NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l'élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1504

27 juin 2002

Original : FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixantième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1504e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le lundi 11 mars 2002, à 10 heures

Président : m. diaconu

SOMMAIRE

SUIVI DE LA conférence MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XéNOPHOBIE ET L'INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIéE; TROISIèME DéCENNIE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA DISCRIMINATION RACIALE (1992‑2003) (suite)

examen des rapports, observations et renseignements présentés par les états parties conformément à l'article 9 de la Convention (suite)

Neuvième à douzième rapports périodiques du Qatar

_______________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 10 h 05.

SUIVI DE LA CONFÉRENCE MONDIALE CONTRE LE RACISME, LA DISCRIMINATION RACIALE, LA XÉNOPHOBIE ET L’INTOLÉRANCE QUI Y EST ASSOCIÉE (point 8 de l’ordre du jour); TROISIÈME DÉCENNIE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME ET LA DISCRIMINATION RACIALE (1993‑2003) (suite)

1.Le PRÉSIDENT souhaite la bienvenue au Haut‑Commissaire adjoint aux droits de l’homme et le prie d'indiquer au Comité des grandes orientations dont ce dernier pourrait tenir compte pour assurer le suivi de la Conférence mondiale contre le racisme.

2.M. RAMCHARAN (Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme) rappelle que les trois grandes tâches qui incombent au Comité sont l’examen des rapports présentés par les États parties, l’examen de communications émanant de particuliers et la formulation de recommandations générales. Il appelle l’attention des membres du Comité sur les liens entre les travaux de la Conférence et les principaux articles de la Convention. En ce qui concerne l’article premier de la Convention qui tend à définir la discrimination raciale, le Comité pourrait se reporter à ce qui a été fait à la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban en vue de définir la notion de race du point de vue juridique et scientifique. Le Comité pourrait en outre étudier le point de savoir si la Déclaration et le Programme d’action de Durban comprennent des recommandations se rapportant aux articles 2 et 4 de la Convention. À propos de ce dernier article qui a trait à la propagande en faveur de la discrimination raciale, les participants à la Conférence ont considéré qu’Internet jouait un rôle majeur et ambivalent en favorisant la diffusion d’idées fondées sur la haine tout en facilitant la mobilisation de l’opinion publique contre ces mêmes idées. S’agissant de l’article 6, la Déclaration et le Programme d'action de Durban comportent d’importantes dispositions sur la protection des victimes du racisme et les voies de recours effectives. Concernant l’article 7, la Conférence a longuement examiné des questions d’éducation, de culture et d’information. Il serait sans doute très utile que le Comité examine les documents qui s'y rapportent. D’une manière générale, le Comité pourrait peut-être s’inspirer des différents éléments contenus dans la Déclaration et le Programme d’action de Durban lorsqu'il élaborera des recommandations générales.

3.M. ABOUL-NASR note que le Haut‑Commissaire adjoint aux droits de l’homme n’a pas cité l’examen des communications émanant d'un État partie qui estime qu'un autre État partie n'applique pas les dispositions de la Convention (article 11 de la Convention) parmi les principales fonctions du Comité. Le Haut‑Commissaire adjoint aux droits de l’homme estime-t-il que cette fonction est moins importante que les autres ? Par ailleurs, il souhaite savoir pourquoi la Haut‑Commissaire aux droits de l’homme a refusé que les documents émanant des organisations non gouvernementales puissent être examinés à la Conférence mondiale, décision qui a été très mal perçue, en particulier par les pays du tiers monde.

4.M. YUTZIS demande au Haut‑Commissaire adjoint aux droits de l’homme d'indiquer au Comité comment il envisage la collaboration entre les différents organes qui s’occupent de la lutte contre la discrimination raciale, à savoir les experts indépendants nommés par le Secrétaire général de l'ONU, l’unité de lutte contre la discrimination raciale du Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée et le Comité lui‑même ? N’existe‑t‑il pas de risques de chevauchement ?

