Nations Unies

CERD/C/SR.2014

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- dix-sept ième session

Compte rendu analytique de la 2014 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 3 août 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quatorzième et quinzième rapports périodiques d ’ El Salvador

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l ’ ordre du jour) (suite)

Quatorzième et quinzième rapports périodiques d’El Salvador (CERD/C/SLV/14-15; CERD/C/SLV/Q/14-15)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation salvadorienne prend place à la table du Comité.

2.M. Avelar (El Salvador), présentant les mesures les plus récentes adoptées par son pays pour s’acquitter des obligations établies par la Convention, en particulier à l’égard des populations autochtones, dit que la politique des gouvernements précédents a d’abord consisté à nier l’existence des peuples autochtones, puis à reconnaître qu’ils existaient mais étaient invisibles en raison du métissage et, enfin, que le pays comptait plusieurs peuples autochtones mais qu’il était difficile d’en préciser le nombre car ils ne se définissaient pas comme tels. Les conséquences de cette politique ont été la négation de l’existence de la discrimination raciale dans le pays, l’absence de reconnaissance juridique des peuples autochtones, de politiques publiques de promotion et de protection de leurs droits et de cadre normatif nécessaire pour agir.

3.M. Avelar rappelle qu’en janvier et février 1932, un soulèvement autochtone, qui a eu lieu dans la partie occidentale du pays, essentiellement dans les villes de La Libertad, Sonsonante, Izalco, Juayua, Nahuizalco, Ahuachapan et Tacuba, a fait 32 000 morts. Les survivants ont été contraints de s’acheter une nouvelle identité et de changer de mode de vie, d’habillement et d’expression pour avoir la vie sauve. Un autre massacre d’autochtones a eu lieu en 1983 dans le canton de Las Hojas et d’autres faits graves de violence se sont produits en El Salvador entre janvier 1980 et juillet 1991.

4.S’agissant de la loi d’amnistie de 1993, M. Avelar souligne qu’un arrêt rendu le 26 septembre 2000 par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice permet aux magistrats des juridictions pénales de déclarer cette loi inapplicable dans des cas concrets liés à des violations des droits de l’homme au cours du conflit armé. Par sa décision du 12 décembre 2000, une juge de paix de San Salvador a déclaré inapplicable la loi d’amnistie de 1993 dans l’affaire de l’assassinat de prêtres jésuites.

5.En El Salvador, les peuples autochtones ne possèdent pas les caractéristiques culturelles extérieures observables chez d’autres peuples et cultures: ils sont «invisibles» dans le sens où les facteurs qui les identifient en tant que peuple sont, par exemple, leur cosmogonie, leurs traditions, leurs coutumes et leurs savoirs traditionnels. L’existence historique, l’usufruit des terres, l’octroi de terres et l’éducation bilingue sont actuellement des aspects fondamentaux d’un nouveau contexte pour la reconnaissance des peuples autochtones.

6.El Salvador compte trois groupes autochtones: les Nahuat/Pipiles, les Lencas et les Kakawiras ou Cacaoperas, qui vivent dans les départements de Sonsonate, d’Ahuachapan, de La Paz et de Morazan. Le Gouvernement reconnaît devant le Comité qu’El Salvador est une nation multiculturelle, qu’au moins deux de ses peuples parlent une langue autre que l’espagnol, que les populations indigènes disposent d’un héritage culturel, historique et ethnique propre, ce qui implique la nécessité de les reconnaître au plan juridique. Le Gouvernement salvadorien est également d’avis que la concertation avec les peuples autochtones est nécessaire pour permettre à l’État de mener à bien les politiques publiques souhaitables pour promouvoir leur développement économique, social et culturel.

7.Pour donner suite aux engagements pris par El Salvador d’accorder une réparation morale aux peuples autochtones lorsqu’il a signé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le Secrétariat de l’inclusion sociale a signé, le 28 juillet 2010, avec le Registre national des personnes physiques, la Corporation des municipalités de la République d’El Salvador et le Bureau du Procureur général, un accord qui permet à tous les autochtones qui, suite à la répression de 1932, ont été contraints de changer d’identité, de reprendre leurs noms et prénoms indigènes.

