Nations Unies

CRC/C/ARG/CO/3-4

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

21 juin 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Cinquante-quatrième session

25 mai-11 juin 2010

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 44 de la Convention

Observations finales: Argentine

1.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques de l’Argentine présentés en un seul document (CRC/C/ARG/3-4) à ses 1522e et 1524e séances (voir CRC/C/SR.1522 et 1524), tenues le 2 juin 2010, et a adopté à sa 1541e séance (CRC/C/SR.1541), le 11 juin 2010, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec intérêt les troisième et quatrième rapports périodiques, présentés en un seul document, et se félicite de l’approche participative utilisée pour leur élaboration à laquelle ont notamment collaboré des enfants. Il se félicite en outre des réponses écrites à sa liste de points à traiter (CRC/C/ARG/Q/3-4/Add.1) et du dialogue constructif qui s’est engagé avec la délégation représentant de nombreux secteurs de la société, ce qui lui a permis de mieux comprendre la situation des enfants dans l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être rapprochées de celles qu’il a adoptées le 11 juin 2010 au sujet des rapports initiaux de l’État partie sur la mise en œuvre des deux Protocoles facultatifs à la Convention (CRC/C/OPSC/ARG/CO/1 et CRC/C/OPAC/ARG/CO/1).

B.Mesures de suivi mises en œuvre et progrès accomplis par l’État partie

4.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption des mesures législatives ci-après et de la création d’institutions et de programmes, et en particulier:

a)De la loi no 26061 de 2005, instaurant un système de protection des enfants et des adolescents et portant création du Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille (SENAF), du Conseil fédéral pour l’enfance, l’adolescence et la famille et du Médiateur pour les enfants et les adolescents (2005);

b)De la loi no 26290 du 7 novembre 2007, qui prévoit l’inclusion des droits de l’enfant dans toutes les formations dispensées aux forces de sécurité;

c)De la loi no 25974 du 1er décembre 2004, portant création du Fonds de réparation historique visant à faciliter la recherche et la restitution des enfants enlevés et des enfants nés en captivité;

d)De la loi no 26522 du 10 octobre 2009, sur les services de communication audiovisuelle et la création du Conseil consultatif de la communication audiovisuelle et de l’enfance, ainsi que de l’Observatoire chargé de la relation entre les médias audiovisuels et la jeunesse.

5.Le Comité prend également note des mesures institutionnelles et politiques ci-après:

a)Création de la Commission nationale des réfugiés (2006);

b)Création de la Commission de suivi du traitement institutionnel des enfants et des adolescents (2006);

c)Création, par la loi no 25724 du 27 décembre 2002, du programme pour l’alimentation et la nutrition des enfants jusqu’à l’âge de 14 ans, des femmes enceintes, des personnes handicapées et des personnes âgées de plus de 70 ans en situation de pauvreté.

6.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme énoncés ci-après:

a)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (en 2002);

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (en 2003);

c)Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (en 2004);

d)Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (en 2006);

e)Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (en 2006);

f)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (en 2007).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1.Mesures d’application générales (art. 4, 42 et 44, par. 6, de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

7.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour appliquer les observations finales qu’il avait formulées à propos de son deuxième rapport périodique (CRC/C/70/Add.10). Il note toutefois avec regret que plusieurs de ces recommandations n’ont pas été suffisamment prises en compte.

8. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations contenues dans ses observations finales sur le deuxième rapport périodique qui n’ont pas encore été appliquées ou ne l’ont pas été suffisamment. Il s’agit notamment de questions telles que la mise en œuvre de nouvelles dispositions législatives adoptées à l’échelon national et provincial (CRC/C/15/Add.187, par. 16), les enfants privés de milieu familial et l’absence de distinction entre les enfants ayant besoin de soins et de protection et ceux qui sont en conflit avec la loi (par. 41 et 43), la santé des adolescents et leur bien-être (par. 51), l’éducation multiculturelle (par. 57), la vente et l’exploitation économique et sexuelle des enfants (par. 61) et la justice pour mineurs (par. 63). Le Comité demande aussi instamment à l’État partie de donner la suite voulue aux recommandations contenues dans les présentes observations finales sur les troisième et quatrième rapports présentés en un seul document.

