NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.191118 janvier 2010

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quatorzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1911e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le vendredi 20 février 2009, à 10 heures

Président:

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième à vingtième rapports périodiques du Pakistan (suite)

La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Quinzième à vingtième rapports périodiques du Pakistan (CERD/C/PAK/20) (suite); liste de points à traiter (document sans cote distribué en séance, en anglais seulement).

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation pakistanaise reprend place à la table du Comité.

2.M. AKRAM (Pakistan) rappelant que le Comité a vocation à examiner la mise en œuvre, par les États parties, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dit que la délégation pakistanaise a été surprise par les jugements de valeur subjectifs et erronés exprimés par certains membres du Comité lors de la séance précédente (voir CERD/C/SR.1910), et ne saurait tolérer que des considérations d’ordre politique ou ayant trait à la politique étrangère du Pakistan influent sur l’examen de ses quinzième à vingtième rapports périodiques en vertu de la Convention. M. Akram ne doute pas que le Comité poursuive sur la voie qui a toujours été la sienne d’instaurer un dialogue critique constructif avec les États parties.

3.Pour ce qui est de la définition des minorités, M. Akram précise qu’en application du principe d’égalité consacré par l’islam, la Constitution pakistanaise n’établit aucune distinction fondée sur la race ou l’origine ethnique ou sociale entre les citoyens, qui jouissent tous des mêmes droits. Les seules minorités reconnues par la Constitution sont les minorités religieuses, à qui la loi fondamentale reconnaît clairement dans son préambule le droit de pratiquer librement leur religion.

4.La structure fédérale du pays est telle que les groupes ethniques moins importants numériquement comme les Pachtouns, les Sindhis et les Baloutches sont autonomes dans leurs provinces respectives. Au niveau fédéral, les provinces sont représentées à l’Assemblée nationale conformément à des élections au scrutin proportionnel tandis qu’elles disposent toutes du même nombre de sièges au Sénat. La Constitution consacre le droit de chaque groupe de population de parler sa propre langue, d’utiliser son propre alphabet et de préserver et promouvoir sa propre culture. Compte tenu de l’extrême complexité du tissu social du Pakistan, il n’est pas possible de définir les minorités selon un critère autre que religieux. Dans le contexte pakistanais, les critères de la langue ou de l’origine ethnique ne peuvent donc pas s’appliquer, et la délégation n’est pas en mesure de fournir au Comité des données statistiques ventilées selon ces critères. Par exemple un chrétien vivant au Penjab et parlant le penjabi, la langue vernaculaire de cette province, n’est pas considéré comme membre d’une minorité dite «linguistique». Étant donné que seule sa religion le distingue des membres des autres groupes de cette province, c’est ce critère qui est retenu et il est donc considéré comme étant membre d’une minorité religieuse.

5.Le Pakistan n’a toujours pas procédé à la création d’une commission nationale des droits de l’homme indépendante, bien qu’il se soit engagé à le faire dès 2004. Le projet de loi portant création d’une commission indépendante chargée de protéger et promouvoir les droits de l’homme au Pakistan a été soumis au Parlement, le 17 décembre 2008. Les deux jours suivants, des consultations ont été menées avec des représentants du Forum des institutions nationales de défense des droits de l’homme pour la région de l’Asie et du Pacifique ainsi que du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui ont appelé l’attention des législateurs sur la nécessité de veiller à ce que la commission mise en place soit conforme aux Principes de Paris. L’Assemblée nationale devra examiner le projet de loi avant de le soumettre au Sénat pour adoption. La législation pertinente devrait être adoptée dans les prochains mois, et le Parlement fera tout son possible pour instaurer cette commission avant le mois de juillet 2009. D’ici là, les droits fondamentaux continueront d’être défendus par les organismes et autres associations œuvrant dans ce domaine au Pakistan, y compris par les membres de l’appareil judiciaire, des organisations de la société civile ou encore des médias, dont la tâche consiste à dénoncer les violations et à sensibiliser les citoyens à leurs droits fondamentaux et à la possibilité d’obtenir réparation s’ils estiment que ces droits ont été bafoués.

