NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.193525 août 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1935e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 4 août 2009, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quatorzième à dix-septième rapports périodiques du Pérou (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Quatorzième à dix-septième rapports périodiques du Pérou (CERD/C/PER/14-17; HRI/CORE/1/Add.43/Rev.1; réponses écrites à la liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance, en espagnol seulement) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation péruvienne reprend place à la table du Comité.

2.M. LAHIRI regrette que le Pérou ait décidé quelques années auparavant de ne plus établir d’indicateurs socioéconomiques ventilés par race et par ethnie car il est difficile, en l’absence de données, de saisir l’ampleur des problèmes de racisme et de discrimination raciale et de prendre, si besoin est, des mesures correctives efficaces. Contrairement à d’autres pays d’Amérique latine, le Pérou semble rejeter la notion de métissage et est encore fondé en grande partie sur une hiérarchie raciale dans laquelle la couleur de la peau garde beaucoup d’importance. Ainsi, les Blancs sont en général les mieux traités alors que les Indiens sont souvent considérés comme des sous-citoyens. Dans ce contexte, M. Lahiri voudrait connaître le point de vue de la délégation sur la très forte persistance de pratiques racistes au Pérou.

3.M. AMIR, évoquant les effets de la crise économique et financière internationale sur les pays en développement en particulier, demande si la crise a rendu encore plus difficile la tâche du Gouvernement péruvien dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Si la situation économique du Pérou s’est sensiblement améliorée ces dernières années, il semblerait que les groupes les plus défavorisés n’aient pas profité des fruits de la croissance. La délégation est invitée à revenir sur cette question. M. Amir évoque par ailleurs les difficultés rencontrées par les peuples indiens qui ont dû affronter des hivers très rigoureux dans le sud du pays et qui n’auraient obtenu aucune aide de l’État. D’une manière générale, il s’inquiète du sort réservé aux peuples indiens dans l’État partie et voudrait obtenir des renseignements à ce sujet.

4.M. EWOMSAN relève au paragraphe 61 du rapport à l’examen que «près d’un Afro‑Péruvien sur quatre n’a pas mené sa scolarité primaire à son terme» et voudrait connaître les raisons de ces abandons scolaires. Il demande aussi quelles sont les mesures prises pour promouvoir l’accès des Afro-Péruviens à l’éducation.

5.M. VALDIVIESO (Pérou) dit que sa délégation ne pourra répondre en détail aux dizaines de questions posées par les membres du Comité à la séance précédente, notamment aux demandes de données statistiques, sinon par écrit, ultérieurement. Si le Pérou se caractérise par une grande diversité ethnique, linguistique et raciale, tous les Péruviens ont les mêmes aspirations: la démocratie, la paix et le développement. Le Pérou est un pays démocratique où est respectée la liberté souveraine du peuple. Les décisions de justice, y compris celles du Tribunal constitutionnel, peuvent y faire l’objet d’appel. Ainsi, dans la région de San Martín, un groupe d’autochtones a contesté la légalité de certains textes législatifs auprès du Tribunal constitutionnel au motif qu’ils portaient atteinte à leurs traditions ancestrales.

6.En réponse à une question posée à la séance précédente, M. Valdivieso dit que les expressions «pueblos indígenas» et «comunidades nativas» sont synonymes. En 1994, le Pérou a ratifié la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux mais les droits des peuples autochtones étaient déjà garantis et protégés par l’article 88 de la Constitution. Cette ratification visait simplement à garantir la compatibilité des textes nationaux avec les instruments internationaux pertinents. Le conseil d’administration de l’Institut national de développement des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) est composé de 18 membres, dont 9 représentants autochtones, et est notamment chargé d’approuver les programmes nationaux et régionaux visant les peuples andins, amazoniens et afro-péruviens. Les organes départementaux d’administration comprennent également des représentants autochtones. En ce qui concerne le Parlement national, la situation est effectivement moins satisfaisante en ce qui concerne la représentation politique des peuples autochtones. Le Parlement, qui est constitué de 120 députés répartis en huit groupes politiques, éprouve beaucoup de difficultés à parvenir à un accord sur la question de la représentativité des autochtones.

