Nations Unies

CERD/C/SR.1986

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

8 mars 2010

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Soixante- seiz ième session

C ompte rendu analytique de la 198 6 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 24 février 2010, à 10 heures

Président e: Mme Dah

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Dix-huitième rapport périodique des Pays-Bas

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 6 de l ’ ordre du jour) (suite)

Dix-huitième rapport périodique des Pays-Bas (suite) (CERD/C/NLD/18; HRI/CORE/1/Add.68; CERD/C/NLD/Q/17-18; CERD/C/NLD/Q/17-18/Add.1)

1.Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation néerlandaise reprend place à la table du Comité.

2.M me Haimé (Pays-Bas) dit que le Gouvernement néerlandais a adressé une lettre au Parlement dans laquelle il a appelé l’attention de ce dernier sur la nécessité de combattre le racisme et la ségrégation et a présenté sa nouvelle vision de l’intégration.

3.Mme Haimé dit que l’article premier de la Constitution consacre l’égalité de tous les citoyens, ce qui n’empêche pas d’accorder parfois un traitement différencié à certains pour aboutir à une égalité de fait. La Loi fondamentale n’établit aucune hiérarchie entre les droits fondamentaux: la discrimination au motif de l’orientation sexuelle est jugée aussi grave par exemple que celle fondée sur le handicap.

4.La distinction entre les immigrants «occidentaux» et les autres a été faite par l’Institut national pour la recherche sociale en vue de dresser un tableau plus précis de la situation économique, sociale et culturelle des minorités ethniques présentes sur le territoire, dont certaines semblent être confrontées à de graves problèmes. Obtenir des données ventilées par groupe ethnique devait permettre d’élaborer des politiques ciblées et, partant, de réduire les inégalités entre les immigrants et la population néerlandaise de souche. Il est vrai que de telles données pourraient être utilisées à mauvais escient, mais ne pas en disposer serait tout autant regrettable.

5.Mme Haimé indique que la loi sur l’emploi (promotion) des minorités ne semblait pas contribuer à favoriser l’accès des minorités au marché de l’emploi, ce qui explique qu’elle ait été abrogée en 2004.

6.Les politiques d’intégration mises en œuvre par le Gouvernement néerlandais ne ciblent en général pas un groupe de population donné, à moins que la situation d’un groupe ethnique particulier ne nécessite de prendre des mesures spécifiques. Cela a notamment été le cas des Roms et des Sintis dont les taux de chômage et d’abandon scolaire étaient particulièrement élevés.

7.Bien que reconnus comme minorité nationale au sens de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe, les Frisons ne font pas l’objet de politiques d’intégration car ils ne comptent pas parmi les groupes vulnérables ou défavorisés de la société néerlandaise.

8.En 1997 a été adoptée aux Pays-Bas une loi portant création d’une structure au sein de laquelle s’organise un vaste débat national (Law on the National Dialogue Structure), et où sont représentés les principaux groupes ethniques minoritaires, composés d’anciens travailleurs immigrés temporaires originaires de la Turquie, du Maroc, de la Grèce, de l’Italie, du Portugal et de l’Espagne, ainsi que de ressortissants des anciennes colonies et de réfugiés. Depuis peu, des immigrants originaires de pays d’Europe centrale et orientale ont rallié cette structure, ce qui tend à prouver que les groupes minoritaires s’organisent davantage en fonction de leur origine nationale ou de leur statut de réfugié que de la couleur de leur peau.

9.Mme Haimé dit que l’image que le reste du monde a des Pays-Bas est dans une grande mesure influencée par les propos extrêmes que tiennent certains partis politiques de droite au sujet des musulmans et de l’islam. Elle précise que ces opinions sont vivement rejetées non seulement par le parti du centre et par la gauche mais aussi par la grande majorité de la population. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le nombre de cas de discrimination raciale signalés à la police n’a pas augmenté au cours des dernières années. D’après certaines sources, il aurait même diminué.