6.Les populations locales du district du Malakand de la province de la Frontière du Nord‑Ouest ont très bien accueilli les accords conclus entre leurs représentants et ceux du Gouvernement pakistanais portant sur l’instauration dans leur district du Nizam-e-Adl, une législation islamique basée sur la charia. Ces populations appelaient en effet de leurs vœux le retour à un système de justice rapide et peu coûteux, qui existait jadis dans la vallée de Swat. Aussi serait-il juste que les membres du Comité attendent les résultats concrets de ces accords avant de les critiquer.

7.M. Akram indique que les FATA (Federally Administered Tribal Areas) forment une région tribale créée à l’issue des guerres anglo‑afghanes du XIXe siècle, où il a été décidé d’en faire des zones autonomes administrées par les Pachtounes. Depuis lors, le maintien de l’ordre est traditionnellement exercé par les miliciens locaux placés sous l’autorité des conseils (jirgas). Ce système est certes archaïque, mais la question se pose de savoir quel autre système viable serait en mesure de le remplacer, et de satisfaire de surcroît toutes les tribus concernées. Du fait que la région est au cœur de la guerre contre le terrorisme, qu’elle abrite près de trois millions de réfugiés afghans et constitue une plaque tournante du trafic d’armes et de drogue, le Gouvernement pakistanais devra en effet être sûr de recueillir l’accord de toutes les populations locales avant de proposer un nouveau système. Il a commencé par élaborer un plan de développement durable des FATA, dont l’objectif est de favoriser le développement économique et social de cette région, d’en améliorer les infrastructures et les services fournis, de promouvoir une utilisation rationnelle des ressources naturelles et d’en dynamiser le commerce et l’industrie. Á cette fin, une stratégie reposant sur des projets de développement humain et économique a été élaborée, une autorité chargée du développement des FATA a été créée en 2006, des programmes d’appui aux organisations de la société civile en milieu rural ont été mis en œuvre, et un secrétariat chargé de coordonner cette action a été créé et placé sous l’autorité du gouverneur de la province de la frontière du Nord-Ouest. Le Gouvernement pakistanais a également conclu un accord avec les États‑Unis d’Amérique en vertu duquel 750 millions de dollars seront consacrés à des projets visant à garantir une bonne gestion des affaires publiques, à favoriser la liberté de l’information, à développer le secteur de la santé – et notamment de la santé infantile – ainsi que celui de l’approvisionnement en eau potable et de l’assainissement. Une fois encore, compte tenu de l’ampleur de la tâche, le Comité est invité à faire preuve d’indulgence et de patience envers le Gouvernement pakistanais.

8.La Cour fédérale de la charia a divers degrés de juridiction. En première instance, elle veille à ce que les lois en vigueur soient conformes aux préceptes de l’islam. En appel, elle statue dans des affaires relatives à des actes visés par les lois hudood de 1979 qui sanctionnent tout délit lié à la propriété, la consommation d’alcool, l’adultère (zina) et la fausse accusation (qazaf). Elle a compétence pour vérifier la régularité de la procédure suivie dans le cadre d’une affaire ayant trait à un acte réprimé par les lois hudood et a également des pouvoirs de révision. La Cour fédérale de la charia est une juridiction inférieure à la Cour suprême, qui est la plus haute instance judiciaire du pays.

9.Il n’existe aucune école religieuse publique au Pakistan. Les medersas sont des écoles qui ont vocation à éduquer les pauvres gratuitement. Le Gouvernement pakistanais a mis en place un système d’homologation de ces écoles et redéfini les programmes d’enseignement afin de doter les élèves de compétences dans des domaines qui leur permettront de trouver facilement du travail, comme les technologies de l’information, les mathématiques, l’économie ou la comptabilité. L’enseignement dans les medersas se fait dans les langues locales. Il existe des classes de différents niveaux en fonction de l’âge des élèves.