7.M. Valdivieso poursuit en indiquant que le Pérou a pour ambition de devenir un pays dont toutes les régions, même les plus reculées, disposent d’infrastructures développées. Pour l’heure, les grandes infrastructures et les principaux services sont essentiellement concentrés dans les grandes villes, et surtout à Lima, même si le Gouvernement s’efforce depuis quelques années de décentraliser l’administration et les services de base dans les provinces et a créé des centres de développement dans toutes les régions du pays. En outre, le Gouvernement a entamé la réalisation d’un projet de réseau routier, qui est indispensable au développement rural. En effet, le prix des denrées agricoles est subventionné par les agriculteurs eux-mêmes et il est impératif de créer les conditions propices au transport des marchandises vers les marchés ruraux. Plusieurs programmes d’appui aux agriculteurs ont également été réalisés. Agribank, la banque de crédit agricole du Pérou, propose des prêts aux agriculteurs et finance des programmes de substitution à la culture de la coca, comme l’huile de palme ou le cacao.

8.Malgré la crise financière et économique mondiale, l’économie péruvienne, dont le taux de croissance avait atteint 9,8 % en 2008, s’est relativement bien tenue en 2009 et a été moins touchée par la crise que les autres pays d’Amérique latine. Cela est principalement dû à la relative stabilité des exportations minières et agricoles.

9.Répondant à la question de savoir quelle sera la place du secteur privé dans l’économie péruvienne à l’avenir, M. Valdivieso indique que le Pérou a pour ambition de disposer d’un secteur privé qui soit à la fois compétitif sur le plan international et un moteur de la croissance au niveau national. Il explique que l’État ne peut pas tout faire tout seul et que les capitaux privés jouent un rôle important dans les projets de développement, comme l’amélioration du réseau routier. Il rappelle qu’un récent projet, qui consistait à créer une route de 135 km dans la forêt amazonienne, a coûté la somme de 200 millions de dollars, un montant bien supérieur à ce que pouvait se permettre l’État péruvien. Celui-ci reste cependant actif dans ses prérogatives de développement, comme le montre le financement public de la campagne de lutte contre l’analphabétisme dont l’objectif est d’atteindre un taux d’analphabétisme nul en 2011.

10.L’État péruvien est également résolu à se doter d’une économie ouverte qui soit intégrée dans l’économie mondiale et l’économie régionale. Il rappelle qu’après les deux guerres mondiales que l’Europe a connues au XXe siècle, plusieurs pays (la France, l’Allemagne, l’Italie et les pays du Bénélux) ont créé la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA), la première communauté supranationale d’Europe, en signant le Traité de Paris, le 18 avril 1951. Même si l’Amérique latine n’est pas parvenue, à ce jour, à créer une intégration continentale, cette idée pourrait être reprise et concrétisée dans un accord sur l’utilisation de l’eau et de l’énergie en Amazonie.

11.S’agissant du rôle des peuples autochtones dans le développement du pays, M. Valdivieso rappelle l’attachement de l’État au respect des droits fonciers des autochtones sur leurs terres ancestrales, comme stipulé par la Constitution. Le Pérou compte plus de 60 millions d’hectares de terres dont plus du quart appartient aux autochtones et des progrès importants ont été effectués ces dernières années en matière de titres fonciers autochtones. M. Valdivieso reconnaît que des décrets législatifs concernant l’utilisation de certaines terres ont été promulgués mais souligne que les terres visées par ces décrets appartiennent à l’État et n’étaient en aucun cas des sanctuaires écologiques ou des terres autochtones, comme la presse l’a prétendu. L’État péruvien, convaincu qu’il est parfaitement habilité à autoriser des investissements privés sur les terres qui lui appartiennent, a d’ailleurs l’intention de lancer un processus d’investissement pour le reboisement de huit millions d’hectares de terres déboisées en Amazonie, projet auquel les peuples autochtones de la région participeraient pleinement.