10.Mme Haimé dit que le Parlement a adopté la loi sur l’intégration à l’étranger en vertu de laquelle les étrangers sont tenus de réussir dans leur pays d’origine un test portant sur la connaissance de base du néerlandais et de la culture néerlandaise pour obtenir un permis de séjour temporaire. Ces tests s’appliquent aux personnes qui présentent une demande de regroupement familial et non à celles qui sollicitent un permis de travail. Les ressortissants de certains pays européens ou encore des États-Unis, du Canada, du Japon, de la Corée du Nord ou de l’Australie ne sont pas tenus de se soumettre audit test. C’est le Ministère des affaires étrangères qui dresse la liste de ces pays en fonction d’un certain nombre de critères, parmi lesquels figurent les relations diplomatiques que le Gouvernement néerlandais entretient avec eux et le risque qu’une telle décision entraîne une recrudescence de l’immigration illégale. Mme Haimé ajoute que tout étranger qui souhaite obtenir le statut de résident permanent aux Pays-Bas doit réussir un test prouvant qu’il s’est pleinement intégré dans la société néerlandaise, à l’exception des ressortissants des pays européens, qui jouissent de la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne.

11.Répondant à une question relative à la possibilité d’interdire certains partis politiques d’extrême droite comme le Nouveau Parti National (NNP) et le Nederlandse Volksunie (NVU), Mme Haimé dit que le droit néerlandais prévoit que la dissolution d’une organisation peut être décidée à la demande du ministère public, si ses activités mettent en péril l’ordre public. Il s’agit bien sûr d’une décision de dernier recours, toutes les idées, y compris les plus odieuses, devant être combattues dans le cadre d’un débat contradictoire.

12.Un projet de loi portant approbation du protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité a été adopté récemment par la Chambre des représentants et soumis au Sénat; selon toute probabilité, le processus de ratification devrait s’achever prochainement.

13.Les scanners corporels introduits dans les aéroports du pays pour lutter contre le terrorisme ne visent pas une catégorie particulière de passagers mais toutes les personnes qui se rendent dans certains pays. Il est compréhensible que les musulmans se sentent offensés, mais c’est également le cas des femmes, entre autres. Quoi qu’il en soit, les personnels chargés de procéder aux contrôles, dont les membres de la Police militaire royale et la Police des frontières, ont tous été sensibilisés à la nécessité de respecter la dignité humaine. Depuis l’abrogation de la loi sur l’emploi des minorités, le Gouvernement néerlandais encourage les employeurs à promouvoir la diversité et l’égalité hommes-femmes au sein de leur entreprise. Il s’appuie pour cela sur le Réseau national de gestion de la diversité (National diversity management network), auquel il verse des subventions pour financer des initiatives et autres programmes de formation locaux. D’ailleurs, le taux de chômage de cette population n’a augmenté que de deux points entre 2008 et 2009, ce qui est en deçà des prévisions.

14.Des mesures en faveur des groupes défavorisés ont été prises pour permettre aux membres des minorités ethniques d’accéder à des postes de la fonction publique. Des programmes de formation continue ont notamment été mis en place à leur intention, et à qualifications égales, il a été décidé de donner la préférence au candidat appartenant à un groupe minoritaire. Les membres des minorités ethniques sont également de plus en plus nombreux à occuper des postes de conseillers municipaux, voire celui de maire, et à diriger des entreprises.

15.Dans le domaine du logement, la tendance actuelle est le mélange des populations. À cette fin, il est fréquent que des logements sociaux soient créés dans des quartiers cossus et attribués à des groupes spécifiques comme les personnes âgées, les étudiants ou encore les familles nombreuses. Les résultats de cette politique de mixité devraient se faire sentir dans les cinq ans à venir.

16.Le Gouvernement néerlandais ne ménage aucun effort pour prévenir la ségrégation dans les écoles. D’ailleurs, des «écoles de l’amitié» (friendhip schools) ont été créées pour favoriser les échanges entre parents et enfants issus de milieux socioéconomiques très différents.

17.Les jeunes de moins de 27 ans qui n’ont ni qualifications ni emploi ont la possibilité de suivre une formation proposée par les services compétents au sein des municipalités. Pour éviter qu’ils ne deviennent assistés, ils perdent le bénéfice des prestations sociales s’ils refusent de se former ou déclinent une offre d’emploi.

18.Le Royaume des Pays-Bas est une entité souveraine composée de trois parties constitutives jouissant d’une totale autonomie pour ce qui est de la gestion de leurs affaires et de la manière de respecter les obligations internationales du pays. En revanche, c’est au Gouvernement néerlandais qu’il incombe de conclure des traités internationaux et de veiller à ce que les engagements qu’il a pris soient respectés par chacune de ces trois entités. Mme Haimé indique que les Gouvernements des Antilles néerlandaises et d’Aruba n’ont pas été en mesure d’élaborer le rapport voulu dans les délais, faute de temps, de moyens et de ressources, ce qui ne signifie pas qu’ils souhaitent se soustraire à cette obligation. La délégation néerlandaise ne manquera d’ailleurs pas de leur transmettre les commentaires du Comité à ce sujet.

