Nations Unies

CERD/C/SR.1989

Convention internationale surl’élimination de toutes les formesde discrimination raciale

Distr. générale

28 juillet 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-seizième session

Compte rendu analytique de la 1989e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le jeudi 25 février 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Puis:M. Prosper (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties, conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième et vingtième rapports périodiques de l’Islande

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-neuvième et vingtième rapports périodiques de l’Islande (CERD/C/ISL/20; CERD/C/ISL/Q/19-20 et Add.1; HRI/CORE/1/Add.26)

1.À l’invitation du Président, les membres de la délégation de l’Islande prennent place à la table du Comité.

2.Le Président précise que comme il est le Rapporteur pour l’Islande, il transmet la présidence à M. Prosper.

3.M. Prosper (Vice-Président) prend la présidence.

4.M. Kristjansson (Islande), présentant les dix-neuvième et vingtième rapports périodiques de l’Islande réunis en un document unique (CERD/C/ISL/20), dit que le document a été établi sous l’autorité du Ministère de la justice et des droits de l’homme en consultation avec plusieurs parties prenantes concernées. Il ajoute que la priorité a été donnée à la description des changements qui sont intervenus depuis la présentation des dix-septième et dix-huitième rapports réunis en un document unique et aux observations finales formulées par le Comité après l’examen de ces rapports.

5.Mme Jonasdottir (Islande) dit qu’en janvier 2007 le Gouvernement a pour la première fois adopté une politique relative à l’intégration des immigrés, dont l’objectif principal est de garantir que toutes les personnes qui résident en Islande bénéficient de l’égalité des chances et puissent participer activement à la vie de la société dans tous les domaines. En 2005, il a créé le Conseil de l’immigration, chargé de lui donner des avis dans le domaine de l’élaboration des politiques et d’examiner les questions relatives à l’intégration. Les objectifs du Conseil pour 2010 consistent notamment à donner des avis au Gouvernement sur un projet de loi relatif à l’intégration des immigrés, à publier une brochure d’information pour les nouveaux immigrés et à administrer le Fonds de développement pour l’immigration.

6.Toujours en 2005, un Comité pour les réfugiés a été créé afin de s’occuper des questions qui étaient jusque-là du ressort du Conseil des réfugiés. L’Islande accueille des réfugiés admis au titre de «quotas» tous les ans ou tous les deux ans depuis 1995 dans le cadre de divers programmes de réinstallation du HCR, ainsi que depuis 2005 des femmes et des enfants dont le HCR estime qu’ils se trouvent «en détresse». En 2007, le Ministère des affaires étrangères et le Ministère des affaires sociales ont annoncé la création d’un quota annuel de 25 à 30 réfugiés, mais la grave crise financière survenue en Islande à l’automne 2008 a engendré d’importantes coupes budgétaires dans tous les domaines, ce qui n’a pas permis à l’Islande d’inviter des réfugiés soumis à des «quotas» à s’installer dans le pays en 2009 et 2010.

7.Un projet de loi visant à modifier la loi sur les étrangers de façon à tenir compte de l’expérience acquise dans l’application de la loi et des initiatives prises par l’Islande dans le cadre de l’Accord sur l’espace économique européen et l’Accord de coopération Schengen a été adopté et est entré en vigueur le 1er août 2008. L’un des amendements à la loi avait trait à la prorogation du permis de séjour temporaire dans le cas où un mariage, un partenariat enregistré ou un concubinage étaient annulés parce qu’un étranger ou son enfant avaient été victimes de sévices dans le cadre de la relation. Le même amendement a été apporté à la loi sur le droit au travail des étrangers.

8.En décembre 2005, l’Islande a adopté la loi sur les agences de travail temporaire, première loi de ce type en Islande, qui visait à protéger les droits des personnes recrutées par des agences d’emploi temporaire. En 2007, elle a adopté la loi relative aux droits et aux obligations des sociétés étrangères envoyant des travailleurs temporaires en Islande, ainsi qu’aux conditions d’emploi de leurs salariés. La loi s’applique aux sociétés établies dans d’autres États de l’Espace économique européen et de l’Association européenne de libre-échange, ou dans les îles Féroé, qui détachent des employés en Islande à titre temporaire.

