Nations Unies

CERD/C/SR.2129

Convention internationale sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

21 février 2012

Original: français

Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale

Quatre-vingtième session

Compte rendu analytique de la 2129 e séance

Tenue au Palais Wilson, à Genève, le mardi 14 février 2012, à 15 heures

Président: M. Avtonomov

Sommaire

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Seizième et dix-septième rapports périodiques du Mexique

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les États parties conformément à l’article 9 de la Convention

Seizième et dix-septième rapports périodiques du Mexique (CERD/C/MEX/16-17; CERD/ C/MEX/Q/16-17; HRI/CORE/MEX/2005)

1. Sur l ’ invitation du Président, la délégation mexicaine prend place à la table du Comité.

2.M. Negrin Muñoz (Mexique) dit que depuis la présentation du dernier rapport périodique, en 2006, le Mexique a réalisé de nombreux progrès dans le domaine des droits de l’homme, en particulier avec la réforme constitutionnelle de juin 2011 caractérisée, notamment, par la reconnaissance au niveau constitutionnel des droits de l’homme et des garanties qui y sont associées, l’élévation au rang constitutionnel des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Mexique est partie, l’établissement de l’obligation pour toutes les autorités de prévenir, sanctionner et réparer les violations des droits de l’homme, le renforcement des pouvoirs d’investigation de la Commission nationale des droits de l’homme et la prise en compte de l’éducation aux droits de l’homme dans les programmes scolaires. Cette réforme inclut en outre l’orientation sexuelle dans les motifs interdits de discrimination et fait de la Convention un instrument immédiatement applicable par les juges.

3.Le Mexique s’est doté d’une loi fédérale relative à la prévention et l’élimination de la discrimination, d’une loi générale pour le développement social et d’une loi générale pour l’égalité entre hommes et femmes. Plusieurs organes de l’État ont pour mission de protéger les groupes vulnérables, en particulier le Conseil national pour la prévention de la discrimination et la Commission nationale pour la promotion des peuples autochtones.

4.Des lois locales contre la discrimination ont été élaborées dans la plupart des 32 États fédérés; elles interdisent la discrimination fondée sur la race, la langue, la couleur de peau, la nationalité ou l’origine ethnique. Divers mécanismes interinstitutionnels, dont la Commission intersectorielle pour prévenir et sanctionner la traite des personnes et le Mouvement national pour la diversité culturelle, ont été institués. Le Mexique a renforcé en outre son cadre législatif de protection des droits de l’homme des migrants et des réfugiés, en s’attachant à reconnaître leurs droits fondamentaux, indépendamment de leur statut.

5.Dans le prolongement de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine, le Mexique a organisé une série de manifestations, notamment sous la forme d’un dialogue entre pouvoirs publics et société civile et de consultations sur les politiques.

6.Créé en 2007 à l’initiative du Mexique, le Réseau ibéro-américain d’organismes et d’organisations contre la discrimination − espace de coopération internationale aux fins de la lutte contre toutes les formes de discrimination − est présidé à l’heure actuelle par le Conseil national pour la prévention de la discrimination. Les programmes et budgets en faveur de services de santé et d’éducation en faveur des populations autochtones ont été renforcés et des efforts sont faits pour renforcer leur participation à la vie politique. Des instruments permettant de mieux évaluer le phénomène de la discrimination ont de plus été mis au point en vue de consolider les mécanismes de protection contre la discrimination.

7.Le Mexique a pris des mesures contre la discrimination suite à plusieurs arrêts de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et s’est montré très actif dans les concertations avec des organismes du système des Nations Unies, notamment en encourageant l’adoption de principes régissant le fonctionnement des organismes internationaux de lutte contre la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.

8.État fédéral multiculturel, en 2010 le Mexique comptait 112,3 millions d’habitants, dont 52 % de femmes. Près de 20 % des 2 450 municipalités sont régies par leurs propres us et coutumes. Vu l’étendue du territoire, ilest très difficile de fournir des services publics et des infrastructures dans tout le pays.