19.Un projet de loi en cours d’élaboration porte sur la possibilité qu’auront les résidents de l’une des parties du Royaume de s’établir dans une des deux autres parties de manière permanente et non plus pour une durée inférieure à trois mois. La loi pertinente en vigueur veut que, passé ce délai, l’intéressé prouve qu’il est en mesure de subvenir à ses besoins s’il veut s’établir dans une autre partie du Royaume que celle dans laquelle il réside. La nouvelle loi n’impose aucune condition de cette nature, et ne sera aucunement discriminatoire à l’égard des ressortissants néerlandais originaires des Caraïbes

20.Mme Haimé convient, à l’instar de M. de Gouttes, que le placement des mineurs dans les centres de rétention pour étrangers en vue de leur renvoi dans leur pays d’origine est une pratique qui devrait être évitée et précise, du reste, que la Secrétaire d’État à la justice a décidé de réexaminer les politiques touchant les mineurs, notamment les mineurs placés dans les centres de rétention pour étrangers. Elle précise que cette mesure n’est appliquée qu’avec la plus grande prudence et que des efforts particuliers sont déployés afin de réduire la période de rétention au minimum et de placer ces personnes dans des centres dotés de structures pour les enfants. Lorsque des familles avec enfants sont en instance de renvoi, la vulnérabilité de ces enfants est prise en considération. Si l’on estime nécessaire de placer une famille dans un centre de rétention aux fins d’un renvoi, les enfants n’y sont conduits que si les parents émettent le souhait de ne pas en être séparés. En outre, les parents ont le droit de confier leurs enfants à des tiers, notamment des proches ou une famille d’accueil.

21.Aux Pays-Bas, où la traite des être humains est considérée comme une forme moderne d’esclavage, les victimes peuvent obtenir un permis de séjour de deux façons: celles qui coopèrent avec la justice reçoivent un permis de séjour valide pendant toute la durée de la procédure et ont le droit de bénéficier de prestations sociales, d’accéder aux soins de santé et au marché de l’emploi. Celles qui ne souhaitent pas ou ne sont pas en mesure de coopérer avec les services du parquet peuvent obtenir un permis de séjour pour raisons humanitaires. Les Pays-Bas considèrent que la coopération internationale, tant au plan bilatéral que multilatéral, est essentielle pour prévenir la traite des êtres humains.

22.Répondant à M. Cali Tzay, qui souhaitait savoir si les autorités néerlandaises considéraient la Campagne nationale contre la discrimination menée de juin à août 2009 comme un succès, Mme Haimé explique que l’objectif de cette initiative était de sensibiliser la population au problème de la discrimination et du racisme et d’inciter les victimes à dénoncer davantage les actes discriminatoires dont ils ont été l’objet. Si l’on en juge par l’augmentation notable des cas signalés (440 en 2008 contre 1 392 en 2009), l’objectif recherché a donc été atteint.

23.S’agissant du mode de collecte et d’enregistrement des plaintes pour discrimination par le parquet, Mme Haimé dit que tous les commissariats du Royaume ont désigné un fonctionnaire spécialisé dans ce type d’affaires, qui est chargé d’entrer toutes les données relatives aux actes dénoncés dans un fichier informatisé commun à tous les postes de police. En 2008, 2 240 cas de discrimination ont été signalés aux autorités de police, soit une moyenne de 60 plaintes par jour, dont 40 %, environ, avaient trait à une discrimination liée à la nationalité ou à la race.

24.Mme Haimé indique que la Commission sur l’égalité de traitement (par. 128) a en effet mené une enquête sur l’Université de La Haye dont les conclusions, qui ont été rendues publiques en mai 2009, ont confirmé que des discriminations avaient été effectivement commises à l’encontre de membres du personnel de l’Université et d’étudiants appartenant à des minorités ethniques. L’Université n’a pas contesté les résultats de l’enquête et les a même largement diffusés; elle s’est également engagée à réformer certaines de ses pratiques.

