NATIONS UNIES

CERD

Convention internationale

sur l ’ élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/SR.17499 mars 2006

Original: ANGLAIS

COMITÉ SUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante-huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1749e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, Genève,le vendredi 3 mars 2006 à 15 heures

Président: M. de GOUTTES

SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (suite)

Quinzième et seizième rapports périodiques du Botswana

La séance est ouverte à 15h10 .

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 6 de l’ordre du jour) (suite)

Quinzième et seizième rapports du Botswana (CERD/C/495/Add.1)

1. Sur l’invitation du Président, les membres de la délégation du Botswana prennent place à la table du Comité .

2.M. SKELEMANI (Botswana) présente les quinzième et seizième rapports périodiques conjoints de son pays (CERD/C/495/Add.1) et déclare que ce document a été compilé avec la participation d’institutions gouvernementales et d’ONG, ainsi qu’avec l’aide du Comité et du Programme des Nations Unies pour le développement. Un Comité interministériel sur les traités, les conventions et les protocoles a été créé afin de surveiller la conformité de l’État partie aux obligations en matière de présentation des rapports et d’assurer la mise en œuvre des instruments internationaux.

3.Le Botswana est un jeune pays, toujours en proie avec l’édification de la nation. Les efforts visant à promouvoir l’unité nationale sont donc prioritaires sur toute autre action en faveur de la diversité culturelle. Pour autant, son Gouvernement prend des mesures qui ont pour objectif de promouvoir un aspect de la culture très important, à savoir la langue. L’élimination de la discrimination dans le cadre de pratiques et de dispositions législatives qui remontent à la nuit des temps, nécessite du temps. Différents groupes ont fait part de leur mécontentement quant à la lenteur des progrès et les mesures adoptées pour remédier à cette situation sont décrites dans le rapport.

4.En vue de clarifier l’évidente confusion relative à certains termes contenus dans le rapport, il explique qu’en anglais les citoyens du Botswana sont désignés par le terme «Motswana» au singulier et «Batswana» au pluriel. Aux fins du présent rapport, ces termes sont employés dans leur sens générique, sans indication aucune concernant leur origine ou leur identité ethnique. Le setswana est la langue nationale parlée par la majorité de la population, y compris les non-Tswanas et apprise dans les écoles. Une politique a été définie afin d’assurer l’apprentissage des langues minoritaires dans les écoles mais elle n’est pas encore mise en œuvre.

5.L’accès à l’emploi et à l’éducation repose sur le mérite, en aucun cas sur l’appartenance ethnique. L’exclusion de certains groupes du développement économique n’a pas de fondement racial; elle résulte de leur style de vie et de leur éloignement géographique. Le Gouvernement a lancé le Programme en faveur des habitants des zones reculées afin de répondre aux besoins spécifiques de ces populations. La marginalisation affecte les Basarwa de manière disproportionnée et les programmes définis pour améliorer la situation ont généré peu de résultats. Le Gouvernement poursuit ses efforts afin de déterminer la meilleure façon de remédier à ce problème mais certaines catégories de la population ont critiqué ses actions, en suggérant que les groupes concernés devaient se débrouiller seuls.

6.Au Botswana, aucun groupe ne dispose de droits fonciers exclusifs. La terre n’est pas allouée sur la base de l’origine ethnique ou tribale mais sur celle des dispositions législatives, ce qui garantit l’absence de toute discrimination.

7.S’agissant des questions soulevées par le Rapporteur de pays, il explique que les adjectifs qualitatifs associés aux tribus «principales» ou «minoritaires» dérivent du classement des personnes susceptibles d’être élus à la Chambre des chefs, conformément à la section 77 de la Constitution avant d’être amendée. L’amendement adopté tend à éliminer toute disposition discriminatoire de ce type (question 1).

8.Le Gouvernement admet que les sections 3 et 15 de la Constitution ne sont pas parfaitement compatibles avec la Constitution (question 2).

