Nations Unies

CERD/C/SR.2033

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 août 2010

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix-sept ième session

Compte rendu analytique de la 2033 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 17 août 2010, à 10 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Maroc(suite)

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Maroc (CERD/C/MAR/10-18; CERD/C/MAR/Q/17-18) (suite)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation marocaine reprend place à la table du Comité.

2.M. Jilali Sghir (Maroc) dit que la loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc ainsi qu’à l’émigration et l’immigration irrégulières contient des dispositions importantes pour la protection des migrants en situation irrégulière et est pleinement conforme aux prescriptions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. L’article 29 dispose qu’un étranger ne peut faire l’objet d’une décision d’expulsion si le statut de réfugié lui a été reconnu ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande d’asile. En vertu de l’article 17, l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié ainsi que son conjoint et ses enfants mineurs ont droit à une carte de résidence. Enfin, l’article 21 dispose que la reconduite à la frontière doit être ordonnée par l’administration sur décision motivée. Les opérations de reconduite à la frontière sont réalisées dans le strict respect de la loi. Les migrants en situation irrégulière ont le droit d’avoir accès à un avocat et à un interprète s’ils ne comprennent pas l’arabe.

3.Adoptée en 2007, la stratégie nationale de lutte contre la traite des êtres humains met l’accent sur la protection des victimes et établit clairement une distinction entre victimes et trafiquants. Elle est axée sur trois volets: a) la prévention, c’est-à-dire les moyens de lutter contre les facteurs de précarité (analphabétisme, pauvreté et violence) qui rendent les groupes vulnérables à la traite; b) la lutte contre les réseaux de trafiquants (depuis 2004, 2 800 réseaux ont été démantelés); c) la protection des victimes contre l’exploitation. Les victimes sont en effet au centre des préoccupations et bénéficient d’une assistance médicale et psychologique ainsi que de mesures de réhabilitation et, en dernier ressort, d’une aide au retour volontaire. À ce jour, 10 000 migrants en situation irrégulière ont bénéficié de l’aide au retour volontaire. Les fonctionnaires véreux impliqués dans l’exploitation de migrants clandestins sont passibles d’une peine d’emprisonnement allant de deux à cinq ans. Pour ce qui est de la politique de sauvetage en haute mer, depuis 2006 le Maroc a secouru plus de 7 000 ressortissants subsahariens qui se trouvaient à bord d’embarcations précaires. La loi n° 02-03 régit aussi le séjour des migrants légaux qui bénéficient, comme les nationaux, des droits au logement, à la santé et aux prestations sociales ainsi que du droit à la liberté de circulation. À ce jour, 75 000 étrangers sont légalement établis au Maroc. Le Ministère de l’intérieur a signé deux conventions de partenariat avec des organisations non gouvernementales (ONG) qui travaillent auprès des migrants subsahariens en vue de décourager l’immigration illégale. Le Maroc a aussi mis en place une importante politique de codéveloppement Sud-Sud.

4.Le nombre de migrants en transit est difficile à évaluer car ces flux migratoires sont souvent cachés. Selon les estimations, le nombre de migrants en transit a sensiblement diminué depuis 2004 grâce à la stratégie de lutte contre les réseaux de trafiquants et aux campagnes de sensibilisation, et les lieux typiques de rassemblement (forêts, etc.) ne connaissent plus une concentration alarmante de personnes en transit. Enfin, M. Jilali Sghir explique qu’il n’y a pas de xénophobie ancrée dans la société marocaine à l’égard des migrants mais seulement des comportements individuels condamnables.

5.M. Mokhtatar (Maroc) dit que son pays n’est pas composé d’ethnies et que les Marocains ne forment qu’un seul et même peuple. La question amazighe ne saurait donc être assimilée à une question ethnique. Il existe une certaine diversité qui est due aux origines multiples des Marocains et à la pluralité des foyers culturels. Les recensements dans le pays sont effectués selon les critères appliqués partout dans le monde. Le dernier recensement, réalisé par le Haut-Commissariat au Plan, remonte à 2004. Les données y relatives peuvent être consultées sur le site du Haut-Commissariat au Plan (www.hcp.ma).

