NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.183123 août 2007

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante et onzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1831e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le mercredi 8 août 2007, à 15 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de l’Indonésie

La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques de l’Indonésie (CERD/C/IDN/3; liste des points à traiter et réponses écrites de l’État partie, documents sans cote distribués en séance en anglais seulement)

1.Mme HARKRISNOWO (Indonésie) donne au Comité l’assurance de l’esprit de pleine coopération qui anime la délégation indonésienne pour cette étape historique qu’est l’examen du rapport initial et des deuxième et troisième rapports périodiques de son pays. Elle est convaincue que le dialogue avec le Comité aidera ce dernier dans cette lourde tâche qu’est la mutation de l’Indonésie, qui s’appuie sur quatre piliers: la démocratisation, le redressement économique, le respect et la protection des droits de l’homme, la décentralisation.

2.Selon tous les observateurs internationaux, les élections parlementaires, présidentielles et locales récemment organisées ont été libres, démocratiques, honnêtes et pacifiques, ce qui laisse augurer favorablement du processus de démocratisation en cours. Les modifications apportées en 1999, 2000, 2001 et 2002 à la Constitution ont en outre établi un équilibre efficace entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. De même, une cour constitutionnelle a été créée en 2003, qui joue un rôle important en termes d’interprétation de la Constitution et offre aux Indonésiens la possibilité d’évaluer la cohérence de la transformation des garanties constitutionnelles dans la mise en œuvre des textes de lois et règlements à tous les niveaux. Dans le cadre de la réforme législative, les autorités ont entamé un examen complet des lois et règlements non conformes à l’esprit de la nouvelle Constitution ou des normes internationales relatives aux droits de l’homme et adopté de nouveaux textes de lois pour affermir le respect des droits de l’homme et la démocratie. Elles ont ainsi adopté trois textes majeurs: la loi sur la protection des témoins et des victimes et la loi sur la citoyenneté, en 2006, ainsi que la loi sur la traite d’êtres humains, au début de 2007.

3.La nouvelle loi sur la citoyenneté est venue abolir d’anciennes dispositions discriminatoires. Tout en retenant le principe du droit du sang, elle permet d’appliquer le droit du sol dans certains cas, c’est‑à‑dire aux enfants dont le père ou la mère a la nationalité indonésienne, que les parents soient mariés ou non; aux enfants nés en Indonésie, même si la nationalité du père ou de la mère n’est pas claire; aux enfants nés en Indonésie de parents étrangers, en cas de décès du père et de la mère avant leur mariage. De plus, les enfants issus des mariages mixtes peuvent désormais avoir la double nationalité, jusqu’à leur dix‑huitième anniversaire ou leur mariage. La nouvelle loi sur la citoyenneté représente par ailleurs un progrès pour les Indonésiennes mariées à des étrangers: elles sont désormais libres de conserver leur nationalité indonésienne après le mariage, ce qui était auparavant réservé aux hommes, et qui permettra à leur conjoint d’obtenir plus facilement la nationalité indonésienne, après cinq années consécutives de séjour dans le pays.

4.L’Indonésie a achevé le processus de ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ce qui porte à six le nombre des grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels elle est Partie. Elle a aussi ratifié huit des conventions de l’OIT. Elle travaille à renforcer les capacités institutionnelles et humaines des services de police, des services du Procureur, de l’appareil judiciaire et de ses autres institutions publiques d’application des lois. Aucun cas de violation flagrante des droits de l’homme n’a été signalé dans le territoire depuis 2004 et les autorités sont résolues à préserver ces conditions favorables. Il faut toutefois noter que le maintien d’un État unitaire est une gageure constante sur un territoire comptant 1 172 groupes et sous‑groupes ethniques, les structures géographiques et démographiques, la diversité des contextes socioculturels mais aussi des niveaux de développement économique parmi les différents groupes ethniques ne devant pas conduire aux conflits et au séparatisme ou à des phénomènes de marginalisation.

