CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GéNéRALE

CERD/C/SR.166228 octobre 2004

Original: FRANçAIS

COMITé POUR L’éLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑cinquième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1658e SéANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,le vendredi 13 août 2004, à 15 heures

Président:M. YUTZIS

puis:M. PILLAI

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRéSENTéS PAR LES éTATS PARTIES CONFORMéMENt à l’ARTICLE 9 de la convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques du Kazakhstan

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques du Kazakhstan (CERD/C/439/Add.2)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation kazakhe prend place à la table du Comité.

2.Le PRÉSIDENT remercie chaleureusement la délégation du Kazakhstan de sa venue et annonce que, dès qu’elle aura achevé la présentation orale du rapport de son pays, la délégation pourra répondre aux questions qui lui ont été préalablement soumises.

3.M. ABDILDIN (Kazakhstan) dit qu’avec l’effondrement de l’URSS et l’accession à l’indépendance en 1991, la République du Kazakhstan s’est trouvée devant des choix lourds de conséquences. Premièrement, ayant opté pour un modèle de développement démocratique, la République du Kazakhstan s’est engagée à placer les droits et libertés fondamentales de l’individu au cœur de ses politiques. Deuxièmement, la grande diversité des peuples et des nations présents sur son territoire et la conscience des difficultés qui peuvent en résulter l’ont convaincue que la seule voie possible de développement était de préserver l’harmonie interethnique en misant sur les valeurs de tolérance, de compromis et d’équité. Deux droits fondamentaux ont donc été inscrits dans la Constitution: le droit de tout citoyen kazakh de choisir librement son lieu de résidence et le droit de tout citoyen de l’ancienne URSS vivant au Kazakhstan d’acquérir la citoyenneté kazakhe.

4.Après l’accession à l’indépendance s’est posé un problème linguistique lorsque le russe, langue officielle de l’État à l’époque de l’URSS, a été remplacé par le kazakh, ce qui a suscité un certain malaise au sein de la communauté russe du Kazakhstan. Pour y remédier, il a été inscrit dans la Constitution que le russe bénéficiait, sur un pied d’égalité avec le kazakh, du statut de langue officielle dans le cadre des organes de l’État et des organes exécutifs locaux.

5.Après l’indépendance s’est posé également le problème des migrations. Le passage d’un énorme État unifié à plusieurs États indépendants a entraîné d’importants mouvements migratoires au début des années 90 lorsque de nombreux peuples du Kazakhstan ont décidé de retourner dans les Républiques où ils avaient leurs origines (Ukraine, Ouzbékistan, etc.). La tendance s’est toutefois inversée en 2000, grâce à l’économie relativement prospère du pays, à sa stabilité politique et à la coexistence pacifique entre ses différents peuples, protégée par la Constitution, le Code civil et d’autres textes normatifs dans lesquels il est clairement établi que toute violation des droits de quelque citoyen que ce soit pour des motifs de langue, de race ou de nationalité est interdite.

6.Dans le souci de préserver l’harmonie interethnique a été créée l’Assemblée des peuples qui regroupe quelque 340 membres d’associations représentant les différentes cultures présentes au Kazakhstan dont elles défendent les intérêts. M. Abdildin dit que les difficultés liées aux relations interethniques ne trouvent jamais de solution définitive et nécessitent une vigilance continue, et qu’à cet égard la très grande expérience du Comité sera plus que bienvenue.

7.M. RYABCHENKO (Kazakhstan) rappelle que le Kazakhstan, à cheval sur l’Europe et l’Asie, s’étend sur 2 724 900 km2 et compte quelque 130 nationalités. La délégation, dans laquelle quatre nationalités sont représentées, est à l’image de cette diversité.

