NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.184925 février 2008

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑douzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1849e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mardi 19 février 2008, à 15 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9

DE LA CONVENTION Seizième et dix‑septième rapportspériodiques des Fidji (CERD/C/FJI/17)

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES, CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 7 de l’ordre du jour)

Seizième et dix‑septième rapports périodiques des Fidji (CERD/C/FJI/17; HRI/CORE/1/Add.122); liste des points à traiter et réponses écrites de l’État partie (documents sans cote, distribués en séance en anglais seulement)

1. Sur l’invitation de la Présidente, la délégation fidjienne prend place à la table du Comité.

2.M. LIGAIRI (Fidji) dit que le Gouvernement provisoire fidjien entend mettre en œuvre, avant les élections de mai 2009, une charte populaire pour le changement et le progrès qui vise à édifier une nation non raciale, une et démocratique. Il n’existe pas de cadre juridique qui reprenne expressément les dispositions de la Convention, mais la Déclaration des droits qui figure dans la Constitution de 1997 garantit le principe de l’égalité devant la loi et l’article 38 de la Constitution dispose que nul ne peut faire l’objet d’une discrimination directe ou indirecte fondée sur la race, l’origine ethnique, la couleur, la naissance, la langue, la situation économique, l’âge ou le handicap et consacre la liberté d’opinion et de conviction. La Commission fidjienne des droits de l’homme veille au respect de ces principes constitutionnels. En ce qui concerne l’application de la Convention par les tribunaux, l’article 43 de la Constitution oblige les tribunaux à tenir compte du droit international public, y compris la Convention, dans les affaires ayant trait aux droits de l’homme.

3.En ratifiant la Convention par succession, en 1973, le Gouvernement fidjien a aussi expressément confirmé les réserves et les déclarations auxquelles le Gouvernement britannique avait subordonné la ratification de la Convention au nom de ce qui était à l’époque la colonie des Fidji. Le Gouvernement fidjien a maintenu ces réserves après avoir examiné les raisons pour lesquelles elles avaient été formulées par l’État colonial lorsqu’il avait ratifié la Convention au nom des Fidji. Il entend continuer à les maintenir tant qu’il n’aura pas procédé à un nouvel examen complet de la question. En revanche, il a l’intention de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

4.Les Fidji considèrent que la notion de «peuples autochtones» ne s’applique pas stricto sensu aux groupes autochtones qui vivent aux Fidji dans la mesure où, loin de faire l’objet d’une quelconque injustice, ils jouent un rôle dominant dans la gestion des affaires publiques et la vie nationale. Par ailleurs, les droits des autochtones ne sont aucunement supérieurs aux autres droits de l’homme.

5.En 2000, la Commission fidjienne des droits de l’homme a créé un service des relations sociales chargé d’œuvrer pour l’harmonie des relations interethniques. Toutefois, pour des raisons budgétaires, ce service ne peut plus fonctionner. À ce jour la Commission a reçu 23 plaintes pour discrimination raciale, notamment dans les domaines de l’emploi et du logement et pour la diffusion de propos racistes dans les médias. La Commission permanente des droits de l’homme et de l’égalité des chances est toujours en place et ses fonctions n’ont été transférées à aucune autre institution.

6.La délégation fidjienne n’est pas en mesure de fournir au Comité des renseignements sur l’efficacité du programme d’actions palliatives dans les domaines de la pauvreté, du chômage et de l’éducation. Le Gouvernement provisoire a entrepris d’évaluer le programme pour s’assurer qu’il profite largement aux groupes les plus défavorisés sans pour autant désavantager les autres communautés. Grâce au programme, le Gouvernement intérimaire entend jeter les bases d’une coexistence pacifique entre les communautés et permettre à chaque citoyen, quelles que soient sa race, sa religion ou ses croyances, de trouver sa place dans la société. Le Gouvernement est aussi résolu à continuer d’abroger les politiques discriminatoires et raciales mises en place par ses prédécesseurs et à s’assurer que les mesures adoptées ne contribuent pas à maintenir des droits inégalitaires ou séparatistes au profit de différents groupes ethniques.

