Nations Unies

CERD/C/SR.2055

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

5 mars 2012FrançaisOriginal: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Soixante-dix-huitième session

Compte rendu analytique de la 2055 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mercredi 16 février 2011, à 15 heures

Président:M. Kemalpuis: Mme Dah (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention (suite)

Quatorzième à d ix - huitième rapports périodiques de Cuba

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention(suite)

Quatorzième à dix-huitième rapports périodiques de Cuba (CERD/C/CUB/14-18; CERD/C/CUB/Q/14-18; HRI/CORE/1/Add.84)

S ur l’invitation du Président, la d élé gation cubaine prend place à la table du Comité.

M. Moreno (Cuba), présentant les quatorzième à dix-huitième rapports périodiques de son pays (CERD/C/CUB/14-18), indique que plusieurs administrations et institutions publiques ont consulté des ONG et d’autres organismes compétents pour l’élaboration de ces rapports. Si Cuba est État partie à la Convention depuis 1972, c’est dès la révolution de 1959 que le gouvernement a pris de mesures pour éliminer toutes les formes de discrimination. Ses politiques ont facilité l’intégration de la société cubaine, par l’adoption de lois destinées à détruire l’ancien système de classes et à assurer le bien-être économique et social ainsi que l’autonomisation des composantes de la société qui étaient exploitées et exclues depuis toujours. La loi sur la réforme agraire a permis aux populations d’accéder à la propriété et à la terre, et a créé des sources d’emplois décents. De plus, l’accès universel et gratuit à la santé et à l’éducation a bénéficié à des groupes traditionnellement désavantagés, et en particulier aux ressortissants noirs et métis. Des mesures ont été prises pour mettre fin à la discrimination dans l’accès aux équipements et aux lieux publics, et la nationalisation des centrales sucrières, du secteur de l’énergie, du système de communications, des banques et de l’industrie minière a mis un terme à la discrimination sociale et raciale dans l’accès au travail et permis à la population tout entière de bénéficier de ces services.

Tous les citoyens ont le droit de participer à la gestion de l’État, directement ou par l’intermédiaire de leurs représentants élus, ainsi que de prendre part aux élections et aux référendums. Tous les Cubains âgés de 16 ans ou davantage ont le droit de voter et d’être élus. Près de 97 % des électeurs inscrits ont participé aux élections législatives de 2008. Tous les groupes sociaux sont représentés au sein de l’Assemblée nationale actuelle, qui reflète la diversité de la société cubaine. Près de 28 % des députés sont des travailleurs manuels, des paysans ou des personnes employées dans le secteur des services, dans l’éducation ou dans le système de santé; 43 % sont des femmes et 36 % sont noirs ou métis.

L’interdiction de toute forme de discrimination et le principe d’égalité sont consacrés par la Constitution, adoptée en 1976 et modifiée en 1992. Les droits constitutionnels et les moyens de les faire respecter sont protégés par de nombreux textes complémentaires, dont le Code pénal, la loi sur les associations, la loi sur la procédure pénale, la loi sur les élections, le Code de la famille et le Code du travail. La législation cubaine interdit et sanctionne tout acte de discrimination motivé par la race, la couleur de la peau, le sexe, l’origine nationale ou les convictions religieuses, et toute autre discrimination contraire à la dignité humaine et dirigée contre des personnes, des groupes ou des institutions. Elle dispose aussi que les institutions de l’État enseignent à chacun, dès sa tendre enfance, le principe de l’égalité des êtres humains. Comme le précise le paragraphe 90 du rapport périodique, tous les citoyens jouissent de droits égaux.

La législation cubaine interdit et réprime la ségrégation raciale, l’apartheid et le génocide. Toute propagande, toute organisation qui repose sur l’idée ou la théorie de la supériorité d’une race ou d’un groupe de personnes d’une couleur ou d’une origine ethnique déterminées, ou qui tente de justifier ou d’encourager la haine ou la discrimination raciales sous quelque forme que ce soit, est prohibée et punie par la législation nationale. Les actes de violence, ou l’incitation à de tels actes, contre un groupe racial ou un groupe de personnes d’une couleur ou d’une origine ethnique différentes sont également interdits. La loi sur les associations prohibe la création de groupements racistes ou ségrégationnistes.

Nombre d’autres droits, garantis et effectivement mis en œuvre, contribuent à l’égalité au sein de la société cubaine et favorisent l’élimination de tout vestige de racisme et de discrimination raciale. C’est le cas, par exemple, du droit à un traitement égal devant les tribunaux et tous les autres organes chargés d’administrer la justice, et du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cuba compte quelque 400 religions et institutions religieuses qui sont dotées chacune de ses propres centres et églises, et qui jouissent du même statut. Une des grandes réussites à cet égard est l’élimination de la marginalisation historique des religions d’origine africaine. La liberté d’opinion, d’expression et d’information, et la liberté de la presse sont reconnues à tous les citoyens, tout comme la liberté de réunion pacifique et d’association.