5.M. TANG, complétant l'intervention de M. Yutzis, souhaite connaître les modalités de la coopération future entre le Comité et les cinq experts indépendants nommés par le Secrétaire général après la Conférence mondiale.

6.M. SICILIANOS relève dans le Programme d’action de la Conférence mondiale (A/CONF.189/12, par. 194) que la Conférence a invité le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme à poursuivre ses efforts en vue de faire connaître davantage les travaux du Comité. Que compte faire le Haut‑Commissariat afin de renforcer la visibilité du Comité ?

7.M. de GOUTTES note que le Haut‑Commissaire adjoint aux droits de l’homme a évoqué les travaux scientifiques et juridiques visant à mieux définir la notion de race. Il aimerait savoir si le Haut‑Commissariat pourrait fournir au Comité les documents de la Conférence portant sur cette question ? Par ailleurs, il s’étonne de ce que la Conférence ne se soit pas intéressée davantage à la prévention de la discrimination raciale, en particulier aux mesures d’alerte rapide et à la procédure d’action urgente du Comité.

8.M. PILLAI dit qu’au paragraphe 177 de son Programme d’action, la Conférence a engagé instamment les États à continuer de coopérer avec le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et les autres organes de surveillance créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme afin de promouvoir l’application effective de ces instruments et la mise en œuvre des recommandations adoptées par ces organes. Au sujet de cette coopération, force est de constater que les États ne présentent pas toujours les rapports demandés ou les soumettent avec beaucoup de retard ou avec un contenu inapproprié. Le Haut‑Commissariat aurait‑il des solutions pour remédier à ce problème ?

9.M. KJAERUM souhaite savoir si le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme envisage de superviser les activités de suivi de la Conférence et quelle pourrait être la place du Comité dans le cadre des activités de suivi menées aux niveaux international et régional.

10.M. SHAHI souligne que la communauté internationale, notamment lors de la Conférence mondiale, n’a pas accordé l’attention nécessaire à la question de la prévention du génocide. Il aimerait entendre les observations du Haut‑Commissaire adjoint aux droits de l’homme sur ce point.

11.M. RAMCHARAN (Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme), répond aux questions des experts qu’il va de soi que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale peut et doit faire connaître ses vues aux autres organes conventionnels de l’ONU chargés de veiller au respect des droits de l’homme. Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme compte appuyer la coopération entre non seulement le comité et les cinq experts qui ont été nommés par le Secrétaire général de l’ONU à l’issue de la Conférence, mais aussi avec l'unité de lutte contre la discrimination mise en place au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d'intolérance.

12.À la question de savoir comment le Haut-Commissariat envisage de mettre en œuvre le paragraphe 184 du Programme d’action de la Conférence, qui concerne la sensibilisation aux problèmes de racisme, de discrimination raciale et de xénophobie, M. Ramcharan répond que le Haut-Commissariat finalise actuellement un document synthétisant les mesures prises par l’ONU en matière de lutte contre le racisme, qui devrait être diffusé très prochainement dans divers médias audiovisuels et sur le site Internet du Haut-Commissariat. L’unité de lutte contre la discrimination, qui a été créée à l’issue de la Conférence et est financée par des contributions volontaires, constituera le principal centre d'information sur les activités menées au niveau mondial pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie, et sera notamment chargé de diffuser des informations sur lesdites activités.

13.M. Ramcharan indique que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme attache une très grande importance aux procédures établies par le Comité dans le domaine de la prévention de la discrimination raciale, notamment aux mesures d’alerte rapide et à la procédure d’action urgente, à l’article 11 de la Convention qui établit la compétence du Comité pour recevoir des communications émanant d’un État partie qui estime qu'un autre État partie n'applique pas les dispositions de la Convention, et à l’article 14 qui établit la compétence du Comité pour examiner les plaintes individuelles.