7.La délégation fidjienne ne dispose pas de statistiques sur les poursuites judiciaires engagées et les peines prononcées. Des informations similaires sont jointes aux réponses écrites mises à la disposition des membres du Comité.

8.Le droit pénal en vigueur aux îles Fidji contient des dispositions spécifiques qui répriment effectivement les comportements ayant pour objet ou susceptibles d’inciter à la haine raciale et de l’encourager. Ces dispositions sont établies dans la loi sur l’ordre public et le Code pénal qui définit l’infraction de sédition. Aucune disposition pénale ne fait du motif racial une circonstance aggravante.

9.La délégation fidjienne ne dispose pas non plus de renseignements supplémentaires sur les agressions racistes et les manifestations d’intolérance religieuse survenues en 1987 et 2000. Les lois en vigueur répriment de tels actes et le Gouvernement provisoire traite avec le plus grand sérieux ce type d’incidents et s’assure que la loi s’applique à leurs auteurs dans toute sa rigueur. La délégation ne peut fournir de données sur les personnes placées en détention. En cas de violation des lois et procédures applicables à la détention, les victimes peuvent adresser une plainte à la Commission fidjienne des droits de l’homme, à la police, aux tribunaux et au Médiateur.

10.La Commission de la fonction publique veille au respect du principe de l’égalité des chances, qui est consacré par la Constitution et se trouve au cœur de toutes les politiques de recrutement, de formation et d’avancement dans la fonction publique. La composition ethnique du personnel de la fonction publique fidjienne reflète celle de la population. Les deux seules raisons qui peuvent expliquer qu’un groupe est sous‑représenté dans la fonction publique, l’armée ou la police sont l’inadaptation ou l’incompétence ou la préférence accordée au secteur privé. Les membres du Comité trouveront des renseignements complémentaires dans les réponses écrites des Fidji.

11.Concernant le taux d’émigration élevé des Indo-Fidjiens, M. Ligairi dit que l’instabilité politique des vingt dernières années a poussé nombre d’entre eux mais aussi les membres d’autres groupes ethniques, à quitter le pays à la recherche d’une vie meilleure et d’un avenir plus stable. Pour les inciter à revenir et à investir dans le pays, le Gouvernement a adopté un nouveau statut de résident permanent, visé par la loi sur l’immigration de 2007, et a modifié la loi sur les investissements étrangers et la loi sur les ventes de terres. Ce nouveau statut migratoire suscite beaucoup d’intérêt et il semblerait que de nombreux anciens citoyens, en particulier des Indo‑Fidjiens, envisagent de revenir dans le pays.

12.Le Fonds d’aide à l’agriculture couvre tous les agriculteurs expulsés mais ceux‑ci n’ont pas tous demandé son aide. Des exemples de mesures d’aide et de réinstallation proposées aux agriculteurs dont les baux ont expiré figurent dans les réponses écrites. Le Gouvernement a entrepris de revoir sa politique pour régler le problème des baux expirés en s’assurant que les terres soient exploitées au maximum et que les préoccupations de toutes les parties soient entendues. Malgré la volonté du Gouvernement de promouvoir la stabilité et le progrès dans le secteur du sucre et d’améliorer les relations entre les propriétaires et les agriculteurs locataires, la question reste épineuse. Le Gouvernement souhaite parvenir à un règlement à l’amiable par le biais d’un processus de consultation et de dialogue avec toutes les parties et a fait de la question de l’accès à la terre et de l’utilisation des terres une priorité de la Charte populaire.

