NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.193931 août 2009

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-quinzième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1939e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,le jeudi 6 août 2009, à 10 heures

Présidente: Mme DAH

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques de la Pologne (suite)

La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 5 de l’ordre du jour) (suite)

Dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques de la Pologne (CERD/C/POL/19;HRI/CORE/POL/2009; liste des points à traiter, document sans cote distribué en séance, en anglais uniquement) (suite)

1. Sur l ’ invitation de la Présidente, la délégation polonaise reprend place à la table du Comité.

2.M. RZEMIENIEWSKI (Pologne) explique qu’en vertu de la loi du 6 janvier 2005 sur les minorités nationales et ethniques et les langues régionales, sont membres d’une minorité nationale les individus qui résident sur le territoire polonais, possèdent des liens anciens, durables et solides avec la Pologne (leurs ancêtres doivent avoir vécu en Pologne depuis au moins cent ans), présentent des caractéristiques ethniques, culturelles, religieuses ou linguistiques spécifiques, sont en nombre suffisant, et sont déterminés à préserver les caractéristiques formant leur identité, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue. En Pologne, une minorité nationale, contrairement à une minorité ethnique, doit également s’identifier à une nation organisée dans le cadre d’un État donné.

3.M. Rzemieniewski affirme que la Pologne ne fait aucune différence entre les droits des minorités nationales et ceux des minorités ethniques et que la seule différence entre ces droits relève de questions de nomenclature et de terminologie. En Pologne, il n’existe qu’une seule langue régionale, la langue cachoube (CERD/C/POL/19, par. 227), reconnue en tant que telle au sens de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Cette langue, qui est proche du polonais et a longtemps été considérée comme un dialecte, est aujourd’hui juridiquement protégée par l’État en tant que langue régionale. Les Cachoubes sont très attachés à leur langue et le nombre d’écoles où cette dernière est enseignée a beaucoup augmenté ces dernières années. La Pologne dispose de deux stations de radio privées, l’une biélorussienne et l’autre cachoube.

4.Dans le passé, les minorités nationales et ethniques représentaient quelque 30 à 50 % de la population polonaise. En raison de la modification des frontières et de l’extermination des Roms et des Juifs par l’État nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale, les minorités n’ont plus représenté, à un moment donné, qu’un tout petit nombre de personnes. Il est vrai que les chiffres actuels signalent une diminution du nombre de personnes appartenant à des minorités mais le nombre même des minorités, 13, n’a pas changé.

5.Répondant à M. Avtonomov qui souhaite savoir pourquoi, selon le recensement national de la population et du logement de 2002, les Caraïtes (par. 82) seraient au nombre de 43 alors que les données recueillies dans les années 80 en fixaient le nombre à une centaine, M. Rzemieniewski explique que le recensement de 2002 comportait pour la première fois une question directe sur l’appartenance à une minorité ethnique, ce qui a permis d’établir avec davantage de précision le nombre de personnes appartenant à cette minorité. Il explique que certaines minorités ont effectivement tendance à s’assimiler très rapidement, raison pour laquelle le Gouvernement polonais essaie de contenir ce phénomène en les protégeant juridiquement. Cette tendance ne s’applique pas aux Caraïtes, qui sont une minorité très dynamique, très éduquée et très diplômée. Aucun changement de la composition de la communauté caraïte n’a été constaté ces dernières années.

6.S’agissant de la participation des représentants des minorités nationales et ethniques à la vie publique, M. Rzemieniewski indique que la législation polonaise sur les élections est l’une des seules au monde à permettre aux membres des minorités nationales de participer à l’élection du Président, de la Chambre basse et du Sénat, aux élections municipales et aux élections des conseils de district comme aux élections directes des responsables municipaux et des maires des villes et des communes. Ils participent également au référendum national et aux référendums locaux. Les partis ethniques ne sont pas interdits mais sont inexistants en Pologne.

7.S’agissant des activités des communautés ethniques dans les gouvernements locaux, le représentant polonais indique que la minorité biélorusse dispose d’un comité électoral national qui a un large succès dans la province où elle est fortement représentée. Les minorités ont accès aux services publics, participent aux référendums et ont les mêmes droits que les Polonais. En outre, les langues régionales et les langues des minorités peuvent être utilisées dans les échanges avec l’administration lorsque des minorités représentent 25 % au moins de la population d’une municipalité ou d’une région donnée.

