Nations Unies

CERD/C/SR.1948

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

21 mai 2010

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-quizième session

Compte rendu analytique de la 1948 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 12 août 2009, à 15 heures

Présidente: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dixième à quatorzième rapports périodiques de la Colombie

La séance est ouverte à 15 h 20.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties en application de l’article 9 de la Convention (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Dixième à quatorzième rapports périodiques de la Colombie (CERD/C/COL/14; CERD/C/COL/Q/14; HRI/CORE/1/ Add .56/ Rev .1)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation colombienne prend place à la table du Comité.

2.M. Garzón (Colombie), soulignant que le Ministre de la culture de son pays est d’ascendance africaine, dit que le Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a dernièrement effectué une mission en Colombie et que l’experte indépendante sur les questions relatives aux minorités a été invitée par le Gouvernement à se rendre dans le pays en 2010.

3.M me  García (Colombie), évoquant le caractère multiethnique et multiculturel de la population colombienne, reconnaît que les membres des groupes ethniques minoritaires subissent encore certaines formes de discrimination raciale dans le pays. Cette discrimination n’est toutefois ni autorisée par la loi ni délibérément exercée par l’État. Au contraire, le Gouvernement a pris des mesures pour prévenir la discrimination et garantir une véritable égalité, y compris par le biais de mesures correctives en faveur de ces groupes. Conformément à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, les peuples et communautés autochtones disposent de leurs propres représentants politiques, leurs dirigeants sont reconnus de même que leurs droits fonciers, des mécanismes leur permettent de dialoguer avec les autorités publiques et ils sont préalablement consultés pour toute question les concernant directement. Mme García évoque en termes généraux l’engagement pris par la Colombie pour défendre les droits de l’homme pour tous et garantir l’égalité. Elle ajoute que la société civile a contribué régulièrement aux efforts que le Gouvernement déploie de longue date à cette fin. La Constitution de 1991 consacre non seulement le principe d’égalité mais prend également en compte la diversité et prévoit que des mesures correctives peuvent être prises en faveur des groupes les plus vulnérables, y compris des groupes ethniques et culturels. Citant les articles de la Constitution qui concernent plus particulièrement les groupes autochtones et ethniques, la représentante précise que ceux-ci sont décrits en détail dans le rapport périodique de son pays et passe en revue les institutions qui sont chargées de formuler et mettre en œuvre les politiques visant à protéger ces groupes et leurs droits.

4.En Colombie, le service du Défenseur du peuple, conjointement avec le Procureur délégué à la prévention dans le domaine des droits de l’homme et aux affaires ethniques, est spécialement chargé de la défense des minorités ethniques et joue un rôle d’observateur indépendant dans le cadre de la lutte contre la discrimination. La Cour constitutionnelle colombienne a élaboré une jurisprudence élargie sur la situation des groupes ethniques et des populations autochtones, comme cela est indiqué en détail dans le rapport périodique dont le Comité est saisi (CERD/C/COL/14). Conformément aux décisions nos 004, 005 et 092 de 2009 par lesquelles la Cour constitutionnelle a demandé instamment au Gouvernement d’améliorer la situation des autochtones et des Afro-Colombiens et des femmes déplacées ou susceptibles de l’être, le Gouvernement a pris des mesures en ce sens.

5.Mme García explique les défis auxquels la Colombie est confrontée en raison de la violence exercée par des groupes armés illégaux depuis des décennies. À l’issue de sa visite dans le pays en juillet 2009, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones s’est dit préoccupé par les actes et le comportement des groupes armés illégaux, qui ont un mépris total pour les droits de l’homme et le droit international humanitaire et sont visiblement responsables de la plupart des assassinats et autres atrocités commis contre les autochtones. Depuis 2002, toutes les politiques du Gouvernement colombien visent à protéger les droits et libertés des citoyens face à cette menace et des progrès importants ont été enregistrés dans ce domaine: le taux d’homicides a quasiment été divisé par deux entre 2002 et 2008 et le nombre d’enlèvements est passé de 2 882 à 437 au cours de la même période. Des mesures ciblées ont été prises pour répondre aux besoins différenciés des groupes autochtones et ethniques et des programmes coordonnés entre divers services administratifs ont été réalisés, en consultation avec les organisations autochtones. Plusieurs textes de loi ont par la suite été adoptés, qui contiennent notamment des dispositions relatives à la protection des droits de l’homme des populations autochtones garantissant l’adoption de mesures appropriées par les organes chargés de l’application des lois. Des efforts importants ont par ailleurs été déployés pour améliorer les relations entre ces organes et les communautés qu’elles desservent, y compris les Noirs et les groupes autochtones.

6.Une attention particulière a été accordée au soutien des personnes déplacées par la violence qui sévit dans le pays. Le Gouvernement colombien a élaboré des politiques, des plans et des programmes à cet effet et d’importantes ressources financières ont été allouées à la résolution de ce problème − 2,2 milliards de dollars pour la période 2007-2010. Les besoins spécifiques des groupes ethniques déplacés sont pris en compte, non seulement sur le plan de l’aide humanitaire mais aussi des droits fonciers, et le Gouvernement a établi des mécanismes de concertation avec les groupes ethniques déplacés ou touchés par la pauvreté pour encourager un développement social, économique et culturel durable et réduire les inégalités. Des programmes spécifiques ont été élaborés pour aider les autochtones et les groupes ethniques à sortir de la pauvreté et à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement, et des progrès ont d’ores et déjà été enregistrés à cet égard. Le Gouvernement s’efforce également d’associer les communautés autochtones aux procédures alternatives de développement tout en respectant leurs traditions, en vue de renforcer l’efficacité de sa gouvernance.

