Nations Unies

CERD/C/SR.2069

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

5 mars 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-dix-huitième session

Compte rendu analytique de la 2069 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le vendredi 25 février 2011, à 15 heures

Président:M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Y é men

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Yémen (CERD/C/YEM/17-18; CERD/C/YEM/Q/17-18; HRI/CORE/1/Add.115)

Sur l’invitation du Président, la délégation yéménite prend place à la table du Comité .

M me Alban (Yémen) indique que son pays a fait de la démocratie fondée sur l’égalité de tous ses ressortissants son mode de vie. La Constitution assure le respect des droits de tous les citoyens sans distinction de couleur, d’origine sociale ni de sexe, et consacre par ses dispositions des droits identiques à ceux que proclame la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Gouvernement yéménite considère la discrimination raciale, qui remet en question la dignité de l’être humain, comme la pire forme de violation des droits de l’homme. La société yéménite est homogène et ne pratique en aucune manière la discrimination. Depuis deux décennies, le pays s’attache à promouvoir le développement des droits de l’homme, à répondre aux besoins de ses citoyens et à encourager leur participation à la vie politique. Des milliers de groupes de la société civile, à travers tout le pays, peuvent mener leurs activités librement.

Le Yémen s’est engagé dans une réforme de sa législation conformément aux engagements qu’il a pris en vertu des divers instruments internationaux, dont la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, à laquelle il est partie. La législation nationale protège les couches inférieures de la société et le Gouvernement s’emploie à assurer l’éducation et la santé pour tous. La Constitution garantit tous les droits économiques, sociaux et culturels et permet à chacun de se présenter aux élections nationales ou locales. Tous les citoyens sont habilités à former des organisations ou des partis politiques et à y adhérer; de fait, des représentants de diverses associations de la société civile siègent au sein des administrations publiques locales.

Les autorités de l’État considèrent les actes de discrimination motivés par la couleur, l’origine sociale, la religion ou le sexe comme des infractions odieuses et les punissent sévèrement. Un projet de loi tendant à sanctionner ces infractions conformément au droit international est à l’étude, et une série de lois relatives aux droits de l’homme ont été adoptées. Une commission nationale a été chargée d’harmoniser la législation interne avec le droit international, et la création d’une commission nationale des droits de l’homme fondée sur les Principes de Paris est envisagée. Une autre commission a pour mission de sensibiliser la population aux droits de l’homme et de faire de leur étude une matière scolaire. Un code d’éthique a été élaboré à l’intention de la magistrature et plusieurs conférences ont été consacrées à la discrimination raciale.

Le Ministère des droits de l’homme, avec l’aide du Programme des Nations Unies pour le développement, forme des membres des tribunaux locaux et régionaux, de la police et des conseils locaux dans le cadre d’un effort élargi de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes. Des modifications apportées à la loi relative à la nationalité permettent aux femmes yéménites ayant épousé des étrangers de conserver leur nationalité.

L’État partie accueille quelque 800 000 réfugiés, en provenance pour la plupart de la Somalie. Leur liberté de circulation et leur droit d’exercer toutes activités professionnelles sans discrimination sont garantis. Les réfugiés qui se conforment aux lois du pays sont traités sur un pied d’égalité avec les nationaux yéménites et la Commission nationale des réfugiés veille au respect de leurs droits. Ils peuvent s’adresser non seulement au Ministère des droits de l’homme mais aussi à des juristes qui les aident à présenter leurs plaintes ou à surmonter les difficultés administratives. L’adoption de lois ainsi que de mesures concernant les droits politiques, économiques, sociaux et culturels a fortement amélioré la situation en matière de droits de l’homme.

M. Al-Hawri (Yémen) rappelle que le Yémen est un pays en développement qui compte 23 millions d’habitants et dont le revenu annuel moyen est de 2 000 dollars des États-Unis. Il procède à la constitution d’une base de données démographiques en vue de définir de manière plus précise les besoins régionaux et économiques et de mettre en œuvre des stratégies sociales ainsi que des programmes de développement adéquats, qui améliorent les conditions de vie de chacun. Il dispose de moyens limités, et les défis auxquels il est confronté sont redoutables: taux de natalité élevé, instabilité politique et problèmes de sécurité, par exemple. La population est rurale pour les trois-quarts et 40 % des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage parmi la population active, formée de 5 millions de personnes, est de 13 %.