9.La loi sur le domicile légal a été modifiée afin d’interdire l’enregistrement du domicile légal d’une personne dans des zones à vocation commerciale. Des modifications ont également été apportées à la loi sur la nationalité islandaise dans le soucis d’harmoniser les critères à remplir pour obtenir un permis de séjour permanent d’après la loi sur les étrangers, et pour obtenir la citoyenneté islandaise. En outre, de nouveaux critères ont été établis pour l’obtention de la nationalité islandaise. C’est ainsi que les candidats doivent notamment être solvables et avoir réussi un test d’islandais. D’après des enquêtes, le programme de cours d’islandais pour étrangers, dispensés dans l’ensemble du pays pendant les heures de travail ou en soirée, a eu un succès retentissant.

10.En mars 2009, le Gouvernement a approuvé le premier Plan d’action gouvernemental de lutte contre la traite des êtres humains, qui doit rester en vigueur jusqu’à la fin de 2012. En octobre 2009, le Ministère de la justice a été chargé de la question de la traite des êtres humains. Il a peu après constitué une équipe d’experts − composée de représentants des ministères concernés, d’organismes gouvernementaux, de la police, de la Direction de l’immigration et d’ONG − dont la mission était de coordonner et de superviser l’action du Gouvernement dans ce domaine.

11.Trois projets de loi ayant trait à l’enseignement, qui tiennent compte de l’évolution de la société, de l’emploi, de la structure familiale et du nombre croissant de personnes dont la langue maternelle n’est pas l’islandais, ont été adoptés en mai 2008.

12.Le Comité a formulé un certain nombre de recommandations dans les observations finales qu’il a présentées à la suite de l’examen des dix-septième et dix-huitième rapports périodiques de l’Islande. Les cinq recommandations principales sont les suivantes: premièrement, envisager d’incorporer les dispositions de fond de la Convention au droit interne; deuxièmement, envisager d’adopter des mesures directes pour prévenir la discrimination raciale et, à cet effet, adopter une législation antidiscriminatoire complète; troisièmement, renforcer les garanties juridiques afin de prévenir la violation des droits du travail des étrangers; quatrièmement, renverser la charge de la preuve dans les procédures civiles concernant le refus d’accorder l’accès à des lieux publics fondé sur la race, la couleur, l’ascendance, ou l’origine nationale ou ethnique pour qu’elle incombe au défendeur; et cinquièmement, envisager de mettre en place une institution nationale de défense des droits de l’homme répondant aux Principes de Paris.

13.En ce qui concerne la première de ces recommandations, Mme Jonasdottir fait observer que, bien que la Convention n’ait pas été incorporée au droit interne, la protection juridique découlant de ces dispositions est garantie et dans la pratique, et par la jurisprudence. Les tribunaux islandais n’ont ménagé aucun effort pour interpréter les dispositions du droit interne et de la Constitution en prenant en compte les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme dans un grand nombre de jugements.

14.En ce qui concerne la deuxième recommandation, l’intervenante indique que plutôt que d’adopter une législation complète contre la discrimination raciale, l’Islande a choisi de lutter contre le phénomène en adoptant plusieurs dispositions juridiques interdisant la discrimination en général, et en mettant en place des mesures spécifiques dans divers domaines afin de protéger les étrangers et d’améliorer leur situation. C’est ainsi que plusieurs projets sont prévus pour 2010 qui visent à prévenir la discrimination raciale et à sensibiliser le public à la question.