8.Mme PLOSZAJSKA (Pologne) indique que les langues minoritaires sont considérées comme un atout en Pologne, raison pour laquelle l’État les protège juridiquement, en particulier dans le domaine de l’éducation. L’article 35 de la Constitution prévoit que les membres des minorités nationales ou ethniques peuvent étudier leur langue maternelle et suivre un enseignement dans leur langue maternelle. En outre, l’article 17 de la loi sur les minorités nationales et ethniques et les langues régionales consacre le droit des personnes appartenant aux minorités d’apprendre leur langue maternelle grâce à des cours dispensés dans cette langue. Cette loi prévoit également que les établissements scolaires et les institutions publiques doivent permettre aux élèves de conserver leur identité nationale, ethnique, linguistique et religieuse, en particulier leur langue, leur histoire et leur culture.

9.Mme Ploszajska indique qu’en Pologne, il existe des écoles qui dispensent un enseignement dans les langues des groupes minoritaires et d’autres qui offrent des cours complémentaires dans les langues minoritaires, comme des écoles bilingues. Les classes d’enseignement en langue minoritaire sont créées à partir de 7 élèves dans les écoles primaires et les collèges et de 14 élèves dans les lycées. L’administration est tenue de fournir des manuels scolaires dans les langues minoritaires concernées. En général, ce sont les minorités qui élaborent ces manuels, mais ils sont financés par la municipalité de la localité concernée. L’État accorde aussi une subvention aux établissements scolaires qui s’efforcent de maintenir une identité linguistique. En outre, depuis 2004, les parents peuvent demander que leurs enfants passent les examens de fin de cycles primaire et secondaire dans une langue minoritaire.

10.Pour ce qui est de la place qu’occupent les langues des minorités dans les programmes scolaires, Mme Ploszajska indique qu’une fondation privée finance deux écoles qui ont l’hébreu comme langue d’enseignement. En outre, la minorité tchèque a demandé que sa langue soit introduite comme langue d’enseignement tant au jardin d’enfants qu’à l’université, ce qui est désormais le cas. Par contre, aucun programme d’enseignement n’est dispensé dans la langue des minorités tatare et caraïte, qui n’y ont manifesté aucun intérêt. Le russe est quant à lui toujours étudié en tant que langue étrangère alors qu’il serait facile de trouver des enseignants russophones, vu le grand nombre de locuteurs de cette langue dans le pays.

11.En raison de la diversité des origines ethniques et nationales des élèves, ces derniers sont exposés au pluriculturalisme dès l’école primaire. Dès la rentrée scolaire de 2009, des cours visant à promouvoir le patrimoine culturel des différentes minorités du pays seront dispensés dans les écoles. En outre, la Commission mixte du Gouvernement et des minorités nationales et ethniques travaille en collaboration avec différents ministères ainsi qu’avec les services compétents des autorités locales à la rédaction de documents de stratégie en faveur des minorités lituanienne et allemande, en vue d’analyser précisément la situation de ces minorités et d’élaborer des directives pour améliorer leurs conditions de vie. L’objectif à terme est d’en faire de même pour toutes les minorités du pays.

12.Mme Ploszajska dit que la langue rom est une langue orale qui compte différents dialectes. En 2008, le Conseil de l’Europe a lancé un programme en vue de sa codification, dans le cadre duquel une équipe spéciale a été créée, composée de membres des diverses communautés roms ainsi que du Ministère de l’éducation nationale. Cette équipe est parvenue à mettre au point des manuels scolaires en rom polonais, qui ont été distribués gratuitement aux élèves roms. Les parents roms étaient initialement réticents à ce que leurs enfants soient scolarisés dans les écoles d’enseignement général, car ils craignaient que ceux-ci ne perdent leur identité culturelle et leur langue. Dans le cadre d’une initiative pilote, un jardin d’enfants géré par des membres de la communauté rom a été créé pour accueillir ces enfants ainsi qu’une école privée subventionnée par l’État.

13.M. RZEMIENIEWSKI (Pologne) dit que le Programme pour la communauté rom en Pologne met l’accent sur l’éducation afin de permettre aux enfants de cette minorité d’obtenir de meilleurs résultats scolaires. Ce programme repose sur la création d’assistants d’éducation roms ainsi que de professeurs chargés du soutien scolaire, qui accordent une attention particulière aux élèves roms. Ces derniers jouent en outre le rôle d’intermédiaire entre les familles et les professeurs, s’assurent que les enfants vont bien à l’école et sont mieux à même de comprendre les difficultés que ceux-ci rencontrent car ils parlent leur langue. Une centaine d’élèves roms ont reçu des bourses, l’objectif du Ministère de l’éducation étant de sensibiliser les membres de cette communauté aux bienfaits de l’instruction, qui est le seul moyen de se faire une place dans le marché du travail actuel. Ces diverses actions ont porté leurs fruits puisque, depuis leur mise en place, le taux de scolarisation des élèves de la communauté rom a beaucoup augmenté.