8.La politique de non-reconnaissance et d’oubli à l’égard des peuples autochtones pratiquée par les gouvernements précédents est donc terminée. L’État salvadorien est décidé à mener des actions concrètes pour accorder une réparation morale et, si les ressources le lui permettent, une réparation matérielle, aux peuples autochtones. La ratification par El Salvador de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones démontre clairement la volonté du pays de reconnaître les droits de ces peuples. Le Gouvernement salvadorien a par ailleurs entamé les consultations en vue d’adhérer à la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

9.M. Avelar reconnaît la faible fiabilité des indicateurs de la composition démographique de la population du pays. Selon le profil établi en 2003 par le Comité technique multisectoriel pour les peuples autochtones avec l’aide de la Banque mondiale, les autochtones représentaient alors entre 10 et 12 % de la population, ce qui contraste avec les résultats du recensement de 2007, selon lequel les autochtones formaient 0,23 % de la population totale. Les autorités salvadoriennes envisagent de réaliser en 2012 un nouveau recensement de la population, qui permettra de recueillir des données ventilées sur les autochtones. Le Secrétariat général pour l’intégration sociale a donné trois mois aux experts mandatés par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour formuler les questions du recensement en concertation avec les organisations autochtones.

10.Le Secrétariat pour l’intégration présentera à moyen terme un projet de loi tendant à assurer l’incorporation dans le droit interne de la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Convention.

11.El Salvador a fait en outre la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, reconnaissant ainsi la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de personnes ou de groupes de personnes qui se plaignent d’être victimes d’une violation de l’un des droits énoncés dans la Convention. Cet acte confirme la nouvelle conception des droits de l’homme que l’État salvadorien a adoptée. Le pays a également fait preuve de transparence en reconnaissant la compétence des autres organes conventionnels de l’ONU en matière de communications individuelles et un dialogue franc et ouvert s’est instauré avec les organes qui s’occupent des droits de l’homme à l’ONU et dans le système interaméricain. En septembre 2009, El Salvador a ratifié le Protocole facultatif au Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et a entamé des démarches pour lever ses réserves à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

12.L’État salvadorien a engagé une transformation marquée quant au respect des droits de l’homme, en reconnaissant, notamment, que les personnes appartenant aux peuples autochtones sont des titulaires de droits et que l’attitude paternaliste des gouvernements antérieurs à leur égard n’a plus lieu d’être.

13.De même, une attitude d’ouverture, d’honnêteté et de transparence à l’égard des organisations de la société civile représentantes des peuples autochtones s’est établie. Pour preuve, le Gouvernement a invité toutes les organisations qui le souhaitaient à adresser des rapports alternatifs au Comité par l’intermédiaire de la délégation salvadorienne. Le Comité de défense des ressources naturelles de Nahuihalco et le Conseil de coordination nationale autochtone du Salvador ont chacun envoyé un rapport au Comité.

14.L’institution en charge de la protection des droits de l’homme, le Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme, contribue au renforcement de la démocratie dans le pays et dispose d’un budget revu à la hausse. Le Bureau dispose d’un vaste mandat et est notamment chargé d’enquêter sur les plaintes dénonçant des violations des droits de l’homme ou les violations présumées de ces droits. Le Bureau du Procureur doit non seulement respecter les droits de l’homme mais aussi les garantir, prévenir les violations et enquêter sur elles, les sanctionner et veiller à ce que toute victime d’une violation de ces droits obtienne réparation.

15.Le premier Congrès national autochtone devrait avoir lieu le 12 octobre 2010. Son ordre du jour sera établi de concert par les organisations autochtones et sera adopté par consensus. Pour garantir la pleine jouissance du droit à l’identité civile des peuples autochtones, le projet pilote d’enregistrement des certificats de naissance a été entamé dans six municipalités. Il vise à donner aux communautés concernées accès à la terre et à d’autres types de biens qui leur permettent de préserver leurs coutumes, traditions et modes de vie. Il vise en outre à fournir aux intéressés le certificat de naissance ou la pièce d’identité qui leur permettra d’être reconnus en tant que sujets de droit.