7.Tout un éventail de mesures correctives a été élaboré en faveur des groupes ethniques dans le domaine de la collecte de données statistiques, des soins de santé et de l’éducation, qui garantissent, notamment, la gratuité des soins de santé pour les membres des communautés autochtones, l’utilisation de la médecine traditionnelle, le suivi des taux de scolarisation des enfants appartenant à des communautés autochtones et ethniques, et l’enseignement des langues et de la culture des minorités à tout âge.

8.Les autorités publiques ont consulté les communautés concernées au sujet des composantes interculturelles et méthodologiques des projets éducatifs. Des dispositions ont été prises pour veiller à ce qu’ils soient réalisés en coordination avec toutes les institutions et fassent l’objet d’une évaluation périodique. Des subventions ont été accordées à 36 projets d’ethno-éducation entre 2003 et 2008, 21 autres devant également bénéficier d’un soutien financier en 2009 et en 2010. Le Ministère de l’éducation nationale encourage la consultation sur la politique ethno-éducative et veille à sa mise en œuvre coordonnée et élabore des directives en vue de renforcer des organismes tels que les assemblées municipales et départementales de l’enseignement pour les Afro-Colombiens.

9.En 2005, un concours a été organisé afin de recruter 6 000 ethno-éducateurs afro-colombiens. En outre, 5 000 Afro-Colombiens et 2 985 étudiants autochtones ont bénéficié de bourses d’études et un fonds de bourses universitaires vient d’être mis en place en faveur des étudiants autochtones et afro-colombiens qui souhaitent entreprendre des études à l’étranger.

10.En consultation avec la Commission pédagogique nationale pour les Afro-Colombiens, le Ministère de l’éducation nationale a élaboré en 2004, puis en 2005, les directives applicables à la chaire d’études afro-colombiennes. En 2007, le Ministère a soutenu les travaux de recherche menés par quelque 400 enseignants sur les progrès réalisés dans l’application de ces directives. Des nouvelles directives, tenant compte des conclusions des travaux de recherche susmentionnés, devraient être publiées sous peu.

11.Les programmes scolaires mettent l’accent sur l’égalité entre hommes et femmes, l’inégalité des femmes étant due à des raisons historiques et culturelles. Avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population, l’approche en termes de parité a été incorporée dans les principes directeurs pédagogiques applicables aux programmes éducatifs transversaux ayant trait à la sexualité et aux droits de l’homme.

12.Le Conseil national de la culture, le Conseil national du patrimoine et le Conseil national des arts doivent obligatoirement compter des membres des communautés ethniques et le Ministère de la culture gère la programmation de la chaîne de télévision publique Señal Colombia, qui diffuse des programmes culturels spécifiquement conçus pour les communautés autochtones et les Afro-Colombiens.

13.Le cadre général de protection intégrée des droits des enfants et des adolescents membres des communautés ethniques a été établi. Celui-ci reconnaît que les spécificités distinctives de chaque communauté doivent être préservées. Une enveloppe de 11 millions de dollars a été allouée de 2002 à 2009 aux projets menés par l’Institut colombien du bien-être familial en faveur des groupes ethniques. En règle générale, les politiques visant à améliorer la qualité de vie et le bien-être des communautés ethniques sont fondées sur les souhaits exprimés par les peuples autochtones. Aucun groupe ethnique ne constitue cependant une entité isolée mais fait partie intégrante d’une société ouverte où chacun peut profiter de ressources exogènes sans avoir à renoncer à son identité.

14.Le respect de la diversité culturelle est également au cœur de la Politique pour les femmes édificatrices de paix et de développement formulée par le Bureau du Conseiller à la Présidence pour l’égalité des femmes. La politique gouvernementale de prévention, de protection et de stabilité socioéconomique des personnes déplacées comprend un volet relatif à la parité entre hommes et femmes et une dimension ethnique en raison de l’impact exacerbé des violences commises par des groupes armés illégaux sur les femmes. Pour donner effet à la décision T-025 de la Cour constitutionnelle, le Gouvernement colombien a décidé de lancer 13 programmes visant à répondre aux besoins des femmes déplacées, dont 1 qui repose sur une approche différenciée de prise en charge des femmes afro-colombiennes déplacées.

15.Des circonscriptions électorales spéciales ont été créées pour les communautés autochtones et afro-colombiennes afin d’assurer leur représentation au Congrès de la République. Grâce à ce dispositif, les communautés autochtones détiennent 2 sièges au Sénat et 1 siège à la Chambre des représentants, tandis que les Afro-Colombiens disposent de 2 sièges à la Chambre des représentants. Les communautés autochtones et afro-colombiennes peuvent également, bien évidemment, être représentées au Congrès par le biais des circonscriptions ordinaires. L’actuel Ministre de la culture, un général de la Police nationale et l’Ambassadeur de Colombie en Afrique du Sud sont Afro-Colombiens. De nombreux gouverneurs, maires, députés et conseillers sont également d’origine autochtone ou afro-colombienne.

16.Plusieurs organismes ont été créés afin de coordonner les politiques publiques, tels que la Commission nationale des territoires, le Bureau permanent de coordination avec les peuples et les organisations autochtones, la Commission nationale des droits de l’homme pour les peuples autochtones et le Bureau de l’Amazonie. Le Ministère de l’intérieur et de la justice a créé un groupe composé de plus de 25 experts spécialisés en matière de consultation préalable des communautés ethniques. Un projet de loi réglementant la consultation préalable en tant que droit fondamental des groupes ethniques est en cours de préparation. Ce texte identifiera et comblera les vides juridiques actuels qui entravent le bon déroulement de la procédure de consultation.

17.La législation colombienne prévoit que lorsque les ressources naturelles non renouvelables qui se trouvent dans un territoire autochtone légalement constitué ou dans un rayon de cinq kilomètres de celui-ci sont exploitées, 5 % de la valeur des droits dus au département et 20 % de ceux dus à la municipalité sont reversés à des projets d’investissement dans les zones habitées par les communautés autochtones. La priorité dans ce domaine est accordée aux projets de construction, d’entretien et d’amélioration du réseau de routes tertiaires, à la protection de l’environnement, à la santé, à l’éducation publique à tous les niveaux, à l’électricité, à l’eau potable, au traitement des eaux usées et à d’autres services de base.

