Nations Unies

CERD/C/SR.2032

Convention internationale surl’élimination de toutes les formesde discrimination raciale

Distr. générale

24 août 2010

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-dix-septième session

Compte rendu analytique de la 2032e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le lundi 16 août 2010, à 15 heures

Président: M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Maroc

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

(CERD/C/MAR/17-18; CERD/C/MAR/Q/17-18)

1.M. Hilale (Maroc) dit que les dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Maroc à l’examen sont le fruit d’une concertation entre les différents départements ministériels et les autres parties prenantes dans la promotion et la protection des droits de l’homme dans le Royaume, et que les organisations non gouvernementales et autres acteurs de la société civile ont été associés à leur élaboration.

2.M. Hilale indique que le Royaume du Maroc est engagé dans un processus stratégique irréversible de consolidation de l’état de droit, d’enracinement de la démocratie et d’élargissement des libertés publiques fondamentales. Il indique ensuite que le Maroc a lancé depuis 2006 un processus de levée de ses réserves concernant divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et a fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention, le 26 octobre 2006.

3.M. Hilale dit que les droits de l’homme sont au cœur des dispositifs et programmes mis en œuvre par le gouvernement de son pays comme en témoignent la conclusion des travaux de l’Instance Équité et Réconciliation, le lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain, véritable stratégie pour le développement socioéconomique équitable et la lutte contre l’exclusion sociale et les disparités entre les régions; la restructuration, conformément aux Principes de Paris, du Conseil consultatif des droits de l’homme devenu un mécanisme nodal dans l’arsenal institutionnel de promotion et de protection des droits de l’homme du Royaume; le renforcement des capacités de l’Institut royal de la culture amazighe et enfin la mise en place d’une délégation générale de l’Administration pénitentiaire et de la réinsertion afin notamment de remettre à niveau les établissements pénitentiaires et de faciliter la réinsertion des pensionnaires en améliorant leurs qualifications professionnelles et, partant, de lutter contre la discrimination dont ils pourraient faire l’objet. D’autres réformes ont été lancées en 2009, dans les domaines de la régionalisation et de la justice. Ainsi, le Roi prescrit quatre principes cardinaux: l’attachement aux valeurs sacrées et constantes de la nation, la solidarité entre les régions, la recherche de l’harmonisation et de l’équilibre des compétences et des moyens et l’adoption d’une large décentralisation. En établissant un rapport privilégié entre les citoyens et leur région, la décentralisation favorisera le développement économique, social et humain de tous. Elle s’appliquera en outre à l’ensemble du territoire, et en particulier aux provinces du sud qui en seront les premières bénéficiaires.

4.Conscient du rôle vital de la justice dans la construction, le fonctionnement et la consolidation de toute société démocratique, le Gouvernement marocain accorde désormais la priorité à la réforme de ce secteur. Les six axes majeurs de cette réforme sont la consolidation des garanties de l’indépendance de la justice, la modernisation de son cadre normatif, la mise à niveau de ses structures, le renforcement de ses ressources humaines, l’amélioration de l’efficience judiciaire et l’ancrage des règles de moralisation de la justice.

5.En tant qu’État-nation, creuset de plusieurs civilisations, pays situé au carrefour de l’Afrique, de l’Europe et du monde arabe, lieu de coexistence de différentes communautés, cultures et religions, le Royaume du Maroc s’est forgé au fil des siècles une culture nationale propre et une identité forte qui s’est enrichie et nourrie d’apports multiples. L’unité et l’indivisibilité de la nation marocaine sont donc des données de l’histoire et une réalité de la vie quotidienne. C’est ainsi que dans un discours historique prononcé le 17 octobre 2001 pour annoncer la création de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), le Roi a déclaré que «l’amazighité, qui plonge ses racines au plus profond de l’histoire du peuple marocain, appartient à tous les Marocains, sans exclusive». Neuf ans plus tard, l’Institut peut se prévaloir d’un bilan positif incontestable dans la promotion de la langue et de la culture amazighes, qui s’est concrétisé par l’établissement de partenariats et de conventions de coopération avec des acteurs privés, le secteur public et la société civile dans divers domaines, notamment celui de l’éducation et des médias.