9.En dépit des progrès accomplis sur le plan législatif, le Mexique sait que beaucoup reste à faire pour améliorer les politiques publiques et les mécanismes judiciaires afin d’assurer le respect des droits de toutes les catégories de population et combattre efficacement la discrimination raciale, la persistance des préjugés et des obstacles culturels restant le principal défi à surmonter. L’enquête nationale sur la discrimination au Mexique de 2010 a permis de dresser un état des lieux et de mieux cerner quelles personnes sont le plus susceptibles d’être discriminées, ce qui a permis d’affiner les politiques publiques. Tout en sachant que la stratégie visant à prévenir et éliminer la discrimination raciale doit être encore renforcée, le Mexique se heurte à la difficulté d’articuler les objectifs politiques et sociaux à tous les niveaux de pouvoir, notamment à l’échelle des municipalités, et il entend continuer à renforcer les capacités institutionnelles à cette fin.

10.M. Dur á n Or t eg ó n (Mexique) dit que le Congrès examine un projet de loi sur la consultation des peuples et communautés autochtones s’inspirant des principes de la Convention de l’OIT (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Outre la Commission en charge des questions autochtones, le Mexique compte plusieurs organismes chargés d’assurer la promotion et la protection de ces populations, dont l’Unité spécialisée dans les questions autochtones du Bureau du Procureur général de la République ou la Direction générale de l’éducation autochtone. Ces structures s’emploient à promouvoir le développement social et éducatif des autochtones, ainsi qu’à favoriser leur accès aux soins de santé, tout en défendant leur diversité linguistique et culturelle. Le montant du budget fédéral alloué aux questions autochtones a augmenté de plus de 149 % entre 2006 et 2012, soit en six ans.

11.Ces dernières années, la Cour suprême de justice a rendu des arrêts reconnaissant les droits des peuples autochtones dans l’administration de la justice, notamment le droit de bénéficier des services d’interprètes et de traducteurs et de s’appuyer sur les systèmes normatifs autochtones pour régler les litiges internes. Le programme de promotion des conventions en matière de justice vise à renforcer les capacités des peuples autochtones, notamment par la fourniture de services consultatifs et d’un appui pour la résolution des différends agraires, en partenariat avec les organisations de la société civile.

12.La célébration de l’Année internationale des personnes d’ascendance africaine, en 2011, a été l’occasion de mener de nombreuses activités destinées à promouvoir les droits des quelque 450 000 Mexicains d’ascendance africaine et de favoriser le dialogue entre les communautés. Un forum chargé de faire le point sur les progrès accomplis depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban s’est tenu en 2011 et un guide de l’action publique contre la discrimination et pour la promotion de l’égalité et l’intégration de la population d’ascendance africaine au Mexique a été élaboré. Axé sur la reconnaissance de la diversité culturelle et la réalisation du droit à la non-discrimination, cet instrument vise à promouvoir la participation de la population afro-mexicaine à l’élaboration des politiques publiques. Un projet de réforme constitutionnelle tendant à la reconnaissance officielle de cette population est à l’étude.

13.Le Mexique attache une grande importance à la protection des droits des migrants et a à ce titre décidé, en 2008, de dépénaliser la migration clandestine, ce dans le cadre de la réforme de la loi générale sur la population. La loi sur la migration, adoptée en 2011, fait obligation aux autorités de respecter les droits et la dignité des migrants et de lutter contre la discrimination. Depuis 2007 l’Institut national des migrations exécute le programme de migration concernant la frontière sud du Mexique, qui a abouti à la régularisation de nombreux travailleurs frontaliers guatémaltèques et béliziens. Des mesures destinées à faciliter le regroupement familial dans l’État de Chiapas ont de plus été prises.

14.Afin de protéger les droits des émigrés mexicains, l’État a créé une plate-forme spéciale d’aide aux migrants autochtones, qui met à disposition les services d’interprètes bénévoles et s’emploie à faire connaître et à défendre les droits des Mexicains à l’étranger. Le Mexique condamne les exactions, imputées à des groupes relevant de la criminalité organisée, dont ont été victimes des migrants en transit sur son territoire et assure que les responsables de ces actes ont été ou seront traduits en justice. Près de 10 000 travailleurs originaires d’Amérique centrale ont été régularisés entre 2008 et 2011 au titre du programme de régularisation des migrants.

15.Le Mexique s’attache à protéger les droits des demandeurs d’asile et des réfugiés et a adopté à cet effet une loi sur les réfugiés et la protection complémentaire conforme aux normes internationales en la matière, qui prévoit notamment l’octroi du statut de réfugié au motif de persécutions fondées sur le sexe. Le Mexique promeut activement le Plan d’action de Mexico pour le renforcement de la protection internationale des réfugiés en Amérique latine et, sur le plan national, s’emploie à sensibiliser la population à la situation des demandeurs d’asile et à améliorer les mécanismes de plaintes pour discrimination.