La collecte de données démographiques a incité le pays à redoubler d’efforts pour lutter contre le travail des enfants et a facilité la planification de la construction d’écoles et d’hôpitaux. Ces données ont été utilisées pour mettre en place un système de protection sociale au bénéfice des membres les plus défavorisés de la société et pour offrir aux pauvres des services éducatifs, de l’eau potable et des soins de santé. La proportion des enfants scolarisés est passée à 70 %, et l’objectif est de la porter à 92 % au cours des cinq années à venir. Un certain nombre de documents et de plans, qui seront communiqués au Comité, énoncent les objectifs de l’État partie pour 2015, lesquels comprennent l’amélioration des soins de santé et de l’accès à l’éducation au bénéfice des pauvres, la réduction du chômage et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Nombre de ces plans sont centrés sur l’amélioration des droits des femmes. D’autres programmes ont trait principalement à la création d’emplois pour les jeunes, au moyen, par exemple, d’une aide aux petites entreprises. En 2009 a été créée une banque chargée de financer les projets de création d’entreprises des personnes n’ayant pas les moyens de les mettre à exécution.

L’État partie a fait tout ce qui est en son pouvoir, compte tenu de ses ressources limitées, pour intégrer les réfugiés. De concert avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, le Gouvernement distribue des produits alimentaires aux réfugiés afin de répondre à leurs besoins nutritionnels essentiels, et des initiatives sont prises pour que les enfants réfugiés bénéficient de soins de santé et d’une scolarité adéquats. Des fonds ont été réservés à la rénovation des écoles en mauvais état, et des visites périodiques des camps de réfugiés permettent d’évaluer les conditions de vie qui y règnent. Chaque fois que cela est possible, les autorités collaborent avec les réfugiés pour encourager leur rapatriement.

M . Abdullah (Yémen) précise que les droits des travailleurs migrants sont consacrés par l’article 29 de la Constitution et l’article 5 du Code du travail, en vertu desquels toute forme de discrimination à l’égard des travailleurs est proscrite. Cependant, le Yémen est exportateur net de main d’œuvre, et les étrangers qui y travaillent sont souvent des experts recrutés pour occuper des postes spécialisés. L’État partie a actualisé son Code du travail avec l’aide de l’Organisation internationale du Travail.

Même si les statistiques fiables sont rares, l’État partie estime à quelque 1,4 million le nombre de ses habitants qui sont marginalisés. Les Al-Akhdam, s’ils sont considérés sur un pied d’égalité avec les autres yéménites, figurent certainement parmi les populations les plus pauvres, et le Gouvernement, outre qu’il fournit des services spécifiquement destinés à améliorer leur sort, envisage de créer une institution qui s’occupera essentiellement de leurs droits. Il les a encouragés à former des associations de défense de leurs droits, et en 2010, une cinquantaine d’organisations de la société civile avaient ainsi été constituées; elles sont, pour bon nombre d’entre elles, représentées au sein d’une fédération faîtière créée en 2008. Les hôpitaux fournissent aux Al-Akhdam tous les soins nécessaires et il est projeté de les employer dans la fonction publique. Nombreux sont ceux qui font déjà partie de conseils locaux. Quelque 47 000 foyers reçoivent des prestations sociales.

M. Alaud (Yémen) indique qu’un service spécial de l’immigration chargé d’aider les réfugiés a été mis en place en 2009 et que la Commission nationale des réfugiés a été invitée à se pencher spécifiquement sur la question des demandeurs d’asile. Les enfants réfugiés peuvent s’inscrire gratuitement dans les établissements scolaires des villes, et des infrastructures scolaires spéciales, financées par le HCR, ont été mises en place dans les camps de réfugiés. Des programmes d’aide aux enfants réfugiés, dont un vise à combattre la malnutrition, sont également appliqués en concertation avec le HCR, et les réfugiés peuvent se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux publics. Le Gouvernement a besoin d’une assistance internationale accrue afin de créer des centres de formation professionnelle pour les réfugiés, et a sollicité de l’aide pour mettre en place des programmes de création d’emplois à leur intention.

M. Al-Mugahed (Yémen) signale que le Gouvernement yéménite considère la Convention comme faisant partie intégrante de la législation interne. Une disposition générale de la Constitution indique que le Parlement doit approuver tous les instruments internationaux auxquels le Yémen est partie, permettant ainsi leur incorporation ultérieure à la législation nationale.

Pendant la période 2008-2010, le Yémen a adopté une vingtaine de nouveaux instruments juridiques pour s’acquitter de ses obligations internationales. Certains ont trait en particulier au bien-être social, au droit du travail, aux droits des consommateurs, aux affaires diplomatiques et consulaires, à l’acquisition des compétences, à la prévention du VIH/sida et à la protection des personnes vivant avec le VIH/sida; d’autres portent modification du Code civil, de la loi relative à la nationalité et de la loi relative à la presse. Le Code pénal fait lui aussi actuellement l’objet de modifications tendant à la prise en compte de toutes les questions relatives aux droits de l’homme, y compris la discrimination raciale.