L’accès à tous les niveaux de l’éducation est libre et universel. Cuba est allée au-delà de six objectifs du programme de l’Éducation pour tous de l’UNESCO, et a pleinement atteint les troisième et quatrième objectifs du Millénaire pour le développement. À tous les niveaux de l’enseignement scolaire, le taux de scolarisation est de plus de 99 %, et près de 70 % des jeunes font des études universitaires. Le droit à la culture est pleinement garanti et peut être exercé par toutes les composantes de la société. Le droit au travail est consacré par la Constitution, et à la fin de 2010 le taux de chômage s’établissait à 1,6 %. Le système national de santé assure à chaque cubain l’accès à des services de haute qualité et gratuits. Les indicateurs de la santé affichent des niveaux analogues à ceux des pays développés; en 2010, le taux de mortalité infantile a été de 4,4 pour 1 000 naissances vivantes, et 23 municipalités du pays ont enregistré des taux zéro. Le système de sécurité sociale garantit une protection à chacun des membres de la population cubaine.

Conformément à sa Constitution, Cuba est dotée d’un dispositif interinstitutionnel étendu et efficace pour recevoir, traiter et répondre à toute plainte ou réclamation d’un particulier ou d’un groupe concernant l’exercice de chacun des doits de l’homme. Ce dispositif se compose du Bureau du Procureur général de la République, des services de l’administration centrale de l’État, d’organisations communautaires, politiques et populaires, du Comité exécutif du Conseil des ministres, du Tribunal suprême populaire et de ses services, des organes du pouvoir populaire, et du Conseil d’État. Cuba possède également des mécanismes autochtones de suivi et de promotion de l’exercice des droits de l’homme, tel le réseau des travailleurs sociaux qui fournit des services de proximité et détermine les besoins d’assistance sociale des familles cubaines.

Des progrès appréciables ont été réalisés dans la lutte contre la discrimination et dans la promotion de l’égalité. Toutefois, certains préjugés raciaux subsistent, en particulier au sein de la famille. Cinquante années de politiques non discriminatoires ne sont pas parvenues à effacer totalement les stéréotypes enracinés dans une société qui a été raciste pendant plus de cinq cents ans. Aussi le Gouvernement, en association avec la société civile, a-t-il encouragé plusieurs initiatives pour relever le défi, mettant tout particulièrement à contribution les médias, la culture et l’éducation. Un comité de coordination a été créé au sein du Comité central du Parti communiste cubain pour superviser les activités liées à la question de la race, y compris celles de l’Institut cubain d’anthropologie et de l’Union cubaine des écrivains et des artistes. Le Centre Fernando Ortiz coordonne le projet La route de l’esclave, mené à l’initiative de l’UNESCO.

Depuis qu’il a été imposé il y a plus de cinquante ans, l’embargo économique, commercial et financier décrété par les États-Unis a causé à Cuba des dommages économiques d’un montant supérieur à 100 000 dollars des États-Unis. Malgré l’embargo, les actes et les agressions terroristes ainsi que l’hostilité persistante des gouvernements qui se sont succédé aux États-Unis, Cuba a réussi à continuer d’édifier une société toujours plus juste et équitable. Le pays a favorisé, au plan interne comme à l’échelle internationale, l’exercice des droits de l’homme, et en particulier des droits à la santé et à l’éducation, au bénéfice des groupes vulnérables, y compris les personnes d’ascendance africaine, les communautés autochtones, les femmes et les handicapés. Le Gouvernement reconnaît toutefois qu’il reste beaucoup à faire pour éliminer la discrimination raciale de toutes les sphères de la vie cubaine.

M me Bonachea Rodríguez (Cuba) rappelle que l’élimination de la discrimination raciale est une priorité de la révolution cubaine depuis 1959. Le Gouvernement s’est attaché à créer les conditions de l’égalité, de la justice sociale et d’une forte participation à la vie publique de toutes les composantes de la société. Les articles 58 et 59 de la Constitution garantissent la liberté et l’intégrité de toutes les personnes sans distinction, et disposent que nul ne peut être jugé ou condamné si ce n’est par un tribunal compétent, conformément à la législation adoptée avant la commission de l’infraction, et avec les garanties fixées par la loi. Tous les accusés ont le droit de se faire assister d’un conseil, et le recours à la force ou à la coercition, sous quelque forme que ce soit, pour obtenir des déclarations des détenus est prohibé. Tout renseignement obtenu en violation de ce principe est nul et non avenu, et les responsables encourent les châtiments prévus par la loi.

Chacun a le droit de porter les cas de discrimination et de violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales devant les autorités compétentes et d’obtenir que l’affaire soit examinée dans un délai raisonnable. Les tribunaux et autres institutions du système judiciaire appliquent pleinement le principe de l’égalité de tous devant la loi. En vertu du Code pénal, toute personne jugée pénalement responsable d’un acte doit également réparer les dommages matériels et moraux que cet acte a causés. De plus, le Code civil dispose que la responsabilité civile comprend la remise en état du bien endommagé, l’indemnisation du préjudice matériel et moral, et la réparation des dommages matériels. Quelque 72 % des personnels du système judiciaire sont d’ascendance africaine, et 63 % sont des femmes.

