Nations Unies

CERD/C/SR.2036

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

26 août 2010

Original: français

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-dix-septième session

Compte rendu analytique de la 2036 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 18 août 2010, à 15 heures

Président:M. Kemal

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Septième et huitième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (point 4 de l’ordre du jour) (suite)

Septième et huitième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine (CERD/C/BIH/7-8; CERD/C/BIH/Q/7-8; HRI/CORE/1/Add.89/Rev.1)

1. Sur l’invitation du Président, la délégation bosniaque prend place à la table du Comité.

2.M me Djuderija (Bosnie-Herzégovine) dit que les observations finales adoptées en 2006 par le Comité concernant le précédent rapport périodique de son pays ont été diffusées dans tout le pays et que les organisations non gouvernementales (ONG) des droits de l’homme ont participé à l’élaboration du rapport à l’examen.

3.La Bosnie-Herzégovine a pris plusieurs mesures au cours de la période considérée pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention et donner effet aux recommandations antérieures du Comité. Ainsi l’institution du Médiateur a été établie et l’Agence pour l’égalité entre les sexes (CERD/C/BIH/7-8, par. 34), créée afin de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, a déjà réalisé plusieurs programmes pour assurer l’égalité des femmes dans le domaine de l’emploi et améliorer leur participation à la vie publique et politique du pays. Des efforts ont également été déployés pour supprimer la distinction, jugée discriminatoire, établie par la Constitution, entre les «peuples constitutifs» et les «Autres» (ibid., par. 31). Le Gouvernement espère pouvoir résoudre ce problème rapidement, même s’il faudra certainement, pour y parvenir, attendre les résultats des élections générales d’octobre 2010.

4.En 2009, la Bosnie-Herzégovine a adopté une loi pleinement conforme aux normes européennes, interdisant la discrimination dans les domaines de l’emploi, de la santé, de la justice, du logement, de l’éducation, du sport, de la culture, des sciences et de l’économie. Toutes les autorités publiques ont l’obligation de lutter contre la discrimination et d’en prévenir toutes les manifestations. La Bosnie-Herzégovine est déterminée à prendre des mesures énergiques pour sanctionner la discrimination dans les activités sportives, éducatives et culturelles afin de lutter contre les préjugés qui alimentent la haine raciale et nuisent à l’entente interethnique.

5.Le Gouvernement bosniaque entend aussi s’employer à régler le problème de la ségrégation dans l’enseignement public et à éliminer le système des écoles monoethniques et des «deux écoles sous le même toit» (ibid., par. 309).La suppression de ces dernières est une tâche très complexe car elle implique, d’une part, la pleine mise en œuvre de la non-discrimination à l’égard des élèves et, d’autre part, le plein exercice du droit à l’éducation dans la langue maternelle des élèves. Malgré les difficultés locales auxquelles il se heurte, le Gouvernement a bon espoir d’y parvenir.

6.La Bosnie-Herzégovine accorde une grande attention aux Roms, qui sont la minorité la plus nombreuse et la plus vulnérable du pays, dans tous les domaines. Les objectifs définis dans la Décennie pour l’intégration des Roms 2005-2015 devraient être atteints. Le Plan d’action pour l’éducation des Roms et d’autres minorités nationales (ibid., par.307), adopté en 2004 pour permettre à ces derniers de participer au développement économique et social du pays dans des conditions d’égalité, a été revu en 2010 pour mieux répondre aux besoins éducatifs des Roms.

7.Le Gouvernement bosniaque s’efforce également de lutter contre les préjugés et l’intolérance envers les réfugiés. De nombreuses activités sont menées pour harmoniser la législation bosniaque avec les instruments internationaux et régionaux signés par le pays. Cependant, la Bosnie-Herzégovine ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour résoudre les problèmes des personnes déplacées et des réfugiés, en particulier pour ce qui a trait à la restitution des biens immobiliers et à la création de conditions de vie décentes, en ce qui concerne les candidats au retour. Le soutien des donateurs sera essentiel à cet égard.