9.La nature discriminatoire susceptible d’être associée à l’expression «tribu dominante» ne se traduit pas par des actes de discrimination dans la pratique. L’actuelle loi sur les chefferies ne fait aucune référence à des «chefs suprêmes». Certaines dispositions discriminatoires ont été supprimées de la Constitution et la loi sur les chefferies fait actuellement l’objet d’un examen afin d’assurer la conformité de ses dispositions avec les amendements constitutionnels (questions 3 à 5).

10.Le projet de loi n° 34 (2004) qui modifie les sections 77 à 79 de la Constitution résulte d’une consultation nationale massive impliquant le grand public, la chambre des chefs et le Parlement. Il jouit du large soutien de toutes les communautés (question 6).

11.Le Botswana compte plus de 40 tribus ou groupes ethniques, ainsi que plusieurs groupes de citoyens naturalisés issus de différents pays d’origine. Il serait irréaliste de désigner les membres de la chambre des chefs sur la base de la seule appartenance ethnique. Grâce à l’introduction du système de représentation fondé sur les régions géographiques, la représentation de tout groupe ethnique particulier a été réduite et a permis ainsi d’assurer une représentation égale de toutes les communautés. D’autres améliorations sont évidemment nécessaires (questions 8 à 10).

12.Les dispositions du projet de loi n° 34 sont élaborées de manière à permettre au Président de déterminer les intérêts qui doivent être satisfaits (question 11).

13.Le rapport comporte des informations détaillées sur les recours judiciaires contre l’utilisation d’expressions discriminatoires (question 12).

14.Toutes les affaires de mauvais traitement font l’objet d’une enquête, quelle que soit l’appartenance ethnique de la victime. Les allégations largement médiatisée des cas de mauvais traitement des Basarwas ont fait l’objet d’une enquête rigoureuse et aucune preuve de mauvais traitement n’a pu été découverte à ce jour (question 13).

15.Le Botswana compte plus de 500 tribunaux de droit coutumier dont certains sont situés au sein de très petites communautés. Le droit coutumier est propre à une communauté ou à une tribu donnée et s’applique à l’ensemble des personnes relevant de ladite communauté (question 14).

16.Au Botswana, les fonctionnaires sont recrutés sur la base du mérite, en aucun cas sur l’appartenance ethnique (question 15). Les questions 16, 17 et 20 sont déjà traitées.

17.Les Basarwas ont été déplacés de la réserve animalière du Kalahari central après une dizaine de consultations. Les allégations selon lesquelles ils ont été déplacés de force sont fausses. Le déplacement des personnes vivant dans cette Réserve qui étaient pour la plupart d’origine basarwa a conféré à la section 14 (3) de la Constitution un caractère obsolète. La pratique consistant à demander aux non-ressortissants de payer certains services n’est pas propre au Botswana (questions 18, 19 et 21).

18.Les plaintes relatives au comportement des médias sont dûment traitées par la Commission des plaintes et des recours contre les médias qui, en sa qualité d’organisme indépendant, ne divulgue pas au Gouvernement des informations sur ses mesures. Les efforts déployés par le Gouvernement afin de promouvoir la culture et la musique du Botswana incluent la diffusion d’activités culturelles (questions 22 à 24).

19.M. SICILIANOS, Rapporteur de pays, déclare que depuis l’envoi de son précédent rapport, le Comité a maintenu un dialogue permanent avec l’État partie sur des questions importantes comme la réforme constitutionnelle. Il félicite l’État qui présente son rapport d’avoir impliqué des ONG dans la préparation des rapports périodiques et la création du Comité interministériel sur les traités, les conventions et les protocoles.

20.Le principe de non-discrimination énoncé dans la section 3 de la Constitution du Botswana ne couvre pas complètement tous les aspects définis dans l’article 1 de la Constitution. De plus, la section 15 de la Constitution comprend une longue liste d’exceptions à ce principe, permettant notamment une différence de traitement établie sur la base de l’appartenance raciale ou tribale dans le droit coutumier. Ces dispositions sont incompatibles avec la Convention et le droit international, qui stipulent que la législation national ne peut pas être invoquée pour justifier une dérogation aux obligations internationales.