12.S’agissant des événements de Bagua, du 6 juin 2009, qui ont fait 34 morts parmi la population autochtone et la police, M. Valdivieso rappelle que 24 policiers sont décédés dans les affrontements qui les ont opposés aux ethnies amazoniennes du nord du pays alors qu’ils participaient à une opération routinière de sécurisation routière. Il souhaite que l’on tienne compte du fait que les communautés autochtones du nord du pays qui ont manifesté leur opposition aux décrets législatifs autorisant l’exploitation de certaines terres de la région ont été manipulées à des fins politiques. Certaines personnes ont indiqué aux autochtones que le but de ces décrets était de privatiser leurs terres et de céder leurs ressources naturelles aux entreprises étrangères, ce qui est faux, même si beaucoup d’entre eux l’ont cru. Certaines personnes ont donc profité de leur ignorance pour créer une situation d’affrontement et de violence. Le représentant du mouvement de protestation des autochtones, Alberto Pizango, a quitté la table des négociations en raison des pressions exercées sur lui et même l’Église catholique s’est immiscée dans le conflit. L’enquête judiciaire en cours, qui a été ouverte à la demande du Parlement, devra éclaircir tous ces éléments et identifier les personnes qui ont encouragé l’affrontement et exacerbé la violence.

13.Le Gouvernement péruvien est atterré de constater que de nombreux médias internationaux ont parlé de «génocide» perpétré par les autorités et de fleuves qui regorgeraient des dépouilles de centaines d’Indiens. Ces allégations ont causé un tort inimaginable au pays et nul ne sait combien de temps et d’énergie sera nécessaire pour rétablir la confiance des intérêts étrangers dans le pays.

14.M. Valdivieso souhaite vivement que les observations finales du Comité évoquent le tort que les fausses informations diffusées par la presse internationale sur cette affaire ont causé au Pérou et soulignent que le Gouvernement péruvien est disposé à mettre en place des mécanismes de réparation collective et individuelle si la justice constate un quelconque manquement au droit commis par les autorités péruviennes.

15.Répondant à la question relative à l’évolution du Sentier lumineux (Sendero luminoso), M. Valdivieso indique que le terrorisme a reculé au Pérou. Le Sentier lumineux ne constitue plus une menace pour la stabilité du pays et est concentré dans une petite zone du pays. Il n’a pourtant pas disparu, puisqu’il est responsable de l’assassinat dans les jours précédents, de cinq personnes lors d’une attaque contre la police. Ce mouvement terroriste a créé des liens avec les narcotrafiquants et s’est installé dans les régions de culture de la coca. Il y protège les cartels de la drogue et en tire des ressources pour acheter des armes et mener des actions violentes. Dans certaines régions, le Sentier lumineux se livre directement au trafic de stupéfiants. Il s’agit d’un mouvement criminel, non démocratique et violent qui ne respecte pas les droits de l’homme et a causé la mort de 25 000 personnes.

16.Des préoccupations ont été exprimées concernant les investissements effectués dans les forêts péruviennes, zones très riches en ressources naturelles, où vivent essentiellement des communautés autochtones. Il arrive parfois que ces activités suscitent des problèmes dans certaines communautés pour diverses raisons. Mais l’État a besoin des revenus qui proviennent de l’exportation pour promouvoir le développement des communautés les plus pauvres et fournir des services de base, construire des routes, octroyer des crédits agricoles, ou encore mettre en place des systèmes d’assurance agricoles. L’exploitation des hydrocarbures dans ces régions permet au pays de progresser en exportant ses ressources naturelles. Certains estiment pourtant que le Pérou ne devrait pas exporter ses ressources naturelles, notamment ses produits miniers. En d’autres termes, ils engagent le Pérou à ne pas exploiter ses ressources tout en voulant qu’il donne à sa population tous les services dont elle a besoin. La question de savoir comment concilier ces deux exigences mérite une analyse attentive car le délégué ne voit pas, quant à lui, d’autre solution.