5.En 2004, 125 millions d’électeurs se sont rendus dans 575 000 bureaux de vote sur les quelque 6 000 îles de l’archipel pour désigner les premiers président et vice‑président directement élus par le peuple de l’histoire du pays. L’Indonésie est ainsi devenue la troisième plus grande démocratie du monde. Les députés sont désormais eux aussi directement élus, tout comme, dans le cadre du renforcement de l’autonomie des régions, les gouverneurs, chefs de district et autres autorités locales. Depuis juin 2005, plus de 300 «pilkadas» (chefs de région) ont été élus au suffrage direct, dans le cadre d’élections qui se sont déroulées dans le calme et le respect de la démocratie. Le Gouvernement central a fait preuve d’une totale neutralité dans ces élections et les parties qui n’étaient pas satisfaites de leurs résultats ont pu faire des recours par la voie judiciaire. Dans le souci de décentraliser les pouvoirs publics, les régions autonomes peuvent désormais gérer leurs ressources à leur discrétion; la gestion des affaires publiques et la fourniture de services publics s’en sont trouvées améliorées. La nouvelle loi sur l’autonomie des régions, de 2004, reconnaît les besoins et les cultures spécifiques des communautés locales et des groupes ethniques et sa mise en œuvre a permis d’associer directement de plus en plus de membres des communautés locales, à la conduite des affaires publiques, aux niveaux législatif et exécutif.

6.L’unité de la nation a été menacée à plusieurs reprises, mais a été finalement préservée. La structure et la forme de l’État unitaire de la République d’Indonésie, fondées sur les cinq principes de l’idéologie nationale constituant le Pancasila, à savoir la foi en un Dieu unique, un humanisme juste et civilisé, l’unité nationale, la démocratie consultative et la justice sociale, s’avèrent appropriées. Si les conflits sont inévitables dans une société aussi hétérogène et pluraliste que la société indonésienne, les conflits prolongés ont des effets destructeurs sur le processus national, a fortiori dans un pays qui est aussi sujet à des catastrophes naturelles. Le Gouvernement prend donc toutes les mesures possibles pour gérer les conflits et ramener la paix. Les organisations de la société civile jouent un rôle très important, qui consiste à sensibiliser les parties en conflit et à mettre en œuvre des programmes de traitement des conflits et de formation dans les zones touchées. La sécurité dans des zones comme Aceh, Poso, les Moluques ou les Moluques du Nord s’avère ainsi en nette amélioration.

7.Jusqu’en 1996, la distinction entre les natifs («pribumi») et les non‑natifs («non‑pribumi») était prononcée, situation héritée de la législation coloniale des ex‑Indes orientales néerlandaises, en vertu de laquelle la population indonésienne était divisée en trois: la population européenne, régie par des lois tirées de divers codes européens; la population d’Asie de l’Est, régie par la législation de leur pays d’origine, sauf pour le commerce et les affaires, régis par le droit européen; et enfin les natifs des îles indonésiennes, régis par les lois autochtones. Ce système était extrêmement discriminatoire et plaçait au bas de l’échelle sociale les natifs, pratiquement privés de la protection et de la juridiction des tribunaux occidentaux jusqu’en 1970. C’est ce contexte historique qui explique la référence dans la Constitution de 1945 à des Indonésiens natifs et non natifs, dont le but était de faire des non‑natifs des citoyens à part entière. Il est en outre à noter que le terme «non‑pribumi» était en général employé pour désigner les Indonésiens d’origine chinoise mais pas ceux d’origine étrangère, arabe ou indienne, par exemple. Dans un souci d’égalité et de non‑discrimination, le Président a pris en 1998 un décret interdisant l’usage des termes «pribumi» et «non‑pribumi».

8.Les «Masyarakat Adat» sont des clans ou des tribus vivant toujours selon leurs coutumes et cultures ancestrales dans certaines zones géographiques de l’archipel. Ces clans et tribus appliquent toujours le Hukum Adat (droit adat ou coutumier), qui est principalement un droit oral. Le droit adat est reconnu par les autorités dans certaines régions et est considéré comme une source de droit dès lors qu’il est compatible avec la politique nationale en vigueur de promotion et de protection des droits de l’homme de tous les Indonésiens.

9.M. PILLAI (rapporteur pour l’Indonésie) se félicite que l’État partie ait envoyé une délégation nombreuse et de haut niveau, comprenant des représentants de l’institution nationale des droits de l’homme. Il regrette en revanche que les réponses écrites aient été communiquées trop tardivement pour qu’il puisse en prendre connaissance et que la présentation du rapport accuse elle‑même un certain retard. Sans nier la lourdeur de la tâche pour un État dont la situation ethnique est aussi complexe, il invite l’Indonésie à respecter ses obligations de présenter ses rapports ponctuellement à l’avenir et attire son attention sur les Directives générales concernant la présentation et le contenu des rapports (HRI/GEN/2/Rev.4). Il engage en outre le Gouvernement à faire une place active aux ONG et à l’institution nationale des droits de l’homme dans le dialogue qu’il ouvre avec le Comité.