6.Des progrès notables ont été réalisés dans l’enseignement et la sauvegarde de la culture amazighe en tant que richesse et patrimoine commun et objet de fierté nationale. De même, des actions de sensibilisation au rôle fondamental de la culture amazighe dans la construction d’un Maroc moderne, démocratique et ouvert sur le monde ont été engagées pour consolider le rayonnement de l’amazighité en tant que composante essentielle de la culture nationale. Parmi les progrès enregistrés récemment dans le domaine de la promotion de la culture amazighe, figure le lancement, le 1er mars 2010, de la chaîne de télévision amazighe. En outre, des dispositions ont été prises pour remédier aux difficultés rencontrées dans l’application de certains textes concernant l’enregistrement des prénoms auprès de l’état civil.

7.La lutte contre toutes les formes de discrimination figure parmi les priorités du Royaume du Maroc. À cet égard, l’on signalera le progrès notable qu’a constitué l’ajout dans le Code pénal, par le Dahir du 11 novembre 2003, d’une section spéciale consacrée à la discrimination, qui reprend la définition de la discrimination figurant à l’article premier de la Convention. L’article 431-1 du Code pénal dispose désormais que «constitue une discrimination toute distinction entre les personnes physiques à raison de l’origine nationale ou sociale, de la couleur […] ou de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée». Ce même article dispose que constitue également une discrimination toute distinction effectuée pour ces motifs entre les personnes morales ou à l’encontre des membres ou de certains membres de personnes morales. La discrimination pour de tels motifs est punie d’une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 1 200 à 50 000 dirhams lorsqu’elle consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque, à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, entre autres.

8.Toute une série d’institutions participent activement à la lutte contre les discriminations en vue de garantir l’égalité de traitement dans de nombreux aspects de la vie quotidienne, sur le lieu de travail mais aussi dans différents domaines tels que l’éducation, la santé ou l’accès aux biens et services. Parmi elles, figurent le Conseil consultatif des droits de l’homme, le Diwan Al Madhalim ou Ombudsman et le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger.

9.Pour leur part, les agences régionales de développement contribuent efficacement à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de tous les Marocains et favorisent l’éradication progressive des disparités entre les régions.

10.Parallèlement aux réformes législatives et institutionnelles, le Royaume a lancé un certain nombre d’initiatives et mis en place des mesures d’accompagnement dans le cadre de la lutte contre la discrimination raciale selon une approche participative basée, entre autres, sur la sensibilisation des citoyens et des agents chargés de l’application de la loi aux valeurs universelles de tolérance et des droits de l’homme. Dans ce contexte, le Royaume a accordé une attention toute particulière à l’éducation et à la formation aux droits de l’homme aux niveaux national, régional et international.

11.Au niveau national, cet intérêt s’est traduit dans l’élaboration du Programme national pour l’éducation aux droits de l’homme, la plate-forme citoyenne pour la promotion de la culture des droits de l’homme et le plan d’action national pour la démocratie et les droits de l’homme. Au niveau régional, le Maroc a lancé en 2009 un plan d’action arabe pour la promotion des droits de l’homme, qui a été approuvé à l’unanimité par les États membres de la Ligue arabe et mis en œuvre depuis le début de 2010. Au niveau international enfin, l’action du Royaume s’est concrétisée par une initiative conjointe avec la Suisse visant à adopter un projet de Déclaration des Nations Unies sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme.

12.M. Ouzgane (Maroc) dit que le choix des prénoms et leur acceptation par les autorités de l’état civil répondent à un certain nombre de critères définis dans la loi 37-99 relative à l’état civil promulguée en 2002 et entrée en vigueur en 2003, qui dispose en son article 21 que le prénom choisi doit présenter «un caractère marocain». M. Ouzgane convient qu’en application de cet article, certains prénoms qui n’étaient pas en usage au Maroc ont été refusés, mais qu’il s’agissait tout autant de prénoms arabes originaires des pays arabes du Moyen-Orient que de prénoms amazighs. Les cas litigieux ont été soumis à la Haute Commission de l’état civil chargée de statuer sur ces questions, qui a accepté plusieurs d’entre eux, dont des prénoms amazighs.