16.M. Avelar reconnaît que son pays n’est pas vraiment parvenu à mettre en œuvre les recommandations formulées par le Comité le 4 avril 2006 dans le cadre de l’examen du précédent rapport périodique d’El Salvador mais dit que les efforts nécessaires sont faits à cette fin. Les autorités nationales s’efforcent d’élaborer des politiques publiques qui tiennent compte des priorités définies par les peuples autochtones. La création du Secrétariat de l’inclusion sociale s’inscrit dans ce cadre; cet organe est chargé de garantir l’émergence de conditions propices au développement et à la protection de la famille, à l’élimination de différentes formes de discrimination tout en encourageant l’inclusion sociale et le développement des capacités d’action citoyenne des femmes, des enfants, des jeunes, des handicapés et des peuples autochtones. L’une de ses principales attributions est de veiller à ce que les politiques publiques mettent l’accent sur les droits de l’homme afin d’éliminer toutes les formes d’intolérance à l’égard des personnes et des groupes sociaux et d’encourager, si nécessaire, l’adoption de politiques palliatives.

17.Le Gouvernement salvadorien a par ailleurs invité le Rapporteur spécial chargé de la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones à se rendre dans le pays au cours du premier semestre 2011 afin d’y examiner la situation des peuples autochtones salvadoriens.

18.Le Fonds d’investissement social pour le développement local exécute le Projet de renforcement des collectivités locales qui a pour but de promouvoir la décentralisation et le développement territorial. Un élément de ce projet a pour but d’en mesurer les effets sur les populations pauvres et les autochtones de chaque municipalité. Les mesures à prendre pour veiller à ce que la population autochtone bénéficie du développement général et atténuer les préjudices causés par des sous-projets d’infrastructure sociale seront définies dans le Plan pour les peuples autochtones. Il est ainsi prévu d’organiser des consultations préalables libres avec les communautés autochtones lésées par le Projet de renforcement des collectivités locales.

19.S’agissant de la question de l’octroi de terres aux peuples autochtones, M. Avelar explique que le Ministère de l’agriculture et de l’élevage ne prend pas en compte l’appartenance ethnique. Les principales conditions requises par l’Institut salvadorien de transformation agraire pour allouer des terres sont que les demandeurs ne soient pas déjà propriétaires et se consacrent au travail agricole. Le Gouvernement a pour objectif de mener des politiques publiques en concertation avec les organisations autochtones afin que les autochtones bénéficient du transfert de terres et d’intrants agricoles.

20.Pour ce qui est de l’accès des autochtones aux services de santé, le Ministère de la santé exécute deux projets: le premier concerne l’accès aux services de santé des communautés urbaines marginalisées et rurales dans le cadre du programme de lutte contre la tuberculose; le second, un programme d’élargissement des services de santé, qui cible les communautés autochtones en tant que groupe vulnérable. La plupart des cas non détectés de tuberculose concernent des communautés ayant peu accès aux services de santé, à cause de problèmes d’accessibilité géographique ou de leur appartenance à des groupes de population vulnérables. Il est difficile d’éradiquer la tuberculose car plus de 50 % des cas ont été signalés dans 10 % des municipalités. Pour empêcher la propagation de la maladie, le Gouvernement a décidé de fixer un indice de vulnérabilité à la tuberculose qui a permis de cibler 26 municipalités prioritaires où elle est associée à des taux élevés de VIH, de morbidité et de pauvreté. Une stratégie différenciée de traitement des zones de pauvreté périurbaine dont devraient bénéficier plus de 1 050 000 personnes a été établie, soit près de 42,2 % de la population visée.

21.Contrairement à ses prédécesseurs, le Gouvernement actuel considère la santé comme un droit humain fondamental et un bien public, raison pour laquelle il a inscrit au nombre de ses actions prioritaires le développement des services de santé dans les zones rurales et les zones urbaines où la population est particulièrement vulnérable. Le nouveau système national de santé, dont l’objectif est de garantir l’accès de tous aux soins de santé primaires, comporte un plan de soins de santé prévoyant de mettre en place des équipes communautaires de soins de santé pour les familles et des équipes spécialisées, qui devraient être en mesure de répondre à 95 % des besoins médicaux de la population. Ce nouveau plan, qui a été lancé au début de juillet 2010, sera appliqué tout d’abord dans les municipalités les plus pauvres et marginalisées. En 2010, le Programme des communautés rurales solidaires sera exécuté dans 74 municipalités de huit départements du pays, dont 53 sont extrêmement pauvres, au bénéfice de 643 800 personnes.

22.Le processus participatif qui a été lancé trouvera son prolongement dans la création d’un forum national sur la santé, lequel formulera des propositions et participera à la prise de décisions fondamentales pour la constitution du nouveau système national de santé. Celui-ci sera d’abord mis en œuvre dans les départements de San Miguel, Sonsonate, Chalatenango et dans la zone métropolitaine de San Salvador puis dans les autres départements du pays.