17.M. Valdivieso admet qu’il y a des affrontements dans certaines zones d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles du pays. Néanmoins, le Gouvernement progresse vers des solutions. Il invite M. Zegarra, du Ministère de l’énergie et des mines, à expliquer comment le Gouvernement procède pour éviter que les activités d’exploration et d’extraction n’entraînent des dégâts, notamment en mettant en place des mécanismes de concertation avec les populations locales.

18.M. ZEGARRA (Pérou), évoquant les affaires liées à l’installation de quatre puits tubulaires, rappelle qu’il est indiqué dans certains documents qu’une autorisation d’exploitation des ressources hydriques souterraines n’avait pas été délivrée, ce que contredisent les informations reçues des autorités d’exploitation des ressources hydriques selon lesquelles l’autorisation d’exploitation de ces ressources a été demandée en 2006 et approuvée en 2007, y compris pour creuser des puits. En outre, la communauté qui est propriétaire du terrain sur lequel se trouvent ces puits a accepté un contrat de renouvellement d’entente avec l’entreprise minière mentionnée.

19.S’agissant du système national de gestion des ressources hydriques, M. Zegarra indique que deux décrets relatifs à l’attribution des ressources hydriques ont été récemment adoptés. Un projet de loi sur les ressources hydriques a ensuite été présenté en mars 2009 et renforce les pouvoirs de l’autorité en charge des ressources hydriques nationales. Ce cadre législatif vise notamment à préserver les ressources hydriques et écarte l’idée d’une privatisation de leur exploitation en vertu du principe selon lequel l’eau constitue un patrimoine de l’État. Par ailleurs, une loi garantit le droit des communautés autochtones d’utiliser l’eau qui coule sur leurs terres au moyen des techniques ancestrales. Toutefois, cette loi n’est pas encore entrée en vigueur et le processus de consultation concernant sa promulgation est encore en cours.

20.Le Pérou recense depuis quelques années les meilleures pratiques en matière de consultation, dans l’esprit de la Convention no 169 de l’OIT. Les plus hautes autorités péruviennes ont manifesté leur engagement dans ce domaine et un projet de loi qui a récemment été déposé devant le Congrès vise à promouvoir l’application de cette convention. La loi devrait permettre, lorsqu’elle aura été adoptée, de renforcer les processus participatifs citoyens.

21.Un décret réglementant la participation citoyenne dans le secteur minier a été adopté en 2008 et complète un premier décret sur cette question adopté en 2002. Le décret complémentaire précise les processus de participation citoyenne encadrant la mise en place des projets miniers aux stades de la conception, de la réalisation et jusqu’à leur achèvement. Des bureaux de surveillance de la participation citoyenne ont été mis en place dans plusieurs régions du pays en rapport avec plusieurs projets miniers.

22.Un autre décret prévoit une participation citoyenne dans le secteur des hydrocarbures et a pour objectif de renforcer l’accès à l’information de la population concernée par l’extraction des hydrocarbures, notamment dans les communautés autochtones. Dans cet esprit, la compagnie pétrolière nationale Perupetro a organisé 67 ateliers d’information avant l’appel d’offres ou l’octroi de licences en rapport avec des projets d’exploitation d’hydrocarbures. Durant le processus de participation citoyenne, l’État encourage le plein exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels des peuples autochtones.

23.Le Ministère de l’énergie et des mines mène actuellement un processus de consultation concernant la pose d’installations électriques dans le pays. Cette consultation a lieu à différentes étapes, notamment avant l’octroi de concessions pour la construction de centrales électriques. L’État péruvien fait donc énormément d’efforts pour améliorer la consultation citoyenne dans tous les domaines.

24.M. VALDIVIESO (Pérou) affirme que les autorités péruviennes ont énormément investi afin d’accroître le niveau d’éducation, notamment en faveur des groupes afro‑péruvien et métis sachant que le Pérou progresse malgré la persistance d’importantes inégalités, notamment dans le domaine de l’éducation. À cet égard, il convient de préciser que les syndicats ont beaucoup freiné les changements dans ce secteur au cours des dernières années. Le Ministère de l’éducation a lancé un programme visant à évaluer les compétences des enseignants, mais de nombreux enseignants et directeurs d’établissements s’y sont opposés, soutenant que cette évaluation avait pour objectif de licencier des enseignants. Pourtant, à ce jour, aucun enseignant n’a été licencié pour ce motif. En revanche, l’évaluation a permis de fixer le salaire des enseignants de manière plus juste, et un plus grand nombre d’enseignants ont postulé en fonction des notes qu’ils y ont obtenues.