Réserves et déclarations interprétatives

9.Le Comité prend note de l’analyse proposée par le Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille au sujet des réserves et déclarations interprétatives formulées par l’État partie à propos de la Convention. S’agissant de la réserve émise au sujet des alinéas b à e de l’article 21, sur les adoptions internationales, le Comité se félicite que l’État partie souhaite adopter un «mécanisme rigoureux de protection juridique de l’enfant afin d’empêcher la vente et le trafic des enfants» (CRC/C/ARG/3-4, par. 38) mais il demeure préoccupé par le peu de progrès réalisés dans ce domaine.

10. Compte tenu de la longue liste d’attente de candidats à l’adoption, le Comité demande instamment à l’État partie de mettre en place un système de protection juridique efficace contre la vente et la traite d’enfants, conformément au Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, afin, notamment, de disposer d’un système d’adoption sécurisé qui respecte l’intérêt supérieur de l’enfant et d’envisager de retirer sa réserve par la suite.

11.Le Comité se félicite de ce que la déclaration interprétative formulée par l’État partie au sujet de l’alinéa f de l’article 24 concernant le concept de planification familiale ait été rendue caduque dans 18 des 24 provinces.

12.Le Comité encourage l’État partie à faire en sorte que la déclaration interprétative qu’il a formulée à propos de l’alinéa f de l’article 24 soit rendue caduque dans toutes les provinces restantes, en vue de la retirer.

Législation

13.Le Comité se félicite des réformes législatives adoptées par l’État partie pour aligner sa législation sur les dispositions de la Convention et en particulier la loi no 26061 (2005) relative à la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents. Il note que ces réformes se sont progressivement étendues à la plupart des provinces, compte tenu de la structure fédérale de l’État partie. Il relève les difficultés rencontrées pour mettre pleinement en œuvre un système de protection générale des enfants en lieu et place du système de mise sous tutelle («patronato») et constate que ce remplacement ne s’est pas encore traduit dans les faits et que les ressources nécessaires n’ont pas encore été allouées à la création d’une nouvelle structure appropriée à l’échelon provincial.

14. Le Comité encourage l’État partie à veiller à ce que ces réformes législatives soient pleinement appliquées dans les autres provinces et lui demande instamment de prendre toutes les mesures nécessaires pour que la Convention et ses Protocoles facultatifs deviennent applicables sur tout son territoire. Il recommande aussi à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en place du cadre institutionnel et administratif nécessaire à l’application de la loi n o 26061 à l’échelon national et provincial.

Coordination

15.Le Comité accueille avec satisfaction la création en 2006 du Conseil fédéral de l’enfance, de l’adolescence et de la famille (COFENAF), un organisme multisectoriel représentant plusieurs provinces, qui est présidé par le nouveau Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille, organe chargé de coordonner à l’échelon national la mise en place du système de protection intégrale. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque de coordination à l’échelon provincial et municipal.

16. Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer la coordination à l’échelon provincial et municipal et de veiller à ce que les autorités provinciales accordent l’attention voulue à la nécessité de garantir la spécificité des politiques, des programmes et des ressources humaines et financières consacrés aux enfants pour éviter les chevauchements et les lacunes.

Plan national d’action

17.Le Comité prend note de l’adoption en 2009 d’un plan national d’action pour les droits de l’enfant et de l’adolescent couvrant la période 2008-2011 et comprenant 36 objectifs assortis de leurs indicateurs respectifs. Il regrette que ce plan ne soit pas accompagné de dispositions opérationnelles et que l’on n’ait pas prévu de mécanisme de contrôle pour suivre l’évolution des indicateurs, ni d’allocations budgétaires spécifiques.

18. Le Comité recommande que le Plan national d’action soit pris en considération dans la planification nationale du développement et dans la formulation de la politique sociale et qu’il soit utilisé pour renforcer l’application de la loi n o 26061. Il recommande en outre qu’il soit adapté aux budgets nationaux et provinciaux et reconduit pour une nouvelle période. Le Comité recommande en outre à l’État partie de veiller à l’élaboration d’un mécanisme d’évaluation et de suivi permettant d’évaluer régulièrement les progrès accomplis et de recenser les lacunes éventuelles. Il encourage l’État partie à faire en sorte que ce plan national d’action soit pleinement appliqué à l’échelon national, provincial et municipal, de façon coordonnée.

Suivi indépendant

19.Le Comité note que la surveillance du respect des droits de l’enfant fait partie du mandat du Défenseur général de la nation (Defensoría del Pueblo de la Nación Argentina). Il se félicite de la création, en vertu de la loi no 26061 (2005), d’un poste de défenseur des droits des enfants et des adolescents; il partage toutefois l’inquiétude de l’État partie devant la lenteur de la procédure de nomination du titulaire de ce poste par le Parlement.

20. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer la désignation par le Parlement du Défenseur des droits des enfants et des adolescents, afin de pouvoir surveiller l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant et de ses Protocoles facultatifs. Il recommande que le Défenseur soit habilité à recevoir et traiter les plaintes émanant d’enfants ou concernant des enfants dont les droits ont été violés, et qu’il soit doté des ressources humaines, techniques et financières nécessaires.

Allocation de ressources

21.Le Comité accueille avec satisfaction l’augmentation soutenue de l’investissement social depuis 2002. Il se réjouit en particulier de l’instauration, en 2009, d’un système d’allocation familiale universelle, qui consiste à verser un montant de 180 pesos argentins (environ 48 dollars des États-Unis) par enfant et par mois (jusqu’à un maximum de cinq enfants) aux parents qui occupent un emploi dans le secteur informel ou qui sont chômeurs et qui, par conséquent, n’ont pas de protection sociale, et note que cette initiative concerne actuellement quelque 3,5 millions d’enfants. Le Comité se félicite des premiers résultats obtenus depuis l’introduction de cette allocation universelle, notamment de l’augmentation des inscriptions dans les établissements préscolaires, primaires et secondaires, qui a été de l’ordre de 15, 10 et 20 % respectivement en un an, et de la participation au programme de santé maternelle et infantile (Programa Nacer) qui a progressé de 30 % depuis 2008, résultats qui peuvent être attribués aux critères imposés par le système d’allocation familiale universelle (présentation d’un certificat de scolarité et d’un carnet de vaccination). Le Comité se félicite en outre des efforts actuellement déployés par le Ministère de l’économie et des finances et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en vue de recenser les investissements réalisés en faveur des enfants (estimés à 2,5 % du produit intérieur brut) et de mettre l’accent sur les zones de pauvreté. Il relève toutefois avec une grande inquiétude les disparités persistantes entre les provinces dans ce domaine, qui peuvent aller jusqu’à 500 %.

22. Le Comité recommande à l’État partie, à la lumière des articles 3 et 4 de la Convention, de prendre, dans la limite des ressources dont il dispose, toutes les mesures nécessaires pour allouer des crédits budgétaires suffisants aux services destinés aux enfants et d’accorder une attention toute particulière à la protection des droits des enfants vivant dans des provinces ou appartenant à des groupes défavorisés, notamment les enfants autochtones et les enfants en situation de pauvreté. En particulier, et dans la droite ligne des recommandations qu’il a formulées à l’occasion de sa journée de débat général consacrée au thème «Ressources pour les droits de l’enfant − Responsabilités des États», le Comité encourage l’État partie:

a) À continuer à accroître le niveau de ses dépenses sociales, tout en en assurant la pérennité;

b) À préserver les budgets sociaux et les budgets consacrés aux enfants de tout aléa externe ou interne, notamment des crises économiques, des catastrophes naturelles et autres situations d’urgence, de manière à garantir la pérennité des investissements;

c) À veiller à une augmentation et une répartition équitable des ressources allouées aux provinces et aux groupes défavorisés dans le but de lutter contre les disparités et, en particulier, à faire en sorte que les enfants migrants et les enfants placés en famille d’accueil ou dans des institutions bénéficient de l’allocation familiale universelle;

d) À définir des lignes budgétaires stratégiques pour faire face aux situations susceptibles de requérir des mesures sociales positives (notamment l’enregistrement des naissances, la malnutrition chronique, la violence contre les enfants, les enfants privés de milieu familial, les enfants autochtones, les enfants migrants, etc.);

e) À veiller à ce que les autorités locales rendent dûment compte de leur action, d’une manière ouverte et transparente, qui permette la participation des communautés et des enfants et une allocation concertée et un contrôle des ressources;

f) À continuer de solliciter l’assistance technique du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et d’autres organisations internationales, selon que de besoin.