18.Les 710 réserves autochtones que compte le pays représentent une superficie d’environ 32 millions d’hectares, soit 29 % du territoire national, et ne peuvent être ni confisquées ni cédées. Les communautés afro-colombiennes vivent sur un territoire de quelque 5,3 millions d’hectares qui ne peut être ni confisqué ni cédé.

19.Afin de réduire la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie des communautés autochtones, plusieurs programmes gérés par l’Agence de la présidence pour l’action sociale ont été réalisés en leur faveur et notamment: des projets de développement des infrastructures; divers programmes de renforcement de la sécurité alimentaire; le Programme des familles en action, qui comprend des mesures pour l’éducation et la nutrition des enfants; le Programme des familles de gardes forestiers, qui offre un soutien social et technique; des mesures d’incitation économique visant à encourager les formes alternatives de production pour une gestion durable des forêts; et la prise en charge intégrée des personnes déplacées.

20.Conformément à la stratégie de promotion de l’équité sociale et de développement des groupes ethniques, le Gouvernement a adopté, en 2004, une politique de mesures correctives en faveur des communautés noires ou afro-colombiennes. En 2007, il a créé la Commission intersectorielle pour l’avancement de la population afro-colombienne, du palenque et insulaire dont la direction a été confiée au Vice-Président de la République. Il convient d’espérer que la procédure de coordination des politiques avec les peuples autochtones, dont l’objectif est d’améliorer leurs conditions de vie, d’éliminer la discrimination et la marginalisation dont ils sont victimes, de garantir leur survie et de protéger leur diversité culturelle, sera prochainement achevée.

21.Malgré les progrès accomplis dans la lutte contre la discrimination raciale, la Colombie est consciente du long chemin qui lui reste à parcourir pour éliminer les disparités économiques et sociales qui subsistent.

22.M. Medrano (Colombie) expose en format PowerPoint les recommandations formulées par la Commission intersectorielle pour l’avancement de la population afro-colombienne, du palenque et insulaire.

23.La Commission a été créée pour évaluer les conditions de vie de la population afro-colombienne, du palenque et insulaire, en particulier des femmes et des enfants. Elle est dirigée par le Vice-président de la République et est notamment composée des personnalités suivantes: le Ministre de l’intérieur et de la justice, le Ministre des affaires étrangères, le Ministre du commerce, de l’industrie et du tourisme, le Ministre des affaires sociales, le Ministre de la culture et de l’éducation, des représentants du Département national de la planification, du Département de la fonction publique, de l’Agence pour l’action sociale et de l’Agence de coopération internationale, des élus afro-colombiens du Congrès de la République, des membres de la Commission consultative de haut niveau des communautés noires et de l’Association des municipalités afro-colombiennes et du représentant légal des conseils communaux.

24.Les ateliers régionaux organisés dans 18 villes ont rassemblé quelque 4 000 représentants d’organisations sociales, culturelles et de la jeunesse; du système éducatif et du monde syndical; des fonctionnaires et des élus d’instances communales, départementales et nationales; et des représentants de la communauté afro-colombienne, des communautés insulaires et du palenque et des confessions religieuses. Les participants sont convenus que les principaux obstacles rencontrés par les communautés concernées sont notamment les suivants: absence de pouvoir politique et économique; manque d’accès à l’éducation et mauvaise qualité de l’enseignement dispensé; absence de sensibilisation à la culture afro-colombienne et de reconnaissance de la diversité ethnique et culturelle du pays; racisme et discrimination raciale; inégalité d’accès au marché du travail; et le statut juridique précaire des titres fonciers collectifs.

25.La Commission intersectorielle a formulé cinq recommandations pour remédier à cette situation. La première concerne la lutte contre le racisme et la discrimination raciale et la promotion de la diversité. Un projet de loi sur l’égalité des chances, qui a reçu l’approbation des représentants parlementaires de la communauté afro-colombienne, sera prochainement soumis pour examen à l’organe consultatif national afro-colombien. La deuxième recommandation vise à promouvoir la participation et la représentation politiques. Elle préconise la création de circonscriptions spéciales dans les zones où les communautés afro-colombiennes, du palenque et insulaires constituent une minorité de la population locale. La troisième recommandation vise l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de l’accès à l’éducation pour les communautés afro-colombiennes, du palenque et insulaires. La quatrième a trait à l’emploi et à la génération de revenus. Elle préconise la modification de la législation fiscale afin que les entreprises privées soient fiscalement incitées à nommer des membres de la communauté afro-colombienne aux postes de direction et à investir dans les régions où les communautés afro-colombiennes, du palenque et insulaires sont fortement implantées. Elle prévoit également une modification de la législation afin que les entreprises qui passent des contrats avec l’État tiennent compte du taux d’emploi des Afro-Colombiens à tous les niveaux. Les entreprises nationales privées et les entreprises multinationales passant contrat avec l’État devraient en outre mener des politiques relatives à la diversité. La cinquième et dernière recommandation porte sur l’incorporation de données dans les systèmes d’information. La principale mesure recommandée est l’adoption d’une loi obligeant les ministères et les organismes nationaux et régionaux à adapter leurs procédures, instruments et plans de travail en vue d’identifier et de quantifier le nombre de bénéficiaires afro-colombiens, de fixer des objectifs à atteindre, d’élaborer des indicateurs et d’intégrer les résultats obtenus dans le Système de programmation et de suivi des objectifs présidentiels (SIGOB).

26.M. Diaconu (rapporteur pour la Colombie) dit qu’en plus du rapport périodique et des réponses écrites de la Colombie (document sans cote distribué en espagnol seulement) à la liste des points à traiter (CERD/C/COL/Q/14), il a reçu de très nombreuses informations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, de six titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations Unies, d’autres organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et d’organisations non gouvernementales (ONG).