8.Le Gouvernement bosniaque s’emploie également, en coordination avec les organes centraux, à lutter énergiquement contre toute incitation à la violence raciale dans la presse ou les médias électroniques et à garantir la liberté d’expression, de conscience et de religion dans le respect de la législation antidiscriminations. La Bosnie-Herzégovine, qui demeure très attachée au caractère multiculturel de sa société, promeut et protège la diversité, qu’elle considère comme un moteur du développement et un élément clef de la paix sociale.

9.M. Hukic (Bosnie-Herzégovine) explique que le ministère public et la police veillent de concert à ce que les auteurs de crimes racistes et de crimes contre l’humanité, ces derniers étant entendus, au sens de l’article 172.1 du Code pénal bosniaque, comme les persécutions commises pour des motifs politiques, raciaux, ethniques, culturels, religieux, rendent compte de leurs actes devant la justice. Un code de déontologie de la police a également été adopté et plusieurs programmes sont mis en œuvre afin de réaffirmer le caractère multiculturel du pays.

10.M. Jovanovic (Bosnie-Herzégovine) dit qu’au cours de la période écoulée, plusieurs plans d’action en faveur des Roms ont été adoptés dans les domaines où ils sont le plus en butte aux discriminations, à savoir le logement, l’emploi et l’éducation. Les ONG participent activement à la réalisation de ces plans d’action, qui se basent sur les orientations stratégiques énoncées dans la Décennie 2005-2015 pour l’intégration des Roms (ibid., par. 90). Au cours des deux années précédentes, l’État a dépensé 5 millions d’euros pour la réalisation de programmes spécifiquement axés sur l’amélioration des conditions de logement et de l’accès aux soins de santé des Roms. Les problèmes de logement des membres de cette minorité devraient être résolus dès la fin de 2010 grâce à la réalisation de programmes de construction ou de rénovation mis en œuvre par les municipalités, en coopération avec le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés (ibid., par. 201) qui est compétent pour les minorités nationales. D’autres programmes spéciaux, mis en œuvre dans le domaine de l’emploi, semblent donner de moins bons résultats en raison du faible niveau d’instruction des Roms. Un plan révisé a donc été établi pour répondre aux besoins spéciaux d’éducation de cette minorité et des fonds importants ont été alloués à sa mise en œuvre. Le Gouvernement espère que cela permettra d’améliorer le niveau d’éducation et de formation des Roms. Une stratégie pour les minorités nationales devrait, en outre, être présentée au Conseil des ministres fin 2010.

11.Un plan d’action pour améliorer l’accès aux soins de santé des Roms a également été élaboré avec des ONG roms et des ressources financières importantes ont été allouées à sa mise en œuvre. En 2009, une vaste campagne de vaccination et de soins génésiques a été menée auprès de cette population parallèlement à une campagne mettant l’accent sur l’importance de la scolarisation. Le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés veille de près au respect de la loi sur la liberté de religion et le statut juridique des églises et des communautés religieuses en Bosnie-Herzégovine (ibid., par. 363), qui établit un cadre juridique fixant des droits et devoirs identiques pour toutes les églises et communautés religieuses du pays, sans discrimination. Des progrès ont également été effectués pour réglementer les relations entre le Gouvernement et les communautés roms. Un accord a été signé entre l’Église orthodoxe et les communautés musulmanes et un autre, portant sur les droits religieux des soldats bosniaques, entre le Saint-Siège et la Bosnie-Herzégovine, en mai 2010. L’État coopère également avec le Conseil interreligieux dont la mission est de renforcer la paix dans le pays et de s’employer à réconcilier les populations des différentes communautés religieuses.

12.M me Slomovič (Bosnie-Herzégovine) dit que la nouvelle législation relative à l’emploi contient des dispositions antidiscrimatoires et que le Code du travail punit désormais la discrimination fondée sur la race ou le sexe ainsi que le harcèlement dans le cadre professionnel.

13.Compte tenu de la hausse du taux de chômage, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a mis en place un fonds d’aide aux chômeurs, auquel ont notamment droit les personnes handicapées ainsi que les femmes victimes de violences qui n’osent pas toujours accepter les offres d’emploi qui leur sont faites de peur que leur harceleur ne les poursuive jusque sur leur lieu de travail. Dans le domaine de la politique sociale, plusieurs lois qui ont déjà été examinées en première lecture devraient être adoptées prochainement; elles portent notamment sur la famille, les personnes handicapées et la sécurité sociale et prévoient d’élargir le système de protection sociale aux toxicomanes et aux victimes de violences. Compte tenu de la recrudescence regrettable de la violence domestique au cours des trois ou quatre années précédentes dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine et dans la Republika Srpska, les autorités s’efforcent de collecter des fonds pour construire davantage de centres d’accueil pour les femmes et les enfants victimes de ce fléau. La communauté internationale ayant interrompu son soutien financier, la Bosnie-Herzégovine cherche des donateurs, faute de quoi ces centres risquent d’être fermés.