Collecte de données

23.Le Comité se félicite de la création du Registre national de protection intégrale de l’enfance et de l’adolescence (décret présidentiel no 2044/2009) et de la Direction nationale de la gestion et du développement institutionnels, qui est responsable du suivi et de l’évaluation des programmes consacrés aux enfants, aux adolescents et à la famille. Il prend note également de l’engagement (Acta de Compromiso) pris avec les provinces de mettre en place un système intégré de collecte de données sur les politiques en faveur des enfants et des adolescents. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que la collecte et l’analyse de données ne soient pas systématiquement coordonnées avec l’Institut national de la statistique et du recensement, ce qui empêche de disposer de données transparentes et fiables, ventilées par province et par municipalité, ainsi que par d’autres variables importantes telles que sexe, âge, enfants handicapés et enfants autochtones.

24. Le Comité demande instamment à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de système unifié de collecte de données sur les politiques en faveur des enfants et des adolescents soit mis en œuvre en coordination avec l’Institut national de la statistique et du recensement et porte sur tous les domaines visés par la Convention. L’État partie devrait veiller à ce que les informations recueillies par l’intermédiaire de ce système contiennent des données transparentes, fiables et comparables sur tous les droits et qu’elles soient ventilées par province et par municipalité, ainsi que par sexe, âge et revenus, afin de faciliter la prise de décisions concernant les politiques et les programmes et de permettre au public d’être informé des progrès accomplis et des lacunes à combler dans l’application de la Convention. Il convient en outre de mettre l’accent sur la production de données relatives aux enfants qui nécessitent une protection spéciale: enfants handicapés, enfants dans le système de justice pour mineurs, enfants de familles monoparentales, enfants victimes de violence sexuelle, enfants placés dans des structures de protection de remplacement ou enfants privés de protection parentale, ou dans d’autres situations analogues, ainsi que sur le suivi de ces données. Le Comité recommande aussi à l’État partie de solliciter l’assistance technique de l’UNICEF, notamment.

Diffusion, formation et sensibilisation

25.Tout en relevant les efforts déployés par l’État partie pour diffuser la Convention, le Comité est préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention et de ses protocoles facultatifs sont peu connues du public dans de nombreuses provinces. Il s’inquiète en outre de ce que le texte de la Convention et de ses protocoles facultatifs n’ait pas été traduit dans les langues des populations autochtones. Il déplore aussi le manque de connaissance de la Convention parmi le personnel spécialisé qui travaille avec des enfants, en notant toutefois que de nombreuses universités ont commencé à inscrire la question des droits de l’enfant dans leurs programmes.

26. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour faire mieux connaître la Convention, les Protocoles facultatifs et les dispositions législatives nationales relatives à la protection intégrale de l’enfant, notamment en assurant leur traduction dans les langues des populations autochtones. Il recommande aussi un renforcement de la formation spécialisée et systématique de tous les professionnels qui travaillent pour et avec des enfants, notamment les enseignants, les agents de santé, les travailleurs sociaux, le personnel des établissements qui hébergent des enfants et les agents des forces de l’ordre. À ce propos, le Comité recommande d’inscrire l’éducation aux droits de l’homme dans les programmes officiels à tous les niveaux de l’enseignement ainsi que dans les activités de formation.

Coopération avec la société civile

27.Le Comité se félicite que l’État partie ait consulté la société civile pour l’établissement de son rapport et des réponses à la liste de points à traiter, tout en regrettant que ces consultations n’aient pas eu lieu dans les provinces. Il salue en particulier l’approche participative − consultation des entreprises, des syndicats et des enfants − adoptée par la province de San Juan dans l’optique de la mise au point d’un pacte en faveur des enfants et des adolescents, en vue de réformer la législation, de formuler des politiques et d’allouer des ressources en faveur des enfants.

28. Le Comité recommande à l’État partie d’encourager et d’appuyer les organisations de la société civile qui s’occupent d’enfants à travailler dans toutes les provinces. Il demande aussi instamment aux gouvernements des provinces de promouvoir les droits de l’enfant avec le concours aussi bien de la société civile, que des entreprises, des syndicats et des organisations d’enfants.

Droits de l’enfant et entreprises

29.Le Comité est préoccupé par l’absence de directives précises et de réglementation applicables aux entreprises, tant nationales qu’internationales, concernant la protection et le respect des droits de l’enfant. Il a pris note de l’étude réalisée par le Défenseur général de la nation (en 2009) sur les conséquences des agrotoxiques et autres substances dangereuses utilisés dans l’agriculture et l’industrie et par les ménages pour la santé de l’enfant et l’environnement. Il note aussi avec préoccupation que la production de tabac, de maté et de soja peut avoir des effets délétères sur la santé des enfants.