8.En réponse aux questions préalables du Comité, M. Ryabchenko présente quelques données démographiques nouvelles. Au 1er juillet 2004, la population s’élevait à 15 millions de personnes, soit un chiffre plus élevé que dans le rapport, sa composition restant sensiblement identique (Kazakhs: 54 %; Russes: 30 %; Ukrainiens: environ 4 % et autres nationalités: à peu près 3 % au moins). Cette diversité ethnique détermine la politique du pays et a notamment conduit à la ratification de nombreuses conventions internationales, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

9.M. Ryabchenko indique que l’expression «discrimination raciale» n’est pas définie dans la législation du Kazakhstan mais est couramment utilisée dans la pratique juridique et apparaît dans la Constitution et d’autres textes de loi en vertu desquels elle est formellement interdite (par. 31). Les notions de groupe ethnique, de nationalité et de langue, telles qu’elles sont utilisées dans le rapport, ne sont pas évoquées dans la législation. Des définitions pratiques ont donc été élaborées: une communauté ethnique s’entend d’une communauté qui existe depuis longtemps et comporte de nombreux membres unis par des traditions et une culture anciennes. Un groupe ethnique réunit des personnes culturellement proches. La nationalité est l’appartenance à une communauté caractérisée par une culture, des traditions, une langue et une psychologie communes. Enfin, la langue, moyen de communication et d’expression des idées, constitue l’une des caractéristiques principales de la nationalité.

10.En ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 2 de la Convention, M. Ryabchenko cite abondamment différents paragraphes du rapport de son pays (CERD/C/439/Add.2), notamment les paragraphes 32 (égalité des droits), 33 (protection de l’égalité linguistique), 34 (interdiction de restreindre les droits des citoyens pour des raisons de race ou de nationalité), 36 (illégalité des lois et règlements comportant des dispositions discriminatoires), 37 (responsabilité pénale en cas d’incitation à la haine sociale, nationale, raciale ou religieuse), et 38 (la haine ou l’inimitié ethniques, raciales ou religieuses constituent des circonstances aggravantes lorsqu’elles sont à l’origine d’infractions administratives). Il souligne que les politiques nationales de l’état visant à englober les intérêts de l’ensemble des peuples et nations du Kazakhstan sont fondées sur la citoyenneté et non sur l’appartenance ethnique (par. 39), conformément à l’esprit de la Constitution dont les premiers mots sont: «Nous sommes le peuple du Kazakhstan».

11.Au sujet de la préservation de l’égalité et de la diversité linguistiques, M. Ryabchenko rappelle qu’en vertu de la Constitution tout citoyen kazakh a le droit d’apprendre et de cultiver sa langue et sa culture maternelles et que toute discrimination fondée sur la langue est interdite. Il reprend en outre les renseignements donnés aux paragraphes 33 et 41 du rapport, relatifs aux dispositions du Code des infractions administratives se rapportant aux questions de langue. Dans le domaine des médias, le droit de recevoir et de diffuser librement des informations dans l’une quelconque des langues du Kazakhstan est garanti, notamment par la loi sur les médias (par. 51) et la loi sur les langues (par. 33). Selon les données disponibles au 1er juillet 2004, il existe plus de 2 000 médias au Kazakhstan, dont 77 % sont indépendants de l’État, comprenant 1 298 journaux, 561 magazines, 170 médias électroniques et 11 agences d’information. Trois cent cinquante‑sept journaux et magazines sont publiés en kazakh, 689 en russe, 581 en russe et en kazakh et 232 en kazakh, en russe et autres langues. L’État finance des publications dans les langues nationales (coréen, ouighour, allemand, ukrainien, etc.) et l’Assemblée des peuples collabore à la publication de 26 journaux régionaux dans 11 langues. La télévision et la radio d’État diffusent des émissions dans 11 langues. Sept studios de radiodiffusion privés diffusent dans sept langues. Des programmes de télévision en polonais sont également diffusés dans les régions où il y a une importante communauté polonaise.

12.En ce qui concerne l’application de l’article 3 de la Convention, M. Ryabchenko indique que l’apartheid n’existe pas au Kazakhstan et que l’article 160 du Code pénal condamne expressément tout acte visant à détruire, en totalité ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux (par. 43).

13.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention, l’orateur reprend les renseignements donnés dans le rapport aux paragraphes 44 à 55 du rapport de son pays. Au sujet du rôle des médias dans la préservation de la concorde intercommunautaire, M. Ryabchenko signale l’existence d’un code d’éthique journalistique en vertu duquel les journalistes et rédacteurs signataires sont tenus de respecter un certain nombre de principes, parmi lesquels le respect des droits et des libertés fondamentales de la personne indépendamment de toute considération d’appartenance nationale et le refus de participer à toute action de propagande incitant à la haine, à l’hostilité ou à la discrimination intercommunautaire. À titre d’exemple de l’effectivité de ce code, M. Ryabchenko cite un incident mettant en cause un journal qui avait mis l’accent sur l’appartenance nationale de deux députés du Parlement. Ce commentaire pouvant constituer une violation du code d’éthique, le Ministère de l’information a rappelé la rédaction à l’ordre, et cette dernière a présenté ses excuses.