13.La Charte populaire pour le changement et le progrès vise à reconstruire la nation et créer une société non raciale, unie et démocratique recherchant le progrès et la prospérité moyennant l’égalité des chances et la paix. Elle constitue donc une innovation d’une très grande importance pour l’application de la Convention. Il est prévu d’agir en trois étapes: la première consistera à enrayer la dégradation de la situation économique en adoptant un budget annuel révisé pour 2007; la deuxième, à établir un nouveau cadre politique, social et administratif pour édifier une nation plus équitable, démocratique et ouverte à tous; la troisième, à évaluer les résultats obtenus et les progrès réalisés. La Charte populaire a donné lieu à des critiques mais le Gouvernement n’épargnera aucun effort pour encourager tous les Fidjiens à prendre part à sa nouvelle politique.

14.En 2006 et 2007, les Indo‑Fidjiens ont été l’un des principaux groupes bénéficiaires des programmes d’information et d’éducation de la Commission nationale pour la prévention du suicide. En 2008, le nouveau Ministère de la santé, des femmes et de la protection sociale prévoit de financer des programmes de sensibilisation au suicide à l’intention des Indo‑Fidjiens, en particulier des femmes des zones rurales.

15.Le Ministère de l’éducation veille à ce que les écoles qui relèvent de sa compétence ne pratiquent aucune discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion ou autre lors de l’inscription des enfants. Les écoles publiques sont ouvertes à tous les élèves, sans discrimination aucune. S’il s’avère qu’une école n’a pas respecté cette politique, le Ministère de l’éducation lui retire toute aide financière publique et lui confère le statut d’école privée. Toutes les écoles privées sont financées selon une même formule, qui varie entre le primaire et le secondaire, mais ne prend en considération que le nombre d’élèves inscrits, à l’exclusion de tout critère discriminatoire fondé sur la race ou la religion.

16.M. Ligairi précise que les politiques d’élimination de la discrimination raciale dans les écoles sont mises en œuvre par le Ministère de l’éducation et qu’elles visent aussi à favoriser l’intégration des élèves et à améliorer la compréhension et l’entente interethniques.

17.Comme le montrent les tableaux figurant dans les réponses des Fidji à la liste des points à traiter, les résultats des élèves fidjiens autochtones aux examens externes (par. 202) et de fin d’études sont inférieurs à ceux des élèves qui appartiennent aux autres groupes ethniques. Le Ministère de l’éducation a donc élaboré plusieurs programmes visant à remédier à cette disparité, notamment en dispensant des conseils aux communautés et une assistance aux établissements scolaires en difficulté.

18.S’agissant du statut juridique des personnes issues d’unions mixtes, le représentant explique qu’un enfant né d’un père autochtone hors des liens du mariage est automatiquement inscrit dans le Vola Ni Kwaa Bula (Registre des Fidjiens autochtones) (par. 359) et qu’un enfant né hors des liens du mariage élevé par un homme autochtone peut également y être inscrit si le Mataqali (la famille élargie) y consent. L’enfant légitime d’un autochtone y est automatiquement enregistré, contrairement aux enfants dont les parents appartiennent à d’autres ethnies.

19.La Commission fidjienne des droits de l’homme n’offre que des voies de recours constitutionnelles, tandis que le Médiateur est compétent pour traiter et examiner les plaintes relatives à des actes de discrimination raciale commis par les services publics. La Commission des droits de l’homme a réglé efficacement des affaires de discrimination raciale par la conciliation aboutissant à des excuses et à des indemnités pécuniaires.

20.La Commission du service public (par. 55) s’attache à réaliser des programmes de sensibilisation aux dispositions de la Convention à l’intention des fonctionnaires. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), par le biais de l’Équipe ressource sur les droits régionaux (CRC/C/KIR/Q/1/Add. 1, p. 24), dispense une formation portant sur les droits de l’homme aux juges, aux décideurs politiques, aux fonctionnaires de police et aux fonctionnaires.