27.La Colombie est le théâtre d’un conflit armé interne qui dure depuis plus de trente ans et les zones géographiques les plus gravement affectées sont notamment celles où les peuples afro-colombiens et autochtones constituent une part importante de la population. Ce conflit a entraîné le déplacement forcé de quelque 1 à 3 millions de personnes, selon les sources. En dépit des accords de démobilisation conclus par le Gouvernement avec les dirigeants paramilitaires en 2005, les populations vulnérables, les dirigeants communautaires et les défenseurs des droits de l’homme continuent d’être victimes d’actes d’intimidation et de violence commis par des groupes armés illégaux.

28.M. Diaconu relève que le rapport périodique de la Colombie reconnaît que les communautés afro-colombiennes et autochtones sont toujours victimes de discrimination raciale. Il s’agit d’un problème culturel complexe qui est ancré dans l’histoire de la Colombie et de l’Amérique latine et a favorisé des conditions propices à la marginalisation et à la pauvreté des Afro-Colombiens et des autochtones et à leur vulnérabilité à la violence.

29.La Constitution colombienne consacre le principe d’égalité et prévoit que des mesures correctives peuvent être adoptées en faveur des groupes qui sont victimes de discrimination ou marginalisés. De nombreuses dispositions portent spécifiquement sur les droits des Afro-Colombiens et des peuples autochtones, qui bénéficient de circonscriptions électorales spéciales, de juridictions autochtones et d’une autonomie territoriale. La Cour constitutionnelle a également rendu des décisions importantes en faveur de la protection des droits de propriété collective des Afro-Colombiens et des autochtones, de leur participation à la vie politique et de leur droit d’être préalablement consultés au sujet de toutes décisions les concernant. En outre, en vertu de l’article 93 de la Constitution, la Convention prime dans l’ordre juridique interne sur toute disposition législative contraire à ses dispositions.

30.Le Plan national de développement 2006-2010 comprend des stratégies à la fois générales et spécifiques visant à promouvoir le développement des communautés concernées. Un plan national intégral à long terme pour la population afro-colombienne, du palenque et insulaire a été adopté pour la période 2006-2019. Des mesures spéciales ont également été conçues pour venir en aide à certains groupes spécifiques au sein de ces communautés, comme les femmes et les enfants. Un système d’aide au logement a également été mis en place, principalement dans la région du Pacifique. Des titres de propriété ont été délivrés et plusieurs projets d’approvisionnement en eau, de construction de réseau routier, portuaire et aéroportuaire sont réalisés dans les zones habitées par les communautés autochtones et afro-colombiennes. Le rapporteur espère que le Comité sera tenu informé des progrès effectués dans la mise en œuvre des recommandations de la Commission intersectorielle pour l’avancement de la population afro-colombienne, du palenque et insulaire exposées par la délégation colombienne en PowerPoint.

31.M. Diaconu se félicite des mesures correctives prises par l’État partie pour veiller à la représentation des groupes ethniques aux deux chambres du Congrès et aux niveaux régional et local. L’incorporation de variables ethniques dans les systèmes d’information des institutions publiques contribuera à la formulation et à la mise en œuvre des politiques adoptées et bénéficiera également aux organes chargés de suivre les questions relatives aux droits de l’homme et aux ONG.

32.Plusieurs informations indiquent que les politiques visant à combattre la discrimination raciale ne sont pas toujours efficacement mises en œuvre. Des politiques soutenues d’action positive doivent être menées, y compris dans les zones qui ne sont pas touchées par le conflit interne. Le rapporteur souhaiterait obtenir des statistiques ventilées par appartenance ethnique sur des indicateurs socioéconomiques tels que le logement, la sécurité sociale et l’emploi. Il estime, en outre, que le recensement de la population, qui doit avoir lieu en 2015, devrait être mené en concertation avec les Afro-Colombiens et les autochtones et que le maximum de données se rapportant à l’appartenance ethnique devraient être recueillies et exploitées aux fins d’élaboration de politiques ciblées.

33.M. Diaconu relève l’absence de législation spécifique visant à interdire et sanctionner la discrimination fondée sur la race. Il juge insuffisantes les dispositions du Code disciplinaire unique mentionnées dans le rapport à l’examen (ibid., par. 84) et constate que le projet de loi soumis au Sénat en 2007 n’a toujours pas été adopté. À cet égard, il demande des précisions sur la signification de l’expression «la sanction de la discrimination en fonction d’éléments suspects ou valables» qui figure au titre VI du projet de loi en question. Il rappelle à la délégation colombienne qu’en vertu de l’article 4 de la Convention, les États parties sont tenus de se doter d’une législation interdisant spécifiquement la discrimination complétée par les dispositions pénales appropriées.

34.Les violations des droits de l’homme se poursuivent dans les zones touchées par le conflit. Parmi les incidents portés à l’attention du Comité figurent l’occupation par des soldats de la marine colombienne de 100 maisons de civils à Mosquera, dans le département de Nariño, qui aurait provoqué le déplacement de quelque 700 Afro-Colombiens; le mitraillage aveugle depuis des hélicoptères de maisons d’Afro-Colombiens dans la municipalité de López de Micay; et les menaces dont sont victimes des dirigeants afro-colombiens et des autochtones. M. Diaconu souhaite savoir ce que les autorités colombiennes ont fait pour remédier à ces problèmes.

35.Le rapporteur demande également des informations complémentaires sur les mesures prises pour accélérer la mise en œuvre de la décision T-025 de 2004 de la Cour constitutionnelle colombienne concernant la situation des personnes déplacées. Du fait de leur nature, des mesures de protection doivent être adoptées d’urgence et il est inacceptable que quatre ans se soient écoulés sans que rien n’ait été fait à cet égard.