6.La création d’associations se fait par simple déclaration auprès des autorités locales compétentes. Le nombre d’associations a sensiblement augmenté et on en compte plus de 50 000, dont environ 500 associations amazighes. En 2009, l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM) a conclu pas moins de 251 accords de partenariat avec des associations auxquelles il a versé des subventions pour un montant de 6 millions de dirhams. Afin de favoriser l’essor de la langue amazighe, l’IRCAM a mis au point un alphabet amazigh, qui a été reconnu par l’UNESCO. S’agissant de la question de l’inscription des prénoms amazighs à l’état civil, le représentant marocain réaffirme que tous les citoyens marocains sont libres de choisir le prénom qu’ils souhaitent donner à leur enfant. La loi no 37-99 relative à l’état civil dispose que le prénom choisi doit présenter un caractère marocain et ne doit pas être de nature à porter atteinte aux bonnes mœurs ou à l’ordre public. Les listes de prénoms interdits évoquées par des membres du Comité ne sont plus en vigueur depuis l’adoption de la loi susmentionnée. Au total, sur 3,6 millions de prénoms déclarés à l’état civil depuis 2003, 454 cas relatifs à des prénoms aussi bien arabes qu’amazighs ont posé des problèmes et seulement 95 prénoms ont été officiellement refusés. Le 9 avril 2010, le Ministère de l’intérieur a adopté une nouvelle circulaire sur le choix des prénoms, selon laquelle il n’existe aucune liste des prénoms admissibles ou non. Depuis l’adoption de la circulaire, aucun litige ou plainte n’a été enregistré par les services de l’état civil.

7.La formation des enseignants en langue amazighe est extrêmement importante pour assurer la qualité de l’enseignement. Trente-quatre centres de formation pédagogique ont permis de former 1 476 enseignants dans cette discipline en 2007-2008. Les modules de formation portent non seulement sur la langue amazighe mais aussi sur la culture et la didactique de l’enseignement. Des programmes d’apprentissage continu de la langue amazighe sont aussi en place depuis 2003. Ils ont permis de former 8 845 acteurs éducatifs. Par ailleurs, six établissements d’enseignement supérieur offrent un enseignement en amazighe dont 228 étudiants ont bénéficié en 2007-2008.

8.M. Mokhtatar réaffirme qu’il n’y a pas de personnes déplacées au Maroc. La rapporteuse pour le pays a probablement fait référence aux personnes originaires des provinces du Sud ayant trouvé refuge dans l’un des camps d’El-Ayoun à la suite de l’appel de l’ONU les invitant à s’inscrire sur les listes électorales en vue du référendum d’autodétermination prévu à l’époque. Ces personnes s’étaient installées sur des sites plus ou moins adaptés mais leur situation a été réglée en 2008 car on leur a permis d’accéder à la propriété.

9.M. Abdenabaoui (Maroc) dit qu’à la suite des événements du 11 septembre 2001 et des attentats perpétrés sur le sol marocain, le Gouvernement a promulgué la loi no 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme, qui est entrée en vigueur le 5 juin 2003 et a été intégrée dans le nouveau code de procédure pénale au lendemain des attentats du 16 mai 2003, à Casablanca. Cette loi contient des dispositions générales analogues à celles des lois antiterroristes adoptées dans d’autres pays. Le terrorisme est un crime odieux mais la lutte contre le terrorisme est toujours menée dans le respect des droits de l’homme et, en particulier, du droit à une procédure équitable. Ainsi, la loi no 03-03 respecte les dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale, mais prévoit néanmoins un certain nombre de dérogations, notamment pour ce qui est de la garde à vue qui, dans les affaires de terrorisme, peut durer jusqu’à quatre-vingt-seize heures au lieu des quarante-huit heures fixées dans le Code de procédure pénale. Selon le Code pénal, les perquisitions au domicile doivent se dérouler entre 6 heures et 21 heures alors que dans les affaires de terrorisme, elles peuvent avoir lieu la nuit, en dehors des heures susmentionnées. Les personnes soupçonnées de terrorisme ont les mêmes droits que les autres (accès à un avocat et à un interprète, droit de faire appel et respect du principe de la présomption d’innocence). En outre, tous les procès sont publics. M. Abdenabaoui indique enfin que la loi no 03-03 n’a pas d’effet rétroactif et ne peut donc s’appliquer aux actes commis avant 2003. Par ailleurs, seul le tribunal d’appel de Rabat est compétent en matière de terrorisme.