25.En conclusion, Mme Haimé estime que la manière dont les immigrants sont accueillis par la population majoritaire néerlandaise n’est pas un problème typiquement néerlandais mais un comportement commun à une large majorité de pays européens, notamment. Le principal défi auquel sont confrontés les pays qui ont recours à la main-d’œuvre étrangère aux fins du développement économique est de parvenir à mieux gérer la présence des immigrants dans les sociétés d’accueil, en particulier dans les quartiers pauvres où ont tendance à s’installer les nouveaux arrivants.

26.M. Kut s’interroge sur la signification de certaines réponses de la délégation néerlandaise. Celle-ci a ainsi notamment affirmé que les Pays-Bas n’établissent pas de hiérarchie entre les différents droits de l’homme alors qu’il est évident qu’un droit est particulièrement protégé dans le pays, celui à la liberté d’expression et d’opinion. Le fait que ce droit soit considéré en quelque sorte comme un droit suprême atteste de l’existence, de facto, d’une hiérarchie des droits de l’homme dans l’État partie.

27.M. Kut estime que les réponses écrites des Pays-Bas à la liste des points à traiter établie par le rapporteur pour le pays et plus particulièrement certaines des réponses orales de la délégation aux questions des experts concernant une étude menée par l’Institut néerlandais de recherche en sciences sociales tendent à indiquer que la majorité des enfants turcs vivant sur le territoire de l’État partie sont en situation d’échec scolaire et que tous les Marocains sont quasiment des délinquants. Compte tenu du fait qu’il est difficile de mettre en doute la compétence de cet institut, la raison de telles énormités repose peut-être sur une interprétation erronée des résultats de l’étude en question.

28.M. Kut se demande si, en réalité, les tests d’intégration imposés aux immigrants originaires de pays non européens par l’État partie, ne visent pas également les ressortissants de pays européens qui posent des problèmes d’immigration aux Pays-Bas. Des éclaircissements sur ce point seraient les bienvenus.

29.M. Kut rappelle qu’il a demandé à la séance précédente à la délégation néerlandaise de fournir au Comité des informations sur les immigrés qui sont parvenus à s’intégrer avec succès dans la société néerlandaise. Ce point est très important car c’est le seul moyen d’évaluer l’efficacité des politiques publiques d’intégration. En effet, si une majorité d’immigrants relativement bien intégrés dans la société néerlandaise du point de vue professionnel considèrent qu’ils continuent malgré tout d’être victimes de discriminations en raison de la couleur de leur peau ou de leur religion, cela pourrait être le signe que les politiques mises en œuvre ont échoué et doivent par conséquent être radicalement modifiées.

30.M. Lindgren Alves dit que lesPays-Bas ne sont pas le seul pays d’Europe à compter des partis politiques extrémistes qui incitent à la xénophobie et à la haine de l’autre et attisent un sentiment de repli sécuritaire. Il estime que cette situation est liée à l’évolution même de l’interprétation de la notion de droits de l’homme. En effet, depuis le milieu des années 90 et la dégradation de la situation des minorités dans le monde, une notion nouvelle s’est fait jour, celle de l’identité et de la reconnaissance de l’identité des minorités. Depuis lors, la notion d’identité est devenue une obsession, au sein tant des États que des instances internationales et multilatérales comme l’Organisation des Nations Unies.

31.M. Lindgren Alves ne prétend pas que le principe de la reconnaissance de l’identité de l’autre soit mauvais en soi mais estime que l’on devrait revenir à l’essence même des droits de l’homme, c’est-à-dire aux droits que possède chaque être humain vis-à-vis de l’État, de la culture et de la religion, notamment. Il rappelle à cet égard que le terme de «minorités» ne figure pas dans la Convention, qui ne traite que d’individus et de groupes d’individus et que le droit international reconnait les droits des personnes appartenant aux minorités et non les droits des minorités. Cette obsession de l’identité peut avoir un effet dévastateur si elle est poussée à l’extrême, comme certains pays, européens notamment mais pas seulement, en ont fait ces dernières années l’amère expérience.

