NATIONS

UNIES

CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/SR.1484

12 décembre 2001

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Cinquante-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA PREMIÈRE PARTIE (PUBLIQUE)*

DE LA 1484e SÉANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,

le vendredi 10 août 2001, à 15 heures

Président: M. SHERIFIS

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Treizième à seizième rapports périodiques de l’Égypte

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*Le compte rendu analytique de la deuxième partie (privée) de la séance est publié sous la cote CERD/C/SR.1484/Add.1.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l’une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d’édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Treizième à seizième rapports périodiques de l’Égypte (CERD/C/384/Add.3; HRI/CORE/1/Add.19)

1.Sur l’invitation du Président, la délégation égyptienne prend place à la table du Comité.

2.Mme ABOULNAGA (Égypte), rappelant que son pays a adhéré à la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale il y a plus de 30 ans, réaffirme l’engagement de l’Égypte en faveur de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Au même titre que tous les autres instruments internationaux ratifiés, la Convention est devenue, après avoir été publiée au Journal officiel, partie intégrante du droit interne. La Constitution égyptienne, qui est l’instrument le plus important pour assurer la protection des droits de l’homme, garantit le droit à l’égalité et à la non‑discrimination (art. 8 et 40). En outre, la Haute Cour constitutionnelle a prononcé plusieurs décisions dans lesquelles elle a stipulé que dans un État de droit, l’État ne pouvait enfreindre les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

3.Mme Aboulnaga souligne l’action que l’État égyptien mène pour sensibiliser l’opinion publique et faire connaître les principes relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales par le biais de séminaires et de conférences organisés en coopération avec des organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile. Ces principes sont en outre enseignés dans les établissements du primaire et du secondaire, à l’université ainsi que dans les écoles de police.

4.Mme Aboulnaga présente brièvement les différentes parties du rapport périodique de l’Égypte à l’examen. Au sujet de la mise en œuvre de l’article 2 de la Convention, elle énumère les mécanismes nationaux les plus importants créés pour suivre l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme: Conseil supérieur de la maternité et de l’enfance, Conseil national des femmes, Département des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères, Bureau des droits de l’homme au Bureau du Procureur général et Direction générale des droits de l’homme près le Cabinet du Ministre de la justice. Elle précise en outre que la création d’un conseil international des droits de l’homme, en tant que mécanisme spécialisé traitant des normes internationales et des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, est envisagée. Concernant l’article 3 de la Convention, elle souligne que l’Égypte a mis en place depuis longtemps une politique qui rejette les idées et les principes racistes, et a participé aux efforts déployés par la communauté internationale pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale, notamment en contribuant à la rédaction de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle précise que les dispositions législatives et les décisions judiciaires punissant et prévenant la discrimination raciale au titre de l’article 4 de la Convention et garantissant les droits mentionnés à l’article 5 de la Convention sont présentées dans le rapport. Les statistiques qui y sont fournies montrent à quel point l’Égypte est attachée à la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

5.Mme Aboulnaga réaffirme le soutien de l’Égypte à l’action menée par le Comité en vue de promouvoir les droits de l’homme, de faire respecter le principe d’égalité et de prévenir la discrimination raciale dans le monde. Elle salue particulièrement la contribution du Comité à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Enfin, elle s’engage à poursuivre un dialogue constructif avec les membres du Comité.

6.M. KHALIL (Égypte) souligne que les travaux du Comité sont très respectés en Égypte et que ses conclusions sont étudiées attentivement. Tout est fait pour mettre en œuvre, dans la mesure du possible, les recommandations du Comité dans les dispositions législatives et le système judiciaire.