14.M me  Djuderija (Bosnie-Herzégovine) dit qu’étant donné le grand nombre de personnes qui souffrent de traumatismes liés au terrible conflit armé qui a déchiré le pays, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine s’efforce de lever des fonds afin de mettre en place des programmes de réinsertion en faveur des victimes de la guerre civile. En outre, un programme de prise en charge des victimes de violences sexuelles, financé par la Norvège, est mis en œuvre depuis trois ans en Bosnie-Herzégovine en coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés.

15.M. Lindgren Alves (Rapporteur pour la Bosnie-Herzégovine) se félicite que les septième et huitième rapports périodiques de la Bosnie-Herzégovine reprennent l’une après l’autre toutes les recommandations formulées par le Comité dans ses observations finales adoptées à l’issue de l’examen de son précédent rapport (CERD/C/BIH/CO/6) et fassent état, comme le lui avait demandé le Comité, des progrès accomplis dans différents domaines.

16.M. Lindgren Alves a dû consulter de nombreux documents portant sur la Bosnie-Herzégovine pour se faire une idée plus précise de l’organisation politique particulièrement complexe de l’État partie, composé de deux entités: la Fédération de Bosnie-Herzégovine, composée en majorité de Bosniaques et de Croates, et la Republika Srpska, auxquelles s’ajoute le district de Brčko.

17.Notant que le dernier recensement de la population a eu lien en 1991, le Rapporteur espère que le Gouvernement fera le recensement prévu pour 2011 afin de disposer de toutes les statistiques nécessaires à une meilleure évaluation de ses politiques publiques. À cet égard, il se demande comment s’identifieront désormais les 5,5 % de la population qui se déclaraient «Yougoslaves» lors du dernier recensement.

18.Pour ce qui est de la structure judiciaire de l’État partie, M. Lindgren Alves juge que les informations présentées au paragraphe 32 du rapport à l’examen prêtent à confusion: elles ne permettent pas de déterminer d’après ce paragraphe si la «Chambre des peuples» est un organe de la Republika Srpska ou de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. L’expert apprécierait que la délégation de Bosnie-Herzégovine fournisse au Comité des informations complémentaires à ce sujet, et indique notamment si La Fédération de Bosnie-Herzégovine s’est elle aussi dotée d’une cour constitutionnelle, et dans l’affirmative, quelle en est sa composition.

19.M. Lindgren Alves souligne l’incompatibilité entre la Convention et la Constitution de la Bosnie-Herzégovine, qui trouve son origine dans les accords de paix signés à Dayton en 1995, car ladite Constitution subordonne expressément l’octroi de certains droits importants à l’appartenance ethnique. Pour ce qui est du droit de voter et d’être élu, par exemple, il voudrait savoir s’il est effectivement impossible à toute personne qui n’est pas Bosniaque ou Serbe de présenter sa candidature à la Chambre des représentants et si, comme le prétendent des organisations non gouvernementales, seules les personnes d’une origine nationale ou ethnique donnée ont le droit de briguer la présidence de la Bosnie‑Herzégovine. M. Lindgren Alves espère que les modifications de la Constitution visant à permettre aux membres des minorités nationales d’accéder aux postes de Président et Vice-président de chacune des chambres du Parlement, mentionnées au paragraphe 29 du rapport à l’examen, aboutiront. Il note ensuite en s’en félicitant que les ONG qui ont déploré l’échec de la réforme du système électoral reconnaissent toutefois que la violence fondée sur l’origine ethnique et la religion a diminué, et saluent les efforts déployés par les autorités pour garantir la sécurité de tous les citoyens de Bosnie-Herzégovine.