21.L’objectif principal du projet de loi n° 34 (2004) qui vise à garantir une représentation égale des peuples botswanais dans la Chambre des chefs est louable. Pour autant, les différences observées dans la nomination des membres sont discriminatoire. Alors que les chefs des tribus parlant le tswana continuent d’être désignés conformément à leur coutume qui leur confère un statut de permanence au niveau du district, les représentants des territoires de la Couronne non-tswana ne sont pas désignés selon les coutumes de leurs tribus et ne représentent pas une tribu spécifique. Bien que ce projet de loi les qualifie de «Dikgosi» (chefs), ils sont en réalité des sous-chefs. La troisième catégorie de membres se compose des «Dikgosana» (chefs inférieurs): des chefs rétribués qui ne représentent pas des tribus mais des régions. Au lieu d’être élus par les habitants de la région, ils sont nommés par d’autres chefs en présence du Chef tswana. Cinq autres membres sont désignés par le Président lui-même.

22.À la lecture de la loi sur les chefferies, il déduit que le terme «tribu» s’applique uniquement aux huit tribus tswanas classées comme telles, tandis que les groupes non-tswanas sont désignés par l’expression «communautés tribales». Par conséquent, seuls les Tswanas peuvent être élus en la qualité de Chef, tandis que les membres des autres groupes tribaux peuvent uniquement être sous-chefs ou chefs rétribués. De la même manière, en vertu de la loi sur les territoires tribaux, seuls les territoires appartenant aux tribus dominantes semblent être répertoriées comme «territoires tribaux».

23.La Cour suprême du Botswana a jugé que la loi sur les chefferies était discriminatoire et donc incompatible avec la section 3 (a) de la Constitution et a ordonné que la section 2 de cette loi soit modifiée afin d’éliminer les dispositions discriminatoires et d’accorder le même traitement et la même protection à toutes les tribus. En outre, la Cour a déclaré que toute disposition discriminatoire contenue dans les autres lois devait également être supprimée.

24.Tout en prenant note que l’amendement sur la loi sur les chefferies est actuellement à l’étude, il déclare qu’aucune mesure concrète n’a été prise pour mettre en œuvre la décision de la Cour. Le projet de loi n° 34 (2004) modifie les sections 77 à 79 de la Constitution et ne produit donc aucun effet sur la compatibilité entre la loi sur les chefferies et la section 3 de la Constitution.

25.La question du déplacement des Basarwas a déjà été abordée dans les précédentes observations finales du Comité concernant les sixième à quatorzième rapports périodiques du Botswana (A/57/18, par. 282-314). Il souhaite connaître les raisons pour lesquelles le Gouvernement n’a pas suspendu le programme de déplacement des Basarwas de la réserve animalière du Kalahari central, suite à la plainte à ce sujet pendante devant la Haute Cour alors qu’une telle suspension revêt un caractère essentiel pour éviter de porter une atteinte sérieuse à l’efficacité du recours prévu par l’article 6 de la Convention. Il demande des informations complémentaires sur les rumeurs faisant état d’une réduction par le Gouvernement des services de base dans la Réserve et de cas de mauvais traitement par la police.

26.Il serait utile de disposer d’un compte rendu exhaustif sur la situation des groupes ethniques qui ne parlent pas le setswana dans le cadre du système éducatif. Il semble en effet que ces groupes soient gênés par le fait que l’enseignement est proposé uniquement en anglais et en setswana.

27.Il souhaite obtenir des explications sur une série d’aspects relatifs aux demandeurs d’asile et aux réfugiés, notamment: le processus d’octroi du statut de réfugié nécessite parfois plusieurs années, et non 28 jours comme le stipule la loi sur les réfugiés; les demandeurs d’asile, y compris les mineurs, sont systématiquement placés en détention pendant de longues périodes, ce qui est contraire aux normes internationales; les personnes qui ont le statut de réfugié, ne peuvent pas, par disposition expresse de la loi, travailler dans le secteur formel de l’emploi et par conséquent, bénéficier des garanties juridiques standard; et les réfugiés sont exclus du programme national de thérapie antirétroviral et de prévention de transmission mère/enfants.