Le Bureau du Procureur général de la République est chargé de veiller à la primauté du droit et d’en assurer le respect, en faisant en sorte que tous les services de l’État, les entités économiques et sociales et les citoyens se conforment à la Constitution, aux lois et autres dispositions légales; il lui incombe d’engager et de conduire les poursuites pénales au nom de l’État. Il reçoit les plaintes pour violation des droits de l’homme, enquête à leur sujet et réagit dans les soixante jours. Au Bureau central s’ajoutent 15 bureaux provinciaux et 168 bureaux municipaux, de sorte que la population tout entière peut compter sur l’État pour poursuivre les auteurs de violations de ses droits. Environ 74 % des procureurs sont des femmes et quelque 30 % sont d’origine africaine. Si le Bureau reçoit chaque année plus de 12 000 plaintes pour violation des droits de l’homme par différentes institutions, aucune de ces plaintes n’est motivée par la discrimination raciale. Le Bureau du Procureur général est également chargé d’assurer le respect de la dignité des citoyens; il ne peut en aucun cas restreindre illégalement les droits d’un ressortissant. Relèvent également du Procureur général les droits des personnes privées de liberté. C’est dans cet esprit que sont menées les inspections des prisons et autres lieux de privation de liberté.

Les prisons cubaines appliquent un système progressiste qui vise à éduquer les détenus et à les inciter à bien se conduire par le relâchement graduel des mesures disciplinaires; l’objectif est d’obtenir ainsi une libération anticipée et une réinsertion sociale réussie. Les prisonniers sont classés et repartis dans les divers locaux par une commission spécialisée et en conformité avec les règlements non discriminatoires du système pénitentiaire.

Le Procureur général prescrit les mesures à prendre lorsque les droits des travailleurs sont violés. L’entreprise concernée est tenue de lui faire connaître les dispositions qu’elle a prises pour se conformer à ses prescriptions. Si, toutefois, la plainte est irrecevable ou dénuée de fondement, le Procureur général doit en expliquer les raisons. Si son auteur souhaite contester le traitement ou le résultat de sa plainte, il doit se mettre en rapport avec le Bureau du Procureur général et exposer dans les trente jours les raisons pour lesquelles il considère l’issue comme insatisfaisante, en vue du réexamen de sa requête.

Le Bureau du Procureur général comme le Tribunal suprême populaire assurent chaque année des cours de perfectionnement à l’intention des juges et des procureurs, et l’Académie de police cubaine fait figurer la discrimination raciale et d’autres sujets relatifs aux droits de l’homme à son programme d’études.

M me Herrera Caseiro (Cuba) précise que la Constitution contient un chapitre consacré à l’égalité. Ses dispositions confèrent les mêmes droits et les mêmes devoirs aux hommes et aux femmes, et classent toute forme de discrimination au nombre des infractions réprimées. Au cours de cinquante années écoulées, le Gouvernement a pris des mesures pratiques pour assurer l’égalité des sexes en adoptant de nombreuses lois et dispositions destinées à renforcer le cadre juridique de la garantie des droits des femmes. De plus, nombre de programmes ont été mis en place pour favoriser la justice sociale, l’égalité et l’avancement des femmes.

Le Parlement cubain se caractérise par un niveau de participation féminine qui est un des plus élevés au monde, puisque 43 % des membres de l’Assemblée nationale sont des femmes. Celles-ci sont venues à occuper de plus en plus de postes au sein des assemblées provinciales et municipales, de l’appareil central de l’État et du corps judiciaire. La révolution a ouvert l’enseignement supérieur aux femmes, qui ont été nombreuses à s’engager dans des filières de formation technique et professionnelle. La proportion des femmes qui font partie des cadres ou qui occupent des postes techniques (65,7 %) indique en elle-même les progrès incontestables accomplis par les autorités en matière d’égalité des genres. S’agissant de l’élimination des stéréotypes qui avaient cours dans la culture patriarcale de Cuba, un tournant a été atteint, mais il reste encore beaucoup à faire.

La Déclaration et le Programme d’action de Durban ont mis en relief la nécessité pressante d’une coopération internationale dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est liée. Les victimes de ces pratiques discriminatoires sont très souvent des personnes pauvres d’ascendance africaine, des populations autochtones, des femmes, des migrants ou des minorités ethniques.

Cuba a défendu leur cause en contribuant à la mise en œuvre des droits de l’homme fondamentaux dans de nombreuses régions déshéritées du monde et en envoyant plus de 513 000 spécialistes de la santé et autres experts offrir une assistance dans 104 pays. Parmi les initiatives qui méritent d’être citées figurent l’«Opération miracle», programme solidaire de chirurgie oculaire qui a permis de rendre la vue à 1,4 million de patients de 33 pays, et «Yo sí puedo» («Oui, je le peux»), qui a permis d’enseigner la lecture et l’écriture à des millions de personnes, et en particulier à des membres de populations autochtones, des personnes d’ascendance africaine et des femmes des zones rurales.

De plus, Cuba a manifesté sa solidarité avec divers peuples africains en contribuant à l’élimination de l’apartheid en Afrique du Sud.