10.M. Abdenabaoui indique qu’en vertu de l’égalité de traitement devant les tribunaux et les organes chargés d’administrer la justice, le juge est obligé de recourir à un interprète ou à une personne qui puisse s’entretenir couramment avec les prévenus marocains ou étrangers qui ne parlent pas l’arabe, langue officielle de l’autorité judiciaire, lors de leur présentation devant le parquet ou au cours du procès. Le Code de procédure pénale, qui a été amendé en 2003, sera de nouveau révisé afin d’être en conformité avec le projet général de réforme judiciaire annoncé par le Roi le 20 août 2009. Les observations que formulera le Comité à cet égard seront dûment prises en compte par le Ministère de la justice, le moment venu.

11.Le Code pénal marocain s’applique à toutes les personnes qui se trouvent sur le territoire national qu’ils soient aux étrangers, Marocains ou apatrides, sans distinction. Des amendements y ont été apportés en 2003 afin de permettre aux autorités de faire face au crime de discrimination. Le législateur marocain a expressément et clairement érigé la discrimination en infraction pénale en reprenant la définition formulée à l’article premier de la Convention, qui est définie comme suit: «toute discrimination entre les personnes physiques fondée sur l’origine nationale ou sociale, la couleur de peau, le sexe, la situation familiale, l’état de santé, le handicap, l’opinion politique, l’appartenance à un syndicat ou l’appartenance ou la non-appartenance, réelle ou supposée, à une race, à une nation, à une communauté ethnique ou à une religion particulière» (CERD/C/MAR/17-18, par. 13). La définition de la discrimination en droit marocain est donc plus large que celle figurant à l’article premier de la Convention puisque que celle-ci n’interdit que les distinctions ou préférences fondées sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. La discrimination a également été érigée en infraction pénale dans des textes de lois régissant l’emploi. Ainsi, l’article 9 du Code du travail interdit toute discrimination fondée sur les motifs cités plus haut et les nouvelles dispositions des lois relatives à la presse, aux associations et aux partis politiques prévoient expressément des sanctions pour tout acte de discrimination.

12.Au Maroc, comme dans la plupart des pays islamiques, les dispositions légales en matière d’héritage sont fondées sur les principes de la Charia. Cela ne signifie pas qu’elles sont discriminatoires puisqu’elles ne visent pas à priver la femme de son égalité avec les hommes dans ce domaine. Conformément au Programme d’action de Vienne, adopté le 25 juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, le Maroc a procédé en temps utile à la réforme de sa législation pour l’harmoniser avec les instruments internationaux dûment signés et ratifiés par le pays. Dans le cadre de cette démarche, le domaine législatif a connu un changement important qui s’est traduit par l’adoption de plusieurs textes de loi, dont le Code de la famille de 2004 qui est considéré comme un événement de grande portée sur les plans tant législatif que social. En effet, ce Code adopte une formulation moderne qui supprime toute distinction entre l’homme et la femme et attribue des droits et devoirs similaires à l’un et à l’autre et permet ainsi de préserver la dignité et les droits des deux sexes.

13.S’agissant du traitement des prisonniers, jusqu’à fin avril 2008, l’administration pénitentiaire n’était qu’un service du Ministère de la justice. Pour améliorer la situation des détenus, une nouvelle direction chargée de la réintégration des prisonniers a été créée au sein du Ministère qui dispose depuis lors de davantage de moyens financiers et humains pour agir. La législation marocaine garantit toutes les protections énoncées dans les Principes et normes minimales pour le traitement des détenus.