15.En ce qui concerne la troisième recommandation, Mme Jonasdottir rappelle qu’afin de renforcer les garanties juridiques pour les travailleurs étrangers, plusieurs modifications ont été apportées à la loi sur le droit au travail des étrangers. L’une d’entre elles prévoit que l’employeur qui présente une demande de permis de travail au nom d’un employé étranger doit figurer sur le permis. Cette prescription permettra au Gouvernement et aux syndicats de mieux garantir aux travailleurs étrangers un traitement équitable, puisque les employeurs sont tenus de respecter les lois et les accords collectifs en vigueur. En vertu du droit islandais, les salaires et d’autres conditions prévues dans les conventions collectives constituent les conditions minimales applicables à tous les salariés, ce qui rend nuls les accords prévoyant des salaires inférieurs. Une campagne visant à garantir que les activités des sociétés étrangères établies en Islande soient conformes au droit interne et que les employeurs nationaux respectent les droits des travailleurs étrangers a été lancée en 2007.

16.En ce qui concerne la quatrième recommandation, Mme Jonasdottir relève qu’un test de situation a été mené dans le secteur de l’hôtellerie en 2009. Les résultats ont montré que, bien que le Code pénal interdise la discrimination concernant l’accès aux lieux publics, les employeurs et le personnel du secteur de l’hôtellerie ne semblent pas suffisamment au courant de cette disposition et que, de surcroît, les cas de déni d’accès ne sont pas signalés à la police. Un projet visant à offrir une formation aux employeurs et au personnel de ce secteur pour lutter contre la discrimination doit être mené à bien en 2010 dans les quelque 250 établissements de Reykjavik autorisés à vendre des boissons alcoolisées.

17.En vertu de la Constitution islandaise, les personnes inculpées d’une infraction pénale sont présumées innocentes jusqu’à preuve du contraire et le Code de procédure pénale dispose que dans les affaires pénales la charge de la preuve incombe à l’accusation. La présomption d’innocence est un principe fondamental en droit islandais, et toute dérogation à ce principe doit par conséquent faire l’objet d’une enquête et d’une analyse approfondies. Une modification du Code pénal en ce sens n’est pas envisagée.

18.Enfin, en ce qui concerne la cinquième recommandation, Mme Jonasdottir relève qu’en Islande de nombreuses institutions et organisations sont directement chargées de protéger les droits de l’homme. En 2009, le Ministère de la justice et des affaires ecclésiastiques est devenu le Ministère de la justice et des droits de l’homme, au sein duquel a été créée une Division des affaires juridiques et des droits de l’homme chargée précisément de traiter les questions relatives aux droits de l’homme.

19.M. Kemal, Rapporteur pour l’Islande, dit que l’Islande est une république parlementaire qui respecte l’état de droit et prend des mesures visant à protéger les droits de l’homme de ses citoyens et des immigrés résidant sur son territoire. Il n’est donc pas surprenant qu’avant la crise économique actuelle on ait enregistré une arrivée importante d’étrangers; au point qu’au 1er janvier 2008 ce groupe de personnes représentait environ 6,8 % de la population. Sur l’ensemble des immigrés, environ 71 % sont originaires de pays européens, et les communautés polonaises et lituaniennes sont les communautés étrangères les plus importantes.

20.Plusieurs événements positifs sont survenus depuis l’examen par le Comité du rapport précédent de l’Islande. L’Islande a signé plusieurs instruments relatifs aux droits de l’homme, parmi lesquels la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, ainsi que des instruments régionaux qui ont un lien avec le mandat du Comité, tels que la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. En janvier 2007, l’Islande a adopté une politique relative à l’intégration des immigrés. En mai de la même année, elle a publié une déclaration de politique générale qui donne la priorité aux questions d’immigration et a fait connaître son intention d’élaborer un programme complet de mesures sur ces questions.

21.Autre fait nouveau positif, le plan quadriennal relatif aux forces de police pour la période 2007-2011. Ce plan met l’accent sur le recrutement de personnes reflétant le caractère multiculturel de la société. En réponse aux dernières observations finales du Comité, l’Islande a donné des précisions sur les cours de formation destinés aux membres de la police des frontières qui mettent l’accent sur la protection des réfugiés et les conditions qui prévalent dans le pays d’origine de ces personnes.

22.M. Kemal accueille avec intérêt la démarche positive et antidiscriminatoire qui ressort de la loi sur les agences de travail temporaire, qui garantit aux travailleurs étrangers les mêmes droits qu’aux citoyens islandais et prévoit que les conventions collectives s’appliquent aussi aux employés temporaires recrutés par l’intermédiaire d’agences.