14.Les classes exclusivement réservées aux Roms que la plupart des pays européens ont créées afin de favoriser la scolarisation des enfants de cette communauté ont finalement été jugées néfastes en ce qu’elles isolaient ces enfants du reste de la population et les empêchaient, pour des raisons linguistiques, de poursuivre leurs études dans les classes fréquentées par les Polonais de souche. Aussi le Ministère de l’éducation nationale a-t-il interdit la création de nouvelles classes de ce type et fermé progressivement la majorité des classes existantes. Moins d’une centaine d’élèves fréquentent désormais ces classes, dans les régions où les communautés roms sont le plus nombreuses, et il est prévu que tous les enfants roms aient rejoint le système éducatif traditionnel et étudient aux côtés des autres petits Polonais à la rentrée de septembre 2010.

15.Un problème nouveau se pose toutefois en matière d’éducation des jeunes roms de Pologne: en effet, un certain nombre d’entre eux qui ont migré avec leur famille vers les pays scandinaves et les îles britanniques où ils n’ont pas été scolarisés reviennent actuellement en Pologne sans avoir des connaissances scolaires suffisantes pour intégrer les établissements d’enseignement traditionnel. Il s’agira pour les autorités compétentes de trouver le moyen de les remettre à niveau sans créer de nouvelles «classes roms».

16.Pour que la langue rom, qui a subi les assauts de l’anglais et du polonais, soit préservée, il a fallu qu’elle soit codifiée, ne serait-ce que pour répondre aux besoins et aux exigences du monde contemporain et de la nouvelle génération. Aussi existe-t-il désormais des pages Web et des bandes dessinées en rom ainsi que diverses publications reproduisant dans une langue juridique rom qu’il a fallu inventer, les textes de loi intéressant cette communauté. Enfin, des cours de langue rom seront dispensés dès 2010 aux étudiants en pédagogie à l’Université de Cracovie, ce qui facilitera leurs échanges avec leurs futurs élèves issus de cette communauté.

17.Mme RADZISZEWSKA (Pologne) dit que l’enseignement est gratuit et obligatoire de 6 à 15 ans et, qu’à partir de 2010, un projet pilote sera lancé pour dispenser un enseignement aux enfants roms âgés de 3 à 6 ans.

18.M. WYDRA (Pologne) dit que rien ne s’oppose à ce qu’un membre de la communauté rom rejoigne les forces de police, mais qu’actuellement, aucun agent de police n’en est originaire. Cela ne signifie pas pour autant que la police ne se soucie pas du sort des Roms, au contraire, des fonctionnaires de police expérimentés qui ont gagné la confiance de cette communauté assurent leur sécurité et cherchent à déceler toute forme de discrimination ou d’intolérance à leur égard.

19.Le profilage ethnique est interdit par la loi et tout agent en uniforme soupçonné d’y avoir recouru doit répondre de ses actes. En effet, le code d’éthique de la police exige des fonctionnaires qu’ils se comportent de manière impartiale et qu’ils s’abstiennent de toute considération raciale, religieuse, politique ou liée à l’origine ethnique des personnes dans l’exercice de leurs fonctions. Les personnes estimant avoir été lésées peuvent déposer plainte auprès de la police ou saisir le Médiateur, qui agira en toute indépendance. Des poursuites sont systématiquement engagées en cas d’abus de pouvoir avéré d’un membre des forces de l’ordre.

20.Une campagne de lutte contre la discrimination a été menée au sein de la police et des cours de formation ont été mis en place à l’intention des agents de police pour prévenir toute incitation à la haine raciale ou à la xénophobie, ainsi que tout comportement discriminatoire lié à l’origine raciale ou ethnique de la victime, ou encore à son sexe ou à son orientation sexuelle.

21.Mme GLOWAKA-MAZUR (Pologne) dit que le nombre de plaintes émanant de la communauté rom pour refus d’accès à des services de base est très peu élevé. Elle cite un certain nombre d’exemples dans lesquels des commerçants ont refusé l’accès à leurs magasins à des Roms. Le Ministère de l’intérieur est systématiquement intervenu moyennant la désignation d’un médiateur qui a permis de régler ces affaires essentiellement privées. Dans tous les cas, les Roms ont obtenu réparation.