28.Il souhaite obtenir des informations complémentaires sur les rumeurs faisant état de l’expression d’une hostilité à l’égard des migrants zimbabwéens et de certains cas de mauvais traitement principalement par la police. Il demande s’il est possible de contester devant les tribunaux un décret présidentiel déclarant un résident étranger ou un visiteur persona non grata.

29.Il a reçu des informations selon lesquelles la complexité du système juridique mixte, reposant à la fois sur le droit commun et le droit coutumier, ne permettait pas aux membres des tribus ne parlant pas setswana d’y accéder facilement. Il semble qu’il n’existe pas d’aide juridique au Botswana, à une exception près, grâce à laquelle il est possible de désigner un avocat volontaire dans les affaires de crimes punis par la peine capitale. En 1999, la Haute Cour a reconnu que l’absence de toute représentation juridique adéquate dans une affaire impliquant des accusés ne parlant pas setswana était contraire au principe de procès équitable. À cet égard, il attire l’attention de la délégation sur la recommandation générale XXXI du Comité sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale.

30.M. AVTONOMOV accueille avec satisfaction le fait que les réfugiés puissent accéder à un enseignement gratuit et aimerait connaître les langues employées dans le cadre de cet enseignement. Il demande des informations sur le statut socio-économique des différents groupes ethniques, y compris les niveaux de revenu. Ces renseignements permettront au Comité d’évaluer les interrelations entre les différents groupes et tribus ethniques, ainsi que leur développement harmonieux. Bien qu’au moment de l’élaboration de la Constitution botswanaise en 1965, la priorité était axée sur l’unité et que des efforts ont été déployés pour minimiser l’importance de l’appartenance tribale, le Gouvernement reconnaît que les réalités ont changé depuis l’indépendance. Il demande s’il existe des raisons sociologiques aux tensions générées par le fait que les médias nationaux ne diffusent pas d’émissions dans les langues des groupes minoritaires ou que ces langues ne soient pas enseignées à l’école.

31.Il se demande s’il est possible de trouver une solution au problème des Basarwas sans les déplacer. Dans ce cas particulier, il convient d’examiner le droit de possession des terres, non pas du point de vue actuel de la propriété mais bien du point de vue du lieu traditionnel de résidence et de travail des Basarwas.

32.M. AMIR félicite le Gouvernement pour la création d’un Comité interministériel sur les traités, les conventions et les protocoles. Le Botswana compte l’un des taux de VIH/sida les plus élevés au monde. Par conséquent, il prie instamment les agences et les donateurs du monde entier d’aider le Gouvernement à fournir les ressources techniques et financières nécessaires pour lutter contre ce fléau.

33.Bien que les parlementaires soient élus sur la base d’une appartenance politique individuelle et non pas sur l’appartenance tribale, il semble qu’un système de représentation proportionnelle serait plus adéquat au vu des nombreux groupes ethniques présents au Botswana. La délégation doit s’exprimer sur le fait que les tribunaux coutumiers semblent ne pas être compétents pour traiter des affaires impliquant des allégations de discrimination raciale au niveau du village. Il demande si le Bureau du Médiateur a reçu des plaintes de discrimination raciale.

34.M. THORNBERRY déclare que, bien que l’une des principales justifications invoquées pour le déplacement des Basarwas de la Réserve animalière du Kalahari central est la protection de la vie sauvage, il est possible, au travers de négociations, de concilier la présence des Basarwas avec cet objectif de protection. Il rappelle la recommandation générale XXIII du Comité sur les droits des peuples autochtones, en particulier le point 5 qui demande aux États parties de reconnaître et de protéger le droit des populations autochtones de posséder, de mettre en valeur, de contrôler et d’utiliser leurs terres, leurs ressources et leurs territoires communaux et, lorsqu’ils ont été privés de terres et territoires qui, traditionnellement, leur appartenaient ou, sinon, qu’ils habitaient ou utilisaient, sans leur consentement libre et informé, de prendre des mesures pour que ces terres et ces territoires leur soient rendus. Cet article est conforme à l’article 16 de la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du Travail. Les titres ancestraux et les droits des groupes aux terres ne sont pas reconnus au Botswana. Toutefois, dans de nombreux autres pays de droit commun, on retrouve des exemples du principe du titre foncier pour les autochtones, qui existe sans pour autant fragmenter le pays. Le droit international reconnaît de plus en plus l’occupation traditionnelle des terres comme motif pour accorder un titre foncier.