7.M. Khalil précise que le droit à l’égalité devant la loi et à la non‑discrimination est considéré par la Haute Cour constitutionnelle comme le droit suprême. Dans deux décisions prononcées en 1995, cette instance a suivi la définition de la discrimination raciale consacrée à l’article premier de la Convention indiquant qu’il existait d’autres formes de discrimination que celles énumérées à l’article 40 de la Constitution. Toutes les obligations découlant de la mise en œuvre de la Convention ont été incorporées dans la législation égyptienne, qui punit tous les actes de discrimination raciale. Dans la pratique, toutes les obligations contractées en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont prises en compte par les autorités égyptiennes. Les mécanismes nationaux de suivi qui ont été créés ont renforcé les actions menées pour prévenir la discrimination raciale. Enfin, l’enseignement dispensé dans le domaine des droits de l’homme a pour but de créer une culture de la paix et de la tolérance.

8.M. DIACONU (Rapporteur pour l’Égypte) se félicite de la reprise du dialogue avec l’État partie après sept ans d’interruption et exprime le souhait que ce dialogue soit à l’avenir plus soutenu. Il remercie la délégation égyptienne des informations supplémentaires présentées dans l’introduction orale du rapport. Ce dernier est très riche en informations d’ordre juridique, mais aussi économique, politique, social et autre. Il respecte les principes directeurs du Comité concernant la forme et la teneur des rapports et répond à toutes les questions qui avaient été soulevées par les membres du Comité lors de l’examen du précédent rapport périodique de l’Égypte. Le rôle que l’Égypte joue en Afrique et dans le monde arabe, en particulier dans le cadre de la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment de l’égalité des droits et de la non‑discrimination, amène les membres du Comité à accorder plus d’attention à la mise en œuvre de la Convention par l’État partie, même si des problèmes graves de discrimination raciale ne semblent pas se poser dans le pays.

9.M. Diaconu fait allusion aux groupes ou minorités ethniques mentionnés aux paragraphes 334 et 335 ainsi que 362 à 364 du rapport. Ces groupes ont une langue et une culture différentes, héritées de leurs ancêtres, qui peuvent être cause de discrimination ou d’inégalité. Se réfère‑t‑on aux Berbères lorsque l’on parle des zones désertiques? M. Diaconu évoque également d’autres groupes comme les Grecs et les Arméniens qui, même s’ils possèdent la nationalité égyptienne, conservent leur origine ethnique et leur culture. Il aurait aimé trouver dans le rapport des données sur ces groupes et surtout sur leur situation économique et sociale, leur accès à la vie publique, leurs rapports avec la majorité de la population. Il note qu’aucun texte de loi et qu’aucune mesure envisagée ne visent à prévenir ou à éliminer les discriminations ou à protéger la langue et la culture de tous ces groupes, en garantissant, par exemple, un enseignement en langue maternelle ou bilingue. Il regrette que le rapport soit silencieux sur la situation des étrangers en Égypte. Y a‑t‑il des résidents permanents et des réfugiés? Combien sont‑ils? De quels pays proviennent‑ils? Y a‑t‑il encore des Palestiniens et des Soudanais? La délégation égyptienne pourrait‑elle fournir de plus amples informations sur les populations évoquées, en particulier sur l’ordre de grandeur et sur le traitement qui leur est réservé, surtout dans l’accès au travail, à la santé et à l’éducation et en ce qui concerne la préservation de leur culture?

10.En ce qui concerne le cadre légal visant à assurer la mise en œuvre de la Convention, M. Diaconu souligne que la définition de la discrimination raciale énoncée dans la Convention est reprise à peu près intégralement dans les décisions obligatoires de la Haute Cour constitutionnelle. À ce titre, il juge extrêmement positif le rôle joué par cette instance dans le système judiciaire du pays, surtout dans la protection de l’égalité des droits et de la prévention et de l’élimination de la discrimination. En outre, la Convention est supérieure aux lois et règlements adoptés en Égypte et ses dispositions peuvent être invoquées directement devant toutes les instances publiques, lesquelles sont tenues de les appliquer. M. Diaconu souhaiterait que la délégation égyptienne présente brièvement la procédure à suivre en pareil cas: incombe‑t‑il à la partie ou au tribunal saisi de s’adresser à la Haute Cour constitutionnelle? Cela est‑il automatique ou est‑ce au tribunal de décider? Le procès en cours est‑il suspendu en attendant la décision de la Haute Cour?