14.M. Ajraoui (Maroc) explique que la dernière réforme du Code de la famille, effectuée en 2004, constitue une initiative législative importante qui illustre les valeurs de justice, d’égalité et d’équité en tant que valeurs universelles et fournit un cadre propre à assurer la protection voulue de la famille et de l’enfance. Des sections de la justice et de la famille ont été créées dans les tribunaux d’instance spécialisés dans les affaires familiales. Les juges de ces instances bénéficient d’une formation permanente spécialisée et de vastes campagnes d’information sur le droit de la famille sont régulièrement menées dans le pays. Des réunions périodiques sont par ailleurs organisées pour permettre aux magistrats de section d’unifier l’application du Code, de débattre des problèmes récurrents et de proposer des solutions qui sont ensuite diffusées à l’ensemble des sections. Une cellule de suivi a été mise en place au sein du Ministère de la justice pour fournir une assistance et des conseils juridiques, le cas échéant, aux magistrats dans le strict respect de l’indépendance de la justice. L’application du nouveau Code de la famille est évaluée chaque année et les données y relatives sont introduites dans une base d’informations qui permet d’assurer le suivi des décisions rendues en vertu des dispositions de ce Code et d’identifier les principales problématiques qui en découlent.

15.Le Code de la nationalité a été adopté en 1958, juste après l’accession à l’indépendance, et a été modifié en avril 2007 dans le cadre de l’harmonisation de la législation marocaine avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme signés par le pays. Cette modification a permis d’affirmer la primauté des dispositions des conventions internationales sur celles du Code, de consacrer le principe de l’égalité entre hommes et femmes dans la transmission de la nationalité aux enfants et de simplifier les conditions d’octroi de la nationalité aux enfants nés d’un parent étranger. En vertu du nouveau Code amendé, une étrangère peut acquérir la nationalité marocaine par le mariage et l’époux étranger par la naturalisation. La principale condition requise dans les deux cas est que le demandeur, homme ou femme, ait résidé pendant cinq ans au Maroc au moment du dépôt de sa demande. En outre, la Marocaine ne perd pas sa nationalité en épousant un étranger. La perte ou la déchéance de la nationalité marocaine est régie par une procédure particulière qui n’a rien à voir avec le mariage ou le sexe.

16.M me Rhardisse (Maroc) indique que son pays a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que son protocole facultatif, le 8 avril 2008. Un arrêté du Premier Ministre a fixé à 5 % le nombre d’emplois devant être attribués dans le secteur privé à des personnes handicapées, ce seuil étant fixé à 7 % dans la fonction publique.

17.Le Maroc, qui a signé la Convention relative aux droits de l’enfant en 1993, a mis en place un plan d’action national pour l’enfance 2006-2015 intitulé «Un Maroc digne de ses enfants» dont le but est de promouvoir les droits de l’enfant dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’enseignement (ibid., par. 79). Le Maroc a également signé les Conventions n° 182, sur les pires formes de travail des enfants, et n° 138, sur l’âge minimum d’admission à l’emploi, de l’OIT et un projet de loi incriminant le travail domestique des filles âgées de moins de 15 ans est à l’examen au Parlement. Le Maroc a également signé et ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

18.M. Ouzgane (Maroc) dit que l’Agence pour la promotion et le développement économique et social du sud du Maroc (ibid., par. 98), créée en mars 2002, a pour mission de réaliser un plan de développement intégré comprenant une série de programmes ambitieux qui visent à transformer ces régions en un pôle économique avec des caractéristiques spécifiques, qui bénéficiera à tous les Marocains du nord et du sud du pays, sans distinction aucune. La mission de l’Agence comprend trois axes majeurs: l’étude des projets de développement économique et social des provinces du Sud, avec les acteurs étatiques et les investisseurs potentiels; la réalisation du montage financier des projets financés en tout ou partie par l’Agence; le suivi et la mise en œuvre des programmes économiques et sociaux de développement.