10.S’agissant du rapport proprement dit, M. Pillai en dégage un certain nombre d’aspects positifs parmi lesquels la reconnaissance par l’État partie du caractère multiethnique de sa population, la détermination de l’Indonésie à combattre la discrimination et sa volonté de favoriser le développement de la région orientale, la formulation d’un plan d’action national dans le domaine des droits de l’homme à mettre en œuvre de manière décentralisée, la création d’une institution nationale de défense des droits de l’homme ainsi que l’abolition de l’obligation de fournir la preuve de la citoyenneté indonésienne imposée aux Indonésiens d’origine chinoise.

11.S’agissant de la question des autochtones, comme les Dayak mentionnés au paragraphe 105 du rapport, M. Pillai relève une contradiction entre le paragraphe 163, où il est dit que la «Water Institution» canadienne considère que l’Indonésie offre le meilleur exemple de la façon de traiter les autochtones et le paragraphe 64 selon lequel «dans la pratique, la tâche d’assurer la survie des autochtones s’avère particulièrement ardue.» Il souhaiterait que la délégation donne son avis sur la question, d’autant plus que le Président de la République lui‑même a déclaré à l’occasion de la Journée internationale 2006 des populations autochtones que l’exploitation des ressources naturelles se faisait bien souvent au détriment des droits des habitants originels du pays.

12.M. Pillai souligne le dilemme auquel sont confrontés les pays qui tentent de préserver leur pluralité démographique sans contrarier l’évolution vers une identité nationale unifiante. À ce sujet, il aimerait avoir des informations complémentaires sur les travaux du Groupe de travail sur l’intégration sociale mentionné au paragraphe 122, ainsi que sur la façon dont les activités de ce groupe ont été accueillies par les différents groupes de population.

13.Se félicitant de la mise en place, par l’État partie, d’un système décentralisé de gestion des affaires publiques, M. Pillai note avec intérêt les initiatives prises par les institutions locales pour combattre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique. Il se félicite notamment que les administrations locales de Batam, Semarang et Solo aient aboli la preuve de la citoyenneté indonésienne parmi les pièces à fournir pour obtenir un prêt bancaire, que la ville de Bogor ne mentionne plus la religion sur les cartes d’identité ou encore que chaque province du pays ait créé une institution chargée de mettre en œuvre sur son territoire le Plan d’action national pour les droits de l’homme.

14.S’agissant de l’article premier de la Convention, M. Pillai dit que l’État partie devrait harmoniser sa loi no 39 de 1999 sur les droits de l’homme avec l’article premier de la Convention, afin d’y inclure notamment l’interdiction de la discrimination fondée sur l’ascendance.

15.S’agissant de l’article 2 de la Convention, M. Pillai apprécierait que l’État partie décrive dans son rapport périodique suivant le cadre juridique mis en place par l’État partie pour éliminer la discrimination raciale ainsi que sa politique générale en la matière, les mesures d’ordre législatif, judiciaire et administratif prises pour réviser la législation et favoriser une meilleure entente entre les groupes ethniques, les mécanismes de suivi des observations finales et des recommandations du Comité éventuellement mis en place par l’État partie ainsi que toute mesure spéciale visant à faire progresser les communautés défavorisées et leur permettre de bénéficier de l’égalité des chances. La délégation pourrait également indiquer si l’État partie a créé une institution nationale de défense des droits de l’homme qui soit spécialement chargée de combattre la discrimination raciale.

16.M. Pillai demande si une législation spécifique a été promulguée pour mettre en œuvre l’article 4 de la Convention et le cas échéant, si cette législation est efficace. Il souhaiterait savoir si des plaintes dénonçant les actes visés à l’article 4 de la Convention ont été déposées, et le cas échéant, si des poursuites ont été engagées contre leurs auteurs, et enfin quelles peines ont été prononcées dans ces affaires.