M. Alonso (Cuba) fait observer que la discrimination raciale et la discrimination religieuse étaient étroitement liées dans la Cuba prérévolutionnaire. Si les constitutions antérieures ont proclamé la liberté de religion et interdit la discrimination raciale, celle-ci, de même que la ségrégation, a été largement pratiquée jusqu’à ce qu’après la révolution des politiques efficaces aient été mises en place.

La législation pénale faisait naguère des rituels africains, yoruba en particulier, la circonstance aggravante d’un certain nombre d’infractions. La «s anterí a», mélange de croyances africaines et catholiques, est issue du processus élargi d’osmose religieuse qui a caractérisé cette période. La discrimination raciale sous-jacente aux institutions publiques a eu pour effet de mettre sur un piédestal le catholicisme, religion de l’homme blanc. C’est seulement après la révolution que la «s anterí a» et les autres religions africaines ont été reconnues par la loi et placées sur un pied d’égalité avec le catholicisme.

Le divorce qui s’est opéré dans les années 1960 entre le jeune État socialiste et une partie de la hiérarchie ecclésiastique a entraîné une rupture radicale avec la religion et une aversion pour les convictions religieuses. Le quatrième congrès du Parti communiste cubain, en 1991, et la réforme constitutionnelle de 1992 ont levé tous les obstacles à une participation entière et égale des communautés religieuses à la vie politique, sociale et culturelle du pays. Au cours des vingt dernières années, les Cubains ont fait état de leur appartenance religieuse et pratiqué leur religion plus ouvertement que jamais auparavant. Le renouveau religieux intervenu au cours des années 1990 a créé les conditions nécessaires pour que les populations puissent pratiquer leur religion librement, dans un climat d’égalité et de respect. Alors qu’il n’existe aucun signe appréciable de préjugés raciaux dans les religions pratiquées par les personnes d’ascendance africaine, ces préjugés continuent de ternir les relations entre l’Église chrétienne et les religions africaines. Paradoxalement, la société religieusement diverse et, dans le même temps, laïque de Cuba encourage la propagation des préjugés raciaux tout en les rejetant.

Ayant déjà pris des mesures pratiques pour extirper les manifestations de préjugés raciaux et religieux qui subsistent encore dans la société cubaine, le Gouvernement surveillera l’efficacité de ces initiatives et s’emploiera à ancrer des valeurs antidiscriminatoires dans les esprits des populations cubaines d’aujourd’hui et de demain.

M. Feraudy Espino (Cuba), répondant à la demande de renseignements relatifs aux dispositions adoptées pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, souligne que la révolution elle-même a porté un coup considérable au racisme.

La politique sociale de Cuba vise à promouvoir, par des programmes d’information du public, la justice, l’égalité et la non-discrimination au sein d’une population culturellement diverse. La sexospécificité est prise en compte dans la conception des programmes éducatifs et des mesures de prévention et de protection, en vue de renforcer l’égalité des sexes. Cette politique garantit aussi la mise en œuvre de toutes les mesures voulues dans la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est liée.

Le Gouvernement cubain a travaillé en étroite coopération avec la société civile pour adopter des mesures visant à régler les questions de type racial qui se posent dans le pays; c’est ainsi qu’il a créé en 2009 la Commission contre le racisme et la discrimination raciale, afin de combattre les préjugés raciaux qui subsistaient encore et encourager la population cubaine à apprécier la diversité raciale à sa juste valeur. La Commission a organisé nombre d’activités, dont une table ronde télévisée pour débattre du racisme dans l’histoire du pays, une place toute particulière étant réservée aux populations d’ascendance africaine et à leur rôle de premier plan dans la lutte pour l’indépendance et l’élimination des préjugés raciaux.

Un groupe de coordination composé d’éminents experts de la science, de la culture et des médias a été créé sous les auspices du Comité central du Parti communiste, et chargé de proposer des initiatives pour lutter contre le racisme. Ce groupe a suggéré de mieux sensibiliser la population à la diversité raciale de Cuba, d’analyser le rôle historique des populations noires et métisses, de mener des recherches sur l’histoire sociale et d’étudier le concept de discrimination raciale.

L’Institut cubain d’anthropologie a été mis en place sous l’autorité du Ministère de la science et de la technologie pour assurer la liaison avec les autres institutions qui se préoccupent de la question et participer à un réseau régional qui étudie le racisme et organise des conférences internationales.

Parmi les initiatives prises par les six groupes de travail du Comité cubain pour le projet international de l’UNESCO «La Route de l’esclave» figurent la création de bases de données relatives aux groupes ethniques, l’organisation d’une exposition concernant l’influence de l’Afrique sur les Amériques, la participation de 79 écoles au projet de l’UNESCO et la création d’une bibliothèque virtuelle.

Cuba se propose de célébrer l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine en organisant des activités telles qu’un séminaire sur les contributions de ces personnes à la culture cubaine, une conférence internationale sur les cultures africaines et afro-américaines, des concerts, des expositions et des recherches documentaires sur les personnes d’ascendance africaine à Cuba. Il sera rendu hommage à tous ceux qui ont lutté contre la discrimination raciale et contribué à assurer la reconnaissance de l’héritage africain de Cuba.

De même que les populations de Cuba se sont unies pour contribuer à mettre fin à l’apartheid en Afrique, de même elles joindront leurs forces pour lutter contre toutes les formes de racisme sur le sol cubain.