19.Répondant aux questions relatives au rôle et à la mission du Conseil royal consultatif des affaires sahariennes, M. Ouzgane explique que cette instance a été créée par le Roi en 2006 après une visite dans le sud du pays. Le Conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes est investi de plusieurs missions à caractère politique, social et économique. Ainsi, outre son rôle de conseiller pour les questions relatives à la défense de l’intégrité territoriale du Royaume, le Conseil est habilité à émettre des avis consultatifs sur les questions relatives au développement humain et à faire des propositions, en coordination avec toutes les instances nationales et locales, concernant les initiatives et les projets pouvant garantir le développement humain, économique et social des régions du Sud. Le Conseil a pour mission de contribuer à défendre la «marocanité» du Sahara. Il participe également aux travaux et réunions des organisations internationales portant sur la question de l’intégrité territoriale. Enfin, le Conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes soumet un bilan annuel de son action au Roi.

20.M. Najim (Maroc) dit que le Bureau du Médiateur, qui a été mis sur pied en 2001, a compétence pour recevoir et examiner toute plainte pour discrimination quelle qu’en soit la nature. Depuis sa création, le Bureau a publié deux rapports, qui couvrent les années 2004-2005 et 2006-2007, respectivement et poursuit l’élaboration de son troisième rapport. De 2004 à 2007, il a été saisi de 23 000 plaintes, sur lesquelles il en a examiné 12 000; cependant, aucune ne portait sur des actes de discrimination raciale. Le Bureau est actif au plan tant national qu’international et a notamment organisé, en 2009, un séminaire sur le renforcement du rôle du Médiateur.

21.L’Instance Équité et Réconciliation (IER), qui a été créée en 2004, a pour tâche d’examiner les plaintes pour atteinte aux droits individuels ou collectifs et d’indemniser les victimes ainsi que de mener des activités de réconciliation nationale, compte tenu des violations commises entre 1958 et 1999. À cet égard, M. Najim précise qu’une amnistie générale n’a pas été accordée aux responsables de violations des droits de l’homme. En 2006, l’IER a soumis un rapport sur ses travaux dans lequel figurent des recommandations adressées au Gouvernement marocain. Ces recommandations ont débouché sur la mise en place de la Plate-forme citoyenne de promotion de la culture des droits de l’homme, qui se situe dans le prolongement du programme national d’éducation aux droits de l’homme lancé en 1994. Les travaux d’élaboration du plan national d’action pour la démocratie et les droits de l’homme se poursuivent en vue de renforcer les institutions de défense des droits de l’homme et de sensibiliser divers secteurs de la société (société civile, médias, partis politiques et syndicats) aux droits de l’homme.

22.M. Ajraoui (Maroc) dit que la Constitution ne comporte certes pas d’article consacrant expressément le principe de la primauté des instruments internationaux auxquels le Maroc est partie sur le droit interne, mais elle dispose néanmoins dans son préambule que le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations découlant des chartes des organisations dont il est membre. En outre, plusieurs dispositions de la législation interne, dont les articles 713, 723 et 741 du Code pénal et l’article premier du Code de la nationalité, prévoient que les instruments internationaux ratifiés par le Maroc l’emportent sur le droit interne. De plus, la jurisprudence récente montre que les tribunaux marocains appliquent de plus en plus souvent le principe de la primauté du droit international sur le droit interne, plusieurs décisions judiciaires rendues au cours des dernières années écoulées étant fondées sur les dispositions d’un instrument international. Cette tendance devrait se renforcer étant donné que le Gouvernement marocain fait des efforts importants pour améliorer la formation des magistrats aux droits de l’homme.