13.La circulaire du 9 avril 2010 relative au choix des prénoms publiée par le Ministère de l’intérieur réaffirme la nécessité que le prénom présente un caractère marocain et prescrit aux officiers de l’état civil d’accepter les prénoms composés des noms d’Allah, les prénoms arabes, amazighs ou hébreux ainsi que les prénoms nouveaux ayant une consonance arabe ou une origine musulmane. Sur le plan procédural, le Ministère de l’intérieur précise que l’officier de l’état civil est habilité à se prononcer sur la compatibilité ou non du prénom avec la loi en sa qualité de connaisseur des membres de la commune. La circulaire prévoit en outre qu’en cas de litige avec un parent qui souhaiterait donner à son enfant un prénom qui ne répond pas aux critères requis, l’officier de l’état civil est tenu de consulter dans un délai de vingt-quatre heures les services centraux du Ministère de l’intérieur pour orientation. Cependant, sur les 3 600 000 enfants déclarés depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’état civil, seuls 454 prénoms considérés comme litigieux ont été soumis à la Haute Commission d’état civil, et 95 d’entre eux refusés. M. Ouzgane souligne en outre qu’aucune liste de prénoms interdits n’a été dressée et qu’aucun litige n’a été enregistré depuis la publication de la circulaire susmentionnée.

14.M. Mokhtatar (Maroc) convient que la langue amazighe est une composante fondamentale de l’identité et de la culture marocaines et dit que des mesures importantes sont prises par l’Institut royal de la culture amazighe pour promouvoir son utilisation, en particulier dans les espaces publics, les programmes d’enseignement et les médias. L’Institut a notamment fait en sorte que cette langue puisse être transcrite en optant pour sa codification par la mise au point d’un alphabet amazigh.

15.M. Mokhtatar explique ensuite que le débat se poursuit sur la possibilité de reconnaître dans la Constitution la langue amazighe comme étant l’une des langues officielles du Maroc, avec la participation des organisations de la société civile ainsi que du Conseil consultatif des droits de l’homme et de l’Institut royal de la culture amazighe.

16.M. Najim (Maroc) dit que l’Institut royal de la culture amazighe est doté de moyens logistiques et techniques suffisants pour s’acquitter de son mandat. Son personnel se compose de 112 personnes, auxquelles il faut ajouter des chercheurs, des consultants et des coopérants, et le Gouvernement marocain a en outre mis à sa disposition de nombreux biens mobiliers et immobiliers.

17.MmeAouab (Maroc) dit que conformément aux dispositions de la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession à laquelle le Maroc est partie, ainsi qu’aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, l’article 9 du Code du travail interdit expressément toute forme de discrimination contre les salariés, y compris la discrimination raciale. Elle ajoute que le Maroc a mis en place un système d’inspection du travail pour assurer le contrôle de l’application de la législation du travail, dans le cadre duquel des visites de contrôle peuvent être effectuées de jour comme de nuit dans les entreprises, et qu’aucun cas de discrimination raciale en matière d’emploi n’a été signalé.

18.M. Oujour (Maroc) dit que l’amazigh est enseigné depuis 2003 dans 3 700 établissements scolaires qui accueillent un total de 560 000 élèves. Le Ministère de l’éducation compte 393 inspecteurs d’amazigh. Un programme de généralisation de l’enseignement de l’amazigh a été mis en place; il comprend notamment l’élaboration de manuels scolaires dans cette langue. L’État compte redoubler d’efforts pour former davantage d’enseignants et d’inspecteurs spécialistes de l’amazigh.

19.M. Ajraoui (Maroc) dit qu’en vertu de l’article 11 de la loi no 62-06 portant création du Code de la nationalité marocaine, cette dernière est octroyée à l’époux étranger par voie de naturalisation. Entre 2005 et 2007, 144 étrangers mariés à une Marocaine ont obtenu la nationalité marocaine par naturalisation.

20.M. Jilali Sghir (Maroc) dit que l’adoption de la loi no 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc ainsi qu’à l’émigration et l’immigration irrégulières a permis de réformer l’ensemble du système de l’asile et, ce faisant, de permettre au Maroc de mieux s’acquitter de ses engagements en vertu des instruments internationaux qu’il a ratifiés, de mieux respecter la souveraineté du Maroc en matière d’octroi du statut de réfugié et de renforcer la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). La loi a aussi permis d’établir des critères clairs et transparents en ce qui concerne les conditions d’éligibilité au statut de réfugié. Le Ministère de la justice et le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) ont mis sur pied un comité ad hoc qui est chargé d’assurer une meilleure prise en compte des droits de l’homme au cours des procédures d’asile et d’octroi du statut de réfugié.