Les réserves à la Convention émanent de la Chambre des représentants et ne peuvent être levées que par elle. Toutefois, le Ministère des affaires juridiques a recommandé au Gouvernement de lever les réserves dès lors que les dispositions conventionnelles considérées ne sont pas contraires à l’islam.

S’agissant de la situation des réfugiés, un Centre d’études des migrations et des réfugiés vient d’être créé à l’Université de Sanaa. Un projet de loi concernant les réfugiés est également à l’étude.

M. Al-Khazan (Yémen) rappelle que l’un des principes fondamentaux de la charia, sur laquelle repose la société yéménite, est l’égalité de tous les êtres humains sans discrimination. La population yéménite adhère aux valeurs morales prescrites par sa religion, qui sont prises en compte dans le système juridique et sont cohérentes avec les droits de l’homme et avec les traités internationaux que le Yémen a ratifiés. Des cours de formation préalable et de perfectionnement en matière des droits de l’homme sont dispensés à tous les membres de la magistrature. Des séminaires de formation ont été consacrés au droit international des droits de l’homme, à l’autonomisation économique des femmes, à la lutte contre la traite des enfants et à d’autres sujets. Le système judiciaire a publié un code de conduite des juges.

Le Ministère de la justice a créé un Département des femmes, des enfants et des droits de l’homme. Une aide juridictionnelle est fournie aux pauvres et, en particulier, aux mineurs. Les prisons font périodiquement l’objet d’inspections afin que les droits des détenus soient respectés.

M. Qahtan (Yémen) souligne que les autorités yéménites fondent leurs décisions concernant l’admission, le séjour et l’expulsion des étrangers sur la législation interne pertinente. Le Yémen est partie à la Convention relative au statut des réfugiés et au Protocole y relatif. Aucune mesure enfreignant les droits des résidents étrangers ou des réfugiés n’a été prise, et aucun résident étranger n’a été expulsé par la force. Les dispositions adoptées par le Ministre de l’intérieur à la suite des événements du 11 septembre 2001 ont été pleinement conformes aux dispositions légales pertinentes. Les étrangers qui n’avaient pas de permis de séjour en bonne et due forme ont reçu l’injonction de régulariser leur situation ou de quitter le pays. Nul n’a été contraint à se rendre dans un pays contre son gré.

Un grand nombre d’initiatives ont été prises ces dernières années pour sensibiliser, surtout les membres des forces de l’ordre et les magistrats, aux droits de l’homme. Au total, 30 504 fonctionnaires de la police, dont 530 femmes, ont suivi les cours qui ont été organisés. En 2010, trois cours de formation de formateurs, suivis chacun par 20 membres de la police, ont été consacrés à l’action contre la violence sexiste. Une soixantaine de policiers ont participé à un séminaire sur la législation relative à la justice pénale au Yémen, organisé par le Ministère des droits de l’homme en coopération avec l’Institut danois pour les droits de l’homme.

Le Ministère de l’intérieur a publié un «Guide pratique à l’usage de la police». Les membres de la police sont tenus d’avoir sur eux un exemplaire de cet opuscule lors qu’ils sont en service. Le Ministère a également cherché à déterminer à l’aide de questionnaires le degré de satisfaction du public quant aux services rendus par la police. Il a élargi l’éventail de ses services de sécurité à travers le pays et pris des mesures, dans les limites des ressources disponibles, pour améliorer les conditions carcérales. Les détenus sont autorisés à poursuivre des études, y compris au niveau supérieur, dans l’enseignement public; dans certains gouvernorats, des centres spéciaux de formation professionnelle admettent les anciennes détenues après leur libération. Toutes les prisons font régulièrement l’objet d’inspections inopinées de représentants du ministère public et de la Haute Commission des prisons.

M. Taissir (Yémen) précise que le Ministère des droits de l’homme a présenté, trois mois plus tôt, un amendement au Code pénal qui contient une définition de la discrimination raciale identique à celle donnée par la Convention. Approuvé par le Conseil des ministres, il a été présenté au Parlement; il sera adopté et entrera en vigueur dans un mois au plus tard.

En ce qui concerne la création d’une institution nationale des droits de l’homme fondée sur les Principes de Paris, le Premier Ministre, à la suite d’échanges de vues avec un représentant de l’Union européenne (UE), a décidé de mettre en place un comité national représentatif des administrations et des organisations de la société civile compétentes, chargé d’étudier un projet à cette fin. Le comité procède encore à des consultations avec l’UE; il présentera sous peu ses recommandations au Premier Ministre.