23.À propos de la recommandation formulée par le Comité dans ses observations finales concernant les neuvième à treizième rapports périodiques d’El Salvador (CERD/C/SLV/CO/13), dans laquelle les autorités salvadoriennes ont été invitées à envisager la possibilité d’exempter les peuples autochtones des frais d’action en justice (par. 16), la délégation salvadorienne tient à souligner que, conformément à l’article 181 de la Constitution, l’administration de la justice est gratuite. Conformément à cette disposition, le Procureur général des droits de l’homme veille à ce que les suspects et les inculpés qui en ont besoin bénéficient des services d’un avocat commis d’office. Par ailleurs, la Cour suprême de justice a reçu des réponses négatives de 22 juges de paix exerçant dans les municipalités où la concentration d’autochtones est importante auxquels il avait demandé s’ils avaient été saisis de plaintes pour discrimination raciale.

24.M. Avelar dit que l’ensemble de la population pâtit des difficultés de la justice, dues en partie au taux élevé de criminalité prévalant dans le pays (neuf homicides par jour), les tribunaux, surchargés, ne parvenant pas à traiter les affaires dont ils sont saisis en temps voulu. En conséquence, les prisons sont surpeuplées: le système pénitentiaire national, qui ne peut accueillir que 8 110 détenus en comptait 21 056 en juin 2009. Cette situation résulte en partie de l’application de la politique de fermeté, dite «Plan Mano Dura», appliquée en 2003 et 2004, qui visait en particulier à réprimer les bandes criminelles, dans le cadre d’une politique générale très ferme et élaborée de lutte contre la délinquance des jeunes en bandes organisées.

25.Dans ce contexte, garantir le droit des autochtones à la justice suppose une prise en compte de toute une série de particularités liées aux caractéristiques ethniques, culturelles et linguistiques de ces personnes. Dans certains cas, la justice traditionnelle de ces minorités est considérée comme le meilleur moyen de régler un litige, de telle sorte qu’un différend peut être réglé par toute autorité publique ou autochtone habilitée.

26.Les services du Procureur général de la République comprennent un centre de médiation chargé de régler pacifiquement les litiges, avec la participation des parties. Ce service, gratuit et accessible au public, est compétent dans divers domaines, dont le droit de la famille et du travail. Toutefois, la justice n’a pas été dotée des moyens nécessaires pour être à même de prendre en considération les réalités culturelles spécifiques des peuples autochtones. Ainsi, d’après les registres de la Cour suprême, une partie à un procès n’a jamais demandé à bénéficier des services d’un interprète des langues autochtones.

27.Bien qu’aucun cas de discrimination raciale n’ait été signalé dans le système éducatif, le Gouvernement actuel s’emploie, par l’intermédiaire du Ministère de l’éducation, à renforcer la sensibilisation aux droits de l’homme dans les écoles et à promouvoir la tolérance. Dans le même esprit, le plan social pour l’éducation 2009-2014 vise à construire une société égalitaire et tolérante dans laquelle les droits de tous les individus, en particulier ceux qui appartiennent à un groupe vulnérable, soient respectés, et à intégrer les personnes marginalisées dans le système éducatif.

28.En 2010, le Ministère de l’éducation a conclu avec l’Université Don Bosco un accord concernant un projet de revitalisation de la langue nahuatl ou pipil, qui prévoit notamment de former des enseignants spécialisés dans l’enseignement interculturel bilingue. Les bénéficiaires de ce projet seront les élèves et les enseignants des établissements d’enseignement des départements de Sonsonate, La Paz, Ahuachapán et San Salvador. Il est notamment prévu, dans ce projet, de donner des cours de nahuatl aux enseignants, de demander à des personnalités autochtones d’envergure nationale de partager leur patrimoine culturel avec les enseignants et de créer des centres de promotion de la culture autochtone.

29.Les langues lenca et kakawira étant considérées par les spécialistes comme éteintes depuis des décennies, la revitalisation de ces langues n’était jusqu’ici pas considérée comme prioritaire. Toutefois, le secrétariat à la culture s’efforce de leur redonner vie en mettant sur pied des maisons thématiques consacrées à la culture de ces deux peuples autochtones. En outre, des manuels sur ces langues ont été élaborés en vue d’être diffusées dans les municipalités de Cacaopera et de Guatajiagua.