14.En ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention, M. Ryabchenko cite largement le rapport, notamment les paragraphes 56 (droit constitutionnel de tout citoyen à la protection judiciaire de ses droits et libertés), 57 (égalité de tous devant la loi), 65 (droit de vote), 66 et 67 (droit d’accès aux fonctions publiques).

15.En réponse aux questions complémentaires du Comité, M. Ryabchenko indique dans quelles proportions sont représentées les différentes nationalités dans la fonction publique. Au 1er avril 2004, les plus importantes des 65 nationalités étaient représentées comme suit: les Kazakhs: 79 %, les Russes: 14,5 %, les Ukrainiens: 2 %, les Tatars: 0,9 %, les Coréens: 0,5 % et les Ouighours: 0,5 %. En outre, les fonctionnaires désignés par le Président et le Parlement représentent 26 nationalités différentes, dont 2 377 Kazakhs, 294 Russes, 81 Ukrainiens, 31 Allemands, 18 Tatars, 13 Ouighours, 10 Bélarussiens, 10 Ouzbeks et 9 Polonais.

16.Le représentant dit que la politique confessionnelle du Kazakhstan repose sur la reconnaissance du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. En revanche, il n’est pas en mesure de fournir des précisions sur la composition ethnique des minorités religieuses étant donné que la loi sur la liberté de conviction et sur les associations religieuses (par. 30) interdit la collecte de ce type de données. Il indique cependant que plus de 40 confessions sont actives dans le pays, la religion dominante étant l’islam, et la religion orthodoxe russe, le deuxième culte par le nombre d’adeptes. Le Kazakhstan compte plus de 3 200 associations religieuses, contre 670 seulement en 1990.

17.S’agissant du respect des droits économiques, sociaux et culturels, M. Ryabchenko dit que la loi sur l’emploi garantit une protection sociale et une indemnité de chômage aux ressortissants nationaux ou étrangers ainsi qu’aux apatrides qui disposent d’un statut de résident permanent. La loi sur la culture dispose que toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, ont le droit de participer au développement de leur culture nationale et que tous les citoyens doivent respecter la langue, les coutumes, et les traditions du peuple kazakh et des autres peuples du Kazakhstan. Un programme général d’enseignement des cultures nationales a été récemment mis en place pour lutter contre les préjugés et encourager la compréhension entre les races. En outre, le Gouvernement kazakh coopère étroitement avec les ONG qui jouent un rôle important dans le développement du secteur social non étatique.

18.M. VALENCIA RODRÍGUEZ (Rapporteur pour le Kazakhstan) se félicite que la délégation ait répondu aux questions écrites qui lui ont été transmises avant la séance.

19.Le rapporteur note que 130 nationalités vivent dans le pays mais souhaite connaître la définition juridique des concepts de groupe ethnique, de nationalité et de langue. S’agissant de la langue, il relève que, lors du recensement de 1989, 98 % de la population ont déclaré avoir le russe comme langue maternelle et que le russe semble demeurer la langue de communication interethnique. Il considère qu’il serait utile d’entendre les explications de la délégation à ce sujet.

20.L’indice de pauvreté atteindrait 57 % dans certains secteurs de la population et le pays connaîtrait une prévalence de la tuberculose. Il serait par conséquent utile de savoir comment cette situation affecte les minorités nationales et de connaître les principales causes de mortalité touchant leurs membres.

21.S’agissant des migrants, le rapporteur souhaite connaître les raisons expliquant l’importance des mouvements migratoires au Kazakhstan et savoir sur quelles bases les quotas régissant le retour au pays des Kazakhs ont été établis. Il souhaite également recevoir des éclaircissements au sujet de l’arrestation massive, le 20 septembre 2001, de quelque 400 migrants d’origine ouzbèke et tadjike et d’en connaître les causes.