Le Ministère des droits de l’homme n’a reçu aucune plainte d’une personne physique ou morale concernant une forme quelconque de discrimination raciale. Si le Ministère devait recevoir une réclamation de ce genre, il prendrait les mesures requises pour que les auteurs soient traduits en justice.

S’agissant de l’action gouvernementale en faveur des personnes déplacées, en particulier à la suite de la guerre de Saada, le Président a déjà alloué quelque 20 milliards de rials yéménites pour la reconstruction des habitations et autres bâtiments qui ont été détruits. Le Ministre des droits de l’homme, les membres de la commission nationale chargée des questions relatives aux personnes déplacées et des représentants du Programme des Nations Unies pour le développement ont visité les camps situés dans un certain nombre de gouvernorats afin d’évaluer les besoins essentiels des personnes déplacées. Le Gouvernement a également coopéré avec le Comité international de la Croix-Rouge, la Société yéménite du Croissant-Rouge et un certain nombre d’organisations de la société civile pour distribuer l’aide aussi rapidement que possible. Un programme de formation a été mis au point avec le Haut Conseil pour la mère et l’enfant en vue de la prise en charge des enfants qui ont subi des traumatismes psychologiques pendant le conflit armé. Une permanence téléphonique a également été créée à l’intention des personnes déplacées ayant besoin d’aide.

Le bilan du Yémen dans le domaine de la protection de la liberté religieuse est remarquable. Ainsi, un certain nombre de Bahaïs yéménites et iraniens y pratiquent tout à fait librement leur religion depuis cinquante ans au moins. Un problème a surgi l’année dernière par suite de certains malentendus, mais il a été résolu rapidement et efficacement avec l’aide du Ministère des droits de l’homme. Le pays ne compte que quelque 300 Juifs yéménites, qui jouissent des mêmes droits constitutionnels et légaux que leurs concitoyens musulmans. Le cas d’une femme juive yéménite qui souhaitait épouser un musulman a été, dernièrement, source de difficultés, mais elles ont, là encore, été aplanies grâce à l’intervention du Ministre des droits de l’homme. Un comité a pu constater que la femme avait agi de son plein gré et sans y être forcée.

M. Prosper (Rapporteur pour le Yémen) remercie l’État partie du large éventail de renseignements fournis dans son rapport. Le fait qu’une délégation de haut niveau ait décidé de participer au dialogue en cours malgré les défis que les autorités yéménites ont à relever à l’intérieur du pays est également pour le Comité une source de satisfaction.

Une vague de changements démocratiques balaie le monde arabe, y compris le Yémen. Des populations qui, naguère, n’avaient pas le courage d’exprimer leurs revendications font maintenant entendre leur voix, contestant les gouvernements de leurs pays et réclamant la jouissance de droits universellement reconnus. Des concessions ont été faites par les autorités yéménites, mais certains des droits consacrés par la Convention ne sont pas encore pleinement mis en œuvre. Le rapport indique que la démocratie et les droits de l’homme sont devenus des comportements et un mode de vie au Yémen. Pourtant, des actes de violence commis par les forces gouvernementales contre des civils, des violations des libertés personnelles et des cas de discrimination ont malheureusement été signalés. M. Prosper espère que les forces de sécurité respectent la directive donnée par le Président de protéger les populations et que la possibilité sera laissée au peuple yéménite de manifester et d’exprimer ses revendications aux autorités de manière pacifique et dans le respect de la légalité.

Le Comité constate avec inquiétude que, bien souvent, lorsque des troubles se produisent dans un pays quel qu’il soit, les immigrés et les autres groupes non majoritaires sont ciblés et deviennent plus vulnérables. Le Comité ne sait pas exactement qui pourrait se trouver dans une telle situation de vulnérabilité au Yémen. Il serait utile que la délégation puisse mettre les événements en perspective.

Le Yémen est un pays à l’histoire complexe. Il a été divisé, en particulier pendant la guerre froide, puis réunifié dans les années 1990. Il a dû faire face à des défis économiques majeurs et a été confronté à l’extrémisme et au terrorisme.

M. Prosper rend hommage à l’État partie pour les initiatives juridiques et autres décrites dans son rapport. Le Yémen ne manque certainement pas des instruments nécessaires pour protéger les droits de l’homme et lutter contre la discrimination. Aussi le dialogue avec la délégation devrait-il être centré sur la mise en œuvre, et sur la volonté politique de s’attaquer aux difficultés existantes.