16.La Direction générale des droits de l’homme fournit à toute personne victime de violence des services consultatifs gratuits pour lui permettre d’avoir accès à la justice.

17.S’agissant de la suite donnée aux recommandations formulées par le Comité, le récent recensement de la population n’a pas donné lieu à la collecte de données relatives à la population d’ascendance africaine, mais pareilles données seront recueillies lors du recensement prévu pour 2015. En 2011, une consultation directe avec la population d’ascendance africaine a été organisée dans le souci de mieux tenir compte de ses besoins lors de l’élaboration des politiques publiques. La stratégie de formation et d’accréditation d’interprètes en langues autochtones mise en œuvre depuis 2007 dans le système judiciaire a permis de former 444 interprètes pour répondre aux besoins de 27 peuples autochtones.

18.Le droit des peuples autochtones d’être consultés est désormais consacré par la Constitution et est appliqué en matière de droits fonciers et pour les questions environnementales, entre autres. L’État de Potosí a adopté une loi relative à la consultation des peuples autochtones conforme aux normes internationales en la matière et le Mexique espère que cette pratique va se généraliser. Cela étant, les peuples autochtones sont largement consultés sur diverses questions, comme la reconnaissance des lieux sacrés ou des ressources naturelles, et aucun travaux d’infrastructure entraînant une expropriation ne peut être réalisé sans leur aval. En outre, la législation foncière reconnaît le droit des populations à conserver leurs terres: dans la région de Huasteca, plus de 50 litiges agraires ont été résolus favorablement durant les six dernières années, au profit notamment des membres des ethnies teenek, nahua et pame, qui ont reçu des titres de propriété officiels.

19.Dans le domaine de la santé génésique et sexuelle des femmes autochtones, les autorités mènent diverses actions de prévention de la mortalité maternelle, suivi des grossesses et consultations prénatales en particulier, et organisent des ateliers de sensibilisation à la santé sexuelle et des travaux de recherche en médecine traditionnelle. Il convient aussi de souligner que le Bureau du Procureur général de la République n’a reçu aucune plainte pour stérilisation forcée. Une consultation ayant pour but de dresser un tableau de la situation des femmes autochtones a été organisée; elle a permis aux intéressées d’exposer les difficultés qu’elles rencontraient et de soumettre leurs propositions.

20.S’agissant de la préoccupation exprimée par le Comité au sujet du droit des peuples autochtones d’élire leurs représentants politiques, les conscriptions électorales ont été redécoupées afin d’élargir la participation des autochtones au plan local comme au plan fédéral. Dans une décision récente, le Tribunal fédéral électoral du pouvoir judiciaire de la Fédération a reconnu le droit de la communauté autochtone de Cherán (État du Michoacán) d’organiser des élections selon ses coutumes ancestrales, ce en se fondant directement sur les dispositions de la Convention no 169 de l’OIT et sur les critères définis dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et en créant ainsi un précédent.

21.Divers instruments ont été élaborés en vue de combattre l’utilisation dans la publicité et les médias de clichés et de propos discriminatoires envers les autochtones. Le Conseil national pour la prévention de la discrimination a de lancé des programmes de sensibilisation contre les stéréotypes et les préjugés et s’emploie régulièrement à défendre les personnes victimes de discrimination raciale dans les médias.

22.Le Gouvernement mexicain a pleinement conscience qu’il lui faut poursuivre ses efforts pour remplir pleinement les obligations lui incombant en vertu de la Convention et que, malgré les réformes législatives et judiciaires déjà menées, beaucoup reste à faire, notamment pour assurer aux autochtones un accès effectif à la justice et formuler et appliquer des mesures en faveur des personnes en proie à la discrimination raciale.

23.M. Murillo Martínez (Rapporteur pour le Mexique) constate avec satisfaction que la délégation de l’État partie est de haut niveau et que sa composition est diversifiée. Il note que depuis quelques années le Gouvernement mexicain ne ménage aucun effort pour combattre le trafic de drogues et faire face à la violence connexe et que l’armée intervient à cette fin dans les États fédérés, ce qui susciterait des tensions entre pouvoir central et autorités locales; des violations des droits de l’homme seraient de plus commises dans le cadre de ces opérations. La délégation est invitée à commenter ces informations et pourrait par ailleurs indiquer si les accords de San Andrés conclus en 2004 en vue d’apaiser la révolte des autochtones du Chiapas ont produit des résultats concrets.