36.À la lumière des informations persistantes faisant état d’exécutions extrajudiciaires, de détentions illégales et arbitraires, de disparitions forcées et de traitements cruels, inhumains et dégradants imputés à des membres des forces de sécurité, les efforts doivent être intensifiés pour assurer la mise en œuvre effective de la politique de «tolérance zéro» affichée par le Gouvernement à l’égard des violations des droits de l’homme commises par les membres des forces de sécurité.

37.M. Diaconu est en outre d’avis que les autorités locales devraient être associées à l’application des mesures de prévention et d’alerte précoce en relation avec les opérations militaires de lutte contre la guérilla. Le nombre d’autorités civiles dans les zones d’opérations militaires devrait être accru afin de remédier à l’absence potentielle de protection.

38.Les Afro-Colombiens et les populations autochtones, en particulier les femmes, représentent une part disproportionnée des personnes déplacées en masse en raison du conflit interne. Étant donné que ces déplacements se poursuivent, des mesures efficaces doivent être adoptées pour répondre aux besoins humanitaires des populations concernées. Selon certaines sources, le terme «personnes déplacées» ne désignerait en réalité que celles qui sont contraintes de fuir pour échapper aux groupes armés illégaux, ce qui signifie, par conséquent, que les personnes déplacées en raison des opérations menées par des groupes paramilitaires ou les forces de sécurité n’auraient droit à aucune assistance. Soulignant que si cette pratique est avérée, elle pourrait constituer une violation des Principes directeurs relatifs aux personnes déplacées dans leur propre pays, M. Diaconu invite la délégation colombienne à commenter ces allégations. Il rappelle que dans sa décision T-025 de 2004, la Cour constitutionnelle colombienne a considéré que l’un des problèmes majeurs est l’absence d’optique concernant précisément ces groupes de population, qui permet de déterminer et de satisfaire leurs besoins essentiels particuliers découlant de leurs conditions propres dues aux déplacements à l’intérieur du pays. Le Gouvernement colombien devrait faire tout son possible pour améliorer la situation des personnes déplacées et faciliter et encourager leur retour sur leurs terres d’origine.

39.M. Diaconu souhaite savoir combien de victimes de violations des droits de l’homme ont bénéficié des réparations prévues par la loi no 975 de 2005 sur la justice et la paix.

40.Le rapporteur relève que les autochtones et les Afro-Colombiens ont également été affectés par les projets de développement de grande envergure menés sur leurs terres et qu’aucun mécanisme approprié de consultation de ces derniers n’a apparemment été utilisé. Plusieurs informations suggèrent que les droits fonciers autochtones sont bafoués lorsqu’il s’agit de projets relatifs au développement et à l’exploitation minière et qu’ils sont réalisés sans que les communautés concernées aient été préalablement consultées et y aient consenti. Tout récemment encore, le Gouvernement colombien aurait accordé une concession à la compagnie minière étrangère AngloGold Ashanti dans le nord du département de Cauca sans avoir préalablement consulté les communautés afro-colombiennes vivant dans la région. Les plantations de palmiers à huile et de canne à sucre menaceraient également le mode de vie traditionnel et l’environnement des peuples autochtones. On a par ailleurs signalé que le Gouvernement aurait approuvé l’utilisation de semences génétiquement modifiées préjudiciables aux pratiques agricoles traditionnelles des populations autochtones et risquant de contaminer le stock de semences locales, ce qui pourrait avoir des conséquences adverses sur leur santé et leur environnement. Le rapporteur invite la délégation à commenter ces informations et demande instamment au Gouvernement d’établir sans plus tarder un mécanisme de consultation effectif.

41.M. Diaconu aimerait également savoir quelles mesures ont été adoptées pour veiller à ce que l’éradication des cultures illicites par les Forces armées, aussi nécessaire soit-elle, ne prive pas les agriculteurs de leurs moyens de subsistance et pour garantir leur sécurité.

42.M. Diaconu se dit en outre préoccupé par les informations selon lesquelles 60 % des Afro-Colombiens ayant reçu des titres de propriété ont ensuite été déplacés. La procédure trop complexe et trop longue établie aux fins d’obtention de titres fonciers collectifs devrait être simplifiée et les nombreuses institutions participant actuellement à cette procédure devraient être remplacées par un organisme unique ou un nombre restreint d’organismes. Des mesures devraient également être prises pour lutter contre l’acquisition frauduleuse de terres et promouvoir et protéger les droits fonciers des communautés autochtones et afro-colombiennes.

43.Il convient d’intervenir d’urgence pour protéger les populations autochtones vivant dans la région de l’Amazonie colombienne qui sont menacées d’extinction en raison du conflit armé, de la destruction de leur environnement et des projets de développement menés à grande échelle sur leurs territoires.

44.Le Comité a par ailleurs reçu des informations faisant état d’assassinats ciblés et d’actes de violence commis contre des dirigeants d’ascendance africaine qui seraient liés à des revendications territoriales. Le Rapporteur souhaite savoir si les auteurs de ces actes ont été poursuivis et sanctionnés et s’il a été donné effet aux mesures de précaution ordonnées par la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

45.Certaines sources affirment par ailleurs que les Afro-Colombiens seraient victimes d’une discrimination structurelle persistante qui se traduirait par un manque d’accès aux services de base comme les soins de santé, l’éducation, le logement et l’eau potable. Le Rapporteur souhaite obtenir des informations complémentaires sur les mesures prises ou envisagées pour remédier à cette situation.

46.M. Diaconu demande à la délégation colombienne de fournir des précisions au sujet des informations relatives à l’enseignement bilingue figurant dans le rapport périodique à l’examen et d’indiquer si le système éducatif colombien tient compte des besoins pédagogiques des groupes vulnérables, y compris des communautés ethniques. Des statistiques sur ce point seraient bienvenues.