21.Le Ministère de l’éducation a élaboré un plan d’action pour éliminer toutes les formes de discrimination dans le système éducatif qui repose notamment sur l’intégration des élèves et des enseignants, l’enseignement obligatoire de l’hindi et du fidjien, le renforcement de l’enseignement des valeurs et de la morale dans les programmes scolaires et l’instruction civique.

22.M. THORNBERRY (Rapporteur pour les Fidji) se félicite que la délégation fidjienne ait indiqué que le Gouvernement fidjien a l’intention de faire la déclaration prévue à l’article 14, reconnaissant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles. Notant que les Fidji ont ratifié de nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont la Convention internationale sur élimination de la discrimination à l’égard des femmes et la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale, il se demande pour quelles raisons l’État partie n’a ratifié ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ni le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il croit comprendre que le Gouvernement fidjien n’a pas l’intention de lever les réserves émises aux articles 5 c), 5 d) v) et 5 e) v) de la Convention, qui contiennent pourtant des dispositions essentielles. Notant, à cet égard, les informations détaillées fournies dans le rapport périodique des Fidji sur les raisons qui ont incité les autorités à maintenir ces réserves après l’accession du pays à l’indépendance, M. Thornberry encourage cependant le Gouvernement fidjien à envisager la possibilité de les retirer ou, tout du moins, d’en réduire le champ d’application.

23.M. Thornberry rappelle que les mesures spéciales en faveur de certains groupes spécifiques de population ne sont pas considérées comme discriminatoires au regard de la Convention et qu’elles sont obligatoires en vertu de l’article 4.2. Étant limitées dans le temps, elles ne doivent en aucun cas devenir discriminatoires. Il est très important que les États parties comprennent la raison de l’existence de ces mesures et leur champ d’application et qu’ils veillent à ce qu’elles soient correctement ciblées et évaluées.

24.S’agissant de la question de l’unité et de la réconciliation nationales, le Rapporteur aimerait recevoir davantage d’informations sur le Ministère de la réconciliation et de l’unité nationales (par. 63) et savoir s’il a subi des réductions de personnel, comme le prétendent certaines sources. Il aimerait également savoir si le projet de loi de 2005 sur la réconciliation, la tolérance et l’unité a été adopté par le Parlement. Comme il croit comprendre que le processus de réconciliation a été engagé, il souhaite savoir si des stratégies ont été élaborées à la suite des consultations qui ont été organisées. Il demande également à la délégation fidjienne d’indiquer si le Grand Conseil des chefs (par. 96) a été suspendu.

25.Le Rapporteur relève que les données statistiques contenues dans le rapport à l’examen remontent au recensement de 1996 et suggère aux autorités fidjiennes d’envisager de faire un nouveau recensement afin de s’informer des changements démographiques importants intervenus dans le pays depuis cette date et de pouvoir en tenir compte. Notant également que, selon la délégation fidjienne, la Convention n’a pas été incorporée dans le cadre législatif du pays, il se demande si, en l’absence d’une loi interdisant spécifiquement la discrimination raciale, les dispositions de la Convention peuvent être invoquées devant les tribunaux.

26.Évoquant plus précisément la mise en œuvre de l’article premier de la Convention, le Rapporteur demande à la délégation fidjienne de confirmer ou d’infirmer l’information selon laquelle les membres des groupes ethniques seraient tenus d’indiquer leur appartenance ethnique dans les documents officiels et les Fidjiens de mentionner le nom de leur père.

27.S’agissant de l’application de l’article 3, le Rapporteur relève que le rapport périodique à l’examen ne traite pas de la ségrégation et se contente d’indiquer que l’apartheid n’est pas pratiqué aux Fidji. M. Thornberry recommande à l’État partie de prendre connaissance de la recommandation générale XIX du Comité dans laquelle il est précisé que si une situation de ségrégation raciale complète ou partielle peut, dans certains pays, avoir été créée par les politiques gouvernementales, une situation de ségrégation partielle peut également être le résultat non intentionnel d’actions de personnes privées et qu’une situation de ségrégation raciale peut également survenir sans que les autorités en aient pris l’initiative ou y contribuent directement.