23.Il constate avec satisfaction que l’État partie met à jour son document de base (HRI/CORE/1/Add.26), car une grande partie des informations qui y figurent ne sont plus d’actualité.

24.Le Rapporteur pour l’Islande accueille également avec intérêt la ratification prochaine par l’État partie de la Convention relative au statut des apatrides, de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et du Protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, relatif à l’incrimination d’actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.

25.Un autre fait positif est que l’État partie a annoncé son intention d’élaborer un programme visant à mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

26.Passant aux sujets de préoccupation, M. Kemal relève que la Convention n’a toujours pas été incorporée au droit interne, alors que la Convention européenne des droits de l’homme est intégrée à la législation islandaise depuis 1994. Selon l’État partie, la protection juridique offerte par la Convention est garantie dans la pratique judiciaire, selon les procédures décrites aux paragraphes 25, 26 et 31 du rapport.

27.L’Islande a sévèrement pâti de la crise financière de 2008-2009. L’augmentation du chômage et de la dette extérieure du pays qui en ont résulté auraient engendré un sentiment d’hostilité à l’égard des immigrés. Si cette supposition est fondée, quelles mesures le Gouvernement prend-il pour contenir le phénomène?

28.L’Islande ne dispose pas d’une législation complète de lutte contre la discrimination qui reflète dûment les principes consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’homme et les droits reconnus à l’article 5 de la Convention. Le Gouvernement considère-t-il que l’absence d’une telle législation est justifiable au vu de sa pratique judiciaire?

29.Par ailleurs, il n’existe pas non plus d’institution nationale des droits de l’homme dotée d’un large mandat reposant sur les Principes de Paris. Certes, la mise en place d’une telle institution est une entreprise d’envergure pour un petit pays sans problèmes majeurs en matière de droits de l’homme, mais l’intervenant demande comment le Gouvernement envisage d’honorer les obligations qui lui incombent à cet égard.

30.Le Comité est préoccupé par le fait que le financement d’organes tels que le Centre des droits de l’homme a été fortement réduit. Le budget du Centre avait été ramené à un tiers de son niveau précédent. Il avait pu néanmoins se maintenir à flot à la faveur d’un soutien financier global de la part des ONG, des syndicats, de fonds d’entreprises et d’un financement de la Commission européenne pour des projets spécifiques jusqu’à la reprise du financement public en 2008 et 2009. M. Kemal se demande si d’autres organisations ont subi des coupes similaires, ce qui pouvait expliquer que les ONG islandaises ne soient pas venues à Genève pour donner des informations au Comité.

31.M. Kemal croit pouvoir dire que l’âge minimum du mariage, qui avait été fixé arbitrairement à 24 ans pour les étrangers souhaitant épouser des ressortissants islandais, en vue de prévenir les mariages blancs, n’est plus applicable. En revanche, d’autres dispositions s’appliquent dans les cas où les autorités ont des raisons de soupçonner qu’il s’agit d’un mariage fictif. Ces mariages sont assurément inacceptables, mais des mesures telles que la fixation d’un âge minimum de 24 ans a peu de chances d’être un moyen de dissuasion efficace. Une autre méthode pourrait consister, par exemple, à interroger séparément les futurs époux.

32.La délivrance de permis temporaires aux étrangers sous contrat avec un employeur spécifique peut donner lieu à des abus. La société en question pourrait être tentée de tirer parti de la situation afin d’augmenter ses profits. Quelles sont les sauvegardes en place pour prévenir ce phénomène?

33.Selon la Direction du travail, 15 % des chômeurs sont des étrangers, qui pourraient par conséquent être perçus comme un fardeau pour l’État. M. Kemal demande par quels moyens le Gouvernement tente de remédier à ce problème.

34.L’accès aux lieux publics serait refusé pour des motifs racistes, lorsque l’apparence physique ou l’expression orale d’une personne est différente de celle des ressortissants islandais. La police affirme n’avoir reçu aucune plainte mais il se peut simplement que les victimes craignent de créer des problèmes. M. Kemal accueillera avec intérêt toute information sur la question que la délégation pourrait fournir.