35.Le Comité est inquiet de la menace qui pèse sur leur mode traditionnel de vie basé sur la chasse et la cueillette. L’État partie doit indiquer si cette situation est exacte. Bien que le manifeste «Vision 2016» (rapport, par. 98-103) aspire à une société au sein de laquelle tous les citoyens contribuent efficacement à son développement, la politique du Gouvernement en la matière semble exclure le mode de vie traditionnel des Basarwas. Par conséquent, conformément à ses précédentes observations finales, le Comité recommande au Gouvernement de reprendre les négociations avec cette communauté et d’adopter dans le cadre du développement de l’État partie une approche fondée sur les droits.

36.M. PILLAI félicite l’État partie pour la participation d’ONG dans la préparation du rapport et leur coopération avec le Gouvernement dans la promotion des cultures locales. Il aimerait toutefois obtenir des renseignements supplémentaires sur l’affaire des passeports confisqués de membres de l’organisation First People of the Kalahari, visant à les empêcher de participer à la présente réunion.

37.La délégation doit être plus spécifique sur l’évaluation du Gouvernement des effets que l’abandon des méthodes de chasses traditionnelles (à pied, armés d’arcs et de flèches) pour des chevaux et des véhicules motorisés, à l’aide de pièges, de lances, de chiens et de fusils vont produire sur la survie réelle du mode de vie basé sur la chasse et la cueillette. À cet égard, il serait utile de savoir si la demande introduite auprès du tribunal par des Basarwas afin d’être autorisés à retourner dans la Réserve animalière du Kalahari central repose sur leur attachement à leurs terres ancestrales ou si les installations proposées ailleurs par le Gouvernement se sont avérées inadéquates.

38.Comme, de l’aveu même du Gouvernement, l’absence de données ventilées ne permet pas de connaître le nombre d’individus relevant de chaque tribu, la délégation doit indiquer comment il envisage de procéder à un recensement rigoureux de la population des tribus dites «minoritaires». Cette question revêt un certain degré d’urgence car les résultats pourraient influer sensiblement sur la politique du Gouvernement en matière de langue et de représentation à la chambre des chefs.

39.Selon les rapports des ONG, le projet de loi actuellement devant le Parlement qui entend modifier les sections 77 à 79 de la Constitution pourrait empêcher l’appréciation judicaire des dispositions pertinentes de la loi sur les chefferies et de la loi sur les territoires tribaux. Il serait opportun de savoir si les deux propositions qu’une ONG a formulées en vue de régler ce problème ont été prises en compte.

40.Comme la langue des tribunaux est l’anglais, la délégation doit indiquer si la connaissance de l’anglais est uniforme au sein des différentes catégories de la population. Dans le cas contraire, comment le Gouvernement peut-il garantir une égalité d’accès à la justice pour tous les individus?

41.Mme DAH félicite l’État partie pour la régularité avec laquelle il présente ses rapports au Comité, ainsi que pour le niveau de contact qu’il assure entre les sessions. La participation des médias et des ONG dans la préparation du rapport est également louable. Il serait opportun de savoir si les ONG qui ont participé à l’élaboration du rapport travaillent uniquement dans le domaine de la mise en œuvre de la Convention ou si leur mandat est plus vaste.

42.Des renseignements supplémentaires doivent être fournis sur les mesures que le Gouvernement entend prendre afin d’harmoniser la législation nationale et les dispositions de la Convention, en particulier celles relatives à la définition de la discrimination raciale.

43.Les raisons pour lesquelles l’État partie a établi une hiérarchie des tribus, en distinguant les tribus principales et les tribus minoritaires sont peu claires. Ces expressions semblent revêtir un caractère hautement discriminatoire.