30.Le recensement de la population scolaire effectué en 2009 a permis d’établir que 141 établissements d’enseignement accueillaient des autochtones, dont 119 situés dans les municipalités où vivent des autochtones et que, sur près de 48 000 enfants inscrits à l’école, près de 22 500 étaient autochtones.

31.Les peuples autochtones ont librement accès aux sites sacrés de leur communauté. Leurs organisations peuvent adresser une lettre à la Direction nationale du patrimoine culturel, qui leur délivre une autorisation d’accès gratuite au site concerné.

32.M. Avtonomov (Rapporteur pour El Salvador) se félicite de la présentation du rapport périodique d’El Salvador, qui a été soumis avec très peu de retard, tout en notant que ce document n’a pas été établi conformément aux Directives pour l’établissement des rapports périodiques (CERD/C/2007/1). En particulier, il ne contient pas d’informations sur la suite donnée par l’État partie aux recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales concernant son précédent rapport périodique (CERD/C/SLV/CO/13). Le Rapporteur note toutefois avec satisfaction que le rapport oral de la délégation, qui était structurée en fonction de la liste des thèmes à traiter (CERD/C/SLV/Q/14-15), a permis de combler certaines de ces lacunes.

33.M. Avtonomov note que le rapport périodique contient beaucoup d’informations tirées du précédent rapport et une foule de détails sur la législation en vigueur, mais aucun renseignement sur leur application concrète, ce qui ne permet pas au Comité de se faire une idée de la façon dont la Convention est mise en œuvre dans l’État partie. En outre, le Rapporteur constate qu’aucune information n’a été fournie sur l’application de l’article premier de la Convention, alors que, dans ses précédentes observations finales, le Comité avait recommandé à l’État partie d’intégrer dans son droit interne une définition de la discrimination raciale qui inclue tous les éléments définis à l’article premier de la Convention (CERD/C/SLV/CO/13, par. 8). La délégation salvadorienne est donc invitée à fournir des informations détaillées sur ce point.

34.M. Avtonomov relève avec satisfaction que l’État partie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées ainsi que le Protocole facultatif s’y rapportant et fait observer qu’El Salvador est le premier pays d’Amérique centrale à avoir adhéré à ces deux instruments. Se félicitant en outre de l’adoption en 2009 de la loi sur la protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence, il souhaiterait savoir si cette loi a déjà été appliquée et si elle comporte des dispositions sur la discrimination fondée sur la race ou l’appartenance ethnique. Il souhaiterait également recevoir de plus amples informations sur les mesures prises pour préserver les langues autochtones autres que le nahuatl.

35.D’après le rapport périodique, les peuples autochtones représenteraient 13 310 personnes, soit 0,23 % de la population totale; or, d’après des groupes de défense des droits des minorités, les autochtones salvadoriens seraient au nombre de 600 000, soit 10 % de la population totale. La délégation salvadorienne est donc invitée à commenter ce contraste et à donner des précisions sur la composition de la population. Rappelant que, lors de l’examen du rapport périodique précédent, la délégation avait affirmé qu’il n’y avait plus de Mayas sur le territoire salvadorien, M. Avtonomov voudrait savoir si tel est toujours le cas, sachant que, d’après diverses sources, un petit nombre de personnes appartenant à cette minorité vivrait encore dans l’État partie.

36.Concernant les droits fonciers autochtones, le Rapporteur voudrait savoir comment sont appliqués dans l’État partie les articles 11 et 14 de la Convention no 107 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relative aux populations indigènes et tribales, qui garantissent les droits fonciers des minorités autochtones sur les terres qu’elles occupent traditionnellement. Il souhaiterait en particulier connaître la suite donnée à la plainte déposée en janvier 2008 devant le Procureur à la défense des droits de l’homme par des groupes autochtones de Panchimalco et d’Izalco, pour pollution de l’eau des rivières passant sur leur territoire et vente de leurs terres.

37.M. Avtonomovdemande des informations sur la participation des communautés autochtones sans terres au programme public de distribution de terres mis en œuvre par l’Institut de gestion des questions agraires. Par ailleurs, il se félicite que le Gouvernement ait lancé un programme d’enregistrement de la population utilisant les certificats de naissance, car il est important de disposer de données précises sur le nombre d’autochtones présents sur le territoire salvadorien.