47.Malgré le processus collectif de démobilisation engagé, les groupes armés illégaux n’ont pas été dissous et continuent de commettre des actes de violence, souvent en totale impunité. Notant que la loi sur la justice et la paix ne traite apparemment pas du droit des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation, le Rapporteur souhaite savoir quelles mesures ont été prises pour mettre un terme à l’impunité, diligenter des enquêtes pénales et traduire les coupables devant des tribunaux ordinaires plutôt que des tribunaux militaires.

48.Le Rapporteur relève que dans sa réponse à la question 5 de la liste des points à traiter (document distribué en séance, en anglais seulement), l’État partie indique que le service du Défenseur du peuple offre une aide juridictionnelle. Il souhaite savoir si les autochtones ont accès à des avocats commis d’office qui parlent leur langue et recommande au Gouvernement de financer l’établissement de bureaux locaux du Défenseur du peuple dans les zones où vivent des autochtones et des Afro-Colombiens.

49.M. Diaconu aimerait également recevoir des renseignements actualisés sur la situation des conseils communautaires pour la population noire ou afro-colombienne et la nomination des représentants légaux.

50.Bien que les activités et les programmes mis en œuvre pour renforcer la culture et l’identité des groupes ethniques soient louables, la discrimination contre ces groupes est profondément ancrée dans la société colombienne et les programmes actuels ne suffisent pas à changer les mentalités. Les campagnes de sensibilisation doivent viser le grand public pour promouvoir la diversité, le respect mutuel et la jouissance des droits fondamentaux de l’homme par tous les Colombiens.

51.Le Rapporteur prend note du fait que la Colombie a jugé inutile de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention en raison des recours internes dont peuvent se prévaloir les justiciables. Il souligne que la procédure prévue à l’article 14 n’a pas pour objet de se substituer aux recours internes mais de les compléter.

52.M. Diaconu juge peu convaincante la réponse donnée par l’État partie pour expliquer l’absence de législation interdisant la discrimination dans l’accès aux lieux publics. Des cas de discrimination concernant l’accès à des restaurants, des bars et des discothèques existeraient bel et bien dans l’État partie et une législation conforme aux dispositions de la Convention doit donc être adoptée.

53.Le Rapporteur ajoute qu’il souhaiterait également obtenir des informations complémentaires sur la situation des Roms et leur participation à la vie de la nation.

54.M. Sicilianos se félicite des efforts déployés par l’État partie pour trouver une solution à la situation problématique engendrée par le conflit interne. Il juge cependant regrettable qu’il ne se soit pas doté d’une législation spécifique de lutte contre la discrimination. La Cour constitutionnelle colombienne a rendu plusieurs décisions pleinement compatibles avec l’esprit de la Convention et des informations complémentaires sur les mesures prises pour donner effet à ces jugements seraient bienvenues.

55.M. Sicilianos demande également des précisions sur les activités menées par le Défenseur délégué aux minorités ethniques.

56.Le rapport fait référence à plusieurs reprises aux mécanismes de consultation qui, selon les informations fournies, sont conformes aux principes directeurs établis par la Convention no 169 de l’OIT. En revanche, les rapports des ONG mettent en doute l’efficacité des procédures établies aux fins de la consultation et affirment qu’en réalité, des décisions sont prises sans que les communautés afro-colombiennes et autochtones concernées n’aient été préalable consultées. L’expert invite la délégation à commenter cette allégation.

57.Compte tenu de la situation socioéconomique difficile dans laquelle vivent les Afro-Colombiens et les autochtones, en particulier des obstacles qu’ils rencontrent en matière d’accès aux soins de santé, au logement et à l’éducation, des données statistiques ventilées doivent être impérativement recueillies pour élaborer des politiques ciblées susceptibles de remédier à ce problème.

58.M. Lindgren Alves accueille avec satisfaction le rapport périodique exhaustif et les réponses écrites de la Colombie à la liste de points à traiter, qui ont manifestement été préparés en consultation étroite avec les organisations de la société civile colombienne. Le volume d’informations fournies semble toutefois quelque peu excessif au regard de la portée du dialogue en cours.

59.Se référant au paragraphe 9 du rapport périodique à l’examen, M. Lindgren Alves souhaite savoir sur quels critères l’État partie se fonde pour déterminer si une personne est «métisse». Il demande si le chiffre relatif à la part des communautés afro‑colombiennes et des communautés insulaires au sein de la population totale comprend la population urbaine d’ascendance africaine et souhaite recevoir des informations sur le nombre de Colombiens qui se déclarent comme étant de race blanche.

60.M. Lindgren Alves s’interroge en outre sur le point de savoir si les Afro‑Anglo-Antillais mentionnés au paragraphe 10 du rapport à l’examen vivent dans des zones séparées par choix ou si cela est dû au fait qu’ils ne sont pas acceptés ailleurs. Ont-ils librement choisi l’anglais comme langue véhiculaire ou est-ce dû au fait qu’ils n’ont pas accès aux cours de langue espagnole?

61. S’agissant des données de la Police nationale sur les actes de violence commis par les forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée du peuple (FARC‑EP), mentionnées au paragraphe 29 du rapport, M. Lindgren Alves demande à la délégation colombienne d’indiquer quelles personnes ou entités sont considérées responsables des crimes qui ne sont pas imputés aux FARC.

62.M. Lindgren Alves souhaite savoir si les nombreuses exactions commises contre des Afro-Colombiens et des autochtones se sont produites dans le cadre de la lutte contre les FARC-EP. Ces crimes ont-ils fait l’objet d’enquêtes et leurs auteurs été traduits en justice?

63.M. Kemal loue les efforts déterminés déployés par la Colombie pour lutter contre la discrimination raciale qui sont soutenus par la reconnaissance constitutionnelle d’une population multiethnique et la représentation des minorités ethniques au Sénat et à la Chambre des représentants. Il se félicite également que la loi de 1993 ait reconnu un droit à la propriété collective sur les terres traditionnelles des communautés noires qui occupaient la région du bassin du Pacifique.