Certaines informations essentielles, concernant, par exemple, la composition ethnique de la société yéménite, ne figurent pas dans le rapport. Celui-ci indique que la société est homogène, mais chacun sait que des Somaliens, des Éthiopiens, des Indiens, des Juifs et des Indonésiens vivent dans le pays. Aussi M. Prosper se demande-t-il s’ils sont considérés comme appartenant à la société yéménite. Le rapport affirme aussi que les «groupes sociaux… [partagent]… la même couleur… étant précisé que la couleur de la peau des habitants du Yémen varie du foncé au moins foncé». Cette description fait manifestement abstraction de bon nombre de réfugiés, Somaliens ou Éthiopiens en particulier. Les personnes «non yéménites» semblent ainsi placées dans une catégorie à part. La délégation a indiqué qu’il y avait au Yémen quelque 800 000 réfugiés et demandeurs d’asile. Le Comité aimerait qu’elle lui indique s’ils vivent dans des camps ou au sein de la société, et s’ils subissent des discriminations de la part des nationaux yéménites. Il souhaiterait savoir, en particulier, si les réfugiés, une fois que l’asile leur a été accordé, peuvent solliciter la nationalité yéménite.

La délégation a évoqué des initiatives en faveur de groupes marginalisés comme celui des Al-Akhdam. Le Comité sait que ces derniers vivent dans des conditions déplorables mais il reçoit des informations contradictoires concernant leur origine. Ainsi, M. Prosper ayant fait une recherche sur Internet, il a pu lire qu’ils avaient des «traits africains». Il souhaite en savoir davantage sur ce groupe, sur son sort et sur les initiatives prises en sa faveur.

C’est avec satisfaction qu’il a écouté les renseignements donnés à propos des plans d’action en faveur des réfugiés, car le Comité a reçu des informations selon lesquelles les autorités auraient expulsé certains demandeurs d’asile sans procéder aux vérifications nécessaires à leur sécurité.

M. Prosper relève que le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a lancé un appel pressant à la suite d’allégations concernant des bombardements aveugles ayant visé, en 2009, des camps de personnes déplacées. Il demande si les personnes qui vivent dans ces camps font partie de la société homogène du pays ou si elles appartiennent à un groupe racial ou ethnique différent. Plusieurs autres appels pressants ont été lancés à peu près à la même époque – l’un par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, un autre par le Rapporteur spécial sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, un autre encore par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. M. Prosper souhaiterait obtenir des informations sur les victimes alléguées dans chaque cas.

Pour ce qui est des réserves aux alinéas c et d iv), vi) et vii) de l’article 5 de la Convention, le Comité comprend bien que la levée d’une réserve relève du Parlement yéménite, mais il accueillerait avec satisfaction des renseignements plus détaillés sur les motifs des réserves aux droits politiques, au droit de se marier et de choisir son conjoint, au droit d’hériter et au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. S’agissant de ce dernier alinéa, le Comité aimerait savoir si la réserve s’applique uniquement à la liberté de religion ou aussi à la liberté de pensée et de conscience.

Les événements récents ont montré que nombre d’habitants du Yémen ont le sentiment que certains droits et certains avantages leur sont déniés. Si les membres de la société homogène sont insatisfaits, on peut d’interroger sur les sentiments de ceux que l’on pourrait qualifier de personnes extérieures. Le rapport affirme que le peuple est le détenteur et la source du pouvoir, et il est à espérer qu’à ce titre il guidera le Gouvernement dans l’édification d’un Yémen meilleur et plus fort.

M. Avtonomov salue les mesures prises par l’État partie pour améliorer l’exercice des droits de l’homme, y compris la ratification de la Charte arabe des droits de l’homme. Les Bédouins nomades ayant un mode de vie différent de celui de la majorité de la population, il souhaiterait savoir s’ils subissent une forme quelconque de discrimination. Il demande de plus amples renseignements sur leur situation économique, leur accès à l’eau et leur participation à la gestion des affaires publiques. Des données ventilées concernant la composition de la population, sans lesquelles il est impossible de savoir si des groupes quelconques sont victimes de discrimination raciale, seraient également les bienvenues.

M. Avtonomov voudrait savoir si, en vertu de l’article 25 du Code de procédure civile, les étrangers ont un statut différent de celui des nationaux yéménites lorsqu’ils sont parties à des procédures judiciaires qui ne relèvent pas du droit islamique. En répondant à cette question, la délégation devrait également prendre en compte les étrangers qui ont épousé des yéménites à l’extérieur de l’État partie, et leurs enfants. Le Comité lui saurait gré de fournir davantage de précisions sur le statut des réfugiés dans la législation de l’État partie et dans la pratique, eu égard en particulier à toute aide qui leur serait apportée pour leur permettre de subvenir à leurs propres besoins.