17.Le rapporteur pour l’Indonésie se fait l’écho des préoccupations exprimées par certaines organisations de la société civile quant au fonctionnement de la Komnas Ham, à savoir l’institution nationale de défense des droits de l’homme la plus ancienne de la région, ainsi que des tribunaux des droits de l’homme. Il semblerait en effet que, en vertu de la législation indonésienne, aucune loi ne fixe des peines pour ceux qui commettent des actes de discrimination. De la même façon, les procédures légales prévues par la loi no 26 de 2000 sur les tribunaux des droits de l’homme ne sont pas adéquates, en ce sens qu’elles ne visent que les violations fragrantes des droits de l’homme, à savoir le génocide et les crimes contre l’humanité. De plus, c’est au Procureur général − et non à la Komnas Ham − qu’il appartiendrait de décider s’il convient ou non de poursuivre l’enquête et d’entamer des poursuites judiciaires. M. Pillai apprécierait un complément d’information à ce sujet.

18.S’agissant de l’article 4 de la Convention, M. Pillai apprécierait de recevoir également des informations complémentaires sur les résultats des enquêtes menées au sujet des actes de violence dont auraient été victimes des Indonésiens d’origine chinoise ainsi que sur la mise en œuvre effective de la loi sur la citoyenneté indonésienne, telle que modifiée en juillet 2006.

19.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 5 de la Convention, M. Pillai se félicite que l’article 28 D 3) de la Constitution dispose que tout citoyen a droit à l’égalité des chances dans la conduite des affaires publiques, mais estime que l’égalité des chances n’est possible que si les différents groupes de population jouissent du même niveau d’autonomie, et appelle donc de ses vœux la définition de mesures spéciales en faveur des groupes les plus défavorisés, en particulier dans le domaine de l’éducation, de la santé et de l’emploi. Il souhaiterait savoir si le Gouvernement indonésien a défini des objectifs en matière de jouissance des divers droits, et s’il envisage de mettre en œuvre des projets visant à faire progresser les groupes les plus défavorisés et à leur permettre ainsi d’atteindre ces objectifs.

20.Selon des sources dignes de foi, la ville de Bogor exigerait toujours que la religion soit mentionnée sur les cartes d’identité, contrairement à ce qui est dit au paragraphe 111 du rapport. M. Pillai demande à la délégation ce qu’il en est réellement, car si tel était le cas, les populations autochtones, qui ont leur religion traditionnelle, et les personnes pratiquant une religion autre que les cinq religions officielles seraient victimes d’un traitement discriminatoire.

21.M. Pillai voudrait savoir si l’abolition de l’exigence de la preuve de la citoyenneté indonésienne ne concerne que les demandes de prêt auprès d’une banque ou toutes les situations dans lesquelles les Indonésiens d’origine chinoise devaient faire la preuve de leur citoyenneté.

22.M. Pillai souhaiterait que l’État partie donne des informations détaillées sur les conséquences sociales du programme de transmigration de l’Indonésie sur les populations autochtones, et plus particulièrement sur les Kubu Rimba, précisant que ce programme a consisté à transférer environ 5 millions de personnes des îles surpeuplées de Java et de Bali vers les terres tribales de Papouasie. L’expert souhaiterait recevoir également des précisions sur les revendications foncières de la communauté denai, du nord de Sumatra, et de la communauté karonsi’e dongi, du sud de Sulawesi, ainsi que sur la situation des Dayak qui sont sur le point de perdre la quasi‑totalité de leurs terres ancestrales en raison du développement de grandes plantations de palmiers à huile à Kalimantan.

23.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention, M. Pillai demande des renseignements sur l’étude approfondie menée par le Comité chargé d’évaluer les lois et règlements discriminatoires mis en place par la Commission nationale des droits de l’homme dont il est question au paragraphe 158 du rapport. Il voudrait par ailleurs savoir si le fait que les personnels de la Commission des droits de l’homme sont désormais comptables au Gouvernement plutôt qu’à ladite Commission n’a pas pour effet de réduire l’indépendance dont la Commission devrait jouir conformément aux Principes de Paris, si les Indonésiens d’ascendance chinoise qui ont été victimes de viols et d’homicides au cours des émeutes de mai 1998 mentionnées au paragraphe 150 du rapport ont obtenu réparation comme le prévoit la loi no 26 de 2000 sur les tribunaux des droits de l’homme et si les auteurs de ces actes ont été punis.

24.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 7 de la Convention, M. Pillai apprécierait des informations sur les programmes d’éducation aux droits de l’homme destinés aux fonctionnaires, ce qui pourrait mettre un terme à l’impunité et aux fautes graves perpétrées par certains d’entre eux, qui ont été dénoncées par certaines ONG. Citant le paragraphe 170 du rapport, M. Pillai souhaiterait savoir quels sont les moyens très novateurs que le Gouvernement indonésien a trouvés pour donner à tous les groupes ethniques le sentiment de vivre en sécurité et d’être équitablement traités, sans discrimination.