21.Le Maroc a adopté une stratégie de lutte contre la traite des êtres humains qui comprend trois volets: la prévention, la lutte contre les réseaux de trafiquants et la protection des victimes contre l’exploitation. Les victimes de la traite bénéficient d’une assistance médicale et psychologique, ainsi que de programmes de réinsertion et de réhabilitation. En outre, le retour volontaire au pays d’origine est facilité. Afin de remédier aux tragédies humaines liées à la traversée de la Méditerranée à bord d’embarcations précaires, des opérations de sauvetage de migrants sont conduites en mer.

22.M. Abdenabaoui (Maroc) dit que la discrimination sous toutes ses formes est punie au Maroc et que les migrants, en situation régulière ou irrégulière, jouissent des mêmes droits que les nationaux. Aucun cas de discrimination et de violence à l’encontre de migrants en situation irrégulière n’a été enregistré. En 2007, le tribunal administratif de Rabat a été saisi d’un seul cas d’incitation à la haine raciale contre un Africain. L’auteur des propos racistes a été condamné au versement d’une amende. Plusieurs programmes sont mis en œuvre dans le pays afin de renforcer l’éducation aux droits de l’homme et à la démocratie.

23.Conformément à l’article 10 de la Constitution marocaine, nul ne peut être arrêté, détenu ou puni que dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Le droit à une procédure régulière est scrupuleusement respecté et les conditions de détention font l’objet d’une surveillance attentive. Ainsi, les représentants du parquet inspectent tous les lieux de détention, au moins une fois par semaine. L’accès à la justice est un droit garanti à tous et une aide juridictionnelle est accordée aux justiciables les plus démunis. En 2008, le Ministère de la justice, en collaboration avec le HCR, a mis en œuvre un programme de formation des membres du parquet et de la police afin d’améliorer leur connaissance des procédures d’asile.

24.Tous les étrangers ont la possibilité de demander une autorisation de séjour. En mars 2005, le tribunal administratif de Rabat a estimé que la condamnation d’un étranger ne saurait être interprétée comme une menace à la sécurité publique et être invoquée pour refuser un titre de séjour à un étranger.

25.M. Mokhtatar (Maroc) dit qu’il n’existe pas au Maroc, y compris au Sahara, de personnes ni de groupes auxquels puisse s’appliquer le qualificatif de «déplacé» au sens des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays.

26.Mme Dah (Rapporteuse pour le Maroc) regrette que la délégation marocaine ne soit composée que de deux femmes et ne compte aucun représentant du Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH). Elle note avec satisfaction que le Maroc dispose d’un large éventail d’institutions qui s’occupent des droits de l’homme, notamment le Conseil consultatif des droits de l’homme, le Médiateur, l’Instance Équité et Réconciliation, l’Institut royal de la culture amazighe et le Conseil royal consultatif pour les affaires subsahariennes. En 2006-2007, le Maroc a procédé à une révision de son Code de la famille, qui a notamment permis d’instituer le divorce par consentement mutuel et d’aligner l’âge minimum du mariage légal des filles sur celui des garçons. Toutefois, le Code de la famille comprend toujours des dispositions discriminatoires en matière de succession et ne semble pas être systématiquement appliqué par tous les juges.

27.S’agissant de la révision du Code de la nationalité en 2007, la Rapporteuse note avec étonnement que la mère marocaine peut transmettre sa nationalité à son enfant mais pas à son époux étranger, et demande si une femme marocaine perd sa nationalité lorsqu’elle épouse un étranger. Elle demande par ailleurs à la délégation marocaine de confirmer les informations selon lesquelles un traitement préférentiel est accordé aux ressortissants des pays arabes ou musulmans aux fins de la naturalisation.

28.La Rapporteuse indique que le Maroc a ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, à l’exception de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle demande si le Maroc entend lever les réserves qu’il a formulées à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Elle note que le Maroc a aussi ratifié la plupart des conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) à l’exception de la Convention no 118 sur l’égalité de traitement.