M. Saidou se réjouit du progrès accompli par l’État partie dans la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris. Si l’État partie a ratifié tant la Charte arabe des droits de l’homme que la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam, il apparaît que la discrimination structurelle à l’égard des personnes d’ascendance africaine n’a pas disparu de la société yéménite. M. Saidou sollicite de plus amples renseignements sur la communauté des Al‑Akhdam. Il serait utile de savoir comment la justice pénale, qui applique la charia, traite les personnes juives. Si le rapport périodique affirme la nature homogène de la société yéménite, M. Saidou souhaiterait en savoir davantage sur les personnes qui vivent dans la pauvreté.

M. Diaconu encourage le Gouvernement à accélérer la révision de sa législation en vue de la mise en œuvre intégrale des dispositions de l’article 4 de la Convention. Il ne comprend pas pourquoi l’État partie a formulé une réserve concernant l’alinéa c de l’article 5: à coup sûr, il ne souhaite pas exercer, envers ses propres nationaux et concernant leurs droits politiques, une discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique. De même, s’il existe peut-être une discrimination dans le domaine religieux, cela est dû sans aucun doute à une différence de traitement eu égard à la religion, et non à la race, à la couleur ou à l’origine nationale ou ethnique. Aussi l’État partie devrait-il réexaminer sa réserve à l’alinéa d vii) de l’article 5 relatif au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Le Comité ayant été informé que des actes de violence auraient été commis contre des membres de la communauté juive, M. Diaconu s’enquiert des mesures prises par l’État partie pour renforcer la protection de ce groupe. Des renseignements supplémentaires concernant toute forme de discrimination raciale subie par les personnes d’ascendance africaine seraient les bienvenus. M. Diaconu demande pourquoi des nationaux de l’Égypte, de l’Érythrée et de l’Arabie saoudite ont apparemment été renvoyés dans leur pays d’origine sans droit de recours. Il serait utile également d’en savoir davantage sur le traitement réservé aux personnes qui arrivent dans l’État partie de l’Iraq et du Soudan. À ce propos, M. Diaconu demande si l’État partie a soutenu la Déclaration de Tunis adoptée à la seizième Conférence arabe au sommet, en 2004. Il souhaite connaître aussi les mesures prises par les autorités yéménites pour protéger les droits des enfants réfugiés au Yémen, et en particulier pour leur éviter de subir des pratiques traditionnelles préjudiciables comme les mutilations génitales féminines et la non-scolarisation des filles.

M. de Gouttes demande dans quelle mesure la charia peut être appliquée aux non-ressortissants. Il engage l’État partie à incorporer à la législation interne la définition de la discrimination raciale contenue à l’article 4 de la Convention. Il aimerait en savoir davantage sur les efforts déployés pour rétablir l’égalité des femmes en droits, notamment en droits civils, et améliorer la situation de la minorité des Al-Akhdam, et surtout l’accès de leurs enfants à l’éducation. Le Comité accueillerait avec satisfaction de plus amples précisions sur la situation des autres minorités, y compris les personnes d’ascendance africaine, les Juifs, les Bahaïs et les non-ressortissants. Tout en se félicitant des mesures prises par l’État partie pour offrir aide et protection aux réfugiés, M. de Gouttes se demande quand seront adoptées des dispositions spécifiques concernant la définition et la protection des demandeurs d’asile et des réfugiés.

M. Peter indique qu’il souhaiterait entendre les observations de la délégation concernant les informations selon lesquelles il y aurait des tensions constantes entre le Gouvernement, qui veut introduire des changements, et les influents religieux islamiques de l’État partie, qui souhaitent bloquer ce processus.

Il serait utile de savoir si le filet de sécurité sociale mis en place a permis effectivement d’atténuer les souffrances des très pauvres et des secteurs marginalisés, y compris la minorité des Al‑Akhdam et les personnes d’ascendance africaine.

D’après les renseignements reçus par le Comité, la mutilation génitale féminine, pratiquée pendant les quarante premiers jours de la vie d’une fillette, serait très répandue dans les zones côtières de l’État partie. Si le Gouvernement l’a interdite dans les centres de santé officiels, les autorités semblent garder le silence lorsqu’elle est réalisée dans un cadre privé par des exciseuses traditionnelles. M. Peter souhaiterait avoir confirmation de ces renseignements et recevoir des informations à jour sur toutes dispositions adoptées par le Gouvernement pour protéger les fillettes contre cette pratique. De plus, le mariage précoce serait courant dans l’État partie, et la presse s’est faite largement l’écho du cas de Nojoud Mohammed Ali, fillette de 9 ans que son père a mariée à un homme de 30 ans. Le Comité aimerait être informé de l’état d’avancement du projet de loi interdisant le mariage précoce, en particulier après la manifestation de soutien à ce texte qui, au début de 2010, a réuni de nombreuses femmes devant le Parlement.