23.Enfin, M. Ajraoui signale qu’à l’occasion du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Roi du Maroc a proclamé la levée des réserves concernant respectivement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

24.M. Prosper, revenant sur les déclarations de la délégation marocaine selon lesquelles les Marocains, malgré la pluralité de leurs origines, forment un seul et même peuple, note que l’État partie demeure opposé à l’idée d’établir des statistiques ventilées selon l’appartenance ethnique. Il fait observer que le critère de l’origine nationale ne peut pas être utilisé pour se faire une idée de la composition de la population car cet élément ne donne aucune indication d’ordre racial ou ethnique. Tout en prenant acte des remarques de la délégation sur l’harmonie régnant entre toutes les composantes de la société marocaine, M. Prosper fait observer que, sans statistiques ventilées, l’État partie n’a aucun moyen de vérifier si cette harmonie est réelle et de mesurer les progrès accomplis, le cas échéant. M. Prosper formule donc l’espoir que l’État partie acceptera de revoir sa position sur cette question.

25.M. Hilale (Maroc) réaffirme que la diversité du peuple marocain, produit d’un brassage de populations s’échelonnant sur plusieurs siècles, fait la fierté et la force de son pays. Le Gouvernement marocain ne juge pas opportun d’établir des statistiques ventilées selon l’appartenance ethnique car, étant donné l’ancienneté de ce brassage, l’origine ethnique des personnes est devenue pratiquement impossible à déterminer. Les politiques publiques ne sont pas fondées sur des considérations liées à l’appartenance ethnique mais sur la volonté du Gouvernement de garantir l’unité nationale et l’égalité entre toutes les composantes de la société, le but étant qu’elles soient à même d’exercer leurs droits fondamentaux sans discrimination aucune. Plutôt que de mettre en exergue les différences, le Gouvernement marocain a choisi de favoriser l’osmose entre les divers groupes de population et d’encourager ceux-ci à exprimer leur identité culturelle, comme en témoignent les mesures prises en faveur des Amazighs.

26.M. Lahiri souligne que, lorsqu’un groupe se définit lui-même comme une minorité ethnique en se fondant sur les dispositions de la Convention et que l’État partie concerné a des réticences à reconnaître son existence, le principe «un pays, une nation» n’empêche pas certaines formes de discrimination de se manifester.

27.D’après certaines sources, les Amazighs constitueraient 42 à 60 % de la population des régions du Sud et les 40 tribus vivant dans le Sahara marocain représenteraient 300 000 personnes. Sachant en outre que le Maroc compte des descendants d’esclaves noires achetées pour servir de concubines, M. Lahiri dit qu’il serait intéressant d’en connaître le nombre. Il ajoute que le Comité n’a nullement l’intention de remettre en question le principe «un peuple, une nation» auquel tient l’État partie; néanmoins, il doit disposer de statistiques ventilées par groupe ethnique pour déterminer si toutes les composantes de la population marocaine ont accès aux services et peuvent participer à la vie publique sans discrimination. M. Lahiri se demande si l’État partie ne pourrait pas trouver un terrain d’entente avec le Comité, puisqu’il reconnaît déjà lui-même que sa population se caractérise par une grande diversité.

28.M. Hilale (Maroc) dit qu’aucune étude statistique officielle portant sur les Amazighs n’a jamais été réalisée et que les chiffres de 42 à 60 % précédemment avancés sont totalement erronés. Il précise à ce propos que l’on trouve des Amazighs non seulement dans le sud du pays, mais aussi dans le centre, le nord et dans les montagnes de l’Atlas et qu’il ne s’agit pas d’une minorité ethnique mais de trois groupes linguistiques. En outre, on n’a recensé à ce jour aucun procès pour discrimination raciale et le rapport établi par le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires à la suite de sa mission au Maroc (A/HRC/13/31/Add.1) ne fait état d’aucun cas dans lequel un Amazigh aurait été victime de disparition forcée en raison de son identité culturelle. Enfin, la délégation marocaine considère que ce ne sont ni les statistiques, ni la reconnaissance de l’existence de telle ou telle minorité qui feront disparaître la discrimination raciale, mais la volonté du Gouvernement marocain de garantir l’égalité de toutes les composantes de la société marocaine.