10.Le Gouvernement pakistanais a mis en place un politique de «tolérance zéro» vis‑à‑vis des violences faites aux femmes. Un projet de loi sur la violence conjugale, qui se trouve devant le Parlement pour examen, interdit le viol conjugal et les attaques à l’acide contre les femmes. Par ailleurs, une loi de 2004 a érigé les crimes d’honneur en assassinats et diverses lois de 2006 ont mis fin aux mariages forcés, à la vente de femmes, à la répudiation (talaq), à la coutume dite de «vani» par laquelle une femme peut être donnée pour régler un différend entre tribus, et enfin à la pratique qui prive les femmes de leur part d’héritage.

11.L’affirmation que le Pakistan tente de faire adopter au niveau international une loi contre le blasphème dans le cadre de la préparation de la Conférence d’examen de Durban est absolument inexacte. À l’instar d’autres États islamiques, le Pakistan combat l’islamophobie et la diabolisation des musulmans, qui sont à l’origine des actes de violence dont sont victimes des membres de la communauté islamique dans plusieurs pays occidentaux, actes au demeurant interdits par l’article 4 de la Convention. Cette position n’est pas incompatible avec la liberté d’expression et d’opinion. Les lois contre le blasphème en vigueur au Pakistan ne constituent en rien un obstacle à la liberté de l’information et ont pour objet de protéger les convictions religieuses de tous les citoyens, qu’ils soient musulmans ou non. Les personnes poursuivies en vertu des lois contre le blasphème doivent répondre de leurs actes devant la justice, mais disposent au même titre que les autres prévenus de la possibilité de prouver leur innocence et de faire appel d’une décision judiciaire.

12.Bien qu’il n’ait pas signé la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés ni le protocole facultatif y relatif de 1967, le Pakistan souscrit à la plupart des dispositions de ces instruments internationaux et a fait davantage pour les réfugiés que la plupart des pays signataires. Il fait notamment face depuis une trentaine d’années à un afflux massif de réfugiés afghans d’une manière qui a été saluée par la communauté internationale dans son ensemble ainsi que par le Haut‑Commissariat pour les réfugiés. Il compte aujourd’hui trois millions de réfugiés sur son territoire, soit 30 % des réfugiés du monde. Aussi le Comité comprendra‑t‑il pourquoi le Pakistan ne pense pas pouvoir appliquer les dispositions internationales appelant les pays d’accueil à naturaliser et assimiler tous les réfugiés qui se trouvent sur leur territoire.

13.Le Haut‑Commissariat pour les réfugiés (HCR) a travaillé avec la Commission parlementaire des droits de l’homme – composée de 55 membres issus de tous les partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat – à l’élaboration d’une loi qui inclurait pour la première fois dans l’histoire de ce pays une définition des réfugiés et protégerait les demandeurs d’asile contre les peines prévues dans la loi de 1946 sur les étrangers.

14.Un centre d’aide juridique a été créé, en collaboration avec le HCR, pour veiller à la régularité des procédures impliquant des réfugiés et des demandeurs d’asile poursuivis tant au civil qu’au pénal.

15.M. Akram dit qu’en 1947, à la date de la partition de l’Inde, un grand nombre de Biharis a quitté l’Inde pour l’est du Pakistan. À la création de l’État indépendant du Bangladesh en 1971, le Gouvernement pakistanais a conclu avec le Gouvernement bangladeshi un accord portant sur le rapatriement d’un certain nombre de personnes estimant avoir un devoir de fidélité et de loyauté envers le Pakistan, dont de nombreux Biharis. Les gouvernements des deux États ont alors tenté sans succès d’obtenir de la communauté internationale des fonds pour le rapatriement et la réinstallation du plus grand nombre possible de Biharis. Aujourd’hui, trente‑sept ans après la création de la République populaire du Bangladesh, une nouvelle génération de Biharis a grandi dans ce pays et jouit de toutes les prérogatives attachées à la citoyenneté bangladeshi, comme en témoigne leur participation aux élections générales qui se sont tenues récemment dans ce pays.