25.M. SAMANEZ BENDEZÚ (Pérou), complétant les informations fournies dans le rapport sur la création de capacités en vue de prévenir et combattre la discrimination (par. 194 à 219) et précisant le rôle joué par l’éducation dans ce domaine, indique que le Gouvernement péruvien mène des activités sur plusieurs fronts afin d’informer la population de ses droits fondamentaux, en particulier le droit de ne pas subir de discrimination. Des stratégies de sensibilisation sont mises en œuvre par divers organes publics, dont le Ministère de l’éducation, le Défenseur du peuple, le Ministère de la justice, le Ministère de la femme et du développement social et l’Institut national de développement des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens, en collaboration avec la société civile et grâce à la coopération internationale. Le Ministère de l’éducation s’est notamment engagé à incorporer les droits de l’homme dans les programmes scolaires, en faisant en sorte que ce thème fasse partie intégrante de toutes les matières enseignées.

26.Conformément au Plan national «Éducation pour tous» 2005-2015, qui a été élaboré avec la participation d’experts de l’éducation, d’enseignants et d’associations de parents d’élèves, et dans le cadre de la politique actuelle de décentralisation du Gouvernement péruvien, des plans régionaux en faveur de l’éducation ont été établis en consultation avec toutes les parties prenantes, dont les communautés autochtones locales. En conséquence, les coutumes et la culture des diverses communautés autochtones ou ethniques sont prises en considération dans les programmes scolaires régionaux et font l’objet d’un enseignement spécifique.

27.La Direction de l’éducation interculturelle et bilingue et la Direction de l’éducation rurale du Ministère de l’éducation ont élaboré un plan pour l’éducation dans les zones rurales en collaboration avec des organisations autochtones et locales. Elles publient des manuels scolaires bilingues à l’intention des enseignants et des élèves vivant dans ces zones, en veillant à ce que l’approche interculturelle soit présente aussi bien dans les textes que dans les illustrations de ces manuels.

28.Pour ce qui est de la formation des enseignants, M. Samanez Bendezú indique que les conditions d’admission dans les instituts pédagogiques sont beaucoup plus strictes qu’auparavant, les candidats devant avoir obtenu 14 sur 20 pour être reçus, et que l’enseignement des droits de l’enfant et de l’adolescent fait désormais partie intégrante de cette formation. Les méthodes d’enseignement ont évolué et mettent l’accent sur la participation active des élèves et le développement de leur esprit critique. Les manuels scolaires élaborés par le Ministère de l’éducation sont rédigés dans le souci de prévenir les comportements discriminatoires à l’école, de renforcer l’estime personnelle des élèves et de promouvoir les diverses cultures existant dans le pays.

29.Le Ministère de la femme et du développement social a intégré la question de la discrimination raciale dans plusieurs de ses plans d’action nationaux, dont le Plan national d’action pour l’enfance et l’adolescence 2002-2010, le Plan national pour l’égalité des chances entre les hommes et les femmes 2006-2010 et le Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes 2009-2015. Il a adopté une stratégie de suivi de ces plans d’action afin de promouvoir les droits des groupes de population concernés et, dans ce cadre, il a lancé des campagnes de sensibilisation et organisé des ateliers et des cours de formation dans les diverses régions.

30.En 2008, la Direction de la promotion de la culture de la paix du Ministère de la femme a organisé des cours de formation sur les droits de l’homme à l’intention des membres des communautés autochtones qui ont droit à des réparations collectives. Ces cours ont été notamment organisés dans la vallée de l’Apurímac et de l’Ene qui est actuellement le théâtre de violences du fait de la présence de terroristes et de trafiquants de drogues dans cette région. À ce jour, 150 chefs de communautés autochtones ont bénéficié de cette formation qui devrait être dispensée à 500 autres personnes avant la fin de 2009. Tous les documents de formation sont rédigés en quechua et tous les cours sont donnés dans cette langue.