38.Notant que le premier Congrès national autochtone aura lieu le 10 octobre 2010, le Rapporteur invite l’État partie à informer ultérieurement le Comité de ses résultats. Il demande si l’État partie prévoit de ratifier la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, la Convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que d’autres instruments régionaux propres à appuyer l’application de la Convention. Il souhaite également avoir des précisions concernant la ratification éventuelle par l’État partie de l’amendement prévu à l’article 8 de la Convention, et la position du Gouvernement salvadorien quant à la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, tendant à reconnaître la compétence du Comité pour examiner les communications individuelles émanant de ses ressortissants.

39.M. Thornberry fait remarquer que la transposition de la Convention contre le génocide dans le Code pénal salvadorien ne semble pas inclure les dispositions de ladite convention relatives au déplacement forcé d’enfants vers d’autres groupes. Il demande s’il y a une raison à cela ou s’il s’agit d’une imprécision due à la traduction.

40.À propos de l’article 3 de la Convention, le rapport indique que l’apartheid est un délit dans l’État partie mais ne fait aucune référence à la ségrégation. M. Thornberryrappelle que l’article 3 fait à El Salvador, en tant qu’État partie, obligation de condamner la ségrégation raciale et pas seulement l’apartheid; il l’invite donc à se référer à la recommandation générale no 19 du Comité à ce sujet.

41.En ce qui concerne l’article 2 de la Convention, le rapport d’El Salvador ne mentionne nulle part les mesures spéciales préconisées par la Convention en vue de mener une action positive à l’égard de certains groupes raciaux. M. Thornberryinvite l’État partie à examiner la recommandation no 32 du Comité sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention et à fournir de plus amples informations à ce sujet.

42.À propos de l’article 4 de la Convention, M. Thornberry dit que l’article 292 du Code pénal cité dans le rapport d’El Salvador ne traite pas spécifiquement de la discrimination envers des membres des peuples autochtones; en outre, cet article se limite à la discrimination exercée par des fonctionnaires et autres agents publics. Il doute donc que les dispositions de la Convention soient complètement intégrées dans le droit salvadorien, notamment celles énoncées aux alinéas a et b de l’article 4. En particulier, il ne semble pas que l’État partie ait légiféré concernant l’alinéa b, qui porte sur les organisations et les activités de propagande raciste. Bien que le rapport indique qu’il n’existe pas d’organisations de ce type dans le pays, il est peu probable qu’aucune organisation ne mérite, à un titre ou à un autre, qu’on s’en soucie au titre de cet alinéa de l’article 4. Il demande de plus amples informations à ce sujet.

43.Notant que les périodes de massacres et de conflits ont été décrites avec éloquence par l’État partie, M. Thornberry aimerait savoir comment ces épisodes historiques sont présentés aujourd’hui dans les manuels et les programmes scolaires.

44.M. Thornberryaimerait également savoir siles personnes qui souhaitent recouvrer leur nom précédent, et donc leur véritable identité, sont en mesure de prendre en charge les frais que cela suppose. Étant donné qu’il s’agit d’un droit fondamental, il estime que l’État devrait couvrir les frais administratifs permettant de mener à bien cette procédure.

45.M. Thornberryengage l’État partie à ratifier la Convention no 169 de l’OIT car celle-ci adopte une approche actuelle de l’intégration qui s’accorde parfaitement avec le point de vue du Comité et qui remplace donc avantageusement la Convention no 107 de l’OIT. Se félicitant du changement d’approche et de philosophie officielle de l’État partie au sujet des peuples autochtones, il demande à la délégation de commenter les raisons et les facteurs qui ont motivé cette évolution.

46.M. Cali Tzay se félicite du changement radical de ton adopté par la délégation salvadorienne qui, il y a cinq ans encore, niait jusqu’à l’existence de la discrimination raciale sur son territoire. Il constate que le rapport de l’État partie présente de manière très complète tous les outils mis en place par le Gouvernement pour lutter contre la discrimination raciale et analyse toutes les voies de recours effectives.

47.Il demande si les mesures adoptées par l’État partie aujourd’hui doivent être perçues comme le fruit d’une politique à long terme de l’État, ou d’une politique de gouvernement susceptible de changer dans quelques années.

48.Notant que la Convention no 107 de l’OIT est en vigueur dans l’État partie mais que celui-ci applique de facto la Convention no 169 de l’OIT, il demande si le Gouvernement envisage de ratifier cette dernière.