24.Alors qu’il ressort de la présentation orale de la délégation qu’un grand nombre de plans et de programmes ont été adoptés afin de combattre la discrimination raciale et de promouvoir et protéger la culture des peuples autochtones, le rapport n’indique pas clairement si leur application a eu des effets tangibles, en particulier le Programme national pour la prévention et l’élimination de la discrimination 2006-2010. D’après un rapport sur la situation des femmes autochtones du Chiapas, de Guerrero et d’Oaxaca, établi par le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) au Mexique, les femmes autochtones seraient victimes de discrimination multiple et n’exerceraient pas leurs droits, notamment fonciers, dans les mêmes conditions que les hommes. Il serait dès lors utile de savoir si le Gouvernement a pris des mesures d’action positive afin de corriger ces inégalités et s’il s’est fondé à cet effet sur la Recommandation générale no 32 du Comité sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention (CERD/C/GC/32).

25.Dans un autre rapport publié en 2008, le bureau du HCDH au Mexique souligne que la discrimination est structurelle et généralisée dans la société mexicaine et que les programmes, politiques et lois en faveur de certains des groupes les plus défavorisés vivant dans la capitale ne permettent que d’atténuer les inégalités car ils ne s’attaquent pas à leurs causes. La délégation est invitée à commenter ces informations ainsi que le contenu du rapport d’une ONG dans lequel il est notamment signalé qu’en 2009 8 % seulement des 406 femmes autochtones en détention avaient eu accès à un interprète et que la législation pertinente était très rarement appliquée en milieu rurale. Un complément d’information sur la deuxième enquête nationale sur la discrimination, réalisée en 2010, serait utile.

26.Au sujet des minorités et de leur culture, il n’est pas rare que des officiers de l’état civil refusent d’enregistrer des personnes sous leur nom autochtone, plusieurs cas de ce type ayant été dénoncés par des ONG. En outre, les Mexicains d’ascendance africaine demeureraient une minorité «invisible» alors que d’autres minorités non autochtones, notamment la minorité juive, sont reconnues en tant que telles. L’État partie devrait donc promouvoir l’idée que les personnes d’ascendance africaine sont une des minorités constitutives de la population mexicaine.

27.Des renseignements seraient bienvenus sur les affaires José Trinidad de la Cruz, un défenseur des droits de l’homme torturé et assassiné par des paramilitaires à la suite d’un litige foncier; José Ramón Aniceto et Agustín Cruz, deux hommes arrêtés et détenus arbitrairement en raison d’un litige lié à l’accès à l’eau; Hugo Sánchez, en cours d’examen par la Cour suprême de justice de la nation.

28.La délégation est invitée à exposer quelle suite a été donnée aux recommandations formulées par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression dans le rapport sur la mission qu’il a effectuée au Mexique en 2010 (A/HRC/17/27/Add.3) et à indiquer ce qu’il est advenu des membres de la communauté tarahumara qui, en 2011, avaient brandi la menace d’un suicide collectif face à la sécheresse qui les avait privés de tout moyen de subsistance et réduits à la famine.

29.Des renseignements sur les progrès accomplis en matière de lutte contre la mortalité maternelle et de santé sexuelle et génésique chez les femmes autochtones et concernant la prise en considération des spécificités culturelles des patientes autochtones seraient utiles. Il faudrait savoir également si le recensement de 2010 a fait apparaître un écart important entre l’espérance de vie des autochtones et celle de la population générale.

30.Au sujet de centaines de migrants en situation irrégulière qui, selon les médias et des ONG, auraient été massacrés par des bandes armées avec la complicité des forces de l’ordre ou leur consentement tacite, il faudrait que la délégation indique si des policiers ont fait l’objet de poursuites et ont été condamnés pour ces actes et si le Gouvernement mexicain a pris des mesures de prévention pour empêcher de nouvelles violations de ce type à l’avenir.

31.Des statistiques sur le nombre de plaintes pour discrimination raciale et la suite qui leur a été donnée ainsi que sur l’application concrète de la législation pertinente seraient bienvenues car, selon des informations soumises au Comité, la discrimination envers les autochtones est généralisée, notamment en ce qui concerne l’accès aux lieux publics, et très peu de victimes osent porter plainte.