M . Murillo Martínez (Rapporteur pour Cuba), après avoir évoqué rapidement l’histoire récente de l’État partie, rappelle que dès 1959 – année où il a pris le pouvoir – l’ancien Président Fidel Castro a fait de la lutte contre la discrimination raciale une priorité, uniquement pour admettre en 2000 que le phénomène n’avait pas encore été éliminé. Citant les statistiques du dernier recensement, M. Murillo Martínez signale que la population est blanche à 65 %, d’ascendance africaine à raison de 10,1 % et métisse pour 24,9 %.

Il se félicite de la libération récente de prisonniers politiques à Cuba et voit dans la présence de la délégation cubaine devant le Comité un signe, pour timide qu’il soit, de la volonté de l’État partie de s’ouvrir à l’examen international de la situation des droits de l’homme. Il relève toutefois que la modicité des contributions de la société civile nuit à la qualité du dialogue entre l’État partie et le Comité.

Il regrette que Cuba n’ait pas signé la Convention relative au statut des réfugiés (1951) et qu’elle ne se soit pas non plus associée aux efforts internationaux visant à lutter contre l’apatridie. Il souhaiterait savoir si l’État partie envisage d’adhérer à ladite convention.

Si la politique nationale n’est aucunement discriminatoire, la discrimination structurelle demeure un problème, comme l’atteste l’écart qui, dans toutes les Amériques, sépare sur le plan économique et social les personnes d’ascendance africaine ou autochtone du reste de la population. À cet égard, M. Murillo Martínez souhaiterait savoir pourquoi les personnes d’ascendance africaine sont sous-représentées dans les organes de décision et pourquoi elles reçoivent relativement moins de transferts de fonds de l’étranger que les autres groupes.

Il invite la délégation à commenter les restrictions apportées au droit des nationaux cubains de pénétrer sur le territoire de l’État partie et de le quitter, ainsi que les informations relatives à un accès restreint des Cubains à des périmètres et des services réservés aux touristes.

Le Comité ayant déjà demandé à plusieurs reprises de plus amples renseignements sur la composition de la population, il renouvelle ces demandes, et souhaite savoir si les chiffres figurant dans le rapport périodique sont le résultat de réponses à des questions d’auto-identification. Constatant que, dans leur majorité, les personnes d’ascendance africaine résident dans des villes, il demande quelle est la proportion de celles qui vivent dans des zones économiquement faibles, dans quelle mesure elles sont marginalisées et quel est le nombre de celles qui travaillent dans le secteur du tourisme et dans d’autres branches à forte concentration de capitaux étrangers. Il souhaite également connaître l’importance de l’emploi dans l’économie informelle.

Relevant le manque d’informations relatives aux plaintes, aux poursuites et aux condamnations pour des actes de discrimination raciale, il sollicite des statistiques concernant les personnes des divers groupes raciaux ou ethniques qui ont été victimes d’agressions ou d’autres infractions pendant la période considérée. Il serait utile également de disposer de statistiques relatives à la population carcérale, ventilées par âge, par sexe et par origine ethnique ou raciale. Selon les renseignements à la disposition du Comité, quelque 80 à 90 % des détenus seraient d’ascendance africaine. Des renseignements sur le pourcentage des infractions imputées à des personnes appartenant à tel ou tel groupe ethnique ou racial et sur la composition ethnique ou raciale des forces de police et du corps judiciaire seraient également les bienvenus.

S’agissant du rôle du Bureau du Procureur général dans le traitement des plaintes pour discrimination raciale, M. Murillo Martínez souhaite savoir si ce bureau est tenu par la loi de poursuivre tous les auteurs allégués d’infractions, ou s’il ne le fait que lorsque des poursuites lui paraissent justifiées. Il voudrait savoir également si les victimes et les associations peuvent engager elles-mêmes des poursuites, et demande si le Bureau ou quelque autre institution a étudié les raisons de l’absence de plaintes pour discrimination raciale.

Passant à l’existence de mécanismes de plainte et de recours contre des actes de discrimination raciale et à l’accès à ces mécanismes, il renouvelle les questions posées par le Comité dans la liste des thèmes et demande dans quelles circonstances les victimes de discrimination raciale ont droit à une indemnisation. De même, il réitère la demande d’informations formulée par le Comité concernant les progrès enregistrés dans la mise en place d’une institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris.

Au sujet du Code pénal, il demande combien de fois l’article 295, qui réprime les atteintes au droit à l’égalité, a été invoqué devant les tribunaux. Il souhaite également savoir si l’article 120, qui prévoit la peine de mort dans les affaires de ségrégation raciale, a été invoqué en justice et s’il existe une jurisprudence pertinente. Il aimerait aussi savoir si la loi no 54 relative aux associations, qui vise à interdire la création de groupes racistes ou ségrégationnistes, a jamais été appliquée.

Relevant que la composition de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire reflète la structure démographique de l’État partie, il demande quel est, dans les autres organes et dans l’administration publique, le pourcentage des postes de responsabilité occupés par des personnes métisses ou d’ascendance africaine, et si les politiques de promotion de l’emploi des personnes d’ascendance africaine, des femmes et des jeunes dans des postes de direction constituent une action positive systématique.