35.La police a fait une descente dans une résidence temporaire pour demandeurs d’asile en septembre 2008, incident qui a débouché sur des accusations de discrimination. Le Gouvernement prend-il des mesures afin d’éviter que des incidents analogues ne surviennent à l’avenir?

36.Il est regrettable qu’un nombre disproportionné d’étudiants issus de l’immigration abandonnent leurs études secondaires, car ils vont vraisemblablement devenir une charge pour la société.

37.Certaines ONG ont signalé quelques cas anecdotiques de traite des femmes. Si ces informations sont exactes, M. Kemal fait confiance aux autorités pour prendre des mesures énergiques à l’encontre des responsables. Il relève qu’environ 40 % des femmes qui étaient abritées dans le foyer pour femmes de Reykjavik en 2006 étaient des étrangères.

38.Il semble que certains demandeurs d’asile restent dans l’incertitude pour des périodes indéfinies. Des mesures sont-elles prises pour remédier à cette situation?

39.M. Kemal attire l’attention sur les effets négatifs de l’amendement de 2008 à la loi sur les étrangers qui introduit l’obligation d’autonomie financière. Dès l’âge de 18 ans, les étrangers sont tenus, même s’ils sont arrivés dans le pays en tant que dépendants, de présenter une preuve d’autonomie financière. Il fait ressortir que les enfants restent financièrement dépendants plus longtemps car l’éducation devient de plus en plus spécialisée.

40.Compte tenu de la grave crise financière et du fait que l’Islande est si peu peuplée, M. Kemal est enclin à faire preuve de tolérance et à s’abstenir de critiquer indûment l’État partie. Dans l’ensemble, la situation des droits de l’homme en Islande est nettement supérieure à la moyenne. Toutefois, la délégation souhaitera peut-être expliquer pourquoi l’État partie n’a pas mis en œuvre à ce jour certaines recommandations que le Comité a formulées lors de sa précédente session.

41.M.Avtonomov félicite l’État partie pour la présentation régulière de ses rapports au Comité et son attachement manifeste aux principes consacrés dans la Convention. Comme l’a indiqué le Rapporteur pour l’Islande, il n’y a eu aucune séance d’information à l’intention des ONG, ce qui pourrait laisser entendre que peu de problèmes sont à signaler.

42.Bien que l’Islande continue d’adhérer à des traités internationaux, la Convention européenne des droits de l’homme est apparemment le seul instrument directement applicable par les tribunaux nationaux. Dans quelle mesure le droit interne a-t-il été modifié pour tenir compte des dispositions des traités internationaux?

43.Aucune information relative au traitement des ressortissants islandais qui ne sont pas Islandais d’origine ne figurait dans le rapport actuel ni dans le rapport précédent, bien que l’on puisse déduire de l’histoire de l’Islande que la population se compose de divers groupes ethniques.

44.La loi no 81/2007 portant modification de la loi sur la citoyenneté prévoit un report de deux ans de l’examen d’islandais obligatoire pour les personnes qui présentent une demande de citoyenneté. M. Avtonomov souhaite tout particulièrement connaître la situation des membres des groupes ethniques autres que les Scandinaves qui ont récemment obtenu la citoyenneté islandaise. Ces personnes auront-elles des difficultés à avoir accès à l’éducation et à l’emploi?

45.La crise financière mondiale étant survenue après la présentation du rapport, son incidence n’a pas été prise en compte. Notant que le Centre interculturel de Reykjavik a fermé pour raisons financières en décembre 2009, M. Avtonomov demande si des fonds seront mobilisés pour en faciliter la réouverture.

46.En ne créant pas d’institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris, l’État partie ne commet certes pas une violation des droits de l’homme, mais le Comité est convaincu, à la lumière de son expérience internationale, que ce type d’institution a un rôle utile à jouer pour promouvoir le respect des droits de l’homme et faciliter les contacts internationaux. Les organes de protection des droits de l’homme existants pourraient peut-être être fusionnés à cette fin. Le Médiateur parlementaire pourrait également jouer un rôle.