29.Mme Dah appelle l’attention de la délégation marocaine sur la recommandation générale no 30 du Comité concernant la non-discrimination à l’égard des non-ressortissants. Elle se félicite que l’État partie ait fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention mais constate que le Comité n’a reçu aucune plainte émanant de particuliers. Elle voudrait savoir si le Maroc a mis en place une structure nationale pour faire face à ses obligations liées à l’article 14 et promouvoir la procédure de plainte auprès de la population.

30.Mme Dah demande quel est le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne du Maroc et si la Convention a déjà été invoquée devant des juridictions nationales. Elle fait observer que la définition de la discrimination raciale dans la législation marocaine n’est pas conforme à l’article premier de la Convention car elle se réfère au principe général de non-discrimination et non à la discrimination raciale. Elle suggère donc à l’État partie d’adopter une loi se rapportant expressément à la discrimination raciale.

31.La Rapporteuse pour le Maroc souhaite obtenir des statistiques sur la composition ethnique de la population marocaine et voudrait savoir comment les recensements sont effectués et quelles questions sont posées aux personnes recensées. Elle voudrait savoir en outre s’il existe une banque nationale de données permettant aux différents organismes publics d’élaborer leurs programmes et si l’État partie dispose d’indicateurs sociodémographiques sur les Amazighs, les Sahraouis et la population noire.

32.S’agissant de la situation des Amazighs, Mme Dah souhaite savoir s’il existe au Maroc des personnes qui ne parlent que les langues usitées dans la région où elles vivent et si un mode de vie particulier et des cultures et traditions spécifiques les distinguent des populations vivant dans les localités voisines.

33.Mme Dah attire l’attention de la délégation marocaine sur le fait que le Comité a intégré dans sa doctrine la notion de peuple autochtone fondée sur l’auto-identification mais qu’il n’a jamais considéré que le droit à l’autodétermination, consacré à l’article 3 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, devait porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État. Rappelant que le Maroc ne s’est ni opposé ni abstenu lors de l’adoption de ladite Déclaration et a signé la Convention no 169 de l’OIT relative aux droits des peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, elle souhaite savoir si l’État partie adhère à la notion de peuples autochtones en soi et est prêt à reconnaître que certaines populations vivant sur son territoire sont des peuples autochtones.

34.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 3 de la Convention, Mme Dah prend note de l’attention particulière accordée par l’État partie au développement effectif et équitable des régions du Sahara marocain (CERD/C/MAR/17-18, par. 94) au moyen de programmes de développement social, économique et culturel et souhaite savoir quel bénéfice les Sahraouis, qui vivent depuis plus de trente ans sous des tentes, en marge du processus de développement, ont retiré de ces programmes.

35.S’agissant des exigences énoncées à l’article 4 de la Convention, à savoir notamment l’obligation faite aux États parties de déclarer délits punissables par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique, Mme Dah se demande pour quelles raisons le Maroc n’a pas jugé utile de réviser son Code pénal de manière à le mettre en conformité avec les dispositions de l’article 4 de la Convention. Cela est d’autant plus important que le Maroc connaît une poussée xénophobe en raison de l’afflux d’immigrés d’Afrique noire. Des informations plus détaillées sur la jurisprudence relative à l’interdiction de la haine raciale et aux sanctions appliquées par les tribunaux du pays seraient également bienvenues.

36.Pour ce qui est du droit à un traitement égal devant les tribunaux (art. 5), Mme Dah constate que le Maroc, comme d’autres pays, a été touché par le terrorisme et qu’il s’est doté en 2003 d’une loi de lutte contre le terrorisme. Elle estime cependant que la lutte contre le terrorisme ne devrait pas créer d’exceptions en ce qui concerne l’interdiction de la torture et que les autorités nationales devraient porter une attention particulière à la durée de la garde à vue afin d’éviter que des étrangers soient victimes de traitements inhumains et dégradants. Rappelant que le Comité des droits de l’homme s’est inquiété du caractère rétroactif de la loi de 2003, Mme Dah signale que le Comité a déjà souligné, dans sa Déclaration du 8 mars 2002 sur la discrimination raciale et les mesures de lutte contre le terrorisme (A/57/18, chap. XI, sect. C), que les mesures prises pour lutter contre le terrorisme doivent être conformes à la Charte des Nations Unies et qu’elles ne sont considérées comme légitimes que si elles respectent les principes fondamentaux et les normes universellement reconnues du droit international, notamment du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire (par. 3).