20.M. Lindgren Alves souhaite savoir à quel stade en est le projet de fusion des bureaux du Médiateur des entités avec le Bureau national du Médiateur pour les droits de l’homme prévu dans la loi instituant le Médiateur pour les droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine et souligne que le projet de loi sur la suppression du Médiateur de la Republika Srpska a été retiré, ce qui bloque le processus.

21.M. Lindgren Alves voudrait aussi savoir si la décision de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine d’abolir tous les emblèmes des entités comme les drapeaux, les blasons et les hymnes pour mettre un terme à l’exclusion fondée sur l’appartenance à une minorité est toujours observée.

22.M. Lindgren Alves note ensuite qu’en dépit de la législation en vigueur disposant que trois membres du Parlement de Bosnie-Herzégovine doivent être issus d’un groupe minoritaire, aucun membre de minorité ne siège actuellement au Parlement, ce qui préoccupe certains membres du Comité.

23.Le Rapporteur note ensuite les énormes difficultés socioéconomiques auxquelles se heurte l’État partie, dont un taux de chômage supérieur à 40 % et un parc immobilier qui représente la moitié de ce qu’il était avant la guerre, alors que 38 000 familles attendent encore une aide à la reconstruction du logement qu’elles occupaient à cette époque.

24.Lisant au paragraphe 58 du rapport à l’examen que l’exercice des droits à la protection sociale est subordonné, sur le territoire de la Republika Srpska, au lieu de résidence enregistré, M. Lindgren Alves fait observer que cette condition pose probablement des problèmes aux Roms, qui n’ont pas coutume de déclarer leur lieu de résidence ni de déclarer leurs enfants à l’état civil, et se demande si la situation est identique en Fédération de Bosnie-Herzégovine. La condition liée à la résidence semble également influer sur le montant des retraites versées aux personnes originaires de la Republika Srpska déplacées pendant le conflit armé, qui est inférieur à celui auquel elles pourraient prétendre si elles n’avaient pas été déplacées. À ce propos, l’expert précise qu’un cadre juridique a été élaboré par le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, dont les premiers résultats tangibles ont été marqués par l’adoption de la loi portant modification de la loi sur les réfugiés et les personnes déplacées en Bosnie‑Herzégovine, qui facilite l’harmonisation des lois des entités relatives à l’aide au retour et à la réinstallation des réfugiés avec la loi nationale. Il juge discriminatoire le fait que les victimes de la guerre civile perdent un certain nombre des droits inhérents à leur statut de victime lorsqu’ils rentrent dans l’autre entité. M. Lindgren Alves apprécie cependant la franchise de l’État partie qui reconnaît au paragraphe 75 du rapport, qu’il ne traite pas de façon égale les invalides civils et les invalides de guerre, notamment en termes de prestations financières.

25.S’agissant des Roms, M. Lindgren Alves souhaiterait savoir comment sont nommés les membres du Conseil des Roms de Bosnie-Herzégovine − l’organe représentatif suprême de ce groupe de population dans le pays −, et précisément s’ils sont élus par la communauté rom ou choisis parmi les membres d’organisations roms qui se proposent spontanément.

26.Faisant référence à la stratégie adoptée en 2005 en faveur des Roms qui est censée contribuer à améliorer la situation sociale de cette communauté, M. Lindgren Alves demande quels ont été les résultats des plans d’action mis en œuvre dans le domaine de l’emploi, du logement et des soins de santé par le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés de Bosnie‑Herzégovine, avec l’aide d’instances gouvernementales et d’ONG.

27.M. Lindgren Alves apprécie la franchise avec laquelle l’État partie reconnaît dans son rapport que le fait que la Commission des droits de l’homme de la Cour constitutionnelle n’a été saisie d’aucune affaire liée à la Convention signifie non pas que le pays est exempt de discrimination raciale, mais plutôt que la population ignore de façon générale les droits consacrés dans cet instrument. Cela dit, il se félicite que la Convention puisse être directement invoquée devant les tribunaux de l’État partie.