11.S’agissant de la mise en oeuvre de l’article 4, M. Diaconu note que la législation égyptienne met l’accent sur l’interdiction des associations prônant la violation de la liberté individuelle des citoyens ou de leurs droits et libertés publics (par. 97) ou dont les principes véhiculent une discrimination fondée sur l’origine ou la croyance. La loi sur la presse fait également obligation aux journalistes de s’abstenir de souscrire à toute propagande raciste qui tourne en dérision les religions ou vise à promouvoir la discrimination ou le mépris de toute communauté sociale (par. 100). Cet élément est satisfaisant mais pose deux problèmes: d’une part, cette disposition de la loi sur la presse semble ne s’appliquer qu’aux journalistes, et, d’autre part, il est possible d’en déduire que les journalistes pourraient parfaitement diffuser une telle propagande à condition qu’ils n’y souscrivent pas. Il semble donc que les dispositions de l’article 4 a de la Convention, aux termes desquelles les États parties doivent «déclarer punissables par la loi toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, toute incitation à la discrimination raciale ainsi que tous actes de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute race ou tout groupe de personnes d’une autre couleur ou d’une autre origine ethnique», ne soient pas entièrement couvertes par la législation du pays. Le Rapporteur note également que le Code pénal punit la diffamation (par. 140), de même que les actes de violence ou la menace de violence, mais n’envisage ni le cas où de tels actes auraient une motivation ethnique ou raciale, ni des circonstances aggravantes en pareil cas. Il serait donc nécessaire que l’État partie révise sa législation à la lumière des dispositions de l’article 4 de la Convention.

12.S’agissant de la mise en oeuvre de l’article 5 de la Convention, M. Diaconu constate que le rapport s’étend longuement sur les efforts déployés afin d’assurer le développement du pays dans tous les domaines, surtout au profit des citoyens. En revanche, il évoque rarement les problèmes posés par la discrimination. Un complément d’information concernant l’accès des membres des petits groupes ethniques à la vie publique, au travail, à la santé et à l’éducation, y compris dans leurs langues maternelles, serait utile aux membres du Comité, ainsi que sur la situation dans tous les domaines des étrangers vivant en Égypte à titre de résidents permanents ou temporaires. La délégation peut-elle également préciser si l’Égypte est partie à la Convention n° 111 de l’Organisation internationale du Travail concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession?

13.Le Rapporteur souligne par ailleurs qu’il importe de ne pas sous-estimer les différends qui peuvent surgir, pour des raisons économiques, entre groupes de race, d’ethnie ou de religion différente. Bien souvent, ces conflits qui sont à l’origine d’ordre économique peuvent prendre une tournure raciale ou religieuse et devenir extrêmement dangereux. M. Diaconu précise que selon des organisations non gouvernementales (ONG), notamment égyptiennes, de tels conflits économiques et religieux se seraient produits en 1997 entre des chrétiens coptes et des groupes islamistes militants en haute Égypte, à l’issue desquels une église aurait été détruite et des chrétiens coptes tués.

14.M. Diaconu dit avoir pris note de décisions importantes de la Haute Cour constitutionnelle tendant à assurer l’égalité des droits des enfants faisant l’objet d’une mesure de garde, qu’ils soient musulmans ou non (par. 171), à permettre aux Égyptiens mariés à des ressortissantes étrangères d’être nommés au Conseil d’État, et à réviser les dispositions de la loi sur le statut des enfants coptes et orthodoxes de rite grec ou arménien relatives à la limite d’âge en matière de garde (par. 173). Toutefois, d’autres problèmes restent encore sans solution. Plusieurs organes conventionnels de l’ONU, notamment le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, le Comité des droits de l’enfant et le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, ont jugé préoccupant le fait que les enfants nés d’une Égyptienne et d’un étranger ne pouvaient acquérir la nationalité de leur mère. Parallèlement, le Comité des droits de l’enfant a noté que les enfants nés d’une Égyptienne mariée à un étranger étaient confrontés à des difficultés dans le domaine de l’éducation et n’avaient pas accès aux mêmes structures éducatives que les enfants dont le père est égyptien. La délégation peut-elle indiquer au Comité combien d’enfants se trouvent dans cette situation et s’il s’agit d’un problème d’ordre politique, démographique ou religieux? Cette question est préoccupante car les enfants ne devraient pas être victimes de discrimination en raison de la nationalité de leur père ou de leur mère. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette situation? La Haute Cour ne pourrait-elle pas résoudre ce problème par une décision obligatoire d’inconstitutionnalité des dispositions en cause?