47.M.Murillo Martínez dit que l’excellent bilan de l’Islande en ce qui concerne le respect de la Convention ne tient pas nécessairement à sa petite taille. D’autres petits pays ont de gros problèmes dans les domaines du racisme et de la discrimination raciale. Le fait qu’une lesbienne occupe de hautes fonctions au sein de l’appareil judiciaire démontre amplement que l’Islande respecte la diversité.

48.Selon le document de base de l’État partie, le chômage a oscillé entre 0,3 et 1,7 % au cours des années 80. Il est probable que la crise financière entraîne une forte augmentation du chômage qui pourrait influencer négativement les comportements envers les immigrés.

49.Les paragraphes 15 et 16 du rapport font mention d’une nouvelle politique relative à l’immigration et d’une conférence tenue en janvier 2008 afin de préparer le plan d’action du Gouvernement concernant les questions relatives aux immigrés. Le Comité souhaiterait connaître l’issue de la conférence et savoir comment ses conclusions ont été mises en pratique.

50.Le paragraphe 34 reprend des dispositions du Code pénal qui ont pour objet d’offrir une protection contre la discrimination raciale. Il y est dit par exemple qu’est considéré comme une infraction le fait de refuser à qui que ce soit des biens, des services ou l’accès à un lieu public ou prévu pour un usage public en raison de la nationalité, de la couleur, de la race, de la religion et de l’orientation sexuelle. D’après le paragraphe 59, aucune plainte n’a été reçue concernant le déni d’accès à des lieux publics pour ces motifs par des particuliers ou des personnes publiques. Des plaintes ont-elles été déposées entre-temps, en particulier depuis la survenue de la crise financière?

51.M.de Gouttes félicite l’État partie pour la régularité avec laquelle il a présenté ses rapports au Comité.

52.Il demande pourquoi l’État partie a établi une distinction entre la Convention européenne des droits de l’homme, qu’il a transposée intégralement dans son droit interne, et d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

53.Il serait bon de savoir ce qui a été fait pour harmoniser la législation avec les directives 2000/43/EC et 2000/78/CE de l’Union européenne. Le Comité souhaiterait également avoir des informations à jour sur l’état d’avancement des projets de loi que le Gouvernement espère promulguer en 2010 afin de renforcer la prévention de la discrimination raciale.

54.M. de Gouttes aimerait savoir si l’État partie a élaboré son propre programme d’action ou pris d’autres mesures afin de mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban.

55.Suite aux informations contenues dans les paragraphes 78 et 79 du rapport, il rappelle la Recommandation générale no 31 du Comité sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale. La rareté des plaintes, des poursuites et des jugements concernant des actes de discrimination raciale ne devrait pas être regardée comme nécessairement positive.

56.Compte tenu des observations de la délégation concernant la charge de la preuve en droit pénal, M. de Gouttes demande si l’État partie a réalisé des tests de discrimination raciale dans des situations comme l’accès aux bars, aux restaurants et aux discothèques. Dans l’affirmative, il serait intéressant de savoir si les résultats ont été reconnus comme preuve de discrimination dans des affaires pénales, comme cela s’est fait dans plusieurs autres États.

57.M.Amir demande comment les immigrés non blancs et les membres du peuple sâme peuvent être assimilés aux personnes dont il est fait mention au paragraphe 3 du document de base (HRI/CORE/1/Add.26). Il relève que le terme a été traduit en français par «de race blanche» (traduction de l’expression «Caucasian» population qui figure dans la version anglaise).

58.M.Kut demande des informations supplémentaires sur l’accès aux lieux publics des segments de la population qui ne parlent pas islandais. Il demande en particulier si ces personnes sont admises sans difficulté, par exemple, dans les lieux de culte et les cimetières. Il serait intéressant de savoir si l’État partie prévoit de modifier le programme d’enseignement religieux et de remplacer l’enseignement de la religion chrétienne par un enseignement plus ouvert, qui recouvre les religions et les croyances du monde entier.