16.Pour ce qui est des Baloutches, le Gouvernement pakistanais accorde un rang de priorité élevé à la nécessité d’engager un dialogue significatif avec les dirigeants baloutches locaux et le peuple du Baloutchistan et de lever leurs griefs légitimes. Une aide est accordée à la population vulnérable et tant le Gouvernement fédéral que le Gouvernement provincial baloutche ont pris des mesures concrètes pour remédier aux déficits socioéconomiques dans cette zone. M. Akram précise qu’en août 2008, le Gouvernement a chargé un comité, composé de sept membres issus de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’évaluer la situation au Baloutchistan et de faire des recommandations afin de résoudre les problèmes à l’amiable. Ce comité a notamment demandé au Comité national des finances de se pencher sur la distribution des ressources entre les quatre provinces, lors d’une réunion prévue dans un mois. Certains des dirigeants baloutches qui avaient été incarcérés ont été relâchés et les poursuites à leur encontre annulées. Le Gouvernement a notamment effacé les dettes de la province à l’égard du Gouvernement fédéral. Des efforts considérables ont été déployés pour subvenir aux problèmes de cette province et d’énormes projets de construction de barrages et de réservoirs ont été entamés.

17.M. Akram précise cependant que certains facteurs exogènes expliquent également les problèmes auxquels la province du Baloutchistan fait face. En effet, celle-ci compte de nombreux réfugiés pachtounes, dont la présence a modifié l’équilibre ethnique de la région. En outre, cette province a subi l’ingérence d’éléments qui sont aidés par des forces extérieures à promouvoir le sécessionnisme, comme en témoignent l’enlèvement récent d’un représentant du Haut‑Commissariat pour les réfugiés ou encore les attentats‑suicide et les agressions contre les personnes qui ne sont pas baloutches. M. Akram affirme que ces exactions résultent de tentatives de créer une situation trouble au Pakistan en recourant au slogan de l’indépendance du Baloutchistan. Les Baloutches ont droit à l’autonomie, qui leur est garantie par la Constitution, et le Gouvernement pakistanais n’autorisera jamais la partition du Pakistan pour quelque motif que ce soit.

18.S’agissant de la question des Dalits et des castes répertoriées, M. Akram souligne que la Constitution de la République islamique du Pakistan oblige l’État à décourager les préjugés raciaux, tribaux, sectaires et provinciaux et garantit les droits fondamentaux de tous les citoyens indépendamment de leur race, de leur religion, de leur caste, de leur sexe, de leur lieu de résidence ou de leur lieu de naissance. L’égalité devant la loi et une protection égale sont accordées à tout citoyen. Plusieurs dispositions spécifiques de la Constitution interdisent la discrimination fondée sur la race, la religion, la caste ou le sexe. Le représentant du Pakistan insiste sur le fait que ni la Constitution ni les lois pakistanaises ne prévoient de distinctions sociales entre Pakistanais. Il rappelle que l’islam, religion officielle du pays, interdit toute distinction fondée sur la caste, la croyance ou la couleur de la peau et que l’existence de castes est un vestige colonial, qui se manifeste surtout au sein de la population hindoue. Il ne nie pas que les membres des castes, notamment les Dalits, soient confrontés à certains problèmes, tels que le travail forcé, mais il affirme que c’est le lot de tous les pauvres et que la solution passe donc par la lutte contre la pauvreté, notamment, par le biais de mesures spéciales en faveur des classes les plus défavorisées.

19.M. Akram souligne que son pays interdit le travail forcé et déploie tous les efforts possibles pour combattre les pratiques qui y sont liées. Il a mis en œuvre le Programme d’action spécial de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour combattre le travail forcé grâce auquel les États membres de l’OIT peuvent bénéficier d’une assistance technique pour éliminer les problèmes structurels liés au travail forcé et à la servitude pour dettes. Ce programme prévoit la réalisation d’études en amont des enquêtes nationales sur le travail forcé afin de vérifier la conformité des lois adoptées dans ce domaine aux instruments juridiques de l’OIT, la formation offerte aux membres des communautés, aux magistrats et aux forces de police et le soutien fourni au Gouvernement pour l’aider à instituer des partenariats avec les employeurs et les travailleurs en vue de promouvoir des relations professionnelles harmonieuses. Ce programme a également fourni aux autorités pakistanaises des conseils en vue de la création d’une instance nationale de haut niveau chargée de lutter contre le travail forcé et réalisé des projets pilotes pour tester la faisabilité des programmes mis en œuvre.