Il voudrait savoir si l’État partie envisage de faire figurer la question de la discrimination raciale dans son programme politique ou de constituer un comité parlementaire chargé de l’étudier. Il demande aussi des données statistiques, ventilées par âge, par sexe et par groupe ethnico-racial, concernant l’espérance de vie et la qualité de la vie des personnes métisses ou d’ascendance africaine, ainsi que la pauvreté, l’extrême pauvreté et la mortalité maternelle.

Il voudrait savoir si des plaintes se rapportant à des actes de discrimination dans des centres de santé – établissements psychiatriques et asiles compris – ont été reçues et, dans l’affirmative, par qui elles ont été traitées.

Il demande des renseignements plus détaillés sur la participation des différents groupes raciaux ou ethniques aux diverses catégories d’activité professionnelle et branches de la production. Puisqu’il est prévu de réduire en 2011 de quelque 50 000 le nombre des fonctionnaires, il voudrait connaître les dispositions qui seront prises pour éviter toute discrimination raciale à cette occasion et la manière dont sont traités les cas de licenciement inéquitable.

Passant à la question de l’immigration, il souhaite en savoir davantage sur le cadre juridique général qui régit les migrations et le statut des étrangers, et demande s’il existe des statistiques sur l’immigration irrégulière, en provenance d’Haïti en particulier. Évoquant l’article 215 du Code pénal, qui a trait à l’infraction d’immigration illégale, il sollicite des données statistiques, ventilées par âge, sexe, nationalité et groupe ethnique ou racial, concernant le nombre des personnes détenues à ce titre et s’enquiert du lieu de leur détention. Il voudrait également connaître les conditions et les restrictions fixées par la loi et mentionnées à l’article 34 de la Constitution qui s’appliquent aux droits des étrangers résidant sur le territoire de l’État partie par rapport à ceux des nationaux cubains. Il demande si l’État partie se propose de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. S’agissant des apatrides, il aimerait savoir si l’État partie a envisagé de modifier sa législation relative à la nationalité, en vertu de laquelle les enfants de nationaux cubains nés à l’étranger doivent résider à Cuba pendant un an au moins pour obtenir la nationalité cubaine.

Il souhaite connaître les mesures prises pour prévenir la traite des êtres humains, notamment celle des femmes et des filles en vue de l’exploitation sexuelle, et pour ériger la traite en crime; il demande s’il existe des statistiques indiquant les niveaux de la traite à des fins d’exploitation sexuelle parmi les personnes d’ascendance africaine. Il voudrait savoir également si l’État partie envisage de signer le Protocole de Palerme, ajoutant qu’il serait utile d’en savoir davantage sur les campagnes de sensibilisation et de renforcement des capacités qui ont pu être menées pour lutter contre la traite des êtres humains.

Il renouvelle les demandes de renseignements formulées par le Comité concernant: la formation des membres de la police et des autres fonctionnaires en matière de discrimination raciale, et les mécanismes destinés à prévenir un comportement discriminatoire de la part de la police; les campagnes éducatives menées dans les écoles et sur le lieu de travail pour sensibiliser aux préjugés raciaux et à la discrimination; les plans d’action ou autres mesures adoptées pour donner suite à la Déclaration et au Programme d’action de Durban. Le Comité voudrait savoir en particulier si l’État partie a élaboré un plan national antidiscrimination.

Il ressort d’une enquête menée par l’Académie cubaine des sciences que le racisme s’est intensifié au cours de dix années écoulées et que les personnes d’ascendance africaine occupent les pires logements, font des travaux plus pénibles et moins bien rémunérés que le reste de la population et sont généralement associées, dans les esprits, à la délinquance. Le Comité souhaiterait recevoir un exemplaire de cette étude et demande de nouveau à connaître les résultats d’un travail de recherche, apparemment en cours, du Centre d’anthropologie concernant les relations raciales et l’ethnicité. M. Murillo Martínez sollicite également de plus amples informations sur la manière dont les statistiques qui émanent des recensements sont utilisées, en particulier sous la forme d’études consécutives à ces derniers.

Le Comité accueille avec satisfaction la décision de Cuba de signer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; il engage l’État partie à les ratifier l’un et l’autre. Il se demande également si Cuba envisage de faire la déclaration concernant les communications qui est visée à l’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

M. Diaconu, constatant que le rapport périodique de l’État partie mentionne des populations autochtones, demande s’il existe véritablement encore des représentants de la population autochtone de Cuba.

Il demande également si la présence de certaines communautés dans diverses zones du territoire cubain est source de ségrégation et, dans l’affirmative, si l’État partie prend des dispositions pour lutter contre cet état de choses. Il souhaiterait savoir si Cuba envisage d’introduire dans son Code pénal une disposition spécifiant que la motivation raciale d’une infraction est une circonstance aggravante qui entraîne une peine plus lourde.