28.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4, le Rapporteur croit comprendre que les Fidji n’approuvent pas l’interdiction des organisations racistes même si le Gouvernement «est opposé à toutes les organisations diffusant des idées fondées sur la supériorité d’une race ou la haine raciale» (par. 156) et que certaines dispositions de la loi sur l’ordre public (par. 158) répriment les comportements ayant pour objet ou étant susceptibles d’inciter à la haine raciale et de l’encourager. Il juge regrettable que le rapport à l’examen ne contienne pas davantage d’informations statistiques sur les infractions raciales, notamment les agressions commises dans le pays. Il estime, par exemple, que les actes de dégradation de lieux de culte, contre les temples hindous, par exemple, relèvent de la Convention en raison de la corrélation étroite existant en pareil cas entre la race et la religion.

29.Le Rapporteur a pris note des informations fournies par la délégation fidjienne sur le régime de propriété foncière mais souhaite obtenir des informations plus précises sur la situation qui prévaut en matière de renouvellement des baux fonciers. Il croit comprendre que le Gouvernement n’a pas l’intention de modifier le système en vigueur et rappelle, à cet égard, que lors de l’examen du précédent rapport périodique des Fidji, le Comité a demandé instamment à l’État partie d’élaborer des mesures de conciliation entre les Fidjiens autochtones et les Indo‑Fidjiens au sujet de la question foncière afin de parvenir à une solution acceptable pour les deux communautés (CERD/C/62/CO/3, par. 19).

30.Relevant en outre que le rapport périodique à l’examen évoque l’augmentation du nombre de squatteurs, le Rapporteur souhaite savoir si la délégation fidjienne dispose de statistiques ventilées sur ces derniers et si leur relogement (par. 320), plutôt que la réforme du régime foncier, demeure la solution préconisée par le Gouvernement pour remédier à ce problème.

31.En matière de prévention du suicide, M. Thornberry souhaite savoir si les stratégies privilégiées par le Comité national de prévention du suicide (par. 181) énumérées dans le rapport à l’examen ont donné des résultats.

32.Pour conclure, M. Thornberry estime que toute la difficulté pour les États soucieux de lutter contre la discrimination raciale consiste à trouver un juste équilibre, s’agissant d’affirmer les droits d’une communauté sans porter atteinte à ceux des autres. Il rappelle que le Comité n’est pas un tribunal mais un organe chargé de coopérer avec les États parties à la Convention pour les aider à ériger une société non discriminatoire.

33.M. AVTONOMOV, se félicitant de la régularité avec laquelle l’État partie présente ses rapports périodiques malgré les difficultés que traverse le pays ainsi que de la franchise et de l’exhaustivité du rapport à l’examen, ne comprend toutefois pas bien pourquoi le Gouvernement des Fidji persiste à maintenir ses réserves à l’article 5 de la Convention, étant donné qu’à l’heure actuelle, plusieurs instruments internationaux, dont la Convention de l’OIT (no 169) concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants et la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, protègent les droits fonciers des autochtones, renforçant ainsi les dispositions de la Convention en les complétant. La protection offerte par ces instruments devrait faire disparaître les préoccupations qui ont été à l’origine de ces réserves. M. Avtonomov formule donc le souhait que l’État partie revoie sa position à ce sujet.

34.Enfin, constatant à la lecture des statistiques fournies dans le rapport (par. 47) que les disparités de revenus entre les autochtones et les autres groupes de la population demeurent importantes, l’expert estime que le Gouvernement devrait prendre des mesures palliatives en faveur des groupes autochtones.