64.Bien que de nombreux Colombiens affirment que les divers groupes raciaux coexistent harmonieusement dans le pays, plusieurs observateurs affirment que des pratiques discriminatoires, concernant l’accès à des restaurants et à des discothèques, par exemple, subsistent dans le pays. On comprend donc pourquoi le projet de loi relatif aux mesures correctives actuellement devant le Sénat recueille un large soutien. Selon le Comité gouvernemental sur l’inégalité raciale, les Afro-Colombiens continuent d’être victimes d’une discrimination structurelle, ils sont touchés par la pauvreté de manière disproportionnée et accusent un taux de mortalité pour moitié supérieur à celui du reste de la population, alors que leur espérance de vie est de douze ans inférieure à la moyenne nationale. Pour y remédier, cette instance a proposé d’instaurer des quotas pour les Afro-Colombiens dans les universités, les organismes gouvernementaux et les forces armées, d’inciter les entreprises à recruter des membres de cette communauté aux postes d’encadrement intermédiaire et de faire en sorte que les partis politiques inscrivent des candidats afro-colombiens sur leurs listes électorales locales et nationales. Il est également recommandé de reconnaître de manière appropriée le rôle que les Afro-Colombiens ont joué dans l’histoire du pays. Certains Afro-Colombiens redoutent, cependant, que l’introduction de ces mesures ne provoque des tensions et des conflits raciaux et font valoir que les politiques éducatives et sociales doivent être améliorées afin de leur permettre de jouer à armes égales avec leurs homologues. Le Comité est, en règle générale, favorable aux mesures correctives, qui ne sont pas incompatibles avec celles qui pourraient être prises pour améliorer les politiques d’éducation et les politiques sociales adoptées en faveur de cette frange de population. M. Kemal demande à la délégation colombienne de fournir des informations à jour sur l’état d’avancement du projet de loi relatif aux mesures correctives. Il souhaite savoir quand ce texte pourra être adopté, si son adoption risque en effet de créer une polémique et quels problèmes ont été soulevés lors de l’examen de ce texte au Sénat.

65.M. Cali Tzay, invoquant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, se demande si les expressions «groupe ethnique», «population ethnique», «minorité ethnique», «communauté ethnique», «communauté autochtone» et«population autochtone» et «peuple autochtone» ne sont pas utilisées de manière interchangeable dans le rapport périodique de la Colombie. Il demande des précisions sur la signification du terme «resguardos». En outre, attendu que le rapport n’identifie que trois groupes ethniques, les peuples autochtones (3,3 % de la population), les communautés afro-colombiennes et les communautés insulaires (10,62 %) et les Roms ou gitans (0,012 %), il souhaite savoir comment se composent les 86,068 % restants de la population colombienne.

66.Tout en se félicitant que le rapport indique que les Roms ou gitans qui vivent en Colombie sont représentatifs d’une culture millénaire, M. Cali Tzay souhaite savoir pourquoi le rapport n’en dit pas de même des groupes autochtones qui vivaient sur le continent américain bien avant l’arrivée des Roms.

67.M. Cali Tzay observe par ailleurs que la loi no 60 de 1993, qui contenait des dispositions en matière de compétence et d’affectation de ressources pour les resguardos autochtones, a été abrogée par la loi no 1152 de 2007. Or, cette dernière ayant été déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle faute de consultation préalable avec les populations autochtones concernées, il demande à la délégation colombienne d’indiquer si la loi de 1993 est entrée en vigueur et de préciser pour quelles raisons il a été tenté de l’abroger.

68.M. Cali Tzay se félicite de l’adoption du Plan national de développement 1998-2002, qui a souligné la nécessité d’un changement des relations entre l’État, la société et les peuples autochtones à la lumière des réformes constitutionnelles engagées la décennie précédente. Il souhaite savoir pourquoi «l’assainissement» est nécessaire à la constitution de resguardos et quels critères s’appliquent en matière d’octroi de terres aux peuples autochtones. Il souhaite également connaître les raisons pour lesquelles l’amendement du décret no 804 de 1995 sur l’ethnoéducation a été jugé nécessaire et les changements induits par sa modification. Il demande également jusqu’à quel niveau d’enseignement des cours bilingues et multiculturels sont dispensés aux élèves. Étant donné que le Plan national de développement fait de la consultation préalable un mode de concertation, M. Cali Tzay attire l’attention de l’État partie sur le paragraphe 5 de la Recommandation générale no 23 du Comité concernant les droits des populations autochtones qui évoque la nécessité du consentement libre et informé. À cet égard, il demande à la délégation colombienne d’indiquer si le consentement des populations autochtones est une obligation ou si la consultation préalable est considérée comme une mesure suffisante. Sur ce point, il souhaite savoir pourquoi les populations autochtones n’ont pas été consultées au sujet de l’adoption de la loi no 1151 de 2007 portant approbation du Plan national de développement 2006-2010, loi qui a été abrogée en 2008 par la Cour constitutionnelle. L’affirmation, dans le rapport périodique de la Colombie, selon laquelle aucun des projets de loi établis à l’initiative du Gouvernement et présentés au Congrès ne porte atteinte aux droits des peuples autochtones est manifestement contredite par l’abrogation des deux lois précitées. Les commentaires de la délégation sur cette question seraient bienvenus.