Relevant que le Bureau du Procureur général est présenté dans le rapport périodique comme étant l’unique défenseur des droits des citoyens, M. Diaconu demande si les tribunaux civils et administratifs peuvent examiner les plaintes pour discrimination raciale. Il regrette l’absence de statistiques relatives à l’accès des personnes métisses ou d’ascendance africaine aux postes de direction et se demande si ces personnes parlent des langues autres que l’espagnol. Dans l’affirmative, il aimerait savoir si des textes sont publiés dans ces langues. Au sujet des allégations selon lesquelles les cubains se verraient refuser l’accès, pour des motifs raciaux, à des plages et d’autres zones réservées aux touristes, il souhaiterait savoir comment l’État partie traite ces affaires.

M me Dah (Vice- Présidente ) prend la p résidence .

M. Huang Yong’an salue les efforts déployés par l’État partie pour que tous ses citoyens jouissent des mêmes droits, même si davantage pourrait être fait afin d’améliorer l’accès des Métis et des personnes d’ascendance africaine à l’éducation, au logement, à l’emploi et à des postes de responsabilité. Il faudrait toutefois pour cela que certaines conditions sociales et économiques préalables soient remplies, y compris la levée de l’embargo contre l’État partie.

M. Calí Tzay tient à souligner l’importance de la contribution de l’État partie à la défense des droits des peuples autochtones et, en particulier, de l’aide internationale qu’il a apportée à des peuples autochtones à l’occasion de catastrophes naturelles.

On peut lire au paragraphe 2 du rapport périodique que la nation cubaine possède une identité culturelle clairement définie, qui est le résultat d’intenses processus de transculturation et qui est partagée par plus de 98 % de la population. Aux termes du même paragraphe, il n’y a pas à Cuba de minorités ethniques mais d’autres groupes ethniques – notamment les Canariens, les Catalans, les Galiciens, les Basques, les Chinois, les Haïtiens, les Jamaïcains et les Japonais – y sont représentés par de petites communautés ou des familles. À la lumière de ces indications, M. Calí Tzay est curieux de savoir comment se définit la culture cubaine.

Au paragraphe 3, il est question de l’extinction des populations autochtones et de «l’assimilation biologique» des derniers descendants de ces populations. M. Calí Tzay demande à la délégation de clarifier le concept d’assimilation biologique.

Si le paragraphe 4 indique que «[les] Blancs, [les] Noirs et [les] Métis» sont les principaux groupes raciaux, il évoque également le caractère «uniethnique» de la population cubaine. M. Calí Tzay se demande comment les principaux groupes raciaux se définissent eux-mêmes. Il trouve également la notion d’«uniethnicité» difficile à concilier avec l’affirmation, contenue au paragraphe 12, que des groupes tels que les Noirs et les Métis ont été victimes de la discrimination pendants des siècles.

Selon le paragraphe 17, la persistance de certains préjugés personnels a des racines historiques et socioculturelles. M. Calí Tzay aimerait connaître la forme que prennent ces préjugés.

Il aimerait en savoir davantage sur le processus récent de réconciliation de l’État cubain et de l’Église catholique romaine ainsi que d’autres religions.

Il relève qu’un groupe de coordination rattaché au Comité central du Parti communiste prend des mesures de lutte contre le racisme. La délégation a également indiqué que la société cubaine est engagée dans une action commune destinée à éliminer toutes les manifestations de racisme dans le pays. Il demande de plus amples informations sur ces manifestions et sur les initiatives en cours.

M . Avtonomov juge dignes d’éloges les réalisations de l’État partie dans le domaine de la santé, et en particulier la faiblesse des taux de mortalité maternelle et infantile et la longueur de l’espérance de vie. Le corps médical cubain a prêté une utile assistance aux pays d’Afrique et d’ailleurs. M. Avtonomov a été particulièrement sensible au soutien apporté par Cuba aux enfants frappés par la catastrophe de Tchernobyl.

Bien que la Constitution cubaine garantisse le droit d’asile, le rapport ne contient pas suffisamment d’informations au sujet des réfugiés. M. Avtonomov s’enquiert du nombre de réfugiés à Cuba et de leurs origines nationales, raciales et ethniques. Il aimerait savoir s’ils sont traités conformément aux dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés. Il s’enquiert également de la situation des Palestiniens et des personnes du Sahara occidental à qui des bourses d’études à Cuba ont été attribuées.

S’agissant des droits des étrangers, il a été beaucoup question dans les années 1990 du cas d’une femme russe qui avait vécu longtemps à Cuba et qui avait épousé un cubain. Alors que ses enfants avaient été élevés dans le pays, des difficultés ont surgi concernant leurs droits successoraux. M. Avtonomov se demande si des modifications ont été apportées à la Constitution pour remédier à cet état des choses.

M. Lindgren Alves considère que Cuba a fait plus pour intégrer les personnes d’ascendance africaine à l’ensemble de la population que tout autre pays d’Amérique latine.

M. Calí Tzay a remarqué la contradiction entre l’affirmation de l’«uniethnicité» et la reconnaissance de l’existence de groupes raciaux constitués de Blancs, de Noirs et de Métis. Le même genre de confusion existe dans son pays, le Brésil.