22.M. Valencia Rodríguez dit qu’il convient de féliciter l’état partie d’avoir adhéré en décembre 1998 à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 y relatif. Selon les données disponibles, 16 000 réfugiés vivraient au Kazakhstan, dont 220 000 Ouighours. Le rapporteur aimerait recevoir des précisions au sujet des expulsions de réfugiés ouighours et tchétchènes et savoir quel est le groupe ethnique le plus représenté parmi les réfugiés.

23.S’agissant de l’indépendance des tribunaux et de la justice, M. Valencia Rodríguez souhaite disposer d’informations plus précises sur les pouvoirs du Président de la République en matière de nomination des juges et d’organisation des travaux des tribunaux. Il relève que (par. 24) l’une des activités menées dans le domaine des droits de l’homme par la Commission des droits de l’homme créée en 1994 consiste à adopter des textes exécutoires effectivement applicables qui visent à introduire un régime juridique de principes et normes internationales pour le respect des droits de l’homme et souhaite connaître l’état d’avancement de ces initiatives. La Commission des droits de l’homme près la Présidence de la République est certes une instance particulièrement utile, mais il serait intéressant de savoir si des représentants des groupes minoritaires y sont représentés et si cet organe envisage de prescrire des normes concernant la lutte contre la discrimination raciale et de poursuivre l’adoption de mesures visant à harmoniser la législation nationale avec les conventions internationales et les autres instruments juridiques adoptés par le pays.

24.Notant que la Constitution kazakhe contient une disposition sur l’élimination de la discrimination raciale, le rapporteur souhaite savoir si la Convention peut être directement invoquée devant les tribunaux nationaux.

25.S’agissant de l’application de l’article premier de la Convention, M. Valencia Rodriguez juge nécessaire l’adoption d’une loi spécifique sur la lutte contre la discrimination raciale qui reprenne les termes de la définition de cette infraction figurant dans la Convention.

26.Pour ce qui est de la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention, M. Valencia Rodríguez relève dans le rapport (par. 27) que les dispositions des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, ratifiés par l’état partie, font partie intégrante du droit interne et sont directement applicables, sauf dans certains cas où la promulgation d’une loi établissant la sanction pénale est nécessaire. Comme il croit comprendre que c’est le cas des dispositions énoncées aux alinéas a et b de l’article 4, il préconise que la législation nationale contienne une norme générale établissant la sanction correspondant aux infractions visées aux alinéas en question.

27.Le rapporteur rappelle que la Sous-Commission des droits de l’homme a souligné que le Parlement national compte une majorité de Kazakhs, qui occuperaient 58 sièges sur 77. Il souhaite obtenir davantage d’informations sur l’accès des groupes minoritaires aux fonctions publiques.

28.La loi kazakhe sur le travail, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2000, interdit la discrimination dans le domaine du travail, ce qui laisse supposer qu’elle s’applique également aux résidents étrangers. Par contre, M. Valencia Rodríguez n’est pas sûr que les membres des groupes minoritaires jouissent également du droit à la protection sociale contre le chômage et qu’ils ont le droit de participer à des activités syndicales dans les mêmes conditions d’égalité que les nationaux.

29.Le rapporteur souhaite également savoir comment le Kazakhstan, état séculaire, concilie le principe de liberté religieuse avec la promotion du respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion sans discrimination raciale et ethnique, sachant que les religions sont liées aux différents groupes ethniques. Il demande également des explications concernant l’amendement à l’article 374 du Code administratif qui prévoit que le non‑enregistrement d’une association religieuse est une infraction pénale, alors qu’il n’existe apparemment pas d’obligation légale de procéder à de tels enregistrements.

30.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention, même s’il existe de nombreuses dispositions qui concourent à la mise en œuvre de cet article, l’état partie devrait adopter une législation spécifique tendant à en assurer l’application.

31.S’agissant de l’article 7, M. Valencia Rodríguez est d’avis de recommander aux autorités kazakhes de faire des efforts pour promouvoir la création d’associations ethnoculturelles des autres groupes minoritaires que ceux mentionnés au paragraphe 137 du rapport à l’examen.

32.Pour conclure, M. Valencia Rodríguez aimerait savoir si le Kazakhstan envisage de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention. Il recommande au Kazakhstan d’accepter la révision de l’article 8 de la Convention approuvée par la quatorzième Réunion des états parties.