20.Abordant la question des disparitions, M. Akram souligne que la lutte contre le terrorisme est un défi non seulement pour le Pakistan mais aussi pour toute la communauté internationale et qu’elle exige l’adoption de mesures particulières. Malgré ces défis, les forces de répression pakistanaises ont respecté les garanties constitutionnelles, même s’il est vrai que les incidents qui se sont produits dans le domaine de la lutte contre le terrorisme auraient pu être évités.

21.S’agissant de la question de l’utilisation des langues des minorités devant les tribunaux, le représentant du Pakistan explique que l’article 356 du Code de procédure pénale de 1898 dispose que les tribunaux doivent autoriser les témoins à faire leurs dépositions et déclarations dans la langue de leur choix. Le Pakistan met en œuvre toutes les dispositions en vigueur autorisant l’utilisation des langues régionales dans les tribunaux.

22.S’agissant de la question de la ratification de l’article 14 de la Convention, le représentant du Pakistan indique que le pouvoir judiciaire pakistanais est indépendant et a toute compétence pour faire respecter les droits constitutionnels et ceux prévoyant la non‑discrimination entre citoyens pakistanais. Tout citoyen a le droit de demander réparation devant les tribunaux pakistanais s’il s’estime victime d’une violation de ses droits et peut déposer une plainte directement auprès des hautes cours de justice.

23.En ce qui concerne la déclaration relative à l’article 8 de la Convention, M. Akram indique que le processus de ratification a été entamé et qu’une décision favorable devrait être prise dans les mois suivants.

24.M. Akram explique que grâce au Plan de dévolution des pouvoirs adopté en 2000, les minorités sont représentées aux trois échelons des administrations locales. Elles sont également représentées à l’Assemblée nationale et dans les quatre assemblées provinciales. Les membres des minorités participent activement à tous les aspects de la vie du pays, notamment au sein des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. Ils sont présents dans la fonction publique, l’armée, le secteur privé et l’enseignement.

25.M. Akram regrette que le dialogue qui s’est instauré à la séance précédente n’ait pas permis à sa délégation d’évoquer la gravité des problèmes rencontrés par le Pakistan depuis plusieurs années. Il attire l’attention du Comité sur le fait que son pays est confronté à une situation géopolitique précaire et dangereuse. Le Pakistan a, en effet, hérité d’un différend sur ses frontières occidentale et orientale qui relève d’un accident de l’histoire mais qui a été particulièrement exacerbé depuis l’invasion, en 1979, de l’Afghanistan par l’ex-URSS. Le Pakistan compte actuellement plus de trois millions de réfugiés afghans, qui ont introduit des armes dans le pays et participent très activement à l’importation de stupéfiants produits en Afghanistan. Sur sa frontière occidentale, le Pakistan connaît depuis de longues années des relations difficiles avec son voisin indien, avec lequel il a un différend à propos du Cachemire. En outre, au cours de l’année écoulée, le Pakistan a connu comme bien d’autres pays, les conséquences de la crise pétrolière et d’une pénurie alimentaire qui nuit gravement à l’économie nationale. Le pays est en outre confronté à l’effondrement du système financier mondial.

26.M. Akram estime que certaines des observations des experts du Comité n’ont aucun fondement concret et sont sans rapport avec la réalité. Les affirmations selon lesquelles la moitié du territoire pakistanais échapperait au contrôle du Gouvernement et que ce dernier utiliserait des armes chimiques pour réprimer les mouvements de contestation sont d’autant plus surprenantes qu’elles n’ont jamais été relayées par les médias nationaux ni internationaux. La délégation pakistanaise insiste pour connaître les sources de ces informations et estime qu’un dialogue fondé sur des informations non fiables et non vérifiables ne serait qu’une farce.