59.M.Peter demande à quels critères il faut satisfaire pour obtenir la nationalité islandaise.

60.M.Diaconu invite instamment l’État partie à incorporer à tout le moins l’article 4 de la Convention dans son droit interne et l’encourage, puisqu’il semble actualiser constamment sa législation, à y inclure le plus grand nombre possible d’éléments pour la mettre en conformité avec toutes les dispositions de la Convention.

61.L’intervenant demande si le Centre des droits de l’homme pourrait être transformé en institution nationale des droits de l’homme et s’il est géré conformément aux Principes de Paris.

62.Il serait bon d’avoir de plus amples détails sur le mandat du Médiateur et les cas de discrimination raciale que celui-ci a examinés à ce jour.

63.M. Diaconu est vivement préoccupé par l’existence du groupe Internet intitulé «Association contre les Polonais» dont il est question au paragraphe 82 du rapport et demande à l’État partie de fournir au Comité des précisions sur l’issue de l’enquête policière concernant les activités de ce groupe dès que celles-ci seront disponibles.

64.Le Comité n’ayant pas reçu de communications individuelles visant l’État partie demande si le public est suffisamment informé de la procédure dont il peut se prévaloir en vertu de l’article 14 de la Convention.

65.Le Président demande si l’État partie prend des mesures pour suivre la situation des immigrés. Il serait bon de savoir s’il existe des preuves de progrès socioéconomique, notamment si des immigrés accèdent à des professions libérales, à des postes universitaires ou à des charges politiques. Le Comité aimerait également avoir des informations sur la politique de l’État partie concernant la croissance économique et les difficultés recensées à cet égard, abstraction faite de la situation économique actuelle. L’État partie a-t-il mis en place des groupes de réflexion ou entrepris des projets de recherche sur les questions soulevées dans son rapport?

66.Se référant aux données figurant dans le tableau 2 du paragraphe 9 du rapport, le Président demande plus de précisions sur les raisons pour lesquelles les 116 personnes apatrides enregistrées en 2008 ont été classées comme apatrides. Il souhaiterait également savoir pourquoi le nombre de personnes originaires de pays étrangers non spécifiés est tombé à zéro en 2007.

67.M.Kemal note que le document de base de l’Islande a été publié en avril 1993, c’est-à-dire il y a dix-sept ans. Il demande s’il serait possible de fournir des statistiques actualisées sur l’espérance de vie, la mortalité infantile, les taux de fécondité et le pourcentage des moins de 15 ans et des plus de 65 ans. Il demande également des statistiques actualisées sur le revenu par habitant, la dette extérieure et le taux annuel d’inflation afin de se faire une meilleure idée des répercussions de la crise financière.

La séance estsuspendue à 17 heures; elle est reprise à 17 h 30.

68.Mme Jonasdottir (Islande) dit qu’au moment où l’Islande a ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Gouvernement d’alors ne pensait pas qu’il faille modifier la législation pour la mettre en conformité avec la Convention. Le nouveau Gouvernement de coalition, en revanche, a étudié la question et est résolu à la modifier afin de respecter tous les instruments internationaux qui ont été ratifiés.

69.La crise financière a engendré des coupes budgétaires, mais le montant des crédits alloués au Centre des droits de l’homme dans le budget de l’État reste inchangé. De nombreuses ONG continuent également à recevoir un financement au titre du budget fédéral, et d’autres reçoivent des crédits de différents ministères. Il existe en outre une institution des droits de l’homme au sein de l’Université d’Islande qui est financée par l’Université et le Ministère de la justice et des droits de l’homme.

70.Le Gouvernement partage la préoccupation du Comité selon laquelle des cas de discrimination raciale concernant l’accès à des lieux publics ne sont pas signalés aux autorités. Une étude menée en 2009 a révélé que du personnel et des dirigeants d’entreprises du secteur hôtelier n’avaient pas pleinement connaissance de l’article 180 du Code pénal, qui érige en infraction cette pratique; une campagne publicitaire est donc prévue pour 2010, de même qu’une formation à l’intention du personnel hôtelier et des employeurs.