37.En ce qui concerne la protection des personnes vulnérables dans l’administration de la justice pénale, les autorités judiciaires et pénitentiaires marocaines devraient attacher une attention particulière à la recommandation générale no 31 du Comité concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale en 2005. Certaines sources affirmant que les personnes vulnérables, à savoir les Amazighs, les Noirs, les Sahraouis et les migrants, qu’elles soient ou non en situation régulière, n’auraient pas toujours accès à un interprète dans le cadre des procédures judiciaires, y compris lors de la procédure de jugement, il serait intéressant de savoir, comment les autorités marocaines entendent remédier à cette situation, si de telles informations étaient avérées.

38.S’agissant du droit à l’éducation et à la formation, Mme Dah demande à la délégation marocaine d’indiquer si les objectifs fixés pour la Décennie 2000-2009, qui a été consacrée à la réforme et à la relance de l’éducation et de la formation et a été considérée comme la première des priorités du pays (ibid., par. 217), ont été atteints. Elle souhaite également connaître les résultats de la politique menée depuis 2003 en faveur de l’enseignement en langue amazighe en tant que seconde langue après l’arabe.

39.S’agissant des réfugiés et des demandeurs d’asile, le Maroc a été confronté à un afflux de migrants à la suite du conflit iraquien et des conflits qu’ont connus certains pays subsahariens, ce qui expliquerait le nombre important d’Ivoiriens et de Congolais originaires de République démocratique du Congo se trouvant sur le territoire de l’État partie. Malgré la loi de 2003 régissant le séjour des étrangers et l’immigration irrégulière (ibid., par. 32), la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile est toujours problématique faute d’une loi sur l’asile. De plus, selon certaines informations communiquées au Comité, les demandeurs d’asile seraient en situation de très grande précarité du fait qu’ils sont souvent refoulés en application de la procédure applicable aux immigrants en situation irrégulière. Le Maroc serait bien avisé de prendre des mesures pour remédier à cette lacune juridique et de faire des efforts pour lutter contre la stigmatisation sociale dont les demandeurs d’asile font l’objet, qui ne fait qu’exacerber la haine raciale et la xénophobie à l’égard des étrangers.

40.Pour ce qui est de la mise en œuvre de l’article 7 de la Convention, l’engagement du Maroc pour la formation aux droits de l’homme atteste de sa volonté politique dans ce domaine, comme en témoignent les cours sur les droits de l’homme dispensés dès le cycle d’enseignement primaire et les modules de formation proposés aux magistrats, aux policiers et au personnel pénitentiaire. Il semble cependant que la population marocaine en général et les jeunes en particulier aient un fort penchant xénophobe. Bien que cette situation soit assez répandue dans d’autres pays, il est inadmissible que des propos racistes et antisémites soient devenus monnaie courante dans les universités qui sont censées former les élites de demain. Lorsque l’on apprend que le mot «Juif» est devenu l’insulte suprême au Maroc, il y a lieu de s’interroger sur l’avenir du pays. Comment le Maroc en est-il arrivé là?

41.M. Avtonomov se félicite de l’adoption de la loi de 2003 régissant le séjour des étrangers au Royaume du Maroc et l’immigration irrégulière qui consacre le principe d’égalité entre tous les étrangers, sans distinction aucune, en ce qui concerne les conditions de séjour et d’entrée au Maroc et permet aux immigrés d’acquérir la nationalité marocaine. Il souhaite cependant savoir si un étranger marié à une Marocaine peut acquérir la nationalité marocaine par le mariage. Se référant au paragraphe 92 du rapport périodique à l’examen qui donne une liste non exhaustive des prénoms amazighs approuvés par la Haute Commission de l’état civil, tels que Amazigh, Amlal, Aws, Idir, Tasnim, Tudala, Tifawt, Masinissa et Numidia, M. Avtonomov se demande pourquoi une liste de prénoms amazighs doit être approuvée, ce qui n’est pas le cas des prénoms arabes.

42.Se félicitant des informations figurant au paragraphe 262 du rapport à l’examen sur le rôle du Bureau du Médiateur, M. Avtonomov aimerait recevoir un complément d’information sur le mandat de ce personnage et notamment sur le point de savoir s’il peut être démis de ses fonctions, sur le nombre de requêtes dont il a été saisi au cours des années précédentes et le pourcentage de celles ayant obtenu satisfaction.