33.M. AVTONOMOV note que le Kazakhstan n’a pas connu, contrairement à ses voisins, la guerre civile entre ethnies ou groupes nationaux. Ce pays, qui est l’un des états du monde ayant le caractère multinational le plus prononcé, a visiblement accordé une attention considérable ces dernières années au maintien de relations harmonieuses entre les nombreux groupes ethniques qui y sont établis.

34.Constatant que le solde migratoire de la population est négatif, M. Avtonomov demande quelles sont les raisons qui poussent la population aussi bien kazakhe que non kazakhe à quitter le pays. Par ailleurs, bien que la minorité rom soit certainement présente au Kazakhstan comme dans toutes les Républiques de l’ex-URSS, le rapport ne contient aucun renseignement à son sujet. Il serait donc nécessaire de combler cette lacune soit oralement, soit par écrit, dans le rapport périodique suivant.

35.En outre, M. Avtonomov souhaiterait obtenir de plus amples précisions sur les mouvements religieux qualifiés de nouveaux dans le rapport (par. 30). Selon lui, les mennonites se trouvent depuis longtemps dans le pays car ils avaient été invités à s’y installer par Catherine II afin d’y développer l’agriculture. Il voudrait également en savoir davantage sur les bahaïs qui, à son sens, ne constituent pas un mouvement religieux à proprement parler. Enfin, en ce qui concerne l’application des articles 4 et 5 de la Convention, il demande s’il existe des statistiques concernant les plaintes déposées et les affaires examinées, si les plaintes pour discrimination raciale ne sont examinées que par la Commission des droits de l’homme et comment s’explique le fait que les tribunaux n’ont reçu aucune plainte à ce sujet.

36. M. Pillai prend la présidence.

37.M. KJAERUM, constatant avec satisfaction que les membres de la délégation kazakhe sont les personnes qui auront plus tard à mettre en application les recommandations du Comité, souhaiterait que des informations soient fournies dans le rapport périodique suivant sur les mesures adoptées par l’État partie afin de lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

38.Selon des informations dont dispose M. Kjaerum, la situation des défenseurs des droits de l’homme serait très difficile au Kazakhstan. En effet, certains d’entre eux auraient été mis sur écoute, surveillés lors de leurs déplacements et harcelés par la police. De plus, plusieurs bureaux d’organisations non gouvernementales auraient été perquisitionnés sous prétexte de contrôle fiscal, puis fermés. Compte tenu de la résolution 2000/61 de la Commission des droits de l’homme concernant les défenseurs des droits de l’homme, M. Kjaerum voudrait savoir comment le Gouvernement kazakh garantit la liberté et la sécurité de ces personnes. En outre, il prie la délégation kazakhe d’indiquer si le rapport a été élaboré en collaboration avec les organisations non gouvernementales et la société civile et l’engage à communiquer les observations finales du Comité à ces dernières dès son retour au Kazakhstan.

39.Par ailleurs, d’après d’autres informations, les citoyens de souche kazakhe seraient recrutés préférentiellement non seulement pour pourvoir des postes élevés dans la fonction publique, mais aussi dans les entreprises privatisées. Si ces informations sont fondées, M. Kjaerum souhaiterait savoir si des mesures sont prévues afin d’assurer une représentation égale de tous les groupes de la population dans les secteurs public et privé.

40.Enfin, notant avec préoccupation que la compétence en matière de traitement des plaintes émanant de particuliers a été retirée à la Commission des droits de l’homme et que le médiateur ne peut pas en examiner certaines, M. Kjaerum demande si la création d’une institution nationale d’examen véritablement indépendante pourrait être envisagée.

41. M. Yutsis reprend la présidence.

42.M. HERNDL, rappelant que l’alinéa a de l’article 4 de la Convention dispose que les États doivent adopter une législation réprimant l’incitation à la haine raciale, souhaiterait savoir si d’autres dispositions que celles décrites aux paragraphes 44 et 45 du rapport sont prévues dans la législation de l’État partie. Il voudrait également savoir quel est le degré d’indépendance des juges et, puisqu’ils sont nommés par le Président de la République, qui propose les candidats à ce dernier.