Il est regrettable que le rapport périodique contienne si peu de renseignements à jour sur les droits civils et politiques. S’agissant du droit de quitter son pays et d’y revenir, M. Peter aimerait avoir confirmation du fait qu’une femme a besoin de l’autorisation de son mari ou de son tuteur pour obtenir un passeport. Il souhaite également connaître le nombre des femmes qui siègent actuellement au Parlement.

M me Crickley regrette, comme le Rapporteur pour le Yémen, l’insuffisance d’informations à jour qui auraient facilité le débat en cours. Il serait utile de recevoir de plus amples renseignements sur le nombre de femmes – et en particulier de femmes appartenant à des groupes souvent vulnérables à la discrimination raciale – qui occupent des postes de cadre moyen dans l’administration publique. Le Comité souhaiterait connaître les mesures adoptées par l’État partie afin qu’aucune des initiatives prises pour faire avancer les droits des femmes n’entraîne par inadvertance la perpétuation de pratiques discriminatoires ou le rejet sur les femmes de la responsabilité de pratiques telles que la mutilation génitale féminine. Le Comité voudrait également savoir comment est mesuré l’impact de telles initiatives.

À propos des actions en faveur de la réduction de la pauvreté, le Comité souhaite connaître les mesures prises par l’État partie pour cibler des groupes minoritaires comme ceux des réfugiés ou des nationaux étrangers qui, bien souvent, n’entrent pas dans le cadre de ces actions.

Conscient de la diversité culturelle et raciale de la population du Yémen, le Comité aimerait connaître les dispositions adoptées par le Gouvernement pour sensibiliser la population à la discrimination raciale dans le système éducatif, l’administration publique et le système judiciaire, et lutter contre elle. Le Gouvernement doit pleinement reconnaître la pluralité raciale de la population du Yémen pour pouvoir adopter les mesures nécessaires à l’éradication de la discrimination raciale.

M me Alban (Yémen), répondant aux questions relatives à la situation actuelle au Yémen, indique que les événements qui s’y déroulent ont été déclenchés par ceux qui ont eu lieu en Tunisie. La communauté internationale assistera vraisemblablement à des événements analogues dans toute la région arabe. Le rythme actuel du changement, qui est très probablement un signe positif, a provoqué au Yémen des manifestations à travers tout le pays. Le Gouvernement avait pris auparavant les mesures permises par la législation nationale pour tenter de répondre aux revendications des personnes désireuses d’empêcher la modification de la Constitution ou pour s’attaquer à l’élévation des niveaux de pauvreté. Toutefois, si les lois en vigueur offrent au Yémen bon nombre de moyens, ces textes sont rarement appliqués. Aussi le Gouvernement a-t-il accepté d’augmenter les salaires des fonctionnaires, de différer les élections législatives et de commencer à tenir un registre de toutes les personnes en âge de voter.

Le Gouvernement avait tenté antérieurement de créer des espaces de dialogue entre les différents partis politiques et la société civile. Toutefois, cette initiative s’est heurtée à des conflits d’intérêts et à la diversité des revendications inhérente à l’existence d’un large éventail d’opinions politiques. Changeant de tactique, le Gouvernement a engagé tous les partis politiques à participer à un débat télévisé sur les difficultés et les défis auxquels le pays est confronté.

En réponse à l’ample publicité donnée par les médias à la question de la succession, il a été confirmé au cours d’une réunion avec le Parlement national que le Président de la République n’avait aucunement l’intention de transmettre la présidence à un membre de sa famille.

Si le Gouvernement est fermement attaché au respect de la liberté politique, il ne compte pas se mettre en retrait et laisser l’État sombrer dans le chaos. Le Ministère des droits de l’homme a le devoir de protéger les droits des populations yéménites et considérera toute atteinte à leurs libertés comme une infraction sanctionnée par la loi. Le Gouvernement a adopté le principe de la transparence et n’appelle pas à l’usage de la force contre des personnes qui participent à des manifestations pacifiques pour affirmer des droits légitimes qui leur sont garantis par la Constitution.

Les femmes jouent un rôle important dans la vie du pays; elles font partie par exemple des conseillers du Président, des professeurs et des magistrats. Conscient qu’elles sont sous-représentées dans les sphères du pouvoir, le Yémen a pris une initiative tendant à instaurer un quota en vertu duquel 44 sièges parlementaires seraient automatiquement réservés à des femmes afin de leur assurer une représentation égale.