31.Grâce à la coopération internationale, un certain nombre de projets de sensibilisation aux droits de l’homme élaborés en concertation avec des organisations non gouvernementales actives dans le domaine de l’éducation ont pu être lancés dans le département de Loreto, dans les Andes et dans la forêt amazonienne. Le Gouvernement péruvien a participé à ces activités en mettant à disposition des locaux et en mettant à contribution des enseignants et des fonctionnaires locaux chargés de l’éducation. Ces projets ont permis de créer un réseau d’enseignants actifs qui participent activement à la promotion des droits de l’homme et à la lutte contre la discrimination raciale.

32.Le Conseil national des droits de l’homme, qui relève du Ministère de la justice, s’emploie activement à faire connaître le Plan national en faveur des droits de l’homme pour 2006-2010 et, à cette fin, le Ministère a publié plusieurs textes fondamentaux en quechua, dont la Constitution. Enfin, le Défenseur du peuple mène des activités de sensibilisation aux droits de l’homme dans tout le pays et, en particulier, a lancé une campagne d’information sur la discrimination raciale. En conclusion, M. Samanez Bendezú souligne que toutes ces initiatives en matière d’éducation aux droits de l’homme montrent que le Gouvernement péruvien est déterminé à promouvoir une culture de la paix et de la tolérance entre les diverses communautés ethniques et culturelles du pays.

33.M. VALDIVIESO (Pérou), relevant que certaines questions posées par les membres du Comité sont très spécifiques et appellent des recherches poussées, dit que la délégation enverra ultérieurement des réponses écrites aux questions auxquelles elle n’aura pas pu répondre dans le cadre de l’examen oral du rapport, en particulier les questions se rapportant aux campagnes de stérilisation forcée des femmes autochtones, à la portée des ordonnances régionales et à la question de l’incrimination de l’incitation à la haine raciale et l’interdiction des organisations racistes.

34.Pour ce qui est des événements survenus en juin 2009 à Bagua, M. Valdivieso indique qu’il a été créé un groupe de négociation présidé par le Ministre de l’agriculture qui débat actuellement avec des représentants des communautés autochtones concernées de la mise en place de mécanismes permettant d’appliquer effectivement la Convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux. S’agissant des préoccupations exprimées par le rapporteur au sujet des décrets législatifs appliqués dans cette affaire, M. Valdivieso précise que les décrets législatifs sont promulgués par le pouvoir exécutif mais que, conformément à la Constitution, leur légalité peut être contestée devant le Congrès. Si celui-ci constate qu’un décret outrepasse les limites prévues par la loi, il y apporte les modifications nécessaires. Cela étant dit, M. Valdivieso souligne que le Congrès est un organe essentiellement politique et que ses décisions ne sont donc pas toujours fondées sur des considérations purement juridiques. Toutefois, il assure le Comité que la question du consentement des peuples autochtones sera dûment examinée par les autorités compétentes et que le Gouvernement est entièrement disposé à entamer un dialogue franc et ouvert avec les représentants de ces communautés.

35.Concernant les écarts qui ont été relevés entre les statistiques officielles et les chiffres avancés par les organisations de défense des droits des peuples autochtones, M. Valdivieso souligne qu’il ne faut pas y voir une quelconque volonté du Gouvernement de masquer la réalité. Pour ce qui est de la possibilité d’invoquer le droit coutumier devant les tribunaux, il indique que l’article 69 de Constitution prévoit que les autorités autochtones peuvent régler les litiges selon le droit coutumier dans les territoires relevant de leur juridiction, pour autant que ces règles soient compatibles avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme. Le fait de refuser l’accès à un lieu public ou à un emploi à une personne en raison de son appartenance ethnique ou raciale est interdit par plusieurs dispositions de la législation interne. De tels faits sont non seulement interdits par la loi, mais fortement réprouvés par l’opinion publique au Pérou.