35.M. DIACONU, prenant acte avec satisfaction des mesures prises par l’État partie en faveur de la réconciliation nationale, notamment le programme de réinstallation des fermiers sur les terres d’où ils ont été expulsés (par. 105 à 108 du rapport), constate toutefois avec inquiétude que le projet de loi de 2005 sur la réconciliation, la tolérance et l’unité prévoit notamment «d’accorder une amnistie aux personnes révélant l’intégralité des faits relatifs aux actes commis dans un dessein politique, et non criminel» (par. 257). Rappelant qu’en vertu du droit international, toute personne soupçonnée d’une infraction pénale doit être poursuivie, il souhaiterait savoir si les personnes qui avouent avoir commis une infraction pénale sont passibles de poursuites et, si tel est le cas, quel est l’organe judiciaire compétent.

36.Par ailleurs, M. Diaconu fait observer à propos de la réserve à l’article 4 de la Convention que la liberté d’expression invoquée au paragraphe 166 du rapport ne saurait être absolue et que le droit international, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration universelle des droits de l’homme, prévoit des restrictions à ce droit. Lisant dans le rapport que le Gouvernement se dit «opposé à toutes les organisations diffusant des idées fondées sur la supériorité d’une race ou la haine raciale» (par. 156), M. Diaconu souligne que, pour ne pas rester lettre morte, cette affirmation devrait être accompagnée de mesures concrètes tendant à interdire les activités et l’existence même de ces organisations.

37.Enfin, l’expert demande si les règles d’admission dans les établissements scolaires permettant de donner la priorité aux enfants appartenant à un groupe racial, ethnique ou religieux donné ne risquent pas de créer une situation de ségrégation. Il voudrait en outre savoir si les autorités exercent un contrôle sur lesdites règles et s’il existe des écoles réservées exclusivement à un groupe racial ou ethnique.

38.M. ABOUL-NASR, rappelant qu’en vertu de l’alinéa 2 du paragraphe 20 de la Convention, les réserves des États parties doivent, pour être autorisées, satisfaire à certaines conditions, prie les intervenants précédents de lui expliquer ce qui, dans le droit international, justifie l’existence des réserves du Gouvernement fidjien. Selon lui, le Comité est fondé à déclarer une réserve irrecevable.

39.M. DIACONU explique qu’en droit international, une réserve n’est autorisée que si les deux tiers des États parties à l’instrument pertinent ont formulé des objections à son sujet, ce qui ne s’est pas produit dans le cas d’espèce. Toutefois, il rappelle que le Comité a toute latitude pour formuler des observations sur les réserves des États parties.

40.M. ABOUL-NASR tient à ce qu’il soit pris acte qu’il n’est pas convaincu par les explications de l’orateur précédent. À son avis, l’approbation ou le rejet de réserves n’est pas l’apanage des États parties et le Comité a lui aussi son mot à dire sur la question.

41.M. EWOMSAN se félicite du caractère franc et critique du rapport et de la pertinence des réponses écrites à la liste des points à traiter. Notant que le taux d’échec scolaire est élevé chez les groupes autochtones, il souhaiterait savoir comment les autorités et les populations concernées s’expliquent ces mauvais résultats et si cette situation est imputable au fait que les programmes d’études ne prennent pas suffisamment en compte les réalités des autochtones. Enfin, notant que le fidjien et l’hindi sont désormais enseignés à l’école, M. Ewomsan demande comment cette innovation a été accueillie par le public.

42.M. de GOUTTES note avec satisfaction que le Gouvernement fidjien compte faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention. Par ailleurs, il prie la délégation fidjienne d’indiquer quelles organisations non gouvernementales autres que celles citées au paragraphe 215 du rapport ont participé à son élaboration et quelles mesures l’État partie compte prendre pour associer davantage d’organisations non gouvernementales au processus d’établissement des rapports. En outre, compte tenu du fait qu’un grand nombre d’Indo‑Fidjiens a émigré à la suite des coups d’État, il souhaiterait recevoir des informations récentes sur la composition ethnique de la population fidjienne. De même, des renseignements complémentaires sur la composition et le rôle de la Commission nationale des droits de l’homme seraient les bienvenus.