49.M. Cali Tzay demande à la délégation de fournir au Comité de plus amples informations sur ce que l’État partie entend par «autodétermination des peuples autochtones». En effet, le rapport indique que certaines municipalités prévoient de mettre en place les conditions nécessaires à l’exercice de cette autodétermination par les autochtones, ce qui ne correspond nullement à la notion d’autodétermination selon le droit international.

50.Notant que les peuples autochtones peuvent obtenir la reconnaissance juridique dans l’État partie en tant qu’organisations autochtones auprès d’une instance relevant du Ministère de l’intérieur, M. Cali Tzay dit que les peuples autochtones ne doivent pas être ramenés au statut des organisations internationales habilitées à opérer dans le pays et demande à l’État partie des explications à ce sujet. Il souhaite également savoir ce que l’État partie entend par «éducation interculturelle».

51.Constatant que le rapport indique que les registres statistiques ne font mention d’aucune affaire ni d’aucune plainte concernant des membres de la police, des fonctionnaires ou des particuliers qui auraient violé le droit à la sûreté de la personne, M. Cali Tzay souligne que cela ne signifie pas que des actes de discrimination raciale ne se produisent pas en El Salvador et rappelle qu’il est nécessaire de créer les conditions permettant aux victimes de discriminations raciales de saisir les tribunaux. Il souhaite en outre recevoir de plus amples informations sur les tribunaux autochtones et la prise en considération des us et coutumes autochtones dans les procédures engagées devant les tribunaux officiels. Enfin, il demande à la délégation de préciser ce que l’État partie entend par les termes «population autochtone» et «peuple autochtone» qui ont été utilisés indifféremment dans l’exposé oral au Comité.

52.M. Lahiri se félicite de la nouvelle approche des questions relatives aux peuples autochtones adoptée par la nouvelle administration salvadorienne, qui met fin à la non-reconnaissance de ces peuples, ouvre la voie à la ratification de la Convention no 169 de l’OIT et autres instruments visant à protéger leurs droits, et prévoit d’adopter une nouvelle définition légale des peuples autochtones qui soit en conformité avec les termes de la Convention.

53.M. Diaconu, relevant dans le rapport de l’État partie qu’il est prévu d’adopter une ordonnance municipale concernant le droit à la terre des autochtones de la municipalité de Nahuizalco, demande ce qu’il en est des autres régions et pourquoi il n’est pas envisagé d’adopter une loi de ce type portant sur l’ensemble du pays. Constatant que la section du rapport de l’État partie consacrée à l’article 4 de la Convention ne traite pas réellement des dispositions contenues dans cet article, dont les dispositions n’ont d’ailleurs pas été intégrées dans le droit interne salvadorien, il attire l’attention de l’État partie sur la nécessité de le faire.

54.Relevant que le rapport indique que les personnes originaires d’autres États de la République fédérale d’Amérique centrale bénéficient d’une préférence pour l’acquisition de la citoyenneté salvadorienne, il demande à quoi se réfère les termes «République fédérale d’Amérique centrale» car il ne connaît pas d’État de ce nom, et estime que cette préférence accordée à une nationalité est en contradiction avec les dispositions de la Convention portant sur la citoyenneté, y compris celle accordée aux Espagnols et aux Hispano-Américains, qui bénéficient d’une priorité à cet égard. Il demande à l’État partie d’examiner cette question et d’indiquer dans son prochain rapport son opinion à ce sujet et quelle solution il aura apporté à ce problème.

55.Rappelant que le Comité a recommandé à l’État partie de régulariser la situation des migrants du Nicaragua, M. Diaconu constate que le rapport ne mentionne pas cette question et demande de plus amples informations à ce sujet. Notant que certains rapports ont fait état d’actes de violence envers des défenseurs des droits de l’homme en El Salvador, il souhaite savoir quelles mesures l’État partie entend prendre pour les protéger. Enfin, il demande quelle est la situation économique, sociale et politique des 7 400 personnes composant la population noire, dont il est fait état dans le rapport sans plus de précisions.