29.M. Avtonomov, faisant observer que la discrimination ne procède pas toujours d’une action politique délibérée de l’État et peut plonger ses racines dans l’histoire, insiste sur la nécessité, pour l’État partie, d’établir des statistiques afin d’avoir une idée plus précise de la situation des différents groupes de population et prendre si besoin est, à titre temporaire, des mesures spéciales en leur faveur. Il invite à cet égard l’État partie à se référer à la Recommandation générale n° 32 du Comité sur le sens et l’étendue des mesures spéciales dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

30.M. Avtonomov se félicite des efforts mis en œuvre par le Maroc pour instaurer la parité et améliorer la situation des femmes, qui, lorsqu’elles sont issues de groupes minoritaires, risquent d’être victimes d’une double discrimination.

31.M. Avtonomov ne comprend toujours pas à quoi renvoie le critère de «caractère marocain» d’un prénom. L’arabe classique est parlé dans de nombreux pays de la région, et rien ne justifie qu’un prénom plus répandu dans l’un ou l’autre de ces pays soit interdit au Maroc. De la même façon, les Amazighs étant présents dans toute l’Afrique du Nord, il lui semble difficile d’affirmer qu’un prénom amazigh présente un «caractère marocain» ou pas. Le problème se pose-t-il pour les prénoms juifs, et l’État partie entend-il dresser une liste de prénoms dits «marocains»?

32.Enfin, M. Avtonomov souhaiterait savoir s’il suffit d’avoir résidé et travaillé légalement pendant cinq ans au Maroc pour avoir le droit de faire une demande de naturalisation ou si d’autres conditions doivent être remplies, si la préférence est accordée aux ressortissants de certains pays et si les étrangers dont la conjointe ou le conjoint est marocain obtiennent plus facilement la nationalité marocaine.

33.M. Amir demande à la délégation de préciser si l’État partie a formulé une réserve à l’article 15 de la Convention lors de son adhésion à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

34.M. Hilale (Maroc) répond que le Maroc n’a pas formulé de réserve à l’article 15 de la Convention.

35.M Abdenabaoui (Maroc) dit que le peuple marocain jouit d’une identité unique, qu’il s’est forgée au fil des siècles, et que rien ne saurait l’empêcher de préserver ses traditions et son patrimoine culturel séculaires. Les prénoms les plus fréquents au Maroc sont ceux qui, d’origine berbère, africaine ou marocaine, se sont imposés au fil du temps. Le prénom indique souvent à quel groupe appartient la personne qui le porte, sans pour autant qu’une discrimination soit fondée sur ce motif. Par contre, les services de l’état civil refusent les prénoms issus d’une langue ou d’une culture trop éloignée de la société marocaine.

36.Les étrangers dont le conjoint ou la conjointe est de nationalité marocaine tombent sous le coup d’une législation spécifique: les conjointes étrangères obtiennent la nationalité par décret tandis que les conjoints l’acquièrent par décision du Premier Ministre. Par contre, c’est à des fins d’intégration et non de discrimination qu’il est exigé que la personne qui présente une demande de naturalisation parle l’arabe.

37.M. Ewomsan dit qu’une langue n’est jamais neutre, mais qu’elle est assurément le reflet d’un mode de vie, d’une culture, de pratiques et de comportements donnés. Faisant observer que le Maroc tient à préserver son unité nationale tout en mettant en avant sa diversité culturelle, M. Ewomsan se demande si pour les autorités marocaines, le fait de reconnaître des communautés ethniques constitue véritablement un obstacle à l’unité nationale.

38.M me Crickley souhaiterait obtenir un complément d’information sur la mise en œuvre de la stratégie nationale visant l’équité et l’égalité entre les sexes, et notamment savoir si l’État partie s’est doté d’indicateurs et de mécanismes de suivi de la mise en œuvre de cette stratégie, et si les femmes susceptibles d’être victimes de racisme ou de discrimination raciale en bénéficient. De même, Mme Crickley aimerait savoir si les autorités compétentes veillent à ce que la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté vise les personnes issues des groupes minoritaires, hommes et femmes, au même titre que le reste de la population. Enfin, Mme Crickley demande comment l’État partie s’y prend pour distinguer les actes qualifiés de «désespérés» commis contre les membres de certaines minorités des actes réellement «xénophobes» ou «discriminatoires». Enfin, elle apprécierait de recevoir un complément d’information sur la distinction établie par l’État partie entre les groupes ethniques et les peuples autochtones.