La mutilation génitale féminine a été importée de pays africains; elle n’est pratiquée que par un petit nombre de personnes, dans le sud du pays. La lutte contre cette pratique est menée par deux départements ministériels en association avec la société civile et la commission nationale des femmes.

M. Al-Hawri, répondant aux questions relatives à la réduction de la pauvreté, rappelle que le Gouvernement yéménite a élaboré en la matière une stratégie destinée à être appliquée pendant la période 2003-2005, qui a ouvert la voie au plan de développement pour 2015. Ce plan comprend un programme accéléré d’atténuation de la pauvreté au bénéfice des groupes marginalisés et vulnérables. Parmi les autres mécanismes de lutte contre la pauvreté figurent un fonds social pour les zones rurales pauvres, un programme de microcrédit et un fonds des conseils locaux. Toutefois, la pénurie de ressources a fortement restreint la portée de ces mécanismes. Le Gouvernement s’attache à trouver des bailleurs de fonds pour l’aider à endiguer le chômage et prévoit un recul des taux de pauvreté au cours des trois prochaines années, à mesure que le pays se rapprochera des objectifs du Millénaire pour le développement.

M. Al-Mugahed(Yémen), répondant aux questions relatives à l’applicabilité du droit musulman aux étrangers et aux non-musulmans, précise qu’il n’y a pas de lois distinctes à l’usage des uns ou des autres car une distinction de ce genre donnerait naissance à des incohérences dans la législation. Si, dans la plupart des situations courantes, les étrangers et les non-musulmans sont assujettis aux mêmes lois que les Yéménites, il existe des exceptions que la délégation pourra développer ultérieurement.

En réponse aux questions concernant les défis politiques qui se posent au pays, M.  Al-Adoofi(Yémen), indique que le Yémen traverse incontestablement une période de troubles politiques; toutefois, les médias étrangers ont tendance à exagérer les événements.

L’Union européenne a salué dernièrement le caractère équitable et démocratique des élections organisées au Yémen, qui sont suivies par des observateurs internationaux depuis 1993. De plus, le Gouvernement a pris des mesures pour faire mieux comprendre les problèmes politiques, économiques et sécuritaires auxquels le Yémen est confronté en tant que pays.

Depuis 1991, le Yémen pratique une politique de portes ouvertes à l’égard des réfugiés somaliens, et il a rapidement acquis la réputation d’un pays de transit. Comme, toutefois, il est le seul pays d’accueil de la région, cette situation n’a pas manqué de soulever un certain nombre de problèmes. Par voie de conséquence, le Gouvernement a exhorté la communauté internationale à prendre ses responsabilités et à restaurer la paix en Somalie. Pour faire face à l’afflux de réfugiés, des camps et des centres d’accueil ont été créés en coopération avec le HCR. Dans leur majorité, les réfugiés somaliens émigrent par bateau, courant des dangers souvent considérables, et sont placés dans des camps à leur arrivée. Une fois installés, ils reçoivent un soutien destiné à faciliter leur intégration à la vie du camp ou à celle de la localité.

M me Alban (Yémen), évoquant à son tour la question des réfugiés, ajoute que si le Ministère des droits de l’homme travaille normalement en étroite collaboration avec le HCR, celui-ci semble considérer que le Yémen ne reçoit que des réfugiés somaliens, alors qu’il en accueille également en provenance de l’Éthiopie, de l’Iraq et de la Palestine. La non-reconnaissance des réfugiés éthiopiens par le HCR est devenue un grave sujet de différend, tant pour les réfugiés que pour le Ministère. Le Gouvernement constate avec regret que les appels lancés au HCR à propos des réfugiés éthiopiens ne rencontrent aucun écho, car le HCR n’est pas mandaté pour intervenir ni pour leur fournir les papiers nécessaires. Les réfugiés se trouvent ainsi dans un no man’s land politique, car ni le HCR ni l’État ne sont prêts à se charger de leur protection.

Les réfugiés iraquiens se trouvent dans une situation analogue, puisqu’ils ne relèvent pas non plus du mandat du HCR et qu’ils ne remplissent donc pas les conditions requises pour obtenir le statut de réfugié ni pour recevoir l’aide concomitante offerte en pareil cas. Le Gouvernement yéménite demande instamment au Comité de l’aider à trouver une issue à une impasse politique dont la persistance équivaudrait à dénier à ces réfugiés une nationalité ainsi que l’accès à l’éducation et à d’autres services publics.

La séance est levée à 18 h eures .