15.Le Rapporteur se félicite également de ce que tous, y compris les étrangers, aient accès aux tribunaux dans des conditions d’égalité afin de faire valoir leurs droits et que le Conseil d’État et ses tribunaux puissent examiner des recours contre les décisions administratives, y compris des demandes d’indemnisation pour dommage. Il souhaite à cet égard savoir combien d’affaires ont été soumises au Conseil d’État ou à ses tribunaux pour discrimination fondée sur l’origine ethnique ou raciale.

16.Pour ce qui est de l’application de l’article 7 de la Convention, M. Diaconu se félicite des efforts entrepris pour dispenser un enseignement relatif aux droits de l’homme à l’école primaire et préparatoire et à l’université (par. 57), offrir une formation à toutes les catégories de personnel travaillant dans l’administration de la justice pénale (par. 67), et créer une culture des droits de l’homme dès le plus jeune âge. Il serait toutefois intéressant à son avis de savoir dans quelle mesure les manuels scolaires et les livres d’histoire reflètent l’histoire des petites communautés qui vivent en Égypte et des peuples voisins, dans un esprit de tolérance et de respect.

17.De même, M. Diaconu juge encourageante l’intention du Gouvernement de créer un Conseil national des droits de l’homme (par. 360), à l’instar du Conseil national des femmes et du Conseil national de la mère et de l’enfant (par. 360), mesure que le Gouvernement devrait concrétiser dans les meilleurs délais afin de disposer d’un outil important de promotion du respect des droits de l’homme. En dernier lieu, le Rapporteur souhaite savoir dans quelle mesure le Gouvernement et les services gouvernementaux coopèrent avec les ONG à la mise en oeuvre de la Convention et à la promotion des droits de l’homme en général.

18.M. VALENCIA RODRIGUEZ estime que le rapport périodique de l’Égypte présente des informations intéressantes qui répondent effectivement aux préoccupations soulevées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport.

19.M. Valencia Rodriguez relève l’affirmation selon laquelle «il n’y a aucune minorité ethnique importante en Égypte» (par. 334), mais que des nomades, des Berbères et des Nubiens vivent également sur le territoire de l’État partie. De même, il semble qu’«il n’existe pas d’enclave linguistique ou dialectale non arabophone, à l’exception de l’oasis de Siwa où, outre l’arabe, on parle un dialecte local qui a fait l’objet de nombreuses études et enquêtes». La délégation peut-elle préciser les résultats auxquels ces enquêtes ont abouti? Ces renseignements permettraient au Comité de s’assurer que la Convention est également appliquée à l’égard des groupes minoritaires concernés.

20.M. Valencia Rodriguez note que les dispositions de la Convention égyptienne font partie intégrante de la législation égyptienne, ce qui permet aux victimes d’actes discriminatoires de l’invoquer devant les tribunaux et de demander réparation. La délégation peut-elle toutefois indiquer au Comité si la Haute Cour constitutionnelle peut déclarer inconstitutionnelle toute disposition d’une loi qui ne serait pas conforme à la Convention?

21.M. Valencia Rodriguez estime que la réforme du Code pénal permet à l’Égypte de répondre aux exigences de l’article 4 de la Convention à l’égard des activités terroristes ayant un caractère discriminatoire. Il souhaiterait que la délégation fournisse au Comité des précisions sur les affaires relatives à des actes terroristes qui ont été jugés et sanctionnés conformément au Code pénal et à d’autres lois.