39.M. Diaconu se demande si le Maroc reconnaît la compétence de la Commission des droits de l’homme et des peuples de l’Union africaine depuis qu’il s’est retiré de cette organisation, et s’il est partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Il souhaiterait savoir si dans le cadre des travaux de l’Instance Équité et Réconciliation, des auteurs de crimes graves et de disparitions forcées ont déjà été déclarés coupables et pénalement responsables de leurs actes.

40.Enfin, M. Diaconu insiste à son tour sur la nécessité pour l’État partie de recueillir des données ventilées par groupe ethnique afin de mieux orienter les politiques scolaires, favoriser la création de journaux destinés aux différents groupes de population ou encore promouvoir la culture et la langue de ces groupes.

41.M. de Gouttes affirme que le Maroc est un grand pays qui peut jouer un rôle majeur dans le monde et constituer un exemple à suivre dans la région, d’où l’importance de la réforme qu’il entreprend de son droit civil ou encore de sa politique en faveur des droits des femmes. Il rappelle qu’aucun pays n’est exempt de racisme et que le Maroc gagnerait à établir des statistiques sur le nombre d’actes de racisme commis dans le Royaume afin de combattre ce phénomène ainsi qu’à promouvoir les droits des groupes ethniques et des Amazighs.

42.La réforme du droit pénal n’étant pas moins importante, M. de Gouttes énumère un certain nombre de mesures supplémentaires que le Maroc pourrait prendre: incriminer la diffusion d’idées racistes, xénophobes et extrémistes, l’incrimination de la discrimination indirecte ou encore de la discrimination double ou multiple; inverser la charge de la preuve en matière civile pour les actes de discrimination raciale; autoriser, en matière pénale, la pratique du «testing» afin de mettre en évidence les actes discriminatoires dans le domaine de l’accès à l’emploi, au logement ou encore aux lieux publics; garantir l’accès de tous, y compris des personnes issues de groupes minoritaires, à un interprète, et partant, à la justice.

43.M me Dah (Rapporteuse pour le Maroc) salue la volonté de l’État partie de se conformer aux règles du droit international des droits de l’homme et les réformes juridiques et institutionnelles engagées à cette fin depuis 2003. Elle ajoute que la législation devra être modifiée de façon à respecter les principes énoncés aux paragraphes 1 et 4 de la Convention. La Rapporteuse estime en outre que l’État partie devrait recueillir des données statistiques relatives notamment aux langues maternelles et aux langues parlées au Maroc et à la localisation géographique des populations, et établir des indicateurs socioéconomiques. Il devrait aussi réviser son document de base − qui bien que datant de 2002, est obsolète − pour y présenter le nouveau cadre institutionnel et juridique découlant des réformes entreprises.

44.Enfin, Mme Dah se félicite du dialogue fructueux engagé avec la délégation marocaine, qui a permis au Comité de mieux cerner la période de transition vers la modernité dans laquelle se trouve l’État partie, et les obstacles auxquels il se heurte. Elle est en effet consciente que dans le cadre de la modernisation, la principale difficulté consiste à changer les mentalités tout en restant fidèle à ses racines.

45.M. Hilale (Maroc) salue à son tour le dialogue franc et sincère qui s’est instauré avec le Comité, et renouvelle l’engagement du Maroc à poursuivre sur la voie de la modernité. Il formule le vœu que le Comité garde à l’esprit, lorsqu’il élaborera ses observations finales, le contexte historique qui a fait du Maroc ce qu’il est aujourd’hui, à savoir un pays doué d’une identité propre, un pays de cohésion sociale et de diversité, qui peut s’imposer comme modèle sur le plan régional et international.

46. La délégation marocaine se retire.

La séance est levée à 13 heures.