32.Dans le rapport sur sa mission au Mexique en 2010 (A/HRC/14/25/Add.4), le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation constate qu’à peine 1 % des élèves autochtones ayant été scolarisés dans le primaire intègrent l’université, contre 17 % pour la population générale. La délégation pourrait donc indiquer si la situation a évolué, préciser si des mesures ont été prises afin de favoriser l’accès des autochtones à l’enseignement supérieur et fournir par ailleurs des statistiques sur l’accès des autochtones et des personnes d’ascendance africaine aux services de santé.

33.Il a été signalé au Comité que l’État de Sonora aurait construit un centre touristique dans la région du fleuve Yaqui sans consultation préalable des communautés autochtones concernées. La délégation voudra bien indiquer à ce propos comment le Gouvernement mexicain procède pour obtenir le consentement libre, préalable et informé des peuples et communautés autochtones avant d’autoriser le lancement de projets susceptibles de nuire à leurs intérêts, en vue d’éviter les conflits dus à l’opposition des autochtones aux activités d’exploration et d’exploitation des mines «à ciel ouvert», et préciser quels projets miniers le Ministère de l’économie a autorisés ces six dernières années et lesquels posent problème. La délégation pourrait aussi expliquer pourquoi, alors que l’industrie minière génère des profits considérables, les communautés vivant dans les zones d’exploitation minière présentent des taux de marginalisation, de pauvreté, de malnutrition et de chômage très élevés, tout en indiquant si les assassinats et violations des droits de l’homme qui auraient été commis dans le contexte de manifestations contre l’exploitation de ressources naturelles situées sur les terres où vivent des communautés autochtones ont donné lieu à des enquêtes.

34.M. Cali Tzay note que la première enquête nationale sur la discrimination au Mexique, menée en 2005, a fait apparaître que 43 % des personnes interrogées pensaient que les populations autochtones seraient toujours limitées socialement en raison de leurs caractéristiques «raciales» et que 40 % seraient prêtes à s’organiser avec d’autres personnes pour demander à ce que l’on ne permette pas à un groupe d’autochtones de s’installer près de leur communauté. Ce constat est très préoccupant et montre que les actions menées par le Gouvernement contre la discrimination envers les autochtones sont inefficaces.

35.Il est étonnant que des responsables mexicains estiment que les autochtones ne cherchent pas à sortir de la pauvreté parce que ce concept n’existerait pas dans leur cosmogonie mais seulement à subvenir à leurs besoins quotidiens. Cette conception anthropologique est parfaitement dépassée depuis les années 1990 et le fait que les autorités mexicaines continuent de penser que certaines personnes se complaisent dans la pauvreté révèle une vision paternaliste du rôle de l’État. Il est consternant que les autorités mexicaines estiment que les populations autochtones sont pauvres et marginalisées en raison, principalement, de leur fort taux d’alcoolisme, d’autant plus qu’il est désormais notoire que des pays comme le Canada ou les États-Unis ont poursuivi, durant des années, une politique visant à encourager l’alcoolisme des autochtones afin de les marginaliser.

36.La délégation est priée de commenter l’information selon laquelle un ressortissant hondurien aurait été expulsé du Mexique pour délit de faciès et d’indiquer ce qu’il est advenu des autochtones interpellés durant des manifestations contre l’exploitation des ressources minières sur leurs terres ancestrales sans consultation préalable.

37.M. de Gouttes dit que le rapport périodique à l’examen manque de données concrètes sur l’application des nombreuses mesures prises aux plans législatif et institutionnel pour promouvoir les droits des autochtones, même si, globalement, il est d’une grande franchise. L’analyse des conditions de vie des personnes, peuples et communautés autochtones montre qu’en dépit des efforts et progrès réalisés au cours des années précédentes, les retards considérables en matière de bien-être et d’accès aux services de base n’ont pas été rattrapés, ce en raison de l’existence de discrimination. En outre, la méconnaissance de la loi générale sur les droits linguistiques des peuples autochtones tant par la population, y compris les locuteurs de langues autochtones, que par les autorités publiques constitue un obstacle à l’élimination de la discrimination, car méconnaître ces droits équivaut à ne pas les exercer. L’État partie doit prendre toutes les mesures qui s’imposent pour remédier à cette situation.