32.M me Crickley demande comment les Pays-Bas tiennent compte de la contribution économique des immigrés dans les tests pour l’acquisition de la nationalité néerlandaise. Elle croit comprendre que le plan national de lutte contre le racisme, qui a évolué, met davantage l’accent sur l’intégration et voudrait connaître les raisons d’une telle réorientation sachant que le racisme n’a pas disparu aux Pays-Bas. Évoquant l’entrée en vigueur, prévue avant la fin de l’année, de la nouvelle législation européenne sur le racisme qui réprime beaucoup plus sévèrement l’incitation à la haine raciale, Mme Crickley voudrait savoir comment les Pays-Bas comptent se conformer à cette législation dans la mesure où la liberté d’expression est très grande dans le pays et ne fait guère l’objet de limitations.

33.M. Ewomsan évoque la situation des minorités nord-africaines qui sont d’une certaine façon rendues invisibles dans la société néerlandaise. Il demande quelles sont les mesures prises par l’État pour combattre cette forme de racisme et voudrait savoir si des organisations de la société civile y sont associées. Il se félicite que les Pays-Bas reconnaissent le rôle économique primordial de la main-d’œuvre immigrée, mais fait observer que les immigrés sont aussi porteurs de culture et peuvent être une source d’enrichissement pour la société néerlandaise.

34.M. Prosper voudrait en savoir plus sur la promotion des minorités aux Pays-Bas car, d’après les informations fournies, il semblerait que l’intégration ne se fasse qu’au niveau de la main-d’œuvre. Il voudrait savoir en particulier si les membres des minorités accèdent facilement à des postes de responsabilité.

35.M. Amir évoque l’hypothèse où des membres du Parlement tiendraient des propos xénophobes et demande s’il serait possible en pareil cas de retirer leur immunité parlementaire. Par ailleurs, il voudrait davantage de renseignements sur la montée en puissance des partis politiques d’extrême droite dans le pays.

36.M. de Gouttes voudrait que la délégation néerlandaise revienne sur les effets dévastateurs de la crise financière et économique mondiale sur les groupes sociaux les plus défavorisés et, en particulier, sur les immigrés. Il voudrait savoir si l’augmentation probable du chômage ne risque pas de stigmatiser les immigrés. En ce qui concerne les indicateurs socioéconomiques, il demande si la délégation dispose de statistiques sur la population pénitentiaire, en particulier sur le nombre de personnes étrangères incarcérées, statistiques dont le Comité pourrait dégager des enseignements utiles.

37.M. Diaconu fait observer que les Pays-Bas comptent 16 millions d’habitants dont 3 millions de personnes d’origine non européenne alors que, comme d’autres pays européens, la classe politique ne semble pas avoir encore pleinement perçu l’importance et la nécessité de faire respecter le principe de l’égalité de tous. Il souhaite connaître le point de vue de la délégation néerlandaise à ce sujet.

38.M. Avtonomov fait observer à l’intention de la délégation néerlandaise qu’il serait peut-être utile que les Pays-Bas engagent un débat sur les questions d’intégration et d’assimilation.

La séance est suspendue à 12 h 15 ; elle est reprise à 12 h 2 5 .

39.M me Haim é (Pays-Bas) constate qu’il existe toujours dans les démocraties une tension entre la liberté de parole et les exigences de la lutte contre la discrimination et de l’égalité. Alors que certains pays privilégient la liberté de parole, les Pays-Bas accordent généralement la priorité à l’égalité. Le problème qui se pose est de savoir si la démocratie doit être un «libre marché des opinions» ou s’il est possible et, le cas échéant, de restreindre certains droits individuels. Les Pays-Bas croient en une démocratie ouverte et forte et leurs tribunaux jouent un rôle important à cet égard. C’est pourquoi les parlementaires bénéficient de l’immunité parlementaire et ne peuvent être traduits en justice pour les propos qu’ils tiennent au Parlement. Une procédure a donc été engagée contre un parlementaire et chef de parti politique pour les propos qu’il a tenus hors du Parlement et Mme Haimé fait confiance aux tribunaux néerlandais pour juger cette affaire de manière appropriée et pour déterminer à quel moment les limites de la liberté de parole ont été dépassées.

40.Mme Haimé affirme qu’aux Pays-Bas la démocratie s’applique à tous de manière égale et sans distinctions. Le Gouvernement n’adopte pas de politiques spécifiques pour certains groupes particuliers mais il élabore des politiques en vue de faire face à des problèmes particuliers. La violence raciste est poursuivie et sanctionnée, de même que d’autres formes de discrimination. L’objectif de la politique d’intégration et des cours d’intégration n’est pas d’assimiler les immigrants mais de faire en sorte qu’ils parlent le néerlandais, car la langue est le facteur d’unité sociale le plus fort. L’objectif est de permettre à tous de participer pleinement à la vie de la société.