30. Le Comité demande instamment à l’État partie d’élaborer à l’intention des entreprises des directives et une réglementation précises en ce qui concerne la protection et le respect des droits de l’enfant énoncés dans la Convention, la loi n o  26061 et la Constitution, et de progresser dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale dans l’optique des droits de l’homme. Il lui demande aussi de veiller à ce que l’étude du Défenseur général de la nation soit suivie d’effet et élargie.

2.Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non-discrimination

31.Le Comité prend note du décret no 1086/2005 sur la mise en œuvre d’un plan national contre la discrimination. Tout en se félicitant des efforts déployés par l’État partie pour répondre aux besoins des enfants défavorisés et pour mettre en place des activités visant à promouvoir l’enseignement bilingue et interculturel pour les enfants autochtones et des programmes de santé qui mettent l’accent sur les besoins de ces enfants, le Comité est toutefois préoccupé par les cas de discrimination, d’exclusion sociale et de violences physiques, sexuelles et psychologiques dont sont toujours victimes les enfants autochtones, qui représentent quelque 3 à 5 % de l’ensemble de la population du pays. Le Comité note avec préoccupation que les inégalités touchant les provinces du nord-est et du nord-ouest peuvent être source de discrimination. En effet, dans ces provinces, le risque de décès des enfants dans la première année de vie est 60 % plus élevé que dans le reste du pays et le taux d’analphabétisme est de 11 % alors qu’il est pratiquement égal à zéro dans les autres régions du pays. Le Comité s’inquiète en outre de la stigmatisation et de la discrimination auxquelles sont confrontés les adolescents des villes qui vivent dans la pauvreté ou ceux qui vivent dans la rue, dans tout le pays, ainsi que les enfants issus de l’immigration.

32. Le Comité demande instamment à l’État partie de redoubler d’efforts:

a) Pour lutter contre la discrimination, l’exclusion sociale et la violence physique, sexuelle et psychologique dont sont victimes les catégories d’enfants en situation vulnérable et en particulier les enfants autochtones;

b) Pour combattre la stigmatisation et la discrimination auxquelles sont exposés les adolescents des villes vivant dans la pauvreté ou ceux qui vivent dans la rue et les enfants issus de l’immigration.

33. Le Comité demande en outre que le prochain rapport périodique contienne des informations spécifiques sur les mesures adoptées et les programmes mis en œuvre par l’État partie pour assurer le suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban adoptés à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, tenue en 2001, compte tenu de l’Observation générale n o  1 du Comité (2001) sur les buts de l’éducation.

Intérêt supérieur de l’enfant

34.Le Comité note avec préoccupation que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant peut être invoqué pour évaluer l’opportunité de priver un enfant de sa liberté à des fins de protection au titre de la loi no 22278 de 1980 sur la justice pour mineurs, laquelle n’a pas encore été modifiée afin d’être mise en conformité avec la Convention. Il craint en outre que ce principe ne soit pas systématiquement pris en considération dans les décisions, les procédures administratives et judiciaires et les programmes concernant des enfants.

35. Le Comité exhorte l’État partie à réformer le système de la justice pour mineurs afin de l’aligner sur les dispositions de la Convention et lui recommande de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour faire en sorte que le principe général de l’intérêt supérieur de l’enfant soit dûment pris en considération dans toutes les dispositions législatives ainsi que dans les décisions judiciaires et administratives et dans l’ensemble des politiques, programmes et services qui ont une incidence sur les enfants. Il l’engage en outre à s’abstenir d’invoquer le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant dans une décision relative à la privation de liberté d’un enfant sous prétexte de le «protéger», et de s’attacher plutôt à garantir davantage le respect des droits de l’enfant.

Respect des opinions de l’enfant

36.Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction dans la loi no 26061 du droit de l’enfant d’être entendu et l’obligation faite aux autorités de garantir l’application de ce droit dans toutes les procédures concernant les enfants. Il considère toutefois avec inquiétude que le fait de laisser l’enfant décider lui-même s’il souhaite exprimer son opinion pourrait être une source de discrimination et d’incohérences dans la pratique. Il se déclare aussi préoccupé par l’absence de procédures officielles visant à garantir la participation des enfants à l’examen des questions qui les touchent et par les informations selon lesquelles les enfants ont le sentiment de ne pas être suffisamment entendus.