27.M. THORNBERRY accueille avec satisfaction les informations fournies par la délégation pakistanaise concernant les revendications des Baloutches à l’autonomie et la protection juridique renforcée accordée, au niveau fédéral, aux droits des femmes. S’agissant des disparitions forcées, il estime qu’en dépit des contestations de la délégation pakistanaise, il semble bien que des personnes soient toujours illégalement détenues dans le pays, y compris des femmes baloutches, ce qui est très préoccupant. L’expert estime qu’il faut de toute urgence trouver une solution à ce problème et venir en aide aux victimes, même si les autorités pakistanaises ont déployé et continuent de déployer des efforts en ce sens. À cet égard, il suggère aux autorités pakistanaises d’envisager de demander de l’aide aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme.

28.M. EWOMSAN, notant que le type de hiérarchisation sociale fondée sur les castes a un fondement métaphysique pour les hindouistes alors que l’islam prône l’égalité de tous, souhaite connaître la position des Hindous vivant au Pakistan sur cette question.

29.M. DIACONU se félicite de la franchise des réponses apportées par la délégation du Pakistan aux observations et commentaires du rapporteur pour le pays et des autres experts du Comité. Notant que la délégation pakistanaise et les réponses écrites du Pakistan à la liste des points à traiter ne commentent que la discrimination fondée sur des motifs religieux, il attire l’attention de la délégation pakistanaise sur le fait que le Comité s’intéresse exclusivement à la discrimination exercée contre certaines personnes au motif de la race, de l’ascendance ou de l’appartenance ethnique et non des convictions religieuses et qu’il aurait donc été très utile que les réponses de l’État partie traitent de la discrimination exercée pour ces trois motifs. Il regrette, en outre, que la délégation n’ait pas communiqué d’informations sur la représentation des groupes ethniques dans le secteur public ni sur les possibilités qu’ont ces derniers de s’instruire dans leur langue maternelle, de créer et de maintenir leur propre culture linguistique et d’accéder aux services de santé dans leur langue maternelle. Il note que la chef de la délégation a indiqué que les gouvernements provinciaux sont habilités à promulguer des lois portant sur la question de l’utilisation des langues minoritaires mais regrette qu’aucune information précise n’ait été apportée sur les lois effectivement adoptées.

30.S’agissant des castes répertoriées et de la discrimination fondée sur l’ascendance, M. Diaconu récuse le point de vue de la délégation pakistanaise selon lequel l’existence des castes serait directement liée à la pauvreté. Il estime au contraire que la pauvreté des castes répertoriées est la conséquence de la discrimination dont elles font l’objet et est due au fait qu’elles sont tenues systématiquement à l’écart du reste de la société et des progrès sociaux dont les autres catégories sociales sont habilitées à tirer parti.

31.M. LAHIRI voudrait connaître les indicateurs socioéconomiques concernant les différentes provinces et les mesures prises pour réduire les disparités entre elles. Il indique que les informations citées par les membres du Comité proviennent d’ONG dûment reconnues qui affirment que des violations flagrantes des droits de l’homme sont commises au Baloutchistan, des régions entières du pays échappent au contrôle de l’État et des armes chimiques ont été utilisées contre des civils.

32.M. de GOUTTES comprend les multiples difficultés auxquelles le Pakistan se heurte et explique que le Comité s’est toujours interdit d’adopter une approche politique du problème de la discrimination. Il évoque les engagements pris par le Pakistan en 2008 devant le Conseil des droits de l’homme à l’issue de l’Examen périodique universel. Il aimerait obtenir un complément d’information sur l’application de la charia aux non‑musulmans, la loi sur le blasphème et l’accord conclu avec les Talibans dans la vallée de Swat.