43.Notant l’absence du rapport d’informations concernant le statut juridique des langues des minorités, M. Herndl voudrait savoir dans quelle mesure ces langues peuvent être utilisées et enseignées à l’école. En outre, il constate à la lecture du rapport que le nombre d’écoles dispensant un enseignement dans une langue autre que le kazakh n’est pas proportionnel à l’effectif des différentes minorités − les écoles de la minorité de langue allemande (2,4 % de la population) étant par exemple inexistantes − et souhaiterait entendre les commentaires de la délégation à ce sujet. Enfin, il espère que le Kazakhstan fera la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et qu’il acceptera la révision de l’article 8 dans les meilleurs délais.

44.M. AMIR relève avec satisfaction au paragraphe 30 du rapport, en particulier dans les tableaux détaillés sur les associations religieuses, que la laïcité et la cohabitation des religions sont une réalité dans l’État partie.

45.M. Amir est toutefois surpris de constater que le taux de chômage est passé de 13,5 % en 1999 à 216 % en 2001 (tableau 23) et souhaiterait que la délégation kazakhe commente cet accroissement spectaculaire, qui contraste avec les renseignements montrant que le Kazakhstan dispose de ressources minières très importantes (par. 2). Enfin, il voudrait savoir si l’État partie entend incorporer dans sa législation une définition de la discrimination raciale fondée sur l’article premier de la Convention.

46.M. TANG demande si, outre la Constitution, le Code pénal prévoit des dispositions réprimant l’incitation à la haine raciale et, le cas échéant, si la délégation peut donner au Comité des exemples d’application des articles pertinents.

47.En ce qui concerne l’arrivée de migrants en situation irrégulière, il souhaiterait savoir s’il existe des mécanismes permettant d’effectuer un tri entre les réfugiés et les délinquants en fuite. En outre, étant donné qu’il est difficile de déterminer le statut de réfugié en se fondant uniquement sur la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 y relatif auxquels le Kazakhstan est partie, M. Tang souhaite savoir si le pays s’est doté d’une législation spécifique permettant aux requérants dont la demande a été rejetée de faire appel. Enfin, il voudrait savoir si les immigrants en situation irrégulière ont accès à un logement et aux services de santé et comment sont traités les immigrés en conflit avec la loi.

48.M. de GOUTTES demande si l’État partie envisage de procéder à la ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu’il a signé, et de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention. Il fait ensuite observer qu’il existe encore des lacunes dans la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention, dans le domaine pénal notamment, et insiste sur la nécessité d’intégrer dans le droit interne une législation qui soit conforme aux exigences de la Convention, rappelant que l’absence de plaintes dans ce domaine n’est pas nécessairement un signe positif et peut traduire la méconnaissance, par les victimes, de leurs droits ou un manque de confiance à l’égard des autorités judiciaires.

49.M. de Gouttes voudrait savoir s’il est vrai que certains groupes, tels que les Tchétchènes ou les Ouighours, se voient refuser le statut de réfugiés, et que les minorités ne sont pas suffisamment représentées dans le Gouvernement et l’administration, majoritairement kazakhs. Il demande également un complément d’information sur l’indépendance de la justice et sur l’exploitation sexuelle et la prostitution des mineurs, qui seraient particulièrement exposés au VIH/sida et aux maladies sexuellement transmissibles.

50.Enfin, il appelle l’attention de la délégation sur la déclaration faite en 2002 par le Comité concernant la nécessité que les États se conforment aux principes de non-discrimination raciale et ethnique dans la lutte contre le terrorisme, et voudrait connaître la teneur du décret présidentiel promulgué en 2000 par l’État partie pour combattre le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme.

51.M. PILLAI fait observer en s’en félicitant que c’est la première fois que le rapport initial d’un État partie est accompagné d’un rapport complémentaire mis au point par un ensemble d’ONG, mais il partage toutefois la préoccupation de M. Kjaerum au sujet des informations selon lesquelles les organisations de la société civile ne peuvent pas toujours exercer librement leurs activités.

52.M. Pillai apprécie l’inclusion dans le rapport de nombreux tableaux présentant des indicateurs du niveau de santé et d’éducation, mais regrette qu’ils ne soient pas ventilés par origine ethnique ou nationalité.

53.M. Pillai regrette en outre que les paragraphes concernant les articles 2 à 7 de la Convention se limitent à une énumération des lois en vigueur promulguées dans les différents domaines visés par ces articles mais ne fassent pas état de la manière dont ces lois sont appliquées.