25.M. AVTONOMOV souhaiterait savoir si l’État partie envisage de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention. Il souhaiterait savoir également comment fonctionnent les tribunaux des droits de l’homme, comment leurs décisions sont appliquées et, notamment, si elles peuvent être cassées par d’autres instances.

26.M. Avtonomov souhaiterait en outre savoir où en est le conflit qui oppose les Dayak et les Madura dans le Kalimantan occidental et central et si le Gouvernement indonésien entend prendre des mesures pour éviter que de nouveaux conflits tels que celui‑ci n’éclatent en Indonésie.

27.M. VALENCIA RODRIGUEZ croit comprendre que la liste des principaux groupes ethniques figurant dans le tableau 1 du rapport couvre aussi les groupes autochtones. Il voudrait savoir si les règlements protégeant les autochtones mentionnés au paragraphe 62 du rapport s’appliquent aussi aux descendants des tribus primitives de l’archipel indonésien et connaître la situation de ces personnes en matière de santé, d’éducation, d’emploi et de logement.

28.M. Valencia Rodriguez jugerait opportun que la délégation donne au Comité un complément d’information sur la protection et le traitement spécial que le Gouvernement indonésien octroie aux communautés éloignées vivant dans 27 des 33 provinces du pays, notamment en leur fournissant des logements, dont il est question au paragraphe 63 du rapport.

29.L’expert demande quelles sont les fonctions de l’ombudsman (Defensor del Pueblo), si celui‑ci est habilité à recevoir des plaintes émanant de particuliers qui dénoncent des actes de discrimination raciale et à enquêter sur ces plaintes, et si des cas lui ont été soumis.

30.Se félicitant qu’une attention particulière ait été accordée à la formation des fonctionnaires de police, du personnel pénitentiaire, des avocats, des juges, des enseignants, des forces armées et à d’autres fonctionnaires dans le cadre du Plan d’action pour la décennie, M. Valencia Rodriguez jugerait utile qu’à l’avenir, les principes consacrés par la Convention soient diffusés dans le cadre de ces formations, en particulier aux groupes vulnérables. Se référant au paragraphe 84 du rapport, il jugerait également opportun que la délégation décrive les programmes visant à promouvoir les droits des minorités avec l’appui des ONG.

31.M. Valencia Rodriguez demande des informations complémentaires sur le décret présidentiel no 40 de 2004 relatif au Plan d’action national pour les droits de l’homme qui est notamment axé sur la priorité gouvernementale accordée à la promotion et la protection des droits de l’homme, y compris l’abolition du racisme et de la discrimination raciale, ainsi que sur les résultats que celui‑ci a permis d’obtenir.

32.Lisant au paragraphe 102 du rapport que le Gouvernement passe en revue toutes les lois existantes en vue de garantir qu’elles respectent le principe de non‑discrimination consacré par l’article 281 de la Constitution, il demande quelles ont été les principales réformes apportées à la législation.

33.Se référant ensuite aux paragraphes 105, 112 à 114 et 168 et suivants du rapport, l’orateur prend note de l’existence de tensions interethniques et de discrimination raciale, dont beaucoup ont des incidences religieuses. Il estime donc souhaitable que les autorités compétentes veillent à ce que la Convention soit appliquée et que l’État partie continue d’informer le Comité des mesures adoptées pour remédier à ces problèmes.

34.Notant que les banques demandent souvent le certificat de citoyenneté indonésienne pour accorder un prêt, l’orateur souhaite connaître la différence entre ledit certificat et la carte d’identité, et savoir qui doit se pourvoir de l’un ou l’autre de ces documents.

35.S’agissant de l’article 3 de la Convention, le paragraphe 121 indique qu’un décret présidentiel a été publié, qui dispose que la pratique d’activités religieuses, de croyances et de traditions chinoises peut se faire sans autorisation spéciale des autorités. Cela laisse à penser que tel n’était pas le cas auparavant et amène à se poser la question de savoir si seules les traditions et la religion chinoises étaient visées par ces autorisations ou si les autres religions l’étaient aussi. Un aperçu de la situation actuelle en la matière serait donc le bienvenue.