14.Pour ce qui est des mesures qui peuvent être prises pour assurer le progrès de certains groupes raciaux et ethniques, évoquées à l’article de la Convention, M. Ramcharan rappelle que le chapitre 2 du Programme d'action adopté à la Conférence mondiale contre le racisme, à Durban, traite des questions de discrimination et de violence à l’égard de certains groupes particuliers de personnes, notamment des populations autochtones, des personnes d’ascendance africaine, des travailleurs migrants et des réfugiés. L’une des leçons de Durban est d’avoir fait apparaître que certaines communautés victimes de racisme et de discriminations n’avaient pas reçu jusqu’alors toute l’attention nécessaire. Cela a été particulièrement le cas des personnes d’ascendance afro-américaine qui ont exprimé le sentiment que les discriminations dont elles avaient fait l’objet n’avaient pas reçu une attention suffisante non seulement au niveau national mais aussi au niveau international. Le Comité pourrait donc se pencher sur cette « invisibilité » soulignée par certains groupes raciaux qui ont été victimes de racisme et de discrimination au regard des dispositions de l’article premier (par. 4) de la Convention.

15.Afin de favoriser la coopération entre les organes conventionnels de l’ONU chargés de suivre l’application des instruments relatifs aux droits de l’homme, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme a décidé de convoquer du 26 au 28 juin 2002 une réunion à laquelle seront conviés trois représentants de chacun des organes conventionnels qui s'occupent des droits de l’homme. Cette réunion devrait permettre d’amorcer un processus de réflexion sur les moyens d'assurer une application optimale des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et de faciliter la coopération inter-organisations dans ce domaine.

16.M. Ramcharan indique que la Haut-Commissaire s’efforce constamment d’accroître les ressources dont dispose le Comité en faisant appel à des contributions volontaires et que plusieurs membres du secrétariat du Comité sont actuellement rémunérés grâce à ces contributions. Il participera lui-même, par vidéo conférence, à la Conférence d’annonces de contributions qui se tiendra à New York dans l'après-midi, afin d’obtenir davantage de ressources financières pour accroître les capacités d'action du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

17.Répondant à la question concernant la possibilité de faire davantage appel aux instances régionales, M. Ramcharan souligne que la Haut-Commissaire a désigné des représentants et des conseillers régionaux du Haut-Commissariat afin de mieux coordonner l’action de ce dernier sur le terrains, à savoir M. Hammarberg, conseiller du Haut-Commissariat pour l’Europe, et M. Garretón, représentant du Haut-Commissariat pour l’Amérique latine. La Haut-Commissaire encourage également la coopération avec les organismes des Nations Unies et les organisations régionales, notamment l’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE) et le Conseil de l’Europe. Plusieurs réunions conjointes entre l’ONU et ces organisations régionales ont débouché sur l'adoption de différentes décisions importantes.

18.M. VALENCIA RODRIGUEZ remercie le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l’homme des précisions très utiles qu’il a apportées au Comité. Il estime toutefois que, compte tenu de son rôle extrêmement actif avant et pendant la Conférence, le Comité est l'organe le mieux placé pour décider de ce qu’il est en mesure de faire pour répondre aux attentes de la communauté internationale en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale et contribuer à la mise en œuvre du Programme d’action de Durban.

19.Regrettant que la Conférence mondiale contre le racisme ait privilégié les négociations politiques au détriment d’un examen approfondi des questions spécifiquement liées au racisme et à la discrimination raciale, M. Valencia Rodriguez reconnaît que les décisions prises lors de cette conférence sont d’une importance capitale et sont les jalons de la politique à suivre pour lutter contre le racisme. Toutefois, le Programme d’action adopté par la Conférence, à Durban, ne pourra être efficacement mis en œuvre qu’à deux conditions : si les 161 États signataires de la Convention en reconnaissent le caractère obligatoire et si la communauté des États respecte les engagements pris à Durban.

20.M. ABOUL-NASR estime que le Comité ne devrait pas perdre du temps à examiner les principes biologiques et/ou juridiques qui pourraient être invoqués pour définir le concept de « race ». Les trois quarts de l’humanité veulent simplement savoir ce que la Conférence mondiale de Durban et le Comité peuvent faire pour résoudre les problèmes de discriminations qu’ils rencontrent. Il serait donc souhaitable que le Comité se consacre à sa tâche essentielle, à savoir étudier les moyens d’éradiquer le terrible fléau du racisme.

