159 ont été appliquées intégralement et 106 partiellement.

27.M. Ruscher explique que le Conseil consultatif des droits de l’homme s’attache principalement à mettre en évidence d’éventuels défauts structurels dans le cadre des activités menées par les agents des forces de l’ordre et de sécurité et à jouer un rôle préventif en formulant des recommandations propres à améliorer le respect des droits de l’homme. Le Président du Conseil est désigné par le Président de la Cour constitutionnelle et ses membres sont d’éminents experts totalement indépendants. Le Conseil peut aussi effectuer des visites inopinées dans tous les centres pénitentiaires du pays sans que quiconque puisse s’y opposer. Les membres du Conseil consultatif doivent pouvoir accéder librement à tous les détenus et avoir la possibilité de s’entretenir avec eux en privé. En 2007, des membres du Conseil ont visité 567 lieux de détention et se sont rendus dans 130 commissariats. Ils ont également assisté à 113 opérations de police.

28.Le Conseil consultatif veille également à la formation aux droits de l’homme des forces de police. Un projet intitulé «Police, organe des droits de l’homme» a été conçu afin d’offrir aux policiers une formation permanente obligatoire aux droits de l’homme. Ce projet, réalisable sur un période de trois ans, est doté d’un budget de 700 000 euros.

29.M. AMIR s’interroge sur le point de savoir si le Gouvernement fédéral autrichien, en finançant des organes de presse qui publient des articles à caractère raciste, n’enfreint pas, ce faisant, l’article 4 de la Convention qui prescrit expressément aux États parties de déclarer délits punissables par la loi la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciales et de ne pas permettre aux autorités publiques d’inciter à la discrimination raciale ou de l’encourager.

30.M. Amir souhaite également savoir si le Gouvernement fédéral autrichien a informé tous les propriétaires de lieux publics que la législation nationale prohibe d’interdire l’accès à des lieux publics pour des motifs liés à la race, à l’appartenance ethnique ou à la couleur de la peau.

31.M. CALI TZAY, préoccupé par la recrudescence des groupes néonazis et des comportements racistes et xénophobes dans l’État partie en dépit de la mise en œuvre de programmes d’éducation interculturelle bilingue, voudrait savoir quels étaient les groupes ethniques dominants qui composaient l’Autriche avant l’arrivée d’immigrants dans ce pays.

32.M. de GOUTTES, se référant aux paragraphes 49 et 50 du rapport à l’examen relatifs à l’aide juridique que peuvent apporter les organisations non gouvernementales (ONG) aux victimes du racisme et de la discrimination raciale, demande quelles conditions doivent remplir les ONG qui veulent agir en qualité de partie à l’instance, si toutes les ONG peuvent prétendre à ce statut, et quelle place elles occupent au sein du procès.

33.M. de Gouttes demande à la délégation autrichienne d’indiquer si l’État partie a instauré un système d’inversion de la charge de la preuve en matière civile pour les victimes d’actes de racisme et de discrimination raciale lorsqu’il s’agit d’une affaire relevant du droit du travail notamment, insistant sur le fait qu’un tel système est d’un grand recours pour les victimes qui rencontrent souvent des difficultés à prouver la motivation raciale dans ce type d’affaire. Il voudrait savoir si la législation de l’État partie autorise le «testing», méthode dont le but est de constater sur le terrain que des tenanciers de restaurants ou de discothèques refusent l’accès à leur établissement à certaines personnes en raison de leur race ou de leur origine ethnique.

34.M. AVTONOMOV demande à la délégation de préciser si l’Université de Graz, dans le cadre de son projet de transcription de la langue tzigane, s’est intéressée à celui qu’a mené la Russie dans le but de codifier la langue tzigane écrite, en élaborant notamment des manuels grammaticaux et didactiques présentant les principes linguistiques communs aux différents dialectes parlés par les Roms.

35.M. LAHIRI se félicite que soient recueillies sur les groupes ethniques présents sur le territoire autrichien depuis plus d’un siècle des statistiques qui permettent de se faire une idée plus précise de leur diversité, des inégalités dont ils souffrent − en matière d’accès à l’emploi notamment − des mesures palliatives qui ont été éventuellement prises en leur faveur (par exemple les aides financières) et demande que de telles statistiques figurent dans le prochain rapport périodique de l’État partie. Il souhaiterait savoir ce qu’il en est des groupes ethniques arrivés plus récemment et ne doute pas qu’un pays aussi méthodique que l’Autriche recueille des statistiques sur eux, sur leur situation en matière d’accès à l’emploi, à l’éducation et au logement notamment, ou encore sur les éventuelles brutalités policières dont ils sont victimes.

36.Enfin, M. Lahiri ne voit pas dans quel intérêt l’État partie a octroyé aux musulmans le statut de communauté dès 1912, sachant que celle-ci s’est divisée en plusieurs groupes tels que les «musulmans indiens» et les «musulmans africains», selon une distinction manifestement fondée non pas sur la religion mais sur l’origine ethnique ou raciale.