22.Mme GORZYNSKA (Pologne) dit qu’en vertu de l’article 91 de la Constitution, les instruments internationaux font partie de l’ordre juridique interne et sont directement applicables. La Constitution dispose en outre que la République de Pologne respecte le droit international. La Pologne étant membre de l’Union européenne depuis 2004, toutes les conventions européennes font partie de son ordre juridique interne. Les instruments internationaux priment la législation interne. Depuis juin 2007, la Pologne dresse un catalogue de tous les arrêts des tribunaux, qui montre effectivement qu’aucun tribunal n’a fait référence à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans ses arrêts. Il est toutefois fort possible que les tribunaux n’aient pas communiqué tous leurs arrêts. Si les tribunaux ne font pas référence à la Convention, ils se réfèrent très souvent à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La Pologne reconnaît qu’il est important de sensibiliser les juges aux dispositions des instruments internationaux relatifs à la discrimination raciale afin qu’ils s’y réfèrent davantage. Les délits et crimes à motivation raciste font systématiquement l’objet de poursuites judiciaires. En vertu de l’article 118 du Code pénal, tout auteur d’un crime raciste ayant entraîné la mort de la victime est passible d’une peine d’emprisonnement allant de douze à vingt‑cinq ans. L’article 256 du Code pénal réprime la propagande en faveur du fascisme et autres systèmes totalitaires d’État ainsi que l’incitation à la haine fondée sur les différences ethniques et raciales. L’article 257 du même Code pénalise l’insulte publique à personnes physiques en raison de leur appartenance nationale, ethnique, raciale ou religieuse. Enfin, la motivation raciste d’un acte est dans tous les cas considérée comme une circonstance aggravante.

23.Mme RADZISZEWSKA (Pologne) dit qu’il est prévu d’apporter un amendement à l’article 256 du Code pénal afin de sanctionner les sites Web de propagande nazie. En ce qui concerne la diffusion de la Convention auprès de l’appareil judiciaire, elle signale que l’Union européenne a débloqué des fonds pour permettre à la Pologne de former les magistrats et de les sensibiliser aux questions relatives aux droits de l’homme et à la discrimination raciale.

24.Mme  PETRYNA (Pologne) dit que le nombre de poursuites engagées pour délits et crimes à motivation raciste a nettement augmenté depuis 2008, ce qui s’explique notamment par les facteurs suivants: la meilleure sensibilisation de l’opinion à la lutte contre la discrimination raciale et le racisme et l’établissement de mécanismes efficaces permettant de faciliter le dépôt de plaintes et de mieux déceler les crimes et délits en question. On observe également une augmentation du nombre d’affaires relatives à la publication de propos et de matériels racistes sur Internet. Plusieurs facteurs expliquent aussi ce phénomène, notamment l’augmentation sensible du nombre d’internautes et la meilleure surveillance des sites par la police. Il est effectivement regrettable que nombre d’affaires relatives à des propos racistes sur le Web ne donnent lieu à aucune condamnation mais il est souvent fort difficile d’identifier leurs auteurs, de nombreux serveurs étant situés sur le territoire d’autres États où aucune mesure ne peut être prise au nom de la défense de la liberté d’expression. En ce qui concerne les organisations qui se livrent à des activités xénophobes et racistes, de nombreuses enquêtes ont été menées par le parquet conformément aux mesures préconisées par le Programme 2004‑2009 de lutte contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Il est prévu dans ce Programme de retirer le statut juridique aux organisations racistes. Si des actions ont été engagées en ce sens, il est souvent difficile de recueillir des preuves sur les activités racistes des organisations et le seul moyen de les dissoudre est d’obtenir la condamnation de leurs membres fondateurs.

25.Le nombre d’agressions visant des étrangers a également augmenté. Dans la plupart des cas, ce sont des personnes d’origine africaine qui en sont victimes. Dans ce domaine aussi, toutes les affaires font l’objet d’enquêtes et donnent lieu à des condamnations. En ce qui concerne le problème du racisme dans le sport, si les responsables sont découverts, des poursuites sont également engagées. À ce jour, quatre condamnations ont été prononcées contre des supporters qui avaient proféré des insultes racistes dans des stades de football.