21.M. THORNBERRY reconnaît que la notion de « race » soulève des difficultés pour plusieurs raisons : elle a été en partie « déconstruite » par l’UNESCO et n'est pas définie précisément dans la Convention où lui est préféré le concept de « groupes raciaux » (art.premier, par. 4).

22.M. Thornberry est d'avis que le Comité pourrait innover en matière de lutte contre le racisme en analysant de manière approfondie la signification qu’il convient de donner au terme d’« ascendance », utilisé à l’article premier de la Convention. à cet égard il ne devrait pas perdre de vue que des millions de personnes sont victimes, dans le monde entier, de discriminations fondées sur leur ascendance ou leur origine. Il devrait peut-être examiner également les discriminations dont ont été victimes les personnes d’ascendance africaine, comme l’a suggéré M. Ramcharan.

23.M. LINDGREN ALVES estime que rouvrir le débat sur la question de la définition du terme « race » serait une perte de temps. Le Comité devrait à son avis s’attacher à rechercher les moyens de lutter efficacement contre la discrimination raciale plutôt qu'à tenter de régler des problèmes de l’humanité dépassant ses attributions. En l’espèce, il devrait adopter une décision ou une déclaration par laquelle il ferait siens le Programme d’action et la Déclaration adoptés à Durban par la Conférence mondiale contre le racisme. Le Comité pourrait également ajouter un point concernant le suivi de la Conférence mondiale aux principes directeurs auxquels les États parties sont tenus de se conformer lorsqu’ils établissent les rapports périodiques qu'ils lui destinent.

24.Le président remercie les intervenants, en particulier le Haut-Commissaire adjoint aux droits de l'homme, et espère que le Comité aura l'occasion de revenir sur la Conférence mondiale contre le racisme en présence de la Haut-Commisaire.

La séance est suspendue à 11 h 30; elle est reprise à 11 h 35.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Neuvième à douzième rapports périodiques du Qatar (Comité/C/360/Add.1) (suite)

25.Sur l’invitation du Président, la délégation qatarienne reprend place à la table du Comité. M. AL‑souidi (Qatar) remercie le Comité des observations et des questions qu’il a formulées à la séance précédente, l'assurant que les auteurs des prochains rapports du Qatar en tiendront largement compte. Il rectifie tout d'abord une erreur dans le rapport à l'examen (CERD/C/Add. 1, par. 16 e) : les actes de discrimination raciale ne constituent pas une infraction passible de la peine capitale. Il indique ensuite que le pays est engagé dans un important processus de réforme législative. Ainsi, depuis l’accession au pouvoir de l’Émir, 52 lois majeures ont été promulguées et 24 décrets d’adhésion à des instruments internationaux ont été adoptés. L’Émir a en outre constitué un comité chargé de la rédaction du projet de constitution permanente, composé de 32 membres représentatifs de l’ensemble de la société. Cette initiative constitutionnelle louable devrait être achevée dans un délai de quelques semaines. Elle mobilise une grande énergie et une bonne part des ressources humaines compétentes du pays. La délégation transmettra toutefois aux autorités le souhait du Comité de voir le Qatar adopter une législation spécifique contre la discrimination raciale, de faire la déclaration prévue à l’article 14 et d’approuver la modification qu'il est proposé d'apporter à l’article 8 de la Convention.

26.Sur la question de l’acquisition de la nationalité qatarienne, M. Al‑Souidi précise qu’un groupe de travail examine actuellement un nouveau projet de loi sur la nationalité, qui pourrait notamment prévoir la possibilité d'octroyer la nationalité qatarienne pour services exceptionnels à l’État. Il n’est pas prévu en revanche de remettre en question les droits réservés aux seuls citoyens, évoqués à la séance précédente. Il est en effet normal que les citoyens, qui assument certaines obligations que n’ont pas les non ressortissants (en matière de service militaire, par exemple), aient également davantage de droits. Ce principe n'est pas incompatible avec l’article 2 de la Convention dans la mesure où les non ressortissants bénéficient sur un pied d’égalité avec les citoyens qatariens des droits fondamentaux accordés à tous les êtres humains, tels que le droit d’intenter une action en justice. L’interdiction de plaider imposée aux avocats non arabes est elle aussi compatible avec la Convention car c’est dans l’intérêt même de la justice qu’il a été décidé que les accusés devaient être défendus par des avocats qui maîtrisent l'arabe, langue officielle et de travail des tribunaux, et qui connaissent bien les us et coutumes du pays. Il est d’ailleurs plus que probable qu'une telle interdiction existe dans d’autres pays.