43.Concernant l’application de l’article 4 de la Convention, M. de Gouttes note avec regret que le Gouvernement fidjien est opposé à l’interdiction des organisations racistes, ce qui est contraire à la doctrine du Comité, et que le droit pénal de l’État partie ne prévoit pas que l’existence de motivations racistes constitue une circonstance aggravante. En outre, rappelant que, lors de l’examen du précédent rapport, le Comité avait demandé des renseignements sur les poursuites éventuellement engagées contre les auteurs d’actes de racisme ou d’intolérance religieuse commis pendant les coups d’État de 1987 et 2000, il relève que, dans sa déclaration orale, la délégation a dit ne pas disposer d’informations autres que celles fournies dans le rapport à l’examen. Étant donné que ce dernier a été présenté en 2006, il souhaite que la délégation confirme qu’il n’y a vraiment pas eu de nouvelles plaintes ou de nouveaux procès depuis.

44.Concernant l’application de l’article 5 de la Convention, M. de Gouttes demande quelles mesures concrètes sont prises en matière foncière pour concilier les droits des propriétaires de terres agricoles avec ceux des locataires et les intérêts des Indo‑Fidjiens avec ceux des autochtones et si la Charte populaire pour le changement et le progrès pourrait amener des progrès durables à cet égard.

45.M. KJAERUM juge très alarmant que l’État partie soit périodiquement en proie à des coups d’État, car ces événements portent un coup très dur aux droits de l’homme en général et aux relations interraciales et interethniques en particulier. Sachant que le dernier coup d’État a eu lieu en décembre 2006 et que des élections doivent se tenir en mars 2009, l’expert voudrait savoir si la date de ces élections pourrait être avancée de façon à ce qu’un nouveau régime politique puisse être mis en place dans les meilleurs délais.

46.Par ailleurs, notant que les institutions locales de défense des droits de l’homme ont perdu leur crédibilité à la suite du dernier coup d’État, M. Kjaerum voudrait savoir si le Gouvernement fidjien prévoit de créer de nouvelles institutions capables de regagner la confiance du public et des donateurs. Il demande en outre si l’alinéa gde l’article 8 de la loi sur l’immigration de 2003 (par. 359 du rapport), jugé discriminatoire par les membres de certains groupes ethniques, a été modifié ou abrogé. Enfin, l’expert voudrait savoir si l’État partie envisage de ratifier la Convention relative au statut des apatrides, de 1954.

47.M. LINDGREN ALVES demande si ce sont des traditions ou une religion donnée qui empêchent les différentes communautés ethniques qui composent le pays de se mélanger, expliquant que de son point de vue, l’avenir est au métissage de la population.

48.S’agissant des mesures mises en œuvre par l’État partie pour placer ces différentes communautés sur un pied d’égalité, M. Lindgren Alves souhaite savoir si l’obligation de dispenser aux élèves un enseignement en fidjien et en hindi s’applique à tous les établissements scolaires, tant privés que publics. M. Lindgren Alves se demande en outre s’il est judicieux de parler d’«autochtones» dans un pays où la majorité de la population est autochtone.

49.M. CALI TZAY demande à la délégation de préciser le sens exact des termes «peuples autochtones» et «populations autochtones», que l’État partie semble employer indifféremment. Par ailleurs, il apprécierait que la délégation éclaircisse les informations relatives aux réserves fournies aux paragraphes 17 et 18 du rapport à l’examen, qui semblent contradictoires: le paragraphe 17 évoque la difficulté que les États parties ayant émis des réserves à la Convention éprouvent à s’acquitter pleinement de leurs obligations en matière de présentation de rapports; le paragraphe 20 indique que le Gouvernement fidjien avait cru comprendre que le Comité ne contestait pas le droit des Fidji de maintenir ses réserves.