26.Mme ZEMANEK (Pologne) revient sur les allégations formulées par des ONG selon lesquelles des Tchétchènes n’ont pu obtenir des permis de séjour temporaires. Elle explique qu’en général, les Tchétchènes n’ont aucune difficulté à obtenir le statut de réfugié. Les personnes qui ne peuvent obtenir ce statut obtiennent généralement un permis de séjour dit «toléré», compte tenu des risques qu’elles pourraient encourir si elles retournaient dans leur pays d’origine. En mai 2008, la Pologne a pris des mesures pour appliquer la Directive 2004/83/CE de l’Union européenne concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale. Cela signifie que les Tchétchènes peuvent prétendre à une protection complémentaire auprès des autorités polonaises. Ils constituent d’ailleurs le plus important groupe d’étrangers qui bénéficient de la protection de la Pologne. Tous les refus d’octroyer le statut de réfugié ou une protection complémentaire sont susceptibles de recours.

27.Mme Zemanek signale qu’un enseignement de la langue polonaise est dispensé gratuitement à tous dans les centres de réfugiés. Lorsqu’une personne obtient le statut de réfugié, elle est tenue de suivre un programme obligatoire d’apprentissage du polonais d’une durée de douze mois. Les enfants de réfugiés, comme tout autre mineur, sont soumis à l’obligation de scolarité jusqu’à 15 ans. Cette obligation s’applique quel que soit le statut juridique ou la nationalité de l’enfant. En ce qui concerne les abandons scolaires, les autorités compétentes en matière d’éducation demandent aux assistants sociaux de rencontrer les parents des enfants de réfugiés et autres qui abandonnent l’école. Cela étant, il est impossible d’aller chercher les enfants chez eux pour s’assurer qu’ils seront effectivement scolarisés.

28.Mme Zemanek (Pologne), évoquant l’accès à l’aide sociale des demandeurs d’asile, rappelle que la Pologne a donné effet en mai 2008 à la Directive 2004/83 du Conseil de l’Union européenne visant à éviter toute discrimination en matière de protection complémentaire. Toutes les personnes qui reçoivent le statut de réfugié ont le droit de bénéficier des programmes d’aide sociale et d’insertion.

29.Mme PLOSZAJSKA indique que la loi sur l’éducation en Pologne garantit aux enfants étrangers l’accès à l’éducation au même titre qu’aux enfants polonais. L’enseignement est gratuit, y compris pour les élèves qui ont 16 ans révolus et sont encore soumis à l’obligation scolaire. Ce droit est également étendu aux étudiants qui ont déjà terminé la période de la scolarité obligatoire mais souhaitent continuer leurs études. La principale nouveauté est l’institution de ce droit pour les enfants de réfugiés ou demandeurs d’asile, et le fait qu’ils ont la possibilité, comme les enfants roms, de suivre des cours dans la langue de leur pays d’origine.

30.Mme PRZYGUCKA (Pologne) affirme, à propos de l’accès aux soins de santé, que les étrangers ayant reçu le statut de réfugié bénéficient d’un subside de l’État pour financer leurs primes d’assurance santé et que les personnes qui demandent le statut de réfugié bénéficient des mêmes soins de santé que les personnes pleinement assurées. En ce qui concerne le test de dépistage du VIH/sida, le Bureau des étrangers organise des tests gratuits, anonymes et non obligatoires de dépistage. Pour un étranger, refuser de se soumettre à ce test n’a absolument aucune conséquence sur le traitement de sa demande d’asile. En outre, les tests de dépistage sont entièrement financés par le budget de l’État et, en cas de maladie, le traitement antirétroviral l’est également. Par ailleurs, des mesures ont été prises afin de mettre en œuvre un système de sensibilisation aux cultures étrangères dans le cadre des études de médecine et de lutter contre les préjugés négatifs à l’égard des personnes d’une autre origine raciale ou ethnique.

31.M. RAPACKI (Pologne) indique, en réponse à la question de M. Amir, que les résultats de l’enquête sur les allégations selon lesquelles il existerait des prisons secrètes de la CIA en Pologne et des personnes soupçonnées de terrorisme auraient été transférées ont été présentés aux instances judiciaires compétentes, à Varsovie, au mois d’avril 2009, et que l’affaire a été classée «secret défense». Pour l’heure, ce dossier reste confidentiel puisque la procédure est en cours. Une fois la procédure achevée et les conclusions rendues, toute information nécessaire ou demandée sera présentée aux organismes internationaux.