33.M. AKRAM(Pakistan) dit que la délégation a longuement évoqué la question de la religion car la Constitution pakistanaise ne reconnaît que les minorités religieuses. L’État est toutefois conscient qu’il existe d’autres minorités, par exemple ethniques et linguistiques. En ce qui concerne les provinces, il existe un sentiment généralisé parmi la population selon lequel le Penjab est privilégié par rapport aux trois autres provinces, ce qui est vrai dans une certaine mesure, pour des raisons principalement historiques. L’État entend remédier à cette situation, notamment en favorisant une meilleure répartition des ressources publiques et des richesses. La Constitution prévoit d’accorder la plus large autonomie possible aux provinces. Les différentes langues parlées dans les provinces sont protégées. Il existe des journaux et des programmes radiotélévisés dans toutes les langues. S’agissant des disparités entre les provinces, les membres du Comité souhaiteront peut-être consulter les indicateurs socioéconomiques qui figurent sur le site Web de l’Office fédéral de la statistique.

34.M. Akram reconnaît l’existence de violations des droits de l’homme au Baloutchistan. Leurs auteurs ont été traduits en justice dans la mesure du possible et aucune violation n’a été commise avec le consentement des pouvoirs publics. Le Baloutchistan se caractérise par une société tribale, peu instruite, ayant des traditions et pratiques ancestrales qui n’évoluent guère. La violence à l’égard des femmes y pose à l’évidence un problème difficile à combattre.

35.La délégation pakistanaise ne souhaite pas contester la véracité des informations fournies par les ONG mais force est de constater que leurs accusations très graves n’ont parfois aucun fondement. Ainsi, aucune arme chimique n’a été utilisée contre des civils. La charia n’est pas appliquée aux non‑musulmans. Pour ce qui est de l’accord conclu avec les Talibans dans la vallée de Swat, il avait pour objet de mettre un terme aux exactions commises dans cette région. La signature de cet accord ne porte aucunement atteinte à l’autorité de l’État, il s’agit simplement de reconnaître la situation qui règne et les compétences des tribunaux mis en place par les Talibans. S’agissant de la loi sur le blasphème, elle n’a jusqu’à présent jamais été appliquée.

36.M. PROSPER demande à la délégation pakistanaise si, à son avis, la discrimination existe dans la société pakistanaise. Dans l’affirmative, il voudrait savoir ce que fait l’État pour combattre les pratiques discriminatoires.

37.M. LINDGREN ALVES demande un complément d’information sur la position adoptée par le Pakistan dans le cadre des négociations relatives à la Conférence d’examen de Durban, notamment sur la question de la diffamation de la religion. Par ailleurs, d’après les réponses fournies par la délégation, il croit comprendre que l’État ne finance aucune école religieuse ou madrassa, ce qui n’est pas forcément une bonne chose car cela empêche les pouvoirs publics d’exercer un contrôle quelconque sur les écoles coraniques les plus fondamentalistes. La délégation pakistanaise est invitée à donner son point de vue sur cette question.

38.M. AKRAM (Pakistan) dit qu’aucun pays n’est épargné par la discrimination raciale et que le Pakistan ne fait pas exception à la règle. Le Gouvernement pakistanais n’a certes pas encore les capacités suffisantes pour appliquer efficacement les lois en vigueur et les programmes d’action positive qu’il a adoptés à ce jour, mais il a du moins la ferme volonté de combattre ce phénomène et, avec le temps, il devrait parvenir à se doter des moyens nécessaires pour lutter contre la discrimination. La délégation explique que, les organes des pouvoirs exécutif et législatif donnent la priorité aux problèmes qui leur paraissent les plus urgents, dont le terrorisme et la crise économique. Elle assure toutefois le Comité qu’à son retour, elle appellera l’attention des autorités pakistanaises sur le fait que les questions dont elle a débattu avec le Comité méritent d’être également considérées comme urgentes.