36.M. Valencia Rodriguez rappelle que l’article 3 vise également les cas de ségrégation raciale qui se produisent dans les zones urbaines à forte concentration de personnes issues de groupes ethniques, et demande si ce phénomène existe dans l’État partie.

37.S’agissant de la mise en œuvre de l’article 4 de la Convention, M. Valencia Rodriguez demande de plus amples informations sur la portée de la loi no  26 de 2000 sur les tribunaux des droits de l’homme et de la loi n no 39 de 1999 sur les droits de l’homme. L’expert juge que les principales dispositions de l’alinéa a de l’article 4 de la Convention sont respectées mais que les informations relatives à la mise en œuvre de l’alinéa b ne sont pas suffisantes. Enfin, il demande à la délégation d’indiquer comment sont appliquées les dispositions de la loi no 37 de 1999 sur les relations étrangères, en particulier celles du chapitre V relatif à la protection des citoyens de la République d’Indonésie à l’étranger, et si l’État partie bénéficie de la coopération internationale dans ce domaine.

38.M. THORNBERRY demande des informations sur le statut et les droits des peuples autochtones en Indonésie. Lisant au paragraphe 155 que l’État partie a décidé de ne plus utiliser les expressions «autochtone» et «non autochtone», il demande comment sont désignées les communautés ancestrales. Par ailleurs, il appelle l’attention de la délégation sur la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, qui fournit de précieuses orientations sur la question. Notant que, selon le rapport, plusieurs projets de développement ont été mis en œuvre afin de servir les intérêts de la nation, il voudrait savoir ce qu’il en est de l’intérêt des peuples autochtones et souligne qu’au paragraphe 4 c) de sa recommandation générale XXIII concernant les droits des populations autochtones, le Comité a invité les États parties à offrir aux populations autochtones un environnement se prêtant à un développement économique et social durable, qui soit compatible avec leurs caractéristiques culturelles. M. Thornberry demande des informations sur les religions qui ne sont pas reconnues officiellement et, en particulier, sur les conséquences de cette non‑reconnaissance pour les pratiquants. Par ailleurs, il voudrait savoir si l’Indonésie a adopté les lois mentionnées au paragraphe 62 du rapport afin d’améliorer la protection et le traitement de tous les groupes ethniques. Il demande des explications au sujet des conflits ethniques liés aux titres fonciers, aux traditions coutumières et aux terres ancestrales. En ce qui concerne les activités d’exploitation forestière menées dans certaines régions, il voudrait savoir si les peuples autochtones concernés ont été consultés, notamment pour obtenir leur assentiment. Il appelle l’attention du Comité sur le paragraphe 5 de la recommandation générale XXIII du Comité dans lequel les États parties sont priés de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux.

39.M. LINDGREN ALVES, notant que six religions sont officiellement reconnues et que la religion fait partie des principes fondateurs de l’État, demande si l’Indonésie se considère comme un État religieux ou comme un État laïc et s’il est possible à tout individu de revendiquer son athéisme. Il s’étonne de lire au paragraphe 90 du rapport qu’«il n’existe pas de discrimination car le droit national garantit l’élimination de la discrimination» et fait observer que ce n’est pas parce que les lois sont antidiscriminatoires qu’il n’existe pas de discrimination. Enfin, il voudrait savoir si l’Indonésie parvient à imposer une seule langue de travail officielle, à savoir «le bahasa indonesia», alors que 500 langues et dialectes locaux sont parlés dans tout le pays.

40.M. KJAERUM voudrait savoir quels sont les premiers résultats du Plan d’action national pour les droits de l’homme concernant la période 2004‑2009, et quelles sont en particulier les mesures prévues pour combattre la discrimination raciale. Il voudrait également savoir quels sont les résultats des travaux de recherche et des études mentionnés au paragraphe 85 et quelles mesures ont été prises en conséquence. Il se félicite de l’existence de la loi no 39 de 1999 sur les droits de l’homme et voudrait savoir si les dispositions de cette loi ont déjà été invoquées devant les tribunaux et si des sanctions ont été prises. Il demande si les victimes présumées de violations des droits de l’homme peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle pour saisir la justice et si certaines d’entre elles ont été indemnisées pour la violation de leurs droits fondamentaux.