28.Le Rapporteur se félicite aussi que le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie ait confié aux tribunaux nationaux l’immense tâche de poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir participé aux crimes contre l’humanité et au génocide pendant le conflit armé. Se référant au paragraphe 113 du rapport à l’examen, il se pose la question de savoir s’il est vrai que contrairement à la pratique de la Cour de Bosnie-Herzégovine, les tribunaux de canton, de district ou les juridictions supérieures des entités n’admettent pas comme instrument juridique les éléments de preuve et les faits déjà jugés par le Tribunal international, et dans l’affirmative, comment ces instances procèdent pour poursuivre les auteurs présumés de ces crimes.

29.Le Rapporteur évoque le phénomène de la mendicité organisée des Roms dans le canton de Bosnie centrale et surtout le fait que des mineurs et des handicapés mentaux sont recrutés pour mendier. Il se félicite de l’amélioration générale de la situation des personnes rapatriées en Republika Srpska et note que dans les grandes agglomérations de cette entité, la criminalité n’est pas plus élevée parmi les Roms que dans d’autres groupes de la population et que les infractions dont ils sont coupables entrent généralement dans la catégorie des vols, bagarres et comportements violents sans conséquences majeures.

30.Au sujet de la recommandation no 17 dans laquelle le Comité a encouragé l’État partie à prendre des mesures immédiates afin de garantir l’accès de tous les Roms aux documents officiels dont ils ont besoin pour exercer leurs droits économiques, sociaux et culturels, le Rapporteur voudrait connaître les résultats de la campagne d’enregistrement des Roms à l’état civil, qui devait prendre fin en 2008, et voudrait surtout savoir si la majorité des Roms ont obtenu des papiers d’identité.

31.Le Rapporteur se félicite de la révision des manuels scolaires effectuée en 2002-2003 dans toutes les entités de Bosnie-Herzégovine en vue d’éliminer tout contenu offensant à l’égard des groupes ethniques. Il salue les mesures adoptées pour favoriser le dialogue interculturel et combattre la haine raciale et religieuse, en particulier dans le cadre du Conseil interreligieux, qui réunit depuis 1997 des représentants des quatre communautés religieuses traditionnelles (musulmane, chrétienne orthodoxe, catholique et juive). Parmi les autres initiatives en faveur du dialogue et de la tolérance, le Rapporteur souligne que la première Conférence régionale de l’Alliance des civilisations de l’ONU s’est tenue à Sarajevo, le 14 décembre 2009. Les participants y ont adopté une vaste stratégie visant à renforcer la compréhension mutuelle entre les communautés et les cultures de la région.

32.M. Prosper dit que la structure tripartite de l’État partie favorise les tensions et ne contribue guère à l’harmonie entre les communautés dans la mesure où les trois membres qui composent la présidence représentent les seuls intérêts de leur propre groupe. L’expert voudrait connaître le point de vue de la délégation à ce sujet. Il s’interroge par ailleurs sur l’équité et la transparence du système judiciaire dans la mesure où les entités séparées ont des pouvoirs autonomes en matière de justice et n’appliquent pas de manière uniforme la même législation. Il voudrait également que la délégation commente les informations selon lesquelles la Republika Srpska aurait des velléités d’indépendance et de séparatisme. Il évoque la réticence de certaines juridictions à prendre des mesures contre les criminels de guerre, y compris pour arrêter et juger des criminels tels que Radoslav Vladic.

33.M. Avtonomov demande des renseignements sur l’application pratique des articles 1er à 7 de la Convention, plutôt que sur les mesures prises par la Bosnie-Herzégovine comme suite aux recommandations du Comité. S’agissant de la situation des Roms, il suggère à l’État partie de s’assurer que, lors du recensement de 2011, les Roms ne dissimulent pas leur identité ethnique par crainte de représailles. Il note avec préoccupation que de nombreux Roms ont été victimes de la guerre civile mais n’ont bénéficié d’aucune aide de l’État. Étant donné que la majorité des Roms sont au chômage, n’ont pas achevé leur scolarité et ne sont pas représentés au sein des instances locales et centrales, M. Avtonomov demande quelles mesures la Bosnie-Herzégovine a prises pour garantir l’accès des Roms à l’éducation, à l’emploi et à la santé. D’une manière générale, il voudrait en savoir plus sur les minorités nationales et sur la situation des réfugiés dans le pays. Enfin, il demande si l’État partie a changé de position en ce qui concerne la ratification de l’amendement à l’article 8 de la Convention.