50.M. LAHIRI formule le vœu qu’à l’instar de nombreux pays du monde, les Fidji parviennent à trouver un équilibre entre le respect de la liberté d’expression et l’interdiction des organisations qui incitent à la discrimination raciale, qui l’encouragent ou qui diffusent des idées fondées sur la supériorité d’une race ou la haine raciale.

51.S’agissant de la faible représentation de la population indo‑fidjienne au sein de l’armée et de la police que la délégation a expliquée par le fait que les membres de cette population étaient inaptes. M. Lahiri estime que l’État partie devrait se demander s’il n’existe pas d’autres raisons pour lesquelles les Indo‑Fidjiens hésitent à rejoindre les rangs de ces deux corps, comme le rôle joué par l’armée et la police par le passé, en particulier lors des coups d’État qui ont fait de nombreuses victimes parmi les Indo‑Fidjiens. Des mesures préventives seraient selon lui les bienvenues pour remédier à cette situation. Par ailleurs, il faudrait selon lui que des sociologues se penchent sur les raisons qui expliquent les taux alarmants d’émigration et de suicide au sein de la population indo‑fidjienne.

52.Enfin, l’expert apprécierait que l’État partie inclue dans son prochain rapport périodique davantage d’indicateurs statistiques qui permettraient au Comité d’évaluer les progrès enregistrés par les Fidji dans la mise en œuvre des principes énoncés dans la Convention.

53.M. MURILLO MARTINEZ demande où en est le projet de loi sur les terres autochtones et dans quelle mesure les communautés autochtones ont été associées à son élaboration. De même, il voudrait savoir à quel stade en est le projet de loi sur la réconciliation, la tolérance et l’unité nationale et quelle a été l’issue des consultations portant sur la sensibilisation de la paix et au règlement des conflits interethniques.

54.M. PETER déplore l’absence, dans le rapport à l’examen, de données statistiques sur les personnes en détention et juge impératif que l’État partie comble cette lacune dans son prochain rapport périodique.

55.Faisant observer que le fait que l’État partie est un archipel constitue nécessairement un obstacle à la diffusion, à l’ensemble de la population, des principes énoncés dans la Convention, M. Peter se demande si les citoyens ont connaissance de leurs droits et de l’existence même d’institutions qui ont vocation à les défendre, telles que la Commission parlementaire permanente des droits de l’homme et de l’égalité des chances, et s’il leur est facile de les saisir.

56.Par ailleurs, M. Peter doute de l’efficacité des mesures prises par l’État partie pour combattre les discriminations en milieu scolaire, qui consistent uniquement à supprimer les subventions allouées aux établissements publics qui appliquent des critères discriminatoires en matière d’admission et à contraindre ces écoles à engager du personnel privé et à devenir autonomes financièrement. Il demande donc si le Gouvernement fidjien n’envisage pas de radier purement et simplement ces établissements de l’enseignement, car les contraindre à exercer dans un cadre privé ne les ferait pas renoncer à leurs pratiques discriminatoires.

57.M. Peter juge également que parler de langue «vernaculaire» plutôt que de l’hindi ou du fidjien est péjoratif et reflète le passé colonial de l’État partie.

58.L’expert souhaiterait enfin obtenir des informations sur les conditions d’enregistrement des enfants sur le Registre des Fidjiens autochtones. Il se demande en effet ce qui peut justifier qu’une nation en quête d’unité enregistre les naissances sur deux registres distincts.

59.M. KEMAL demande un complément d’information sur le programme mis en place par l’État partie pour inciter les Indo‑Fidjiens qui ont émigré à rentrer aux Fidji et souhaiterait savoir si, comme dans d’autres pays, l’enseignement dispensé par les établissements d’enseignement privés est de meilleure qualité que celui qu’offrent les établissements publics.

60.La PRÉSIDENTE indique que le Comité poursuivra l’examen du dix‑neuvième rapport périodique des Fidji à la séance suivante.

La séance est levée à 18 h 45.

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