41.Répondant aux observations de plusieurs membres du Comité concernant la nécessité de reconnaître les identités et les cultures, Mme Haimé estime qu’il convient de trouver à cet égard un juste équilibre entre l’individualisme d’une part, et la solidarité et l’intégration de l’autre. À titre d’exemple, les femmes immigrées aux Pays-Bas se disent satisfaites du caractère obligatoire de la politique d’intégration civique car l’obligation de suivre des cours de langue empêche leur conjoint de les forcer à rester à la maison. Ces cours leur permettent également de savoir quels sont leurs droits et de participer à la société sur un pied d’égalité avec les hommes.

42.Aux Pays-Bas, les femmes des immigrants sont surreprésentées dans les refuges destinés à accueillir les femmes victimes de violence familiale, mais ce phénomène est considéré comme une preuve de l’émancipation des femmes immigrantes au sein de leurs communautés. Elles ont confiance dans la société néerlandaise et trouvent le moyen de se rendre auprès de ses institutions pour solliciter une protection.

43.Des progrès ont également été enregistrés en matière d’éducation. Le nombre d’étudiants issus de l’immigration, turcs ou marocains par exemple, qui suivent un enseignement supérieur a doublé au cours des dix dernières années. Les statistiques qui confirment les progrès dans ce domaine n’ont d’ailleurs pas pour objet de pointer du doigt certaines catégories de population qui ne s’intègreraient pas mais de savoir quels problèmes appellent des mesures.

44.Mme Haimé fait remarquer que l’on utilise peu aux Pays-Bas les termes «assimilation» et «multiculturalisme», l’objectif étant que tous participent pleinement à la vie de la société en tant que citoyens, et soient acceptés pleinement en tant que citoyen. Des activités ont été menées à cette fin au cours des dernières années. Par exemple, le Conseil du développement social aux Pays-Bas a rendu un avis concernant la diversité, l’uniformité et les liens sociaux, dans lequel il a recommandé au Gouvernement de lancer des initiatives visant à créer des situations permettant aux gens de se rencontrer plus spontanément. Le Gouvernement a ainsi décidé d’investir sur une période de quatre ans 30 millions d’euros dans des initiatives communautaires touchant l’ensemble du pays, en vue de favoriser ce type de rencontres, et a subventionné 220 initiatives. L’évaluation des résultats de ces initiatives a permis de constater que la société était favorable à ce type d’activités et l’on a ensuite établi des critères de choix des initiatives à subventionner. Il s’agit notamment de favoriser les contacts, de permettre aux gens de se connaître et éventuellement de travailler ensemble et de s’entraider. Près de 90 000 personnes ont participé à ces projets et les meilleurs d’entre eux seront présentés comme exemples aux municipalités.

45.En ce qui concerne la préservation de l’identité et de la culture, le Ministre du logement, des quartiers et de l’intégration a déclaré qu’il souhaitait que les gens soient fiers de leur identité et de leur culture car cela leur permet d’avoir confiance en eux et de participer pleinement à la vie de la société, ce que chacun doit pouvoir faire au lieu de rester isolé. C’est pourquoi le système d’intégration, même s’il est obligatoire, permet que les immigrants conservent leur identité et leur culture propres.

46.Le Gouvernement s’efforce de faire participer les immigrants à tous les aspects de la vie politique du pays − au Parlement et dans les municipalités − et à sa vie culturelle. Lors des élections municipales de 2006 a été adopté le principe de la représentation proportionnelle des minorités ethniques dans les conseils municipaux, qui a donné des résultats très satisfaisants. Des talents apparaissent de plus en plus nombreux dans les minorités ethniques et des réseaux communautaires d’entraide se mettent en place, notamment parmi les Marocains de la deuxième génération. Cette deuxième génération d’immigrants marocains connaît le paradoxe de l’intégration: ils manifestent un réel désir de s’intégrer mais se rendent compte qu’ils ne sont pas toujours acceptés par la société. Ils sont tiraillés entre deux cultures: celle de leurs parents et celle de la société d’accueil, à l’école par exemple. C’est pourquoi on a lancé des plans d’action destinés spécifiquement à résoudre les problèmes qui se posent aux jeunes originaires du Maroc et des Antilles néerlandaises. Différents, ces plans d’action adoptent néanmoins une même approche: sensibiliser les jeunes au respect des lois tout en leur offrant des perspectives.