34.M. Murillo Martínez voudrait savoir si les groupes ethniques ont été consultés dans le cadre des préparatifs du recensement de 2011, notamment pour ce qui est de l’élaboration du formulaire de recensement. Il demande davantage d’informations concrètes sur la situation des personnes déplacées et voudrait savoir comment l’État partie s’y prend pour répondre aux besoins spécifiques des personnes rapatriées, qui diffèrent selon les régions.

35.M me Crickley dit que la structure politique de Bosnie-Herzégovine rend l’application de la Convention encore plus compliquée que dans d’autres États parties. Notant que les Roms ont été particulièrement touchés par la guerre civile, elle demande quelles initiatives spécifiques ont été prises en leur faveur. Elle évoque la situation précaire d’autres groupes vulnérables, notamment les femmes des minorités, et s’inquiète des informations selon lesquelles plusieurs centres d’hébergement destinés aux femmes sans ressources auraient été fermés pour des raisons budgétaires. D’une manière générale, elle demande comment l’État partie s’y prend pour faire en sorte que le système éducatif reflète la diversité des populations présentes dans le pays. Elle souligne que, lors du recensement de 2011, la Bosnie-Herzégovine devrait veiller attentivement à créer des conditions dans lesquelles chacun puisse s’exprimer librement sur son identité ethnique, sans crainte de représailles.

36.Le Président, s’exprimant à titre personnel, fait observer que dans le cadre du recensement de 2011, les autorités centrales devraient aussi veiller à ne pas exagérer l’importance de certains groupes ethniques par rapport à d’autres.

37.M. Diaconu dit que la représentation des minorités dans les instances locales et fédérales pose à l’évidence des problèmes et s’étonne que les trois postes réservés aux minorités nationales à la Chambre des représentants ne soient même pas pourvus. Il cite des sources d’information selon lesquelles dans certains cas, un membre d’une minorité représenterait les intérêts de plusieurs minorités alors qu’à l’évidence, les minorités n’ont pas les mêmes problèmes et ne sont pas dans la même situation. Il s’inquiète par ailleurs du fait que les trois entités n’ont pas forcément adopté la même législation. Il note que la fragmentation des institutions de l’État partie rend très difficile la tâche d’évaluation de la situation du Comité; il pense que le fait de créer davantage d’institutions communes, pourrait habituer les habitants à travailler ensemble. Enfin, M. Diaconu demande si la stratégie en faveur des Roms est acceptée et appliquée par toutes les régions du pays.

38.M. de Gouttes, reconnaissant la complexité de la situation dans l’État partie, rappelle toutefois que, dans ses précédentes observations finales, le Comité a noté que les distinctions juridiques qui favorisaient certains groupes ethniques en leur accordant des préférences et des privilèges spéciaux n’étaient pas compatibles avec les articles 1er et 5 c) de la Convention. Il souhaite que la délégation explique pourquoi la Constitution subordonne encore l’exercice de certains droits à l’appartenance à un groupe ethnique donné, et lui demande d’indiquer si la Bosnie-Herzégovine prévoit d’engager des réformes dans un avenir proche afin de mettre les dispositions concernées en conformité avec la Convention.

39.M me Djuderija (Bosnie-Herzégovine) dit qu’à la suite de l’arrêt définitif rendu en décembre 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme, dans lequel celle-ci a estimé que la Bosnie-Herzégovine avait violé la Convention européenne des droits de l’homme du fait que sa Constitution interdit aux personnes n’appartenant pas à l’un des trois peuples constitutifs de briguer certains mandats électifs, le Conseil des ministres a adopté un plan d’action. En mai 2010, il est parvenu à un consensus concernant la révision des dispositions constitutionnelles concernées mais ces travaux ont dû être reportés car des élections doivent se tenir dans le pays en octobre 2010. La Bosnie-Herzégovine est pleinement consciente que certaines dispositions de sa Constitution sont incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Leur modification est inéluctable et n’est qu’une question de temps.

40.Toutes les minorités peuvent être représentées au Conseil des minorités, à condition d’être enregistrées. Elles ont en outre le droit d’avoir un représentant par Chambre et ce, dans les deux entités. Étant donné que les Roms sont la minorité la plus nombreuse parmi les groupes ethniques autres que les peuples constitutifs, ils ont droit d’avoir plusieurs représentants dans chacune des Chambres.