36.Concernant la question des mesures prises en amont pour remédier aux conséquences des catastrophes naturelles touchant le pays, M. Valdivieso indique qu’en prévision de la réapparition du phénomène climatique El Niño, prévue pour l’été 2010, le Gouvernement a récemment adopté de nouvelles lois et approuvé des crédits budgétaires, même s’il est très difficile à ce stade de prévoir l’ampleur future des dégâts.

37.La peine de mort continue d’être en vigueur au Pérou mais, depuis une trentaine d’années, plus aucun condamné n’a été exécuté. Conformément à l’article 140 de la Constitution, la peine de mort est applicable en cas de haute trahison pendant un conflit armé ou de terrorisme. Toutefois, même si l’adoption de cette dernière disposition est postérieure à la ratification par le Pérou d’instruments internationaux avec lesquels elle est incompatible, les personnes reconnues coupables de terrorisme sont condamnées à d’autres peines, proportionnellement à la gravité de leur acte. Enfin, M. Valdivieso souligne que la diversité ethnique de la population péruvienne est bel et bien reflétée dans la composition de la délégation mais que, comme celle-ci est très métissée, cela ne saute pas aux yeux. Par exemple, il a quant à lui des ancêtres afro-péruviens et autochtones.

38.La PRÉSIDENTE précise que son observation concernant la composition de la délégation péruvienne visait en fait la faible représentation des femmes en son sein.

39.M. CALI TZAY (Rapporteur pour le Pérou) note avec satisfaction que l’État partie a fait un effort considérable en soumettant ses réponses écrites en temps utile ainsi qu’une mise à jour très complète de ces dernières peu avant l’examen du rapport et que les réponses orales de la délégation étaient très détaillées, autant d’éléments montrant la volonté du Pérou de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention.

40.Étant donné que la délégation s’est engagée à répondre par écrit aux questions qui ont dû être laissées de côté faute de temps, M. Cali Tzay entend rappeler la teneur d’un certain nombre de préoccupations exprimées par des membres du Comité qu’il souhaiterait voir traitées dans les futures réponses écrites que l’État partie enverra au secrétariat.

41.Le rapporteur souhaiterait que des renseignements soient donnés sur le problème de la gestion des ressources en eau, en particulier la question pressante de la réouverture de puits dans la région d’Ancomarca. Il voudrait savoir si le Gouvernement péruvien compte faire participer les communautés autochtones à l’élaboration des politiques relatives à l’exploitation des ressources en eau. L’État partie pourrait en outre indiquer les raisons pour lesquelles le nombre de plaintes pour discrimination raciale est insignifiant et donner de plus amples renseignements sur le rôle joué par le Défenseur du peuple, sur les mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la discrimination institutionnalisée et la discrimination au sein de l’administration publique ainsi que sur la discrimination à l’égard des métis. De plus, le rapporteur souhaiterait savoir quelle est la teneur exacte de la politique de développement du Pérou, pourquoi le pourcentage de personnes de langue maternelle autochtone est en baisse et quelle est la position du Pérou à l’égard de la proposition concernant la création d’une commission indépendante d’enquête sur les événements survenus à Bagua en juin 2009. Il aimerait également savoir si les minorités ethniques, les autochtones et les femmes bénéficient des retombées du développement économique du pays et si ces communautés contribuent à ce processus. Enfin, l’État partie voudra bien préciser son point de vue sur l’interdiction de l’incitation à la haine raciale et indiquer si la Convention a déjà été directement invoquée devant les tribunaux dans des affaires de discrimination raciale.

42.M. VALDIVIESO (Pérou) précise à l’intention de la Présidente que les femmes sont fortement représentées au sein du Parlement et du Gouvernement péruviens et qu’il est convaincu que la délégation qui présentera le rapport périodique suivant du Pérou comprendra davantage de femmes.

43.La PRÉSIDENTE remercie la délégation péruvienne.

44. La délégation péruvienne se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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