54.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention, M. Pillai espère que l’affaire décrite au paragraphe 132 du rapport encouragera les membres des différentes communautés ethniques à saisir la Commission nationale des droits de l’homme pour faire valoir leurs droits chaque fois qu’il y aura lieu, et que cet organe deviendra un mécanisme incontournable en matière de discrimination. Il souhaite en outre savoir dans quelle mesure les groupes ethniques et linguistiques minoritaires sont informés de son mandat et de ses compétences.

55.Se référant au paragraphe 150 du rapport concernant la politique linguistique du pays, M. Pillai demande à la délégation ce qu’il faut comprendre par «espace linguistique optimal dans le pays», et notamment si cet espace tient compte de toutes les langues du pays, en particulier de celles des minorités. Lisant plus loin aux paragraphes 152 et 176 du rapport que le Président de la République a approuvé en 1996 une directive relative à l’éducation ethnoculturelle au Kazakhstan, il demande des informations sur la manière dont cette directive est, ou a été, appliquée.

56.M. CALITZAY se félicite de l’intérêt que porte le Kazakhstan à la question de l’appartenance nationale et ethnique des groupes de population présents sur son territoire, et à la problématique qui en découle du point de vue linguistique et culturel. Il cite notamment le paragraphe 149 du rapport qui décrit le cadre éducatif, culturel et linguistique créé au Kazakhstan pour toutes les minorités ethniques, lisant avec surprise que «ce cadre n’a pas tant pour but d’encourager la culture et les traditions d’un groupe ethnique quelconque que de rechercher des moyens d’intégrer ces derniers dans la culture de l’ensemble du Kazakhstan». Il demande en conséquence à la délégation d’éclaircir le sens de cette affirmation. Il est préoccupé à l’idée que la création d’un «espace linguistique optimal» revienne à renforcer la position de la langue dominante − ou des langues «fortes» − au détriment des langues des minorités.

57.M. THORNBERRY aimerait savoir dans quelle mesure les divers groupes sont associés à la prise de décisions les concernant et notamment qui a jeté les grandes lignes de la politique relative à l’éducation ethnoculturelle. De la même façon, il voudrait savoir si la population est consultée dans le cadre de la définition des programmes scolaires ou si cette tâche est de la responsabilité exclusive de l’administration centrale.

58.Se référant au paragraphe 159 du rapport, M. Thornberry fait observer qu’il est légitime que les États fassent la promotion de leur langue nationale mais que, de manière générale, la méthode préférable est de donner envie à la population de l’apprendre plutôt que dénigrer les autres langues parlées sur son territoire.

59.Lisant au paragraphe 30 qu’au Kazakhstan l’appartenance religieuse coïncide avec l’origine ethnique, il rappelle les liens étroits entre la culture et la religion et estime que le Comité est fondé à réfléchir à ces questions dans le cadre de l’examen du rapport initial de l’État partie.

60.M. ABDILDIN (Kazakhstan) dit que le fait que l’appartenance ethnique n’est régie par aucune loi au Kazakhstan ne signifie pas que le Gouvernement n’accorde pas une importance capitale à la coexistence sur son territoire de divers groupes et nationalités ayant des systèmes de valeurs très différents et communiquant dans leur propre langue.

61.Sur le plan linguistique, il va de soi que le russe est connu de tous les groupes nationaux qui composaient l’ex-URSS et continue à ce titre d’occuper une place dominante au sein de la société. Le Gouvernement tente donc, depuis l’indépendance, d’affirmer le rôle de la langue kazakhe en tant que langue nationale, sans pour autant porter préjudice aux autres langues parlées dans le pays. Dans l’éducation, les langues russe et kazakhe sont utilisées à égalité, et les minorités ont accès à l’enseignement dans leur langue maternelle.

62.M. Abdildin rappelle que sous Staline, un tiers de la population kazakhe a fui la répression, la persécution et la famine, ce qui explique que les Kazakhs soient si nombreux à vivre à l’étranger, principalement en Chine, en Turquie ou en Russie, où ils ont pour la plupart le statut de réfugiés. Ces personnes ont toujours eu la volonté de rentrer dans leur pays, opportunité que leur offre actuellement le Gouvernement kazakh.

63.Le PRÉSIDENT remercie la délégation kazakhe et dit qu’elle pourra répondre aux questions et aux observations des membres du Comité à la séance suivante.

La séance est levée à 18 h 5.

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