22.S’agissant de l’application de l’article 5 de la Convention, M. Valencia Rodriguez se félicite que «la législation égyptienne s’applique dans son intégralité à tous les Égyptiens, sans discrimination aucune, conformément au principe constitutionnel de l’égalité de tous devant la loi» (par. 108), mais il aimerait que la délégation commente des cas concrets d’application de ce principe.

23.S’agissant du droit de se marier, M. Valencia Rodriguez relève que la Cour constitutionnelle a jugé inconstitutionnel un article de la loi n° 47 sur le Conseil d’État qui disposait qu’aucun Égyptien marié à une étrangère ne pouvait être nommé au Conseil d’État. Il souhaite savoir si cet arrêt de la Cour protège également le droit d’une Égyptienne mariée à un étranger de devenir membre du Conseil d’État.

24.M. Valencia Rodriguez se félicite en outre que l’Égypte ait élaboré une stratégie nationale de développement jusqu’en 2017 (par. 202) afin, notamment, de porter à 4 100 dollars des États‑Unis par an, d’ici à 2017, le produit intérieur brut moyen par habitant et de créer environ 550 000 emplois nouveaux par an pour faire face à l’augmentation de la population (par. 202). Il espère que cet objectif ambitieux pourra être atteint sans aucune discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique ou d’autres motifs. Il souhaite que le Comité soit informé du sort de ces efforts.

25.Prenant note des efforts déployés par le Gouvernement égyptien pour créer un système de sécurité sociale protégeant les catégories sociales les plus vulnérables, M. Valencia Rodriguez souhaite connaître les résultats obtenus en ce qui concerne notamment les travailleurs saisonniers du secteur agricole et de la pêche, les travailleurs du secteur des transports, les artisans indépendants et les petits agriculteurs.

26.S’agissant du droit à l’éducation, il aimerait savoir comment le principe selon lequel «tous les garçons et les filles d’âge scolaire doivent fréquenter un établissement dans le cadre de l’enseignement obligatoire» (par. 301) est appliqué aux enfants des communautés nomade, berbère et nubienne.

27.M. Valencia Rodriguez note par ailleurs qu’en droit égyptien, toute personne victime de discrimination peut intenter une action pénale et réclamer des dédommagements. Il se demande si l’indemnisation est octroyée par le tribunal pénal ou si une action civile distincte doit être engagée. Le paragraphe 365 du rapport périodique précise que le Code de procédure civile autorise la création de tribunaux de simple police et d’assemblées de conciliation; ces instances sont-elles compétentes pour connaître des plaintes déposées pour discrimination raciale et, le cas échéant, octroyer une réparation ou une indemnisation aux victimes?

28.M. de GOUTTES estime que, de façon générale, le problème principal qui se pose en Égypte ne semble pas être celui de la discrimination raciale. Les problèmes relatifs aux droits de l’homme dans ce pays sont autres: ce sont notamment les agissements de groupes extrémistes et les conflits interreligieux, entre islamistes et coptes, notamment, qui ont parfois conduit l’État à restreindre les libertés et garanties fondamentales.

29.Pour ce qui est des questions raciales et ethniques, le rapport périodique affirme «qu’il n’y a pas de minorité ethnique importante en Égypte» (par. 334) et qu’il «règne une homogénéité totale entre les groupes et communautés qui constituent la population égyptienne dont toutes les composantes parlent la même langue, l’arabe et participent de la même culture arabe». Cela est d’autant plus étonnant que le rapport mentionne la présence de nomades, de Berbères et de Nubiens (par. 362) sur le territoire égyptien. En outre, d’autres groupes minoritaires vivent également dans le pays, notamment des communautés grecque et arménienne, ainsi que des étrangers, des Palestiniens et des Soudanais. Il serait donc utile au Comité de disposer de données statistiques sur le nombre de nomades, de Berbères, de Nubiens et d’étrangers vivant en Égypte, ainsi que d’indicateurs socioéconomiques permettant d’identifier les groupes les plus défavorisés et marginalisés.