27.M. FahadAwaidaal-thani (Qatar) dit que l’Émir du Qatar a condamné fermement à plusieurs reprises les attaques terroristes commises le 11 septembre 2001 aux États-Unis. Il s’est notamment exprimé à ce propos devant l’Assemblée générale des Nations Unies, rappelant le droit des peuples à l’autodétermination mais insistant sur la nécessité de ne pas assimiler le terrorisme à la lutte pour l’indépendance. Il a également appuyé la résolution 1973 du Conseil de sécurité (S/RESPONSABLE/1973 (2001)), dans laquelle il est demandé aux États de coopérer à la lutte contre les groupes ou organisations terroristes.

28.M. KhalidBin J AL‑THANI (Qatar) dit que le Qatar a d’ores et déjà adhéré non seulement à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, mais également à la Convention relative aux droits de l’enfant et à son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ainsi qu'à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il entend en outre adhérer dans un futur proche au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

29.Le représentant du Qatar avance pour preuve de l’indépendance des médias le fait que l’efficacité de plusieurs ministères, en particulier le Ministère de l’éducation, a été à plusieurs reprises critiquée dans la presse. Les seules mesures de censure possibles contre les journaux et la télévision, visent à protéger la population contre les publications ou émissions pornographiques.

30.Le représentant répond par l’affirmative à la question de savoir si les programmes scolaires nationaux sont aussi appliqués dans les écoles étrangères implantées sur le sol qatarien,. Les 137 écoles étrangères et les 106 écoles qatariennes sont placées sous la supervision du Ministère de l’éducation et régies par la même loi et les écoles étrangères proposent également la charia et la langue arabe comme matières d’enseignement. En outre, quatre centres culturels britannique, français, américain et indien proposent à tous un large éventail d’activités sans distinction de nationalité. Conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, la gratuité de l’enseignement primaire est assurée par les écoles publiques. Seuls des frais symboliques sont demandés aux étrangers dans l’enseignement secondaire public. Quant aux établissements d’enseignement privé, ils perçoivent des frais de scolarité, du même montant pour tout élève ayant ou non la nationalité qatarienne. Pour ce qui est de l’emploi de main‑d’œuvre étrangère dans le secteur privé, l’employeur qui fait appel à un travailleur étranger doit effectivement s’acquitter des frais mais pas l’employé.

31.Enfin, le représentant dit qu’un mouvement de promotion des droits de l’homme, auquel la société civile prend une part active, est en marche au Qatar. Le Conseil supérieur de la famille, qui a été créé en 1998 et déploie de grands efforts pour améliorer la situation des enfants et des mères, a été sollicité massivement par les organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de la famille et de l’enfance.

32.M. AL‑BADR (Qatar) précise que son pays ne disposera pas avant la fin de 2002 de statistiques sur le nombre de demandes de naturalisation et la proportion de demandes acceptées. Il indique toutefois que l’acquisition de la nationalité qatarienne est aisée dès lors que sont remplies quatre conditions : premièrement, résider légalement sur le territoire depuis au moins 20 ans, en général, et 15 ans pour les Arabes et les citoyens du monde arabe; deuxièmement, attester d'une bonne conduite; troisièmement, ne pas avoir été condamné dans une affaire de mœurs et quatrièmement, maîtriser suffisamment la langue arabe. La naturalisation permet aux nouveaux citoyens, après un certain délai, d'accéder comme les autres aux emplois administratifs. Les nomades, qui ont résidé à l’étranger pendant une période donnée ne sont pas privés de leur droit à la nationalité pour cette raison, s’ils ont l’intention de revenir au Qatar. Le terme de « qatarien de souche » utilisé dans certains textes de loi vise les Qatariens résidant sur le territoire depuis 1930 ou ceux dont les ascendants sont installés sur le territoire depuis cette date au moins.