47.Mme Haimé juge difficile de dire quelle sera la prochaine coalition politique aux Pays-Bas et si une coalition de droite pourrait dénoncer des instruments relatifs aux droits de l’homme ou décider de ne pas les ratifier. Les décisions relatives aux instruments internationaux nécessitent une majorité au Parlement. Considérant que l’extrême droite sera toujours minoritaire dans toute coalition, la déléguée des Pays-Bas garde confiance dans le système démocratique de son pays.

48.Mme Haimé espère que la situation économique ne va pas se dégrader et que l’on pourra en contrôler les effets. Le Gouvernement a déployé de nombreux efforts avec différents partenaires pour soutenir les revenus des immigrants. Des accords ont été passés avec des employeurs en vue d’organiser des formations continues, notamment linguistiques. Le Ministère des affaires sociales et de l’emploi a passé un accord permettant aux employeurs d’engager des travailleurs à temps partiel afin de leur permettre de suivre une formation pendant leur temps libre. On essaie donc de maintenir l’emploi tout en augmentant les qualifications.

49.Des groupes de personnes d’ascendance africaine se sont constitués pour se joindre à la structure de dialogue national, en fonction de leur pays d’origine, notamment le Surinam et les pays des Caraïbes, y compris un groupe qui rassemble les réfugiés d’ascendance africaine. Mais Mme Haimé ne sait pas si ces groupes souhaiteraient former un groupe unique des personnes d’ascendance africaine, ceux qui viennent des États-Unis ayant une situation très différente de celle des immigrants somaliens ou nigérians, par exemple. Elle n’est donc pas certaine que ces différents groupes d’immigrants souhaiteraient être pris en considération selon le critère de leur ascendance africaine.

50.Les statistiques relatives à la population carcérale indiquent la nationalité mais pas l’origine ethnique des détenus. Ces derniers présentent une forte diversité ethnique, mais des statistiques précises ne sont pas disponibles à ce sujet. Ces chiffres seront donc fournis au Comité dans le prochain rapport des Pays-Bas.

51.M. Lahiri dit, étant donné qu’il incombe au Gouvernement néerlandais d’élaborer les rapports concernant Aruba et les Antilles, qu’il serait utile que la partie européenne du Royaume des Pays-Bas fournisse des fonds et des aides techniques aux Antilles néerlandaises afin que le Comité reçoive des rapports des trois parties constitutives de l’État.

52.M. Lahiri félicite le Royaume des Pays-Bas pour les mesures positives qu’il a prises, notamment pour mettre en place un réseau de bureaux locaux contre la discrimination, adopter le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, renforcer l’institution nationale des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris, et formuler des instructions relatives aux discriminations à l’intention de la police et du parquet qui doivent maintenant tenir un registre de toutes les plaintes et signaler tous les délits ayant un contenu discriminatoire.

53.Parmi les sujets de préoccupation, M. Lahiri mentionne le fait que la situation générale quant à la discrimination raciale s’est dégradée aux Pays-Bas, peut-être même davantage que dans les pays voisins. Ce changement apparent d’orientation de la politique gouvernementale qui fait désormais reposer la responsabilité principale de l’intégration sur les communautés minoritaires, lui semble préoccupant.

54.La société néerlandaise étant considérée comme une des plus tolérantes en Europe, il ne devrait pas être difficile aux autorités de déterminer à quel moment la liberté d’expression commence à constituer une gêne ou un danger pour d’autres communautés.

55.M. Lahiri dit que le Comité est préoccupé par l’approche du Gouvernement néerlandais qui met l’accent sur les politiques plutôt que sur des groupes spécifiques de population. En effet, il estime que l’égalité de traitement dans des situations d’inégalité équivaut à une discrimination et que le Gouvernement devrait se concentrer sur les besoins particuliers des groupes défavorisés. Par ailleurs, certains membres du Comité craignent que lors des prochaines élections prévues aux Pays-Bas, les choses n’aillent dans un sens défavorable aux droits de l’homme. M. Lahiri espère, à cet égard, que la signature du Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité et la mise en place d’une institution nationale conforme aux Principes de Paris ne seront pas retardées.

La séance est levée à 13 heures 10.