43.M. Murillo Martínez déplore l’absence de statistiques dans le rapport périodique du Maroc, et en particulier de données démographiques ventilées selon l’appartenance ethnique et linguistique. Il constate que ni le document de base (HRI/CORE/1/Add.23/Rev.1), ni le rapport à l’examen ne fournissent de données sur l’espérance de vie, la mortalité infantile et le taux de mortalité des différents groupes linguistiques vivant dans le pays. Il souhaite savoir si cela résulte d’une politique de l’État partie visant à protéger son unité nationale.

44.Relevant qu’un plan national d’action pour la démocratie et les droits de l’homme a été lancé au début de 2009, l’expert souhaite savoir si les autorités marocaines envisagent de se doter d’un plan national d’action contre le racisme et la discrimination raciale ou si des chapitres ou titres du Plan lancé en 2009 traiteront plus particulièrement de ces questions. Il souhaite que l’État partie participe activement, en 2011, à l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine.

45.M. Diaconu dit qu’il est évident que le pays a connu une évolution remarquable dans le domaine législatif et institutionnel et que de nombreuses réformes ont été adoptées en ce qui concerne les droits de la femme et de l’enfant et en matière de succession, mais qu’il est difficile d’apprécier l’impact concret de toutes ces mesures en l’absence de données statistiques ou démographiques ventilées. Il serait particulièrement utile de savoir combien le pays compte d’Amazighs, d’Arabes ou de personnes ayant une autre origine ethnique ou linguistique. Dans quelles parties du pays ces personnes vivent-elles et quelle est leur situation économique, sociale et culturelle? L’aide apportée aux régions défavorisées est évidemment louable mais comment peut-on évaluer ses résultats concrets en l’absence de données sur les groupes ethniques ou linguistiques spécifiques qui y vivent?

46.Prenant note de la création de l’Instance Équité et Réconciliation qui a examiné les violations graves des droits de l’homme commises dans le passé, en a identifié les victimes et évalué les indemnisations qui devraient leur être versées, M. Diaconu demande à la délégation marocaine de préciser de quelles violations il s’agit, quelles populations ont subi des exactions, qui en sont les responsables et si ces personnes devront répondre de leurs actes devant la justice.

47.M. Diaconu se félicite que les Amazighs soient reconnus en tant que minorité culturelle mais souligne qu’une minorité culturelle ne doit pas être perçue comme une menace. Il se demande pour quelles raisons les prénoms amazighs doivent être approuvés par la Haute Commission de l’état civil. Enfin, il invite la délégation marocaine à commenter les informations selon lesquelles les membres d’associations amazighes continueraient d’être victimes de violations de leur droit à la liberté de réunion et d’association et les associations culturelles amazighes ne seraient pas reconnues.

48.M. Diaconu dit qu’il faudrait harmoniser l’article 39 bis du Code de la presse, qui interdit uniquement l’incitation à la discrimination raciale mais ne fait pas mention de la diffusion d’idées fondées sur la supériorité raciale, avec les dispositions de l’article 4 de la Convention afin d’y prévoir tous les cas envisagés dans la Convention. À ce propos, il aimerait savoir si le Code pénal considère comme une circonstance aggravante le fait qu’une infraction est motivée par le racisme ou l’hostilité à l’égard d’une minorité ethnique.

49.M. de Gouttes note que, d’après certaines organisations non gouvernementales, l’Institut royal de la culture amazighe, qui avait suscité de grands espoirs à sa création, n’aurait pas réellement tenu ses promesses. Les droits des Amazighs ne seraient pas pleinement respectés, notamment celui d’utiliser leur langue dans leurs contacts avec l’administration publique, la justice et le système de santé ainsi que dans les établissements d’enseignement. En outre, des obstacles subsisteraient en ce qui concerne l’enregistrement des prénoms berbères et les associations culturelles amazighes feraient l’objet d’un traitement discriminatoire. L’expert invite la délégation marocaine à donner son point de vue sur ces affirmations ainsi qu’à donner de plus amples précisions sur le contenu du rapport établi par l’Instance Équité et Réconciliation (IER).