33.Au Qatar, tout mariage est subordonné, en vertu d’une loi de 1989, à trois conditions : le consentement de l’homme et de la femme concernés, la capacité de l’homme à survenir aux besoins de la famille et l’absence de toute maladie susceptible d'empêcher le mariage. Les enfants nés d’un mariage entre un citoyen ou une citoyenne et un non‑ressortissant ou une non‑ressortissante bénéficient d’une autorisation de séjour, de la priorité pour l’acquisition de la nationalité à l’âge adulte et du même traitement que les citoyens en termes d’éducation et d’accès à l’emploi. L'autorisation d’épouser un étranger ou une étrangère peut être délivrée aussi bien à des ressortissants qu’à des non‑ressortissants, de sorte qu’il est tout à fait possible pour deux étrangers de se marier au Qatar. Par ailleurs, toute personne, sans distinction de nationalité, est libre de quitter le pays et d’y revenir à condition de présenter une attestation prouvant qu’il ne fait pas l’objet d’une décision judiciaire. Les seules restrictions à ce droit sont qu'un ressortissant ne doit pas avoir séjourné plus de six mois à l’étranger et qu'un non‑ressortissant doit être en possession d’un titre de séjour ou d’une autorisation des autorités. Par ailleurs, comme cela est indiqué au paragraphe 34 du rapport, les femmes de moins de 30 ans et les enfants de moins de 18 ans doivent être accompagnés pour franchir les frontières. Cette dernière règle est bien tolérée dans un pays où les traditions et les principes revêtent une grande importance car elle assure la sérénité et la tranquillité des familles.

34.M. AL‑MANSOURY (Qatar) rappelle que l’État du Qatar est un État arabe souverain, indépendant et musulman où la charia islamique est la principale source du droit. Le système de gouvernement et d’administration de la justice en vigueur au Qatar est d'inspiration islamique. Il régit tous les aspects de la vie en matière de mariage, de divorce, d'héritage et de relations de travail. Au fil des siècles, la charia a su s’adapter à l’évolution de la société, ce qui explique l’abondante jurisprudence à laquelle peuvent se référer les juges islamiques.

35.Conformément à l’article 5, d) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le droit à la liberté de religion est garanti à tous, à condition que la pratique religieuse ne soit pas contraire à la morale ou incompatible avec les préceptes islamiques, n’incite pas à la haine ou à la violence à l’égard d’adeptes d’autres religions et ne menace pas l’ordre public. Aux termes du Code pénal du Qatar, toute atteinte à ce droit est une infraction préjudiciable à l’ordre public et est par conséquent, punissable.

36.M. Al‑Mansoury indique que l'impossibilité d’hériter d’une personne de confession différente ne signifie pas qu'il existe au Qatar un système discriminatoire à l'égard des non musulmans car ce système peut également pénaliser les musulmans, qui ne peuvent hériter des non musulmans.

37.M. AL‑SULAITY (Qatar) dit que la nouvelle loi sur le travail a été élaborée en collaboration avec des experts de l’Organisation internationale du Travail et de l’Organisation arabe du travail et est par conséquent conforme aux conventions de ces organisations. Cette loi définit les différents éléments qui doivent être mentionnés dans le contrat de travail conformément aux normes internationales. Que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public, les critères d’embauche sont toujours les compétences professionnelles des candidats à l'emploi indépendamment de leur race, leur sexe ou leur religion. M. Al‑Sulaity précise que le Qatar emploie des travailleurs de 157 nationalités différentes. Le droit au travail et la liberté de choisir un emploi sont donc garantis à tous.