69.M. de Gouttes dit que bien que le rapport périodique de la Colombie contienne une quantité inouïe d’informations sur le cadre législatif national, il n’explique pas de manière suffisamment détaillée comment les lois adoptées sont concrètement mises en œuvre. Il rappelle que le Comité attache une importance particulière aux indicateurs socioéconomiques, et notamment ceux se rapportant au taux de mortalité, à l’analphabétisme, à la délinquance et au taux d’incarcération, étant donné que des disparités entre ces indicateurs reflètent la pratique d’actes de discrimination raciale préoccupants. Ces indicateurs s’appliquent manifestement à tous les groupes ethniques décrits dans le rapport périodique de la Colombie. Cette question, en plus du problème du conflit armé, préoccupe au plus haut point le Comité. En effet, les données relatives à la population carcérale qui figurent dans les paragraphes 267 à 275, montrent que le taux d’incarcération des Afro-Colombiens est plus important que celui de tout autre groupe de population. M. de Gouttes invite la délégation colombienne à s’exprimer sur ce point.

70. S’agissant du cadre juridique colombien, l’expert prend note du fait que l’État partie reconnaît que malgré l’adoption d’un nouveau Code pénal en 2001, l’incrimination du racisme n’est toujours pas conforme à l’article 4 de la Convention. En outre, selon le paragraphe 264 du rapport périodique à l’examen, seules six plaintes ont été formées pour des actes de racisme, très peu d’enquêtes ont été diligentées, et aucune enquête n’a abouti à une condamnation. Rappelant que le service du Défenseur du peuple préconise depuis 2003 l’élaboration et l’examen d’un projet de loi visant à sanctionner toutes les formes de discrimination compte tenu des principes de la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, M. de Gouttes souhaite recevoir des informations sur l’état d’avancement de ce projet de loi. Il suggère à la Colombie d’inviter le Défenseur du peuple à faire partie de la délégation colombienne qui viendra dialoguer à l’avenir avec le Comité, conformément à la pratique suivie à cet égard par le Comité avec d’autres États parties.

71.M. de Gouttes demande à la délégation de fournir des informations complémentaires sur l’action de tutelle mentionnée au paragraphe 40 du rapport périodique à l’examen. Il note en outre que, selon le paragraphe 463, l’État partie a décidé de ne pas faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Conventionafin de stimuler l’utilisation des recours judiciaires internes. Or, l’utilisation des voies de recours internes n’est pas incompatible avec la procédure d’examen des communications individuelles prévue à l’article 14 de la Convention. Au contraire, le paragraphe 2 de l’article 14 exige explicitement que les recours locaux disponibles aient été épuisés avant qu’une affaire soit soumise à la procédure d’examen des communications individuelles du Comité.

72.M. de Gouttes souhaite connaître les mesures adoptées par la Colombie pour veiller à ce que le système judiciaire tienne compte des traditions et coutumes des minorités autochtones ou ethniques, conformément aux Recommandations générales nos 31 et 23 du Comité relatives, respectivement, à la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et aux droits des populations autochtones.

73.M. Prosper, à l’instar des orateurs qui l’ont précédé, est préoccupé par l’absence d’information sur la mise en œuvre du cadre juridique élargi de lutte contre la discrimination raciale dans l’État partie. Il souhaiterait obtenir des données statistiques ou des informations détaillées sur les succès et les obstacles enregistrés par la Colombie pour identifier et sanctionner les auteurs des violences contre des Afro-Colombiens et des autochtones. Il demande des informations sur les mesures prises par le Gouvernement pour prévenir cette violence et protéger les communautés concernées. Il invite également la délégation colombienne à expliquer comment l’État partie interprète la responsabilité qui lui incombe de protéger ces populations. Des informations plus complètes sur le système d’alertes précoces mis en place par la Colombie pour prévenir la violence et plus particulièrement sur l’efficacité de ce système seraient également bienvenues. Il espère que la délégation colombienne présentera avec franchise les problèmes rencontrés par l’État partie pour s’acquitter de son obligation en matière de protection.

74.M. Prosper demande également des informations complémentaires sur les efforts déployés par la Colombie pour prévenir la violence contre les femmes, en coopération avec l’Observatoire des questions relatives aux femmes. En particulier, il serait utile de savoir si des améliorations ont été enregistrées en termes de prévention de la violence à l’égard des femmes et d’application des lois adoptées dans ce domaine.

75.M. Thornberry souligne que les politiques apparemment neutres ou bienveillantes, y compris les politiques publiques, peuvent avoir des effets négatifs. La discrimination de facto,la discrimination indirecte et la discrimination intentionnelle sont principalement détectables au moyen des données statistiques recueillies par les États parties, d’où l’importance des données ventilées. L’auto-identification étant un élément important du processus de collecte de données, les questions posées dans les questionnaires du recensement doivent donc être formulées en conséquence.

76.M. Thornberry souhaite savoir si l’État partie établit une distinction entre les programmes qui comprennent des mesures spéciales temporaires et les droits permanents des autochtones, des Afro-Colombiens et d’autres groupes minoritaires.

77.Il s’interroge également sur le point de savoir comment les populations autochtones sont consultées dans le cadre des structures traditionnelles de gouvernance et si les coutumes et les traditions locales sont prises en compte comme point de départ des décisions relatives à l’élaboration de modèles de consultation. Des projets de développement ont-ils été élaborés par les peuples autochtones et, dans l’affirmative, le Gouvernement a-t-il encouragé leur réalisation?

78.M. Thornberry souhaite par ailleurs savoir si les droits collectifs des peuples autochtones et des Afro-Colombiens sont considérés comme des droits inaliénables issus du principe d’autodétermination ou comme des droits concédés par l’État. Il souhaite également savoir si le statut juridique précaire des terres et territoires, auquel la délégation colombienne a fait allusion dans son allocution liminaire, est un problème légal ou s’il est lié au conflit armé.

79. M. Thornberry demande à la délégation de fournir des informations complémentaires sur l’histoire décrite dans les manuels scolaires colombiens. Il serait particulièrement intéressant de savoir comment ceux-ci font référence aux peuples autochtones, aux Afro-Colombiens, aux métis et aux Roms et quelles mesures ont été adoptées pour éviter de reproduire une représentation stéréotypée de ces groupes.

La séance est levée à 18 heures.