La délégation a évoqué une «discrimination objective», qui correspond à ce que le Comité reconnaît souvent comme étant une discrimination structurelle ou héritée du passé, et à laquelle il est difficile de remédier à court terme par une action politique. Certains des points soulevés par le Rapporteur pour Cuba semblent entrer dans cette catégorie et découler de préjugés intégrés aux structures.

D’après le paragraphe 22 du rapport, 65 % de la population cubaine sont classés comme Blancs, 10,1 % comme Noirs et 24,9 % comme Métis. Alors que le métissage est presque le même à Cuba et au Brésil, dans ce dernier pays, la proportion des personnes qui se définissent comme métisses est supérieure à 50 %, probablement en raison du travail de promotion accompli ces dernières années tant par les pouvoirs publics que par la société civile.

Selon le rapport, si Cuba reconnaît le droit de chacun de voyager et de sortir d’un pays quelconque, y compris le sien, la liberté de circulation s’est ressentie de la manipulation politique des relations migratoires avec Cuba par les gouvernements successifs des États-Unis. M. Calí Tzay souhaite signaler cependant que le Parti des travailleurs brésilien a invité dernièrement un jeune blogueur cubain à se rendre au Brésil et que les autorités de l’État partie n’ont même pas répondu à l’invitation.

M. de Gouttes, constatant que le précédent rapport de l’État partie a été examiné en août 1998, déplore l’absence de tout dialogue avec une délégation cubaine pendant plus de douze ans. Il est regrettable aussi que le Comité n’ait pas été en mesure de rencontrer quelque représentant que ce soit d’ONG ou de la société civile cubaines pour procéder à des échanges de vues avant la réunion en cours.

Les progrès réalisés par l’État partie ont été amplement reconnus au cours de l’examen périodique universel mené par le Conseil des droits de l’homme en février 2009. La mise en œuvre du droit à l’éducation pour tous, du niveau préscolaire à l’enseignement supérieur, a permis d’éliminer l’analphabétisme. Le droit à la santé est garanti et tous les services de santé sont entièrement financés par l’État. L’exercice des droits des femmes est encouragé dans toutes les sphères de la vie publique.

Le rapport énumère les dispositions juridiques susceptibles d’être invoquées afin d’engager des poursuites pénales pour actes de racisme. Toutefois, il ne contient aucun renseignement sur le nombre des plaintes déposées ni sur celui des poursuites engagées et des condamnations prononcées. L’État partie affirme que la structure institutionnelle est conforme aux dispositions de la Convention mais, comme l’a relevé le Rapporteur pour Cuba, il ne satisfait pas aux prescriptions de la recommandation générale no 31 sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale. Le fait que les plaintes déposées soient rares, voire inexistantes, n’est pas nécessairement bon signe. Les victimes peuvent ne pas connaître leurs droits ou craindre des représailles. Elles peuvent également manquer de confiance dans la police ou la magistrature. De plus, celle-ci peut être mal informée de l’existence d’infractions de type raciste. Constatant à cet égard que le Bureau du Procureur général jouit de très amples pouvoirs, M. de Gouttes s’enquiert des relations existant entre le Procureur, qui est placé sous l’autorité du pouvoir exécutif, et le corps judiciaire. Il se demande, par exemple, si le Procureur général a un pouvoir discrétionnaire d’engager des poursuites pénales et si, au cas où un parquet décide de ne pas poursuivre, le requérant peut en appeler à une autorité supérieure, voire à un juge.

D’après le rapport, la liberté d’opinion et d’expression est protégée et les infractions sont réprimées par le Code pénal. Cependant, des ONG ont signalé un certain nombre de violations des droits de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, de dissidents politiques et de médias, allant parfois jusqu’à l’arrestation et la détention. Le Comité a également eu connaissance d’obstacles persistants à la liberté de circulation, y compris le droit de quitter le pays.

M. de Gouttes s’enquiert des mesures prises par le Gouvernement contre l’exploitation sexuelle des femmes, en particulier des migrantes et des femmes ayant obtenu l’asile.

Le Comité souhaiterait de plus amples précisions concernant le nombre et la situation des réfugiés, des demandeurs d’asile et des immigrés, en provenance d’Haïti en particulier.

M. Peter indique que la révolution cubaine de 1959 a eu un effet mobilisateur sur les peuples africains; ce n’est pas par hasard que 1960 est devenue pour l’Afrique une année de libération.

Faisant observer que nombre de pays africains continuent de bénéficier de l’assistance de médecins et d’enseignants cubains, il demande s’il est exact que des membres du corps médical et du personnel enseignant abandonnent leur profession pour prendre un emploi mieux payé dans le secteur du tourisme.

Le pays étant fortement tributaire des recettes qu’il tire de la production de tabac, particulièrement nécessaires pour contrecarrer tout fléchissement de l’agro-industrie sucrière, M. Peter souhaite savoir si, compte tenu de la nocivité du tabac pour la santé, des mesures sont prises pour diversifier l’économie.

Après avoir cité un ouvrage dont l’auteur affirme que, s’il y a peu de discrimination ouverte à Cuba, les personnes à la peau relativement foncée exercent souvent les métiers les moins enviables et que rares sont les Noirs à la direction du Parti communiste, M. Peter invite la délégation à formuler ses observations sur ces deux points.

La séance est levée à 18 heures .