56.M. d e Gouttes,croyant comprendre, d’après le paragraphe 2 du rapport à l’examen, que les organisations non gouvernementales (ONG) n’ont pas participé à l’élaboration du rapport, demande si El Salvador prévoit de les consulter à l’avenir. Il constate que les dispositions juridiques mentionnées aux paragraphes 33 à 39 du rapport ne sanctionnent que les actes de discrimination raciale commis par des agents de la fonction publique et non par des particuliers, lacune qui pourrait notamment expliquer l’absence de cas de discrimination raciale. Il voudrait savoir quelle suite a été donnée aux plaintes déposées auprès du Bureau du Procureur chargé de la défense des droits de l’homme par des organisations et communautés autochtones concernant plusieurs questions, jugées discriminatoires du formulaire, du recensement utilisé en 2007. Enfin, M. de Gouttes voudrait en savoir plus sur les formes que peut prendre la justice des autochtones.

57.M. Murillo Mart í nez dit que l’esprit d’ouverture dont les nouvelles autorités salvadoriennes font preuve ne semble pas s’appliquer aux personnes d’ascendance africaine dont il n’est fait aucune mention dans le rapport et dans l’exposé liminaire de la délégation. Force est de constater que ces personnes semblent être invisibles en El Salvador. M. Murillo Martínez voudrait donc savoir si des études ont été réalisées à la suite du recensement de 2007 sur les différents groupes ethniques qui composent la population salvadorienne, en particulier sur la façon dont ils perçoivent, le cas échéant, une discrimination. Il exhorte l’État partie à mieux reconnaître les personnes d’ascendance africaine, d’autant plus que, par sa résolution 64/169, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2011 Année internationale des personnes d’ascendance africaine. Enfin, il voudrait savoir si des procédures pénales ont été engagées pour violation de l’article 292 du Code pénal salvadorien qui traite des atteintes au droit à l’égalité.

58.M. Lindgren Alves invite la délégation salvadorienne à fournir des renseignements plus détaillés sur les caractéristiques ethniques et raciales de la population et voudrait surtout en savoir un peu plus sur les personnes recensées comme métisses en 2007. Au sujet des affirmations selon lesquelles il n’existe pas de discrimination raciale en El Salvador, il fait observer que les travaux du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale ont fait prendre conscience au niveau international que la discrimination est un problème universel qui n’épargne aucun pays. Il conclut en soulignant à son tour que le rapport à l’examen fait référence à de nombreux projets de lois et lois fort intéressants mais que le Comité s’intéresse davantage à l’application des dispositions juridiques et à leurs effets sur l’élimination de la discrimination raciale.

59.M. Amir demande des renseignements sur la prise en compte et la reconnaissance des civilisations anciennes, en particulier la civilisation maya, dans l’État partie. Il voudrait en savoir plus sur la participation des communautés et minorités autochtones à la vie économique, notamment si elles pratiquent une forme d’économie traditionnelle ou sont actives sur le marché du travail. Il demande aussi si les autochtones vivent en milieu rural ou en milieu urbain et si les jeunes ont accès à l’école secondaire et à l’université. Enfin, il voudrait savoir si les populations autochtones sont titulaires de titres officiels de propriété, ce qui pourrait rendre plus légitimes leurs revendications foncières. Il fait en outre observer que lorsque les populations autochtones ne peuvent faire valoir que des droits coutumiers à la terre, leur accès à la justice moderne est beaucoup plus compliqué.

60.M. Avelar (El Salvador) demande pardon au nom de la République d’El Salvador aux peuples autochtones pour les souffrances qui leur ont été infligées et pour les longues années au cours desquelles les autochtones ont dû renoncer à leurs modes de vie traditionnels et à leur identité propre afin d’être tolérés dans la société. Le Gouvernement salvadorien est pleinement conscient des fautes qui ont été commises par le passé. En ce qui concerne la répartition ethnique et raciale de la population, les formulaires utilisés lors du recensement de 2007 ont donné lieu à de nombreuses erreurs qui devraient être corrigées lors du recensement de septembre 2012. El Salvador a obtenu l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) pour organiser le recensement et élaborer le questionnaire en étroite collaboration avec les peuples autochtones. M. Avelar souligne que les autorités salvadoriennes ont opéré un véritable changement d’attitude; elles se tiennent dorénavant toujours à l’écoute des Salvadoriens, en particulier des autochtones, afin de mieux entendre leurs revendications et de tenir compte de leurs besoins. El Salvador a l’obligation morale d’offrir réparation aux peuples autochtones. Enfin, le Président de la République a officiellement reconnu que la corruption et la criminalité organisée avaient perverti l’État et qu’il fallait remédier d’urgence à cette situation. El Salvador réaffirme sa très grande détermination à n’épargner aucun effort pour faire reculer la discrimination raciale.

La séance est levée à 18 heures.