38.Rappelant que le Pakistan est le coordonnateur du groupe des pays musulmans qui participeront à la Conférence d’examen de Durban, M. Akram précise que les autorités pakistanaises jugent inadmissible la diffamation des religions, ce qui inclut l’islam ainsi que toutes les autres religions. Elles ne sont pas opposées à la liberté d’expression mais considèrent que celle-ci doit être limitée s’agissant des propos hostiles ou irrespectueux à l’égard d’une religion. En effet, ce type de propos constitue une forme d’incitation à la haine contre un groupe donné, laquelle peut déboucher sur des violences physiques contre les adeptes de la religion concernée. Aucun pays n’est à l’abri de tels débordements. Si, dans l’Allemagne d’avant la Seconde Guerre mondiale, les déclarations antisémites avaient été interdites d’entrée de jeu, peut-être aurait-on pu enrayer le processus qui a conduit à l’holocauste.

40.Rappelant qu’au Pakistan, l’école publique est gratuite et que les taxes dont doivent s’acquitter les étudiants des universités publiques sont très modiques, M. Akram dit que l’État partie n’a pas les moyens de subventionner, outre les établissements publics, les quelque mille medersas du Pakistan. L’État accorde toutefois un soutien aux medersas qui en font la demande, à condition qu’elles s’enregistrent auprès des autorités compétentes, ce qui permet de vérifier leurs sources de financement. Les medersas dans lesquelles des enfants sont entraînés à commettre des attentats‑suicide ne représentent qu’une petite minorité. Le Gouvernement prend des mesures énergiques contre ces établissements mais, souvent, ceux-ci se reconstituent sous un autre nom ou passent dans la clandestinité. Les autorités encouragent les medersas qui mènent des activités légales à adopter une optique moins axée sur la religion et à intégrer des enseignements laïques et, à titre de mesure d’incitation, elles les autorisent à délivrer aux élèves qui ont suivi dix années de cours un certificat de fin d’études secondaires qui leur ouvre les portes des universités publiques ou privées.

41.M. PETER (Rapporteur pour le Pakistan) se dit très heureux que l’État partie ait renoué le dialogue avec le Comité après une interruption de près de vingt ans et se félicite de la franchise et de l’esprit d’ouverture dont la délégation pakistanaise a fait preuve au cours de l’examen du rapport. Il note avec satisfaction qu’elle a répondu en détail à presque toutes les questions qui lui ont été posées et formule l’espoir que les renseignements qu’elle n’a pas pu fournir oralement seront communiqués ultérieurement au Comité par écrit.

42.Évoquant les éléments saillants du débat entre les membres du Comité et la délégation pakistanaise, M. Peter dit que le Comité a noté avec satisfaction que les minorités étaient officiellement reconnues dans l’État partie et que le Ministère chargé des minorités et la Commission nationale des minorités avaient été créés. Le Comité a également noté avec satisfaction que l’État partie s’était doté d’une loi érigeant en infraction les crimes d’honneur. Tout en reconnaissant que le Gouvernement pakistanais était confronté à la menace permanente du terrorisme et que ce problème était particulièrement aigu en raison de la situation géographique du pays, le Comité a rappelé que les autorités pakistanaises devaient trouver un juste équilibre entre l’impératif de la sécurité intérieure et la nécessité de protéger et de respecter les droits de l’homme. Par ailleurs, le Comité a souligné que l’État partie devrait garantir l’accès des minorités aux ressources naturelles se trouvant dans les zones dans lesquelles elles vivaient; veiller à ce que la justice soit rendue avec efficacité sur tout le territoire national; recenser les personnes appartenant aux castes répertoriées et publier les données obtenues; ratifier les instruments internationaux et régionaux auxquels le Pakistan n’est pas encore partie; et inscrire dans la loi l’obligation de respecter les quotas fixés pour la représentation des minorités dans la fonction publique.

43.La PRÉSIDENTE se félicite de la reprise du dialogue avec le Pakistan et formule l’espoir que celui-ci présentera dorénavant ses rapports périodiques avec ponctualité et régularité et qu’il communiquera les renseignements que le Comité lui demandera au titre de la procédure de suivi dans le délai qui lui sera imparti.

44. La délégation pakistanaise se retire.

La séance est levée à 11 h 50.

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