44.La situation critique des Basarwas, qui semblent faire l’objet d’une marginalisation et d’une discrimination, est suivie par le Comité depuis 2002. Plusieurs autres instruments internationaux et régionaux pour les droits de l’homme ont conclu que le déplacement constant et la réinstallation de ces personnes constituaient une discrimination, même si cela n’était pas l’intention du Gouvernement. L’absence de toute consultation des personnes concernées par les programmes de déplacement n’ont fait qu’exacerber cette situation. Étant donné les changements intervenus dans la région, en particulier depuis la fin du régime de l’apartheid, il serait intéressant de disposer d’un compte rendu exhaustif de la vision du Gouvernement eu égard au système des chefs tribaux, aux peuples autochtones et aux terres. Des modifications constitutionnelles doivent permettre de traiter des questions telles que la nature hiérarchique du système des chefs tribaux, le souhait de certains groupes de voir leurs chefs attachés aux terres et la représentation plus importante de tous les peuples. La délégation doit indiquer s’il envisage de ratifier la Convention n° 169 de l’Organisation internationale du Travail, conformément à la recommandation de la Commission africaine sur les droits des peuples et de l’homme.

45.La délégation doit indiquer si la loi de 2004 supprimant l’autorité maritale en vertu de la common law suffit pour garantir l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe. Il serait utile de savoir de quelle manière cette loi influe sur les procédures engagées devant les tribunaux coutumiers.

46.Il est impossible de savoir si le système juridique mixte génère des problèmes dans la gestion de la justice. Comme le droit commun est hérité à la fois du système néerlandais et du système britannique, il serait intéressant de connaître les difficultés rencontrées dans le cadre de l’application du droit. Comment l’État partie facilite-t-il l’accès des habitants des zones reculées à la justice? Existe-t-il des affaires dans le cadre desquelles les personnes ont requis les services d’un interprète dans un tribunal de droit commun? Ces services ont-ils été fournis par l’État? Les raisons pour lesquelles le pluralisme que l’on retrouve dans la gestion du droit coutumier n’est pas également invoqué dans d’autres institutions ne sont pas claires.

47.M. KJAERUM félicite la délégation pour la grande qualité de son rapport et déclare que les paragraphes du début décrivant le processus de préparation du rapport et les interactions avec les différentes parties prenantes sont particulièrement intéressants.

48.S’agissant du déplacement des habitants de la Réserve animalière du Kalahari central (RKC), qui sont pour la plupart d’origine basarwa, il met en exergue la divergence des informations fournies par le Gouvernements et d’autres rapports, transmis notamment par les anciens résidents eux-mêmes, selon lesquels les méthodes employées lors du processus de déplacement ont inclus la force et la destruction de propriétés et d’infrastructures. Il souhaite que cette question soit clarifiée et résolue au travers un processus participatif afin de ne pas voir la situation se dégrader ultérieurement sur le long terme. Les recours juridiques doivent être utilisés en dernier ressort. Le Gouvernement doit adopter une approche fondée sur les droits puisque les instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme visent à maintenir un équilibre correct entre les besoins des groupes vulnérables et ceux de la société dans son ensemble. Par conséquent, il demande à la délégation d’expliquer la stratégie que le Gouvernement entend appliquer à cet effet.

49.Il demande aussi des explications sur la politique d’octroi des permis de chasse et l’utilisation d’armes dans certaines réserves. Il aimerait connaître les règlements en vigueur et la manière dont ils sont appliqués eu égard aux anciens habitants et aux habitants actuels de la Réserve animalière du Kalahari central.

50.Le fait que l’enseignement n’est pas proposé dans les langues minoritaires serait à l’origine d’un taux d’échec élevé et de nombreux décrochages parmi les groupes qui ne parlent ni l’anglais ni le setswana. Ces rapports contredisent le contenu des paragraphes 296 et 335 du rapport périodique sur le droit d’employer librement les langues minoritaires et la politique en matière de langue. Par conséquent, il demande à la délégation d’expliquer les dispositions législatives régissant les langues employées dans les écoles, ainsi que la manière dont elles sont mises en œuvre chaque jour.