32.M. THORNBERRY constate que la discrimination linguistique est souvent la Cendrillon des discriminations mais qu’elle occupe pourtant une place importante dans les instruments fondamentaux relatifs aux droits de l’homme. Il fait remarquer qu’il est très difficile d’exhumer une langue lorsqu’elle est tombée en désuétude et que l’usage de l’écrit peut être efficace pour y parvenir. Cela étant, il convient de préserver le patrimoine linguistique considérable dont dispose la Pologne. Par ailleurs, l’ONG «Save the Children» a conclu que l’immersion totale dans la langue du pays hôte dès l’arrivée dans le pays n’est pas aussi efficace que la méthode consistant à commencer par un enseignement dans sa langue maternelle et à apprendre progressivement la langue du pays hôte, conclusion qui ne concerne pas la langue rom en particulier mais qui a une portée générale.

33.M. de GOUTTES fait remarquer que la difficulté d’établir la preuve d’une discrimination raciale est un problème que l’on rencontre dans tous les pays. Cela étant, il demande si la législation polonaise prévoit des mécanismes d’allégement ou d’inversion de la charge de la preuve en matière civile, notamment pour ce qui concerne les discriminations touchant l’emploi et le logement. Par ailleurs, il souhaite savoir si le droit polonais admet le «testing» utilisé dans de plus en plus de pays ou l’enquête afin de déceler les attitudes discriminatoires de gérants de restaurants et d’autres lieux publics, d’agences de recrutement, d’agences immobilières, etc.

34.Mme RADZISZEWKA (Pologne) dit, au sujet de la discrimination dans le secteur de l’emploi, qu’une directive de l’Union européenne interdit en la matière la discrimination fondée sur le sexe, l’âge ou l’origine nationale, et que les dispositions de cette directive ont été intégrées dans le droit polonais. Il ne peut pas y avoir de discrimination en Pologne pour des raisons de race ou d’origine ethnique. Tous les citoyens sont égaux en droits à cet égard et peuvent, en cas de violation de leurs droits, porter plainte auprès des tribunaux ou du Médiateur, qui est la plus haute autorité en matière de droits de l’homme en Pologne depuis vingt ans.

35.Mme KSIENIEWICZ (Pologne) précise que, outre celle qui a été évoquée, d’autres directives interdisent la discrimination dans le domaine du travail et fournissent le cadre général de l’égalité en matière d’emploi et d’égalité entre les sexes. C’est aussi un des principes directeurs du Code du travail. Tous les employés sont protégés, mais certains groupes font l’objet de protections spéciales, notamment les femmes pour ce qui concerne l’hygiène de la procréation.

36.M. AMIR (rapporteur pour la Pologne), présentant des observations préliminaires à l’issue du dialogue avec la délégation, retient qu’aucune instance n’est chargée de la question de la discrimination en Pologne. Néanmoins, la mise sur pied de l’institution que dirige le chef de la délégation polonaise témoigne d’une conscience nouvelle qui devrait faire changer certains esprits et certaines attitudes. La délégation a annoncé l’existence de lois nouvelles visant à combattre le racisme et la discrimination raciale et de ce point de vue, l’amendement apporté au Code pénal est effectivement une solution dissuasive. M. Amir se félicite en outre de l’élément positif que constitue l’attitude, rare, de la Fédération nationale de football de Pologne qui a accepté d’abonder dans le sens des directives gouvernementales concernant la lutte contre le racisme dans le milieu sportif, prônant à cet égard une reprise de conscience de la part des supporteurs. Il estime que la conférence sur le racisme, prévue en octobre 2009 en Pologne, est également une initiative très positive. Il prend acte de tout ce qui a été dit par la délégation au sujet du droit des minorités nationales et ethniques et des langues régionales. Il se réjouit notamment de constater que la communauté cachoube est protégée par l’État, notamment dans le domaine de l’éducation et avec la publication prochaine de manuels en leur langue avec l’aide de l’État. Relevant par ailleurs que les Roms refusent d’intégrer les forces de police malgré la volonté politique de l’État de les y intégrer, il préconise d’examiner plus avant dans le cadre des travaux du Comité les raisons pour lesquelles les Roms opposent actuellement un tel refus. En conclusion, il porte une appréciation de totale satisfaction à l’issue de l’examen du rapport de la Pologne, faisant observer que la délégation est parvenue à répondre à toutes les questions qui lui ont été posées, ce qui témoigne d’un progrès très net dans la lutte contre le racisme dans ce pays.

37.La PRÉSIDENTE se joint à M. Amir pour remercier la délégation et se félicite du dialogue de haute tenue et pleinement satisfaisant auquel a donné lieu l’examen des dix-septième et à dix‑neuvième rapports périodiques de la Pologne.

38. La délégation polonaise se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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