71.Les opérations policières concernant les demandeurs d’asile ne sont pas pratique courante et un cas unique a été enregistré. La police était en possession d’une information selon laquelle certains individus étaient employés illégalement et ne payaient pas d’impôts, et l’opération lui a permis de mettre la main sur des papiers d’identité et une importante somme d’argent.

72.Les autorités islandaises ont découvert récemment qu’il existe en Islande des femmes victimes de la traite. Le premier plan d’action contre la traite des êtres humains, qui a été approuvé en mars 2009, comportait 25 mesures de lutte contre la traite qui devraient être menées à bien d’ici à la fin 2012. Une équipe de coordination spéciale a été créée en octobre 2009 afin de superviser la lutte contre la traite et d’exécuter des projets opérationnels.

73.Mme Kristinsdottir (Islande) donne des précisions sur les dispositions de la loi relative aux étrangers (no 96/2002) concernant la réunification familiale. Lorsque des enfants entrés en Islande dans le cadre de la procédure de réunification familiale atteignent l’âge de 18 ans, leur permis de séjour peut être prolongé s’ils travaillent ou s’ils étudient, conformément à la disposition selon laquelle les personnes qui ont des liens étroits avec l’Islande ne sont pas tenues de satisfaire à toutes les conditions exigées pour obtenir un permis de séjour. Ceux qui travaillent doivent répondre au critère d’autonomie financière mais ceux qui étudient peuvent obtenir un permis de séjour en tant qu’exception à la règle.

74.En réponse aux critiques relatives au traitement des demandes d’asile, il faut savoir que le Ministre de la justice et des droits de l’homme a nommé, à l’été 2009, un comité consultatif chargé de proposer des améliorations. Le rapport final du Comité a été publié. Les ONG ont été invitées à faire connaître leurs observations, qui ont été reprises dans un projet de loi qui a été publié sur la page d’accueil du Ministère et doit être présenté au Parlement dans environ deux semaines. Le projet de loi prévoit de nouveaux critères permettant de délivrer davantage de permis de séjour permanent aux demandeurs d’asile et énonce des règles strictes concernant le délai de traitement des demandes.

75.Mme Kristinsdottir dit que personne ne songerait aujourd’hui à qualifier de «blanche» la population islandaise. Tous les Islandais sont égaux, indépendamment de leur race, et, de fait, ni les passeports ni le registre national ne comportent d’indication de la race.

76.Trois cent soixante-quinze naturalisations par an, cela peut sembler peu; mais c’est beaucoup étant donné qu’il y a eu au plus 400 demandes cette année. Quiconque a vécu en Islande pendant sept ans peut présenter une demande de naturalisation à condition d’avoir réussi un test d’islandais. De l’avis de Mme Kristinsdottir, le test n’est pas très difficile puisque les échecs s’élèvent à moins de 10 %, et les candidats malheureux peuvent le repasser autant de fois que nécessaire.

77.Mme Broddadottir (Islande) partage la préoccupation de M. Kemal au sujet du pourcentage élevé de femmes étrangères vivant dans des foyers d’accueil. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que les étrangères n’ont pas un réseau de soutien familial aussi fort que les Islandaises, mais elle estime que les étrangères sont davantage exposées à des sévices.

78.Le Gouvernement prend très au sérieux l’intégration des immigrés. Le plan d’action concernant les questions relatives aux immigrés adopté en 2008 comporte 98 mesures que doit mener le Gouvernement fédéral. Un bilan de ces mesures est réalisé deux fois par an. Les autorités locales et les services sociaux font également beaucoup pour soutenir les immigrés. Selon une enquête sur les immigrés effectuée en 2009 près de 80 % des personnes interrogées souhaitent continuer à vivre là où elles se trouvent actuellement en Islande, 80 % estiment que la qualité de vie en Islande est bonne ou plutôt bonne, 60 % se sont bien ou plutôt bien adaptées à la société islandaise et 39 % vivent dans leur propre maison. L’enquête doit être effectuée selon une périodicité d’au moins quatre ans.

La séance est levée à 18 heures.