51.S’agissant de la question des réfugiés et des demandeurs d’asile, il demande si les réfugiés sont accueillis ailleurs que dans le camp des réfugiés de Dukwi et dans l’affirmative, si des services sociaux sont prévus sur ces sites. Il suggère aussi au Gouvernement d’envisager la délivrance de permis de travail en même temps que l’octroi du statut de résident aux réfugiés afin de faciliter leur accès au marché du travail. En outre, il souhaite savoir s’il existe un dispositif pour faire appel des décisions négatives rendues par le Comité consultatif pour les réfugiés. Il s’étonne de l’absence de toute statistique relative au nombre de Zimbabwéens qui ont obtenu l’asile politique. Étant donné la situation politique de ce pays, il pensait que les données disponibles indiqueraient que des Zimbabwéens s’étaient vu octroyer un statut d’asile politique au Botswana.

52.Il demande si le Bureau du Médiateur a traité des affaires relatives à la mise en œuvre de la Convention et si le Gouvernement envisage de créer une institution nationale dédiée aux droits de l’homme, conformément aux Principes de Paris, susceptible de remplir un mandat plus vaste que celui du Médiateur.

53.M. TANG Chengyuan, prenant note du fait que le droit coutumier et le droit commun sont tous deux en vigueur au Botswana, demande de quelle manière le Gouvernement gère les questions impliquant un conflit de lois. Quel système de droit est retenu pour le règlement des différends en général et en particulier, lorsque des membres de tribus disposant chacune de leur propre droit coutumier sont déplacés vers une région où d’autres coutumes sont appliquées?

54.S’agissant des réactions d’hostilité contre les Indiens qui seraient nées d’une controverse ayant pour objet la vente de poulets, il souhaite obtenir des informations supplémentaires sur l’avancement de l’enquête menée par la police dans cette affaire, ainsi que sur l’application des politiques de lutte contre la discrimination. Tout en commentant la composition de la Chambre des chefs, il suggère que le Gouvernement envisage d’améliorer les chances pour les petites tribus d’être représentées au Parlement, aux côtés des «tribus principales».

55.M. SKELEMANI (Botswana) répond que dans toute démocratie, des différences et des désagréments sont observés entre groupes mais que son Gouvernement attache la plus grande importance à l’esprit d’ouverture au dialogue.

56.À titre de réponse préliminaire aux questions soulevées par les membres du Comité, il explique que l’enseignement primaire est proposé aux enfants dans leur langue maternelle au sein de leur région locale. Toutefois, en raison de sa population très mobile, le Botswana n’est pas en mesure, pour l’instant, de garantir aux enfants un enseignement dans chaque langue maternelle utilisée par les différents groupes que l’on trouve, par exemple, dans la capitale. Son Gouvernement entend traiter cette question afin de réduire tout risque de voir certains groupes lésés et il accueille favorablement l’aide internationale dans ce domaine. Il fait part de la volonté de son Gouvernement de bénéficier de l’expérience d’autres pays dans des circonstances similaires.

57.S’agissant des réfugiés zimbabwéens, il explique que les statistiques fournies dans le rapport ne sont pas à jour mais il est certain que des Zimbabwéens ont obtenu un statut d’asile politique.

58.Concernant la question de conflit de lois, il explique que le droit coutumier est géré par les tribunaux coutumiers au sein des communautés et des tribus. C’est le système juridique du lieu en question qui s’applique à l’ensemble des habitants.

59.Les parties ne sont pas lésées dans le cadre de l’administration de la justice en raison des différences de langue. Les tribunaux botswanais respectent rigoureusement la disposition en matière d’interprétation lors des procédures.

60.En vertu de la Loi sur le Médiateur, le Médiateur est chargé d’examiner les plaintes déposées pour une injustice ou un abus administratif de la part d’instances gouvernementales, ainsi qu’en cas de violation des droits de l’homme.

La séance est levée à 17 h 30 .

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