50.Tout en prenant acte des affaires citées aux paragraphes 109, 248 et 249 du rapport périodique, M. de Gouttes relève que, de manière générale, les renseignements fournis sur l’application de l’article 4 de la Convention ne sont pas suffisamment précis et complets. Des statistiques détaillées et exhaustives sur les plaintes, poursuites et condamnations se rapportant à des infractions racistes seraient nécessaires.

51.Notant que l’État partie reconnaît la difficulté de la situation des immigrés clandestins qui transitent par le Maroc dans l’espoir de gagner l’Europe, M. de Gouttes voudrait savoir si des mesures ont été prises afin de protéger ces personnes contre les réseaux de passeurs qui les exploitent, d’empêcher que la police n’utilise des pratiques discriminatoires à leur égard, notamment le profilage racial, d’éviter qu’elles ne soient retenues en détention pendant des périodes indûment prolongées et de prévenir la xénophobie. Il souhaiterait en outre connaître l’état d’avancement du projet de révision de la loi sur la presse cité dans le rapport périodique (par. 165).

52.Enfin, M. de Gouttes prie la délégation marocaine de fournir au Comité de plus amples informations sur les résultats des travaux du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes et de l’Agence pour la promotion et le développement économique et social du sud du Maroc.

53.M. Saidou, constatant avec regret que la Commission consultative des droits de l’homme, institution parfaitement conforme aux Principes de Paris, n’a pas été citée par la délégation parmi les acteurs de la société civile qui ont participé à l’élaboration du rapport à l’examen, espère qu’à l’avenir cet organe sera invité à apporter sa contribution à la rédaction des rapports périodiques de l’État partie. Sachant que le Maroc compte des sociétés transnationales dont plusieurs ont adhéré au Pacte mondial, M. Saidou voudrait savoir si, conformément aux dispositions dudit Pacte, le Gouvernement marocain a pris des mesures pour garantir que les succursales des sociétés transnationales marocaines qui mènent des activités à l’étranger ne pratiquent aucune forme de discrimination.

54.M.Ewomsan voudrait savoir si les Noirs marocains parlent uniquement l’arabe, si certains d’entre eux se sentent plus proches de la minorité amazighe que de la majorité arabophone et si des mesures spéciales ont été adoptées en leur faveur.

55.M. Hilale (Maroc) dit que le Maroc ne prétend pas être un modèle de perfection mais que, comme en témoignent les mesures importantes prises dans tous les domaines depuis 2003, le Gouvernement marocain ne ménage aucun effort pour mettre en application la Convention. Le Comité devrait quant à lui essayer de comprendre le Maroc dans toute sa diversité et sa complexité. M. Hilale souligne à ce propos qu’il n’y a pas une, mais trois langues amazighes et que, bien que les Amazighs aient une culture spécifique, ils n’en constituent pas pour autant une minorité ethnique. Ils n’ont pas de statut à part, ne sont pas marginalisés et ne sont pas identifiables au faciès ou d’après leur comportement. En conséquence, les allégations selon lesquelles ils seraient victimes de discrimination dans les hôpitaux, dans l’administration publique ou dans le système éducatif sont fausses. Le droit à la santé, à l’éducation et à la sécurité de la personne est constitutionnellement garanti à tous les citoyens marocains sans distinction aucune. Le Maroc a une identité à la fois plurielle et unique. Il se caractérise par une grande diversité culturelle, mais pas ethnique. En tant que pays en développement, il est confronté à des difficultés considérables et, de ce fait, contraint de définir des priorités dans le cadre des réformes en cours.

56.Le Maroc a toujours été une terre d’asile et les immigrants en situation irrégulière provenant d’Afrique subsaharienne qui transitent par le pays sont considérés comme des frères et ne font l’objet d’aucune discrimination. Le Maroc est d’ailleurs le premier pays à avoir organisé une réunion entre États européens et africains sur le thème de l’immigration illégale, qui s’est tenue en 2006 à Rabat. De plus, 7 000 étudiants d’Afrique subsaharienne sont inscrits dans des universités marocaines, ce qui démontre clairement qu’aucune discrimination n’est pratiquée à l’égard des Noirs dans le système d’enseignement supérieur. De plus, le Gouvernement marocain collabore avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la société civile marocaine afin de venir en aide aux immigrants en situation irrégulière qui transitent par le pays.

La séance est levée à 18 heures.