37. Le Comité recommande à l’État partie, conformément à l’article 12 de la Convention et compte tenu de son Observation générale n o  12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, de veiller à ce que ce droit soit respecté dans toutes procédures concernant un enfant, y compris si celui-ci n’en a pas fait la demande au préalable. Il lui recommande aussi de diffuser des informations relatives au droit de l’enfant d’être entendu, aux parents, aux enseignants, aux fonctionnaires, aux juges, aux avocats, aux journalistes et aux enfants eux-mêmes, afin d’accroître les possibilités de participation active des enfants.

Droit à la vie, à la survie et au développement

38.Le Comité se félicite que l’État partie ait ratifié en 2008 le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est préoccupé par le nombre de suicides et d’automutilations chez les enfants détenus, notamment dans la province de Buenos Aires. En outre, tout en prenant acte de l’annulation par la Cour suprême, en 2005, d’une peine de réclusion à perpétuité prononcée contre un adolescent, c’est avec une grande inquiétude qu’il apprend que 3 des 12 enfants condamnés à la réclusion à perpétuité pendant la période 1997-2002 étaient toujours sous le coup de cette sentence, et il observe que leur cas a été porté à l’attention de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.

39. Le Comité exhorte l’État partie à prendre des mesures efficaces pour prévenir les suicides d’enfants placés en détention et à réaliser une étude approfondie sur les raisons des automutilations et des suicides. Tout en se félicitant qu’aucune peine de réclusion à perpétuité n’ait été prononcée depuis 2002, le Comité demande instamment à l’État partie de s’abstenir de condamner des enfants à la réclusion à perpétuité ou à des peines assimilables à la réclusion à perpétuité.

3.Libertés et droits civils (art. 7, 8, 13 à 17, 19 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances

40.Le Comité se félicite de l’adoption de nouvelles dispositions législatives qui garantissent l’enregistrement gratuit, universel et d’office des naissances. Il déplore toutefois que ces dispositions ne soient pas suffisamment appliquées à l’échelon provincial et que, de ce fait, un grand nombre d’enfants n’aient pas accès aux services d’enregistrement des naissances. Le Comité s’inquiète en outre de ce que les enfants qui ne sont pas nés dans un établissement de soins de santé, notamment les enfants autochtones ou les enfants de familles défavorisées, telles que celles qui vivent dans des régions isolées ou en situation d’exclusion sociale, ne sont pas inscrits sur les registres des naissances.

41. Le Comité recommande que l’État partie continue de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris rétroactivement, pour assurer à tous les enfants, notamment à ceux qui ne sont pas nés dans un établissement de santé, aux enfants autochtones et aux enfants de familles défavorisées, telles que celles qui vivent dans des régions isolées ou en situation d’exclusion sociale, l’accès gratuit aux services d’enregistrement des naissances et de prendre des mesures pour recenser tous les enfants qui n’ont pas été enregistrés ou n’ont pas de papiers d’identité. Il encourage aussi l’État partie à introduire une certaine souplesse dans le système d’enregistrement des naissances, en créant notamment des services itinérants de manière à atteindre tous les enfants. Il lui recommande en outre de mettre en place une stratégie d’enregistrement des naissances propre aux communautés autochtones, fondée sur le respect de leur culture et compte tenu de son Observation générale n o  11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la Convention.

Torture et traitements inhumains et dégradants

42.Tout en appréciant le fait que l’Argentine ait adopté une politique de tolérance zéro à l’égard de la torture dans le cadre du processus de rétablissement de la démocratie dans le pays, ainsi que l’a souligné la délégation officielle au cours du dialogue, le Comité partage l’inquiétude de l’État partie quant à l’absence de données fiables à l’échelon national sur les allégations de traitements inhumains et dégradants. Il se déclare en outre très préoccupé par le nombre élevé d’allégations concernant des actes commis par des policiers et d’autres représentants de l’ordre dans la province de Buenos Aires (120 plaintes enregistrées entre 2007 et 2009), essentiellement à l’égard de jeunes délinquants et d’enfants des rues. Il est aussi préoccupé par un cas de disparition forcée signalé dans la province de Buenos Aires, concernant un enfant (L. A.) qui aurait disparu en janvier 2009 pendant sa garde à vue dans les locaux de la police, et par le fait que cette allégation n’a pas donné lieu à l’ouverture rapide d’une enquête. En outre, le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur la question de savoir si ces allégations ont rapidement donné lieu à des enquêtes, quels en ont été