41.M. Kjaerum évoque les dispositions législatives discriminatoires à l’égard des Indonésiens de souche chinoise qui ont été adoptées entre 1959 et 1998. Si le Gouvernement s’efforce de les réviser et de les abolir, il semblerait que beaucoup soient encore en vigueur. La délégation est invitée à fournir des explications à ce sujet. Notant au paragraphe 143 du rapport que le Gouvernement a promulgué la loi no 40 de 2004 sur la sécurité sociale, qui garantit à tous les citoyens la satisfaction de plusieurs besoins fondamentaux, il voudrait savoir ce qu’il en est des non‑ressortissants et, en particulier, des réfugiés. À cet égard, il demande pourquoi l’Indonésie est l’un des rares pays à n’avoir toujours pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole qui s’y rapporte. Il appelle l’attention de la délégation sur la recommandation générale XXX du Comité concernant la discrimination contre les non‑ressortissants.

42.M. CALI TZAY demande quelles sont parmi les 500 langues recensées en Indonésie celles qui sont des dialectes parlés et celles qui sont des langues écrites susceptibles d’être enseignées à l’école. Il demande également quelle est la composition ethnique des forces armées et de la police. Il voudrait avoir des précisions sur les minorités auxquelles il est fait référence au paragraphe 84 du rapport. Il voudrait savoir pourquoi l’État partie a décidé de ne plus utiliser les expressions «autochtone» et «non autochtone» et s’assurer que cette décision ne s’inscrit pas dans le cadre d’une politique d’uniformisation de la population. Lisant au paragraphe 163 qu’il est indéniable que certains groupes locaux ou internationaux ont tenté de se servir de la question des autochtones pour critiquer le Gouvernement, M. Cali Tzay voudrait connaître l’objet de ces critiques. Il aimerait en savoir plus sur les événements survenus à Kalimantan en 1994 (par. 171 du rapport), notamment sur les groupes auxquels il est fait référence, à savoir les Madura et les Dayak. Enfin, il voudrait savoir à quoi la représentante de l’Indonésie a fait référence dans son discours liminaire lorsqu’elle a évoqué «des conflits inévitables». S’agit‑il de conflits liés à des questions culturelles ou à des questions ethniques?

43.M. TANG Chengyuan note que, selon le rapport initial à l’examen, il n’existe pas de discrimination directe ou indirecte, aiguë ou ordinaire en Indonésie (par. 90) et que le pays ne dispose pas de définition juridique de la discrimination raciale. Il rappelle à cet égard que le fait que la loi ne codifie pas la discrimination raciale ne signifie pas que des actes de ce type ne sont pas commis, d’autant que le rapport lui‑même évoque des problèmes posés par la faction islamiste Ahmadiyah (par. 114). Il souhaite connaître les conclusions de l’enquête menée par l’équipe désignée par le Président sur les émeutes de mai 1998 qui avaient donné lieu à des actes de discrimination raciale contre des personnes d’origine chinoise (par. 150).

44.M. Tang Chengyuan se félicite que le Gouvernement ait entrepris de réexaminer toutes les lois existantes en vue de garantir qu’elles respectent le principe de non‑discrimination et que le 17 janvier 2002, par décret présidentiel, le Gouvernement ait abrogé l’instruction présidentielle no 14 de 1967 relative à la religion, aux croyances et aux traditions chinoises (par. 102). Il souhaite cependant savoir quelles ont été les conséquences concrètes de cette mesure dans les provinces indonésiennes.

45.L’expert s’étonne que selon l’instruction présidentielle no 26 de 1998, les termes «autochtone» et «non‑autochtone» ne doivent plus être utilisés (par. 155) alors que le rapport indique que des règlements protègent les autochtones et que plusieurs projets de lois sont à l’étude pour améliorer la protection et le traitement de tous les groupes ethniques (par. 62). Il demande à la délégation indonésienne de définir précisément les notions d’«autochtone» et de «groupe ethnique».

46.M. YUTZIS dit que le fait que le rapport évoque indifféremment les groupes ethniques (par. 27), les autochtones (par. 62) et les communautés traditionnelles (par. 62) prête à confusion; il souhaite donc connaître les critères utilisés pour l’État partie pour définir l’appartenance à ces différentes entités. Relevant que le tableau 1 contient une liste impressionnante de minorités ethniques, il souhaite savoir si des groupes autochtones et des communautés traditionnelles y figurent.