30.S’agissant du rang des instruments internationaux dans la hiérarchie des normes juridiques de l’État partie, M. de Gouttes s’interroge sur le point de savoir pourquoi lesdits instruments ne sont pas supérieurs aux lois internes mais leur sont seulement équivalents (par. 19). Par ailleurs, il semblerait que la plupart des principes énoncés dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme aient été intégrés à la Constitution et aient de ce fait rang constitutionnel. Est‑ce bien ainsi qu’il faut comprendre l’ordonnancement des règles juridiques en Égypte?

31.Il semble que la législation égyptienne satisfasse pour l’essentiel aux exigences de l’article 4 de la Convention, comme en atteste l’article 57 de la Constitution égyptienne qui érige en infraction toute violation des droits et libertés protégés par elle, ainsi que l’article 86 bis du Code pénal qui incrimine les organisations, groupes, associations ou leurs membres qui prônent la violation des droits fondamentaux protégés par la Constitution, et l’article 20 de la loi de 1996 sur la presse, qui incrimine et punit le fait de se livrer à la propagande raciste ou de diffuser des idées racistes. Il serait cependant utile que la délégation précise si les actes de violence et les provocations font l’objet d’une répression particulière et si des circonstances aggravantes sont prévues pour les infractions inspirées par des considérations racistes. Il serait également utile au Comité de disposer d’exemples de condamnations et de statistiques judiciaires sur le nombre de poursuites et de plaintes engagées ou déposées, ainsi que sur les condamnations et les réparations. Il serait utile en outre de savoir combien de jugements ont été prononcés à l’encontre des groupes terroristes extrémistes qui ont commis des actes violant les droits d’autrui (par. 107).

32.Le rapport mentionne également plusieurs projets ou questions à l’étude qui intéressent particulièrement le Comité. La délégation peut-elle indiquer où en sont les projets tendant à créer un Conseil national des droits de l’homme (par. 86), à ratifier l’amendement à l’article 8 de la Convention, ainsi que l’étude de la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

33.M. TANG note avec satisfaction que l’Égypte a fait des efforts considérables pour remplir les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et que la teneur du rapport montre que l’État partie a tenu compte du dialogue engagé avec le Comité à l’occasion de l’examen de son précédent rapport. Il aimerait obtenir, en ce qui concerne l’application de l’article 3 de la Convention, de plus amples informations sur les droits des réfugiés en général, et des réfugiés palestiniens en particulier, notamment ceux qui vivent au Caire, ainsi que sur la politique menée dans ce domaine. En outre, il souhaiterait que l’État partie fournisse des exemples de jugements rendus dans des affaires relevant d’une violation des alinéas b et c de l’article 4 de la Convention. Enfin, il souhaiterait savoir si les non‑musulmans peuvent mener leurs activités religieuses en toute liberté et si le Gouvernement prend des mesures pour les y aider.

34.Mme JANUARY‑BARDILL note que les renseignements contenus dans le rapport portent sur les droits de l’homme en général et ne sont pas assez précis quant aux problèmes de discrimination raciale. À cet égard, elle suggère au Gouvernement d’entreprendre des études dans des domaines où la discrimination raciale se manifeste dans la société, au titre des activités des centres de recherche et d’étude spécialisés (par. 66). Elle demande à la délégation d’indiquer dans quelle mesure les établissements d’enseignement et de formation peuvent promouvoir les dispositions de la Convention. Elle note de manière générale que l’Égypte dispose de toutes les infrastructures nécessaires pour assurer l’application effective de la Convention, mais souhaite avoir plus d’informations sur la façon dont fonctionnent ces infrastructures, de même que sur les manifestations, au sein de la société, de problèmes à caractère racial ou ethnique.