38.Il demande si, à la suite de la réforme constitutionnelle de 2011, les citoyens pourront invoquer directement les dispositions des traités ratifiés par le Mexique pour faire valoir leurs droits. Il aimerait savoir en outre pourquoi la loi fédérale sur la prévention et l’élimination de la discrimination n’interdit pas expressément la discrimination motivée par l’appartenance raciale et ne proscrit que les actes fondés sur l’origine ethnique ou nationale. La délégation pourrait aussi préciser quel est l’état d’avancement du texte de loi sur la consultation des peuples et communautés autochtones et fournir des informations sur le bilan des tribunaux spécialisés en matière autochtone mis en place en vue de veiller au respect des méthodes auxquelles les peuples et communautés autochtones recourent traditionnellement pour régler leurs conflits.

39.S’étonnant que seulement six plaintes aient été formées pour discrimination entre 2004 et 2010, M. de Gouttes rappelle que selon la doctrine du Comité, consacrée par la Recommandation générale no 31 sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, l’absence ou la rareté des plaintes en matière de discrimination raciale ne doit pas être considérée comme nécessairement positive et peut être révélatrice d’une information insuffisante des victimes de leurs droits, de la peur de représailles ou d’un manque de confiance vis-à-vis des autorités de police et de justice. La délégation mexicaine est donc invitée à fournir des données chiffrées sur le nombre de plaintes, de poursuites et de jugements en matière de discrimination raciale.

40.La délégation pourrait en outre exposer le bilan, la portée et les effets de la formation relative aux droits fondamentaux des peuples autochtones dans le domaine de la sécurité publique que la Direction générale des droits de l’homme dispense aux fonctionnaires publics, en particulier aux policiers.

41.M. Diaconu se félicite de la reconnaissance au niveau constitutionnel des droits des peuples autochtones, de leurs droits collectifs et de leur droit à la libre détermination et à l’autonomie. Le Mexique mérite d’être salué aussi pour sa politique de revalorisation des cultures et langues autochtones moyennant le programme de revitalisation, de renforcement et de développement des langues autochtones nationales.

42.Observant que selon le rapport, l’État a l’obligation d’introduire des mécanismes pour réparer les dommages et promouvoir les droits des personnes appartenant à des groupes historiquement marginalisés et victimes de discrimination, M. Diaconu demande quelles mesures ont été prises en ce sens. Il souhaite savoir aussi pourquoi certains États mexicains n’ont pas encore incriminé les comportements discriminatoires fondés sur la race et l’origine ethnique ou nationale et si le Code pénal mexicain lie tous les États fédérés ou si chacun est doté de sa propre législation pénale. Il souhaite aussi savoir pourquoi seuls 15 États fédérés ont procédé, depuis 2001, à des réformes constitutionnelles locales et publié des lois sur les droits et cultures autochtones.

43.Prenant note de l’affirmation selon laquelle les personnes d’ascendance africaine se sentent isolées des organisations politiques et sociales en place dans le pays et pensent qu’elles ne peuvent pas bénéficier des programmes gouvernementaux, M. Diaconu demande quelles mesures les autorités nationales ont prises pour modifier cette perception et intégrer ces personnes à la société mexicaine. Notant que deux organes, le Conseil national pour la prévention de la discrimination et la Commission nationale des droits de l’homme, sont compétents pour recevoir et instruire les plaintes pour violation des droits de l’homme, il souhaite savoir comment ils se partagent cette compétence.

44.M. Thornberry fait valoirque les meurtres de défenseurs des droits de l’homme, dont le meurtre d’Hugo Sanchez, illustrent la corrélation que les services de police établissent entre ethnicité/identité linguistique et criminalité. Il demande si l’opinion de près d’un tiers de Mexicains selon laquelle «la seule chose que les populations autochtones doivent faire pour sortir de la pauvreté est de ne pas se comporter comme des autochtones» résulte de facteurs culturels ou facteurs structurels ou des deux, si des normes ont été édictées pour interdire le profilage racial ou ethnique, si les policiers, tant au niveau fédéral que local, suivent une formation aux droits de l’homme et si les femmes appartenant à une minorité ethnique sont victimes de discrimination multiple.

45.Le Mexique ayant fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et donc accepté la procédure de plaintes individuelles, il est permis de se demander pourquoi la société civile n’a à ce jour saisi le Comité d’aucune communication. Il serait intéressant de savoir si l’État partie se refuse à utiliser le terme «race» parce qu’il ne souhaite pas légitimer les théories affirmant l’existence de plusieurs races humaines et, dans l’affirmative, quel motif de discrimination il a défini pour punir les actes généralement décrits comme étant motivés par la «race».