47.M. Yutzis ne comprend pas le paragraphe 64 du rapport à l’examen qui indique que «l’article 28 l) de la Constitution de 1945 protège pleinement les droits des autochtones [mais] que dans la pratique, la tâche d’assurer la survie des autochtones s’avère particulièrement ardue [car] les autochtones vivent dans la dépendance à l’égard de la nature, non en vertu d’un contrat social». Il demande à la délégation indonésienne d’indiquer ce que veut dire concrètement l’expression «dépendre de la nature» et si cela signifie que le Gouvernement considère que les peuples qui dépendent de la nature n’ont pas de structure sociopolitique propre. Il souhaite en particulier savoir comment les autorités indonésiennes assurent la protection des personnes qui n’ont pas conclu de contrat social avec le reste de la société.

48.L’orateur remarque que le rapport ne contient d’informations ni sur les droits des travailleurs migrants ni sur les mesures prises pour assurer la protection des réfugiés, en particulier les enfants, et estime que des informations sur ces questions seraient les bienvenues.

49.Par ailleurs, M. Yutzis souhaite savoir si l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme et le bouddhisme sont des confessions majoritaires officiellement et légalement reconnues (par. 28). Si tel était le cas, il jugerait utile de recevoir des précisions sur le statut juridique des autres croyances religieuses, y compris les religions autochtones traditionnelles.

50.M. AMIR demande à la délégation indonésienne d’indiquer si des mesures ont été prises par le Gouvernement pour conjuguer les effets de la catastrophe causée par le tsunami de décembre 2005, notamment pour venir en aide aux victimes et à leur famille dans le domaine du logement et de l’emploi.

51.M. Amir aimerait par ailleurs savoir si la délégation indonésienne estime que les dispositions du Code pénal permettent de lutter efficacement contre le tourisme sexuel et la pédophilie et de sanctionner comme il se doit ce type de pratiques.

52.Rappelant que ce sont les anciens colonisateurs hollandais qui ont donné naissance à l’industrie actuellement florissante du caoutchouc, l’expert souhaite savoir si les paysans qui vivaient sur les terres forestières qui ont ensuite été soumises à une exploitation industrielle ont été dûment indemnisés au moment de leur expropriation ou s’ils ont reçu d’autres terres à titre d’indemnisation.

53.Le PRÉSIDENT, parlant en sa qualité d’expert, s’étonne que selon le rapport périodique à l’examen, la discrimination raciale n’existe pas en Indonésie (par. 90 et 138) alors que la nature pluriethnique et multiculturelle de la nation indonésienne entraîne inévitablement des risques de conflits interethniques. Il relève à cet égard que le rapport mentionne plusieurs affrontements ethniques qui ont éclaté dans le pays, notamment en 1994 à Palangkaraya, dans le centre du Kalimantan entre la population autochtone et les migrants venus de la partie orientale de Java et que ces conflits ont fait de nombreuses victimes de chaque côté (par. 168).

54.M. de Gouttes rappelle que, pour les membres du Comité, l’absence de cas signalés ou de plaintes pour discrimination raciale n’est pas nécessairement un indicateur positif car cela peut en fait être révélateur d’une information insuffisante des citoyens sur leurs droits, d’une crainte de représailles de la part des victimes ou de la défiance des citoyens à l’égard de l’efficacité des autorités de police et de justice.

55.Le Président constate avec satisfaction que plusieurs lois discriminatoires ont été abrogées, comme celle sur la religion, les croyances et les traditions chinoises (par. 102) et le décret ministériel du 18 novembre 1978, portant inscription de la mention de la religion sur les cartes d’identité. Il se félicite également qu’en vertu de l’instruction présidentielle de 1998, il ne soit plus nécessaire de prouver sa citoyenneté indonésienne pour effectuer une demande de prêt auprès d’une banque (par. 109).

56.Notant avec intérêt que la Commission des droits de l’homme a créé un Groupe de travail contre la discrimination (par. 158), l’expert souhaite recevoir des précisions sur la nature des travaux effectués par ce dernier.

57.M. EWOMSAN relève que selon le rapport initial à l’examen (par. 168 et 169), les autorités locales ont dû, à la suite des conflits de 1994 à Palangkaraya, dans le centre du Kalimantan, séparer pendant un temps la population autochtone et les migrants venus de la partie orientale de Java. Il souhaite savoir si ces autorités locales sont des autorités administratives décentralisées de l’État ou s’il s’agit d’autorités autochtones.

58.Mme HARKRISNOWO (Indonésie) dit que sa délégation répondra à la séance suivante aux nombreuses questions posées par les experts du Comité.

La séance est levée à 17 h 50.

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