38.M. AL‑MERY (Qatar) affirme que l’État du Qatar n’a promulgué aucune loi spéciale visant à interdire et à punir les actes de discrimination ou de ségrégation raciale parce que ces délits sont inconnus dans la société qatarienne et que les dispositions de la Constitution révisée et de la charia islamique, qui interdisent formellement de tels actes et pratiques, sont considérées comme suffisantes. Il rappelle que le Qatar a adhéré à la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale et à la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid, instruments qui sont en vigueur dans le droit interne qatarien au même titre que les autres. Le chef de la délégation s'engage à attirer l’attention du Gouvernement qatarien sur la nécessité, soulignée par le Comité, d’adopter à titre préventif des lois interdisant la discrimination raciale.

39.Toute personne qui estime avoir été victime d’une violation de ses droits peut s’adresser aux tribunaux de la charia ou aux tribunaux séculiers. Les premiers peuvent imposer des peines pour les actes de discrimination raciale car ces derniers violent les dispositions de la charia islamique, et sont par conséquent punissables. Les seconds peuvent accorder une réparation pour le préjudice subi. Les tribunaux peuvent examiner toute affaire de discrimination dont ils sont saisis en rapport avec un contentieux opposant des nationaux qatariens ou des musulmans à des non musulmans, indépendamment de la nationalité des plaignants. D’après le bureau qatarien de statistique, aucune affaire de ce type n’a été portée devant les tribunaux.

40.Enfin, s’agissant de l’accès à la propriété, M. Al‑Mery confirme que les étrangers n’ont en général pas le droit de posséder des biens immobiliers au Qatar, à l’exception des États membres du Conseil de coopération du Golfe, sous réserve de réciprocité.

41.M. de GOUTTES (rapporteur pour le Qatar) se félicite de la reprise du dialogue avec le Qatar, dont le dernier rapport remonte à 1993, ainsi que de l’abondance et de la précision des réponses fournies par la délégation au Comité, notamment sur la « révolution législative » en cours au Qatar et sur l’adhésion de ce pays à divers instruments internationaux. M. de Gouttes se félicite également de ce que la délégation a pris bonne note du fait que le Comité a recommandé au Qatar d’accepter l’amendement à l’article 8 de la Convention et de faire la déclaration prévue à l'article 14 de cet instrument. Il remercie la délégation des informations très instructives qu'elle a fournies au Comité sur la genèse, la portée globale et la souplesse de la charia ainsi que sur le rôle accru que jouent la société civile et les ONG dans la société qatarienne.

42.M. de Gouttes souhaite que l’État partie fasse figurer dans la première partie de son prochain rapport périodique des informations plus détaillées sur la composition ethnique de la population, l’avancement des grandes réformes institutionnelles en cours et les mesures adoptées pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action adoptés à la Conférence mondiale contre le racisme. Concernant la deuxième partie du rapport portant sur les renseignements relatifs à l’application des articles 2 à 7 de la Convention, le Comité aimerait recevoir des informations sur les mesures que le Gouvernement aura prises pour promulguer une législation nationale pleinement conforme aux exigences des articles 2 et 4 de la Convention, même si l’État partie estime que la discrimination raciale n'existe pas au Qatar.

43.Enfin, M. de Gouttes pense qu’il serait bon que le Comité fasse sienne la proposition de M. Aboul Nasr de faire appel à la chaîne de télévision indépendante Al ‑Jazeera pour diffuser la Convention.

44.M. AL SOUIDY (Qatar) indique que le Comité de rédaction de la Constitution devrait avoir achevé ses travaux au mois d’octobre 2002. Il se dit persuadé que la nouvelle constitution reflétera l’évolution économique, politique et sociale de l’État du Qatar, et qu’elle se sera inspirée des dispositions de la Convention. Il indique ensuite que des contacts ont été pris avec la chaîne de télévision Al ‑Jazeera, qui devrait entrer en relations avec le Comité prochainement.

45.Le PRÉSIDENT dit que le Comité a achevé l’examen du douzième rapport périodique du Qatar.

46.La délégation qatarienne se retire.

La séance est levée à 12 h 45.

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