37.M. PETER se félicite de la nouvelle image qu’est en train d’acquérir l’État partie et de la nouvelle mentalité qui se fait jour en Autriche sur le plan de la tolérance et du respect de l’autre. Il note avec satisfaction les valeurs et principes mis en avant dans une brochure destinée aux forces de l’ordre − qui prône la confiance et la compréhension à l’égard d’autrui, rappelle que la sécurité et l’assistance ne connaissent pas de frontières et que la police est au service de tous et que la diversité culturelle est un facteur de richesse. Il espère que cette brochure est diffusée largement au sein du public.

38.M. Peter se félicite en outre des travaux du Conseil consultatif des droits de l’homme dont les recommandations semblent être bien plus largement appliquées que celles d’instances similaires existant dans d’autres pays.

39.Il souhaiterait savoir si la médiatrice chargée des questions d’égalité de traitement s’estime suffisamment autonome et pense disposer des moyens nécessaires pour agir, et, enfin, si des initiatives sportives et culturelles sont prises pour intégrer les personnes d’origine étrangère dans la population autrichienne de souche.

La séance est suspendue à 11 h 50 ; elle est reprise à 12 h 5 .

40.MmeOHMS (Autriche) dit qu’il n’existe aucune censure dans son pays, que le financement de certains journaux et publications a pour seul objectif d’éviter que l’ensemble de la presse écrite soit concentré entre les mains d’un ou deux groupes de presse omnipotents comme par le passé. Seuls les grands journaux dont le tirage dépasse 10 000 exemplaires à l’échelle du pays reçoivent un financement. Les quotidiens et publications de moindre diffusion, susceptibles de dérives racistes, n’en bénéficient pas, exception faite de certaines publications spécialisées triées sur le volet.

41.En apportant son soutien financier à certains journaux, le Gouvernement espère également contribuer à améliorer la qualité de l’information, à financer la formation de la nouvelle génération de journalistes et de correspondants à l’étranger et à encourager la lecture de la presse dans les écoles.

42.Mme Ohms indique qu’au nombre des minorités nationales figurent la minorité slovène de Carinthie et de Styrie, la minorité croate du Burgenland, la minorité hongroise du Burgenland et de Vienne, les minorités tchèque et slovaque de Vienne et la minorité rom du Burgenland. Pour ce qui est des principaux groupes d’immigrants représentés dans l’État partie, Mme Ohms invite les membres du Comité à se référer à la partie correspondante des réponses écrites à la liste de points à traiter.

43.Mme Ohms dit que le projet de recherche sur la langue romani entrepris à l’Université de Graz, en Styrie, se poursuit, mais ne saurait dire si les chercheurs de cette université ont pris contact avec leurs homologues russes dans ce cadre.

44.Mme Ohms précise ensuite que l’Autriche ne dispose pas de données statistiques sur les minorités nationales autochtones ventilées selon des critères sociaux. Elle peut uniquement fournir au Comité des statistiques établissant une distinction entre les nationaux et les non‑nationaux et fournissant des informations sur les personnes qui ont acquis la nationalité autrichienne par la naissance et par d’autres voies.

45.M. RUSCHER (Autriche) dit que le fédéralisme autrichien repose sur le Gouvernement fédéral d’une part, et les neuf Länder, d’autre part. L’un et les autres se sont dotés d’une législation et de leurs propres instances chargées de faire respecter la loi. La Constitution fédérale précise toutefois les responsabilités exclusives du Gouvernement fédéral et celles des Länder. La législation relative à la discrimination raciale est exclusivement du ressort du Gouvernement fédéral et seuls les tribunaux fédéraux peuvent connaître des affaires qui s’y rapportent.

46.En ce qui concerne l’interdiction d’accès à un lieu public (bars, restaurants, etc.) pour des motifs racistes, le délégué de l’Autriche dit que le Ministère de l’intérieur ne peut ordonner l’affichage de pancartes garantissant l’accès de tous à un lieu public géré par un propriétaire privé. Il n’en reste pas moins que tous les propriétaires de lieux publics doivent respecter la loi fédérale. M. Ruscher se félicite que le Comité ait favorablement accueilli le projet intitulé «Police, organe des droits de l’homme» car celui-ci correspond à la nouvelle image que l’Autriche veut donner de la police. D’une manière générale, il importe que les institutions autrichiennes s’adaptent à l’évolution de la société, y compris à l’augmentation sensible du nombre de migrants et d’étrangers dans le pays ces dernières années.