35.M. BOSSUYT fait observer, à l’instar de plusieurs autres membres du Comité, que certaines parties du rapport à l’examen ne concernent pas la Convention. Plus précisément, il note que les données sur la composition ethnique de la population égyptienne font défaut et que le Comité n’est donc pas en mesure d’évaluer convenablement la situation. Il note par ailleurs l’absence d’informations au sujet de l’état d’urgence instauré dans le pays depuis de nombreuses années et s’interroge sur les raisons de ce maintien, qui entraîne des restrictions de plusieurs libertés fondamentales. Il relève une contradiction dans le rapport qui indique, d’une part, que la «législature égyptienne n’a jamais violé le principe de l’égalité absolue devant la loi» (par. 14) et, d’autre part, que la Haute Cour constitutionnelle a constaté des violations de ce principe. Il aimerait en outre avoir de plus amples informations sur la composition et le fonctionnement de la Haute Cour constitutionnelle. Enfin, il aimerait que la délégation éclaircisse le sens du paragraphe 171 du rapport.

36.M. THORNBERRY partage l’avis des autres membres du Comité quant au fait que de nombreux éléments du rapport ne concernent pas directement l’application de la Convention et estime que les renseignements qui y sont fournis manquent de précision. Aussi aimerait‑il savoir quelles mesures le Gouvernement prend concrètement afin d’appliquer sa politique qui consiste à «rejeter» tous les principes fondés sur la discrimination (par. 88). De même, il aimerait savoir plus précisément quels étrangers bénéficient du droit d’asile politique en Égypte (par. 92 et 93). Il demande par ailleurs ce qu’il faut entendre par «parti illégal» et par «système social» (par. 99) et si par exemple, conformément à ce qui est indiqué au paragraphe 155 du rapport, un groupe de minorités peut constituer son propre parti politique. En outre, il invite la délégation à fournir au Comité des éclaircissements concernant la prise en compte des différences culturelles des communautés religieuses non musulmanes (par. 173). Il fait par ailleurs observer, d’une part, à la délégation, que l’affirmation figurant dans le rapport, selon laquelle il n’y aurait pas en Égypte de minorités ethniques notables (par. 362), semble faire abstraction des populations autochtones qui entrent dans cette catégorie. D’autre part, le fait que ces populations parlent la même langue ne signifie pas qu’elles appartiennent au même groupe ethnique, l’identité culturelle étant une notion complexe qui ne se limite pas à la langue. À cet égard, l’État partie devrait être plus précis sur les notions de langue et de dialecte, compte tenu qu’une langue reconnue comme telle acquiert une plus grande légitimité. Enfin, il note qu’il n’est pas fait apparemment obstacle aux activités des organisations non gouvernementales, mais que celles‑ci sont relativement absentes du rapport.

37.M. PILLAI note avec appréciation le rôle du pouvoir judiciaire dans la protection et la promotion des droits de l’homme, notamment son rôle de prévention et de sanction des actes de discrimination raciale. De même, il relève toute une série de mécanismes mis en place pour donner effet aux principes des énoncés dans les instruments internationaux. À cet égard, il souhaiterait obtenir des informations sur le Conseil national des droits de l’homme qu’il est prévu de créer (par. 360), et plus particulièrement sur ses fonctions et ses compétences. Il note avec satisfaction que l’État partie attache de l’importance à la formation et à la sensibilisation au respect des droits de l’homme des agents chargés de l’application des lois. À ce propos, il aimerait savoir si les officiers de police reçoivent également une formation dans ce domaine et connaître l’impact de cette formation. De plus, il serait intéressant d’avoir des détails concernant les plaintes déposées contre les responsables de l’application des lois. Enfin, il demande à la délégation d’une part de préciser la teneur du paragraphe 106 du rapport et d’autre part d’indiquer l’état d’avancement de l’étude concernant la possibilité pour l’Égypte de faire la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention.

38.Mme ABOULNAGA (Égypte) remercie les membres du Comité de la qualité de leur analyse et notamment de leurs observations qui permettront à son pays de progresser dans la mise en œuvre de la Convention, en ce qui concerne notamment la situation des femmes et des réfugiés palestiniens et soudanais.

39.Le PRÉSIDENT annonce que la délégation égyptienne répondra aux questions et observations des membres du Comité à la séance suivante.

La partie publique de la séance est close à 17 h 10.

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