41.Conformément à une décision de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, tous les emblèmes des entités (drapeau, blason et hymne) ont été abolis au motif qu’ils ne reflétaient pas la composition de la population vivant sur le territoire national. Les parlements prennent actuellement des dispositions en vue de modifier ces emblèmes conformément aux exigences définies dans la décision de la Cour constitutionnelle.

42.Mme Djuderija dit que la question du recensement est très délicate car les minorités ne parviennent pas à s’entendre sur ce point. Conscient que le recensement de la population rom ne permet pas en soi de connaître les besoins de cette minorité, le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés a lancé en décembre 2008 un projet visant à recenser les besoins de ce groupe de population, auquel 42 associations roms ont participé. Grâce à ce projet 25 000 Roms ont été enregistrés et 5 000 familles se sont portées volontaires pour bénéficier de mesures facilitant leur accès aux services de santé, aux prestations sociales, à l’éducation et à l’emploi. Un programme de reconstruction de logements lancé en 2008 a permis de reloger 2 500 familles roms. En outre, dans le cadre du programme en faveur de l’éducation des enfants roms, des mesures spéciales sont appliquées afin d’intégrer les enfants roms dans le système scolaire général et de prévenir l’abandon scolaire parmi ces enfants.

43.La Bosnie-Herzégovine n’étant pas un pays riche, elle n’a pas les moyens de lever rapidement les fonds nécessaires pour porter assistance aux nombreux groupes vulnérables vivant sur son territoire. Au cours des dernières années écoulées, elle a certes reçu une aide de la communauté internationale, mais force est de reconnaître que ses structures, peu conformes aux normes internationales, ne lui permettent pas de distribuer adéquatement et efficacement les ressources reçues.

44.La Convention peut être directement appliquée par la Cour suprême, dont les arrêts ont force de loi dans tout le pays. Le Médiateur pour les droits de l’homme peut également invoquer directement la Convention. Il peut ouvrir des enquêtes, porter plainte contre les autorités et requérir des sanctions. Le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés joue un rôle important en matière de prévention, de conseil et de coordination aux plans national et local. Au cours des premières années de son existence, il ne recevait que peu de plaintes mais, en 2008 et 2009, il a été beaucoup plus souvent sollicité et 70 % de ses recommandations ont été appliquées.

45.La loi sur l’interdiction de la discrimination a été complétée par une disposition raccourcissant le délai imparti aux tribunaux locaux pour rendre leur décision. Depuis l’entrée en vigueur de ladite loi, le nombre de plaintes pour discrimination a augmenté et, face à cette progression, les autorités compétentes ont mis sur pied un groupe de travail chargé de suivre l’application de cette loi et de collecter des données sur la discrimination raciale ventilées selon l’appartenance aux minorités ethniques.

46.M me Slomović (Bosnie-Herzégovine) dit que les contenus des manuels d’histoire utilisés en Bosnie-Herzégovine ne sont pas identiques dans la Fédération ou dans la Republika Srpska, chaque entité y décrivant l’histoire du pays selon son propre point de vue.

47.La Bosnie-Herzégovine compte six foyers pour victimes de la violence familiale et de la traite mais ces centres connaissent de graves difficultés financières depuis la crise, étant donné qu’ils dépendent de l’aide allouée par des organisations non gouvernementales et des donateurs privés étrangers. Certains de ces centres ont dû fermer tandis que d’autres ont dû réduire leurs services.

48.La loi sur la suppression du Médiateur de la Republika Srpska a été adoptée, ce qui a permis de mener à terme la fusion des bureaux des médiateurs des entités avec le Bureau national du Médiateur pour les droits de l’homme. Il y a désormais un seul bureau du Médiateur, lequel est notamment compétent en matière de droits de l’enfant et de lutte contre la discrimination. Des problèmes liés à la procédure de la nomination et aux moyens de garantir l’impartialité du futur titulaire doivent encore être réglés. En outre, un projet de loi visant à élargir la compétence territoriale de cette institution doit encore être examiné et adopté. Enfin, le Médiateur est tenu de soumettre régulièrement des rapports à la Commission nationale des droits de l’homme.

La séance est levée à 18 heures.