46.M. Saidou demande quels liens entretiennent la Commission nationale des droits de l’homme que le Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (CIC) a dotée du statut «A» et les 32 autres institutions de défense des droits de l’homme existant dans le pays, qui ne bénéficient pas de ce statut.

47.Notant que 44 % des autochtones sont analphabètes, alors que pour l’ensemble de la population le taux d’alphabétisation avoisine 90 %, M. Saidou aimerait savoir si les principes consacrés dans les lois fédérales visant à combattre la discrimination envers les populations autochtones ont été repris dans les textes régissant le système éducatif mexicain et sont enseignés dans les écoles de police. Enfin, il serait intéressant de savoir si des cas de discrimination ont été dénoncés dans le monde du sport, notamment du football et, le cas échéant, quelles mesures l’État fédéral a prises pour combattre ce phénomène.

48.M me Dh a, déplorant la longueur excessive du rapport à l’examen (une centaine de pages contre les 40 préconisées) et l’absence dans le document de base commun (HRI/CORE/MEX/2005) d’informations sur l’histoire et la civilisation qui font la richesse et le prestige du Mexique, recommande à l’État partie d’incorporer dans ses prochains rapports des données statistiques issues du recensement de 2011 relatives à la composition ethnique de la population ainsi qu’aux femmes autochtones ou d’ascendance africaine qui occupent des postes électifs et des postes de responsabilité au sein de l’administration et de la justice ou font carrière dans la diplomatie.

49.Le Comité apprécierait en outre des informations plus détaillées sur les droits dont les travailleurs en situation régulière, les sans-papiers, les saisonniers et les domestiques jouissent au Mexique, ainsi que sur l’accès des femmes à la justice, y compris les migrantes victimes d’agressions sexuelles, leur éventuelle indemnisation et les sanctions infligées à l’agresseur, y compris quand il s’agit d’un fonctionnaire. Un complément d’information sur les conditions de vie dans les centres de rétention serait aussi souhaitable.

50.Notant que c’est au Gouvernement fédéral qu’il incombe d’honorer les engagements internationaux du Mexique, Mme Dah demande ce que l’État partie fait pour assurer le respect des droits consacrés dans la Convention sur l’ensemble du territoire, à quels moyens il entend recourir pour combattre la criminalité organisée et l’impunité en cas de violation des droits de l’homme et comment il compte retirer à l’armée le rôle qu’elle joue dans le maintien de la sécurité publique, qui se justifie difficilement sauf en cas d’état d’exception.

51.M. Vasquez demande si, comme l’affirment des sources dignes de foi, la politique mise en place depuis quelques années par l’État partie pour combattre la criminalité a vraiment eu pour effet d’augmenter le nombre d’arrestations et de placement en détention d’innocents, en particulier d’autochtones, et dans l’affirmative, quelles mesures l’État partie entend prendre pour corriger la situation.

52.M. Lahiri note avec satisfaction que l’État partie s’attache à assurer une protection spéciale aux autochtones, aux personnes d’ascendance africaine et aux travailleurs migrants. Vu la richesse et la diversité propres à l’Amérique latine, il estime que les 80 millions de personnes composant le reste de la population ne peuvent constituer un groupe homogène et demande donc des données démographiques ventilées qui permettraient d’évaluer l’évolution de la situation des différents groupes de population dans l’État partie.

53.M. Lindgren Alv e s, s’étonnant que seulement 9,8 % des Mexicains déclarent être autochtones demande si les autres − hormis les personnes d’ascendance africaine − s’auto-identifient comme métis ou comme blancs. Il aimerait en outre savoir si la conception que l’État partie a des droits culturels est conforme à celle de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

54.M. Ewo ms an demande quelles mesures l’État partie a prises pour garantir le droit des peuples autochtones à prendre part à la gestion des affaires publiques et pour améliorer la situation des autochtones, qui sont pauvres, isolés, marginalisés, victimes de préjugés, éprouvent des difficultés d’accès aux services sociaux et à l’éducation et n’ont généralement pas droit à un procès équitable, et dont les femmes sont souvent exploitées, reléguées au rang de domestiques et victimes de stérilisations forcées. La délégation pourrait aussi indiquer si l’État partie prend des mesures en faveur des personnes d’ascendance africaine, qui constituent la minorité visible la plus vulnérable du pays alors que sa situation est éludée dans le rapport à l’examen.

La séance est levée à 18 heures.