47.M. HOLUBETZ (Autriche) dit que contrairement aux années 80 où l’Autriche mettait en œuvre une politique d’assimilation des migrants, la priorité est aujourd’hui donnée à une politique d’intégration, notamment grâce à l’éducation interculturelle. Tous les élèves doivent apprendre à respecter les autres cultures et religions et la majorité des enseignants inculquent avec ardeur et conviction les principes de tolérance et d’acceptation de la différence. De multiples initiatives visent à favoriser en particulier l’intégration des étrangers dans les domaines de la culture et du sport, notamment grâce à la mise en scène de pièces de théâtre en allemand, en serbo‑croate et dans l’une des langues parlées par les Roms, à la distribution de billets d’entrée gratuits à des musées, au programme intitulé «Danse pour la tolérance» mis en place par la municipalité de Vienne ou encore aux activités de l’association «Contacts culturels» qui s’emploie à resserrer les liens entre étrangers et Autrichiens.

48.M. BOGENSBERGER (Autriche) dit qu’aux fins de la protection juridique des victimes en matière pénale, le Ministère de la justice signe des contrats‑cadres avec des services d’appui extérieurs qui prévoient bien entendu la prestation aux victimes de services juridiques fournis par des avocats. L’article 66 du paragraphe 2 du Code de procédure pénale dispose que l’assistance juridique comprend à la fois la fourniture de conseils juridiques et la représentation du justiciable par un avocat devant les tribunaux.

49.Mme KUSSBACH (Autriche) dit que la loi sur l’égalité de traitement est une loi fédérale qui prévoit des mécanismes de plainte pour tous, Autrichiens et étrangers, et qui est pleinement conforme aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Sa mise en œuvre pose toutefois un certain nombre de problèmes liés notamment à l’absence de bureaux régionaux de la Commission pour l’égalité de traitement et du Bureau du Médiateur pour les questions d’égalité de traitement, et à l’insuffisance des ressources qui ne permet pas d’aider directement les victimes. En vertu de l’article 12 de la loi sur l’égalité de traitement, les ONG sont autorisées à représenter les victimes de discrimination devant la Commission pour l’égalité de traitement. En revanche, comme c’est le cas dans les autres pays, les victimes doivent se faire représenter par un avocat en matière civile. À ce jour, une seule décision judiciaire a été rendue pour discrimination fondée sur la race, à Vienne. La victime a obtenu une indemnité d’un montant de 800 euros.

50.L’article 26 de la loi sur l’égalité de traitement prévoit le renversement de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination, même s’il faut reconnaître que la loi ne va pas aussi loin que la législation européenne en la matière. La pratique du «testing» n’est pas interdite en Autriche et il semblerait que des ONG y aient recours. Toutefois, la délégation ne dispose pas d’informations précises sur la question. D’une manière générale, Mme Kussbach dit que pour mieux s’acquitter de sa mission, le Bureau du Médiateur souhaiterait jouir d’une plus grande indépendance et ne plus relever de la Chancellerie fédérale et du Ministère de la femme. Il voudrait être doté de ressources plus importantes puisque ses effectifs actuels ne sont composés que de trois avocats et d’une secrétaire à temps partiel, qui officient à partir de Vienne seulement. Il souhaiterait aussi avoir des compétences plus étendues, notamment pour pouvoir intenter des procédures administratives. Il peut actuellement saisir les tribunaux civils si les affaires qu’il a transmises à la Commission pour l’égalité de traitement ont été jugées irrecevables par celle‑ci.

51.M.DIACONU (Rapporteur pour l’Autriche) se félicite que la délégation autrichienne ait répondu à toutes les questions posées par les membres du Comité, ce qui lui permet de se faire une meilleure idée de la situation dans le pays en ce qui concerne la discrimination et le racisme. Force est de constater que l’Autriche a la volonté politique de faire évoluer les mentalités et d’œuvrer en faveur d’un plus grand respect des identités culturelles et religieuses. En ce qui concerne les points négatifs, le rapporteur déplore que l’État partie conserve une attitude quelque peu paternaliste à l’égard des minorités. Il ne s’agit pas de reconnaître toutes les minorités présentes dans le pays mais d’accorder au moins à chacune des personnes appartenant à des minorités des droits spécifiques pour leur permettre de s’intégrer pleinement dans la société. Le rapporteur constate par exemple que la délégation fait souvent référence à telle minorité de telle région ou de tel État autrichien comme si l’État partie voulait minimiser l’importance des minorités en leur conférant un statut uniquement régional. Entre autres recommandations, l’État partie devrait à son avis adopter des mesures spéciales en faveur des minorités, renforcer les compétences et accroître les ressources du Bureau du Médiateur et associer davantage les ONG à l’élaboration des politiques relatives à la lutte contre la discrimination et le racisme.

52.La PRÉSIDENTE se félicite du dialogue franc et constructif qu’entretiennent les membres du Comité et l’Autriche et se dit particulièrement impressionnée par l’intérêt que témoigne la délégation autrichienne aux préoccupations du Comité. Elle indique que le Comité a achevé la première partie de l’examen des quinzième à dix‑septième rapports périodiques de l’Autriche.

53. La délégation autrichienne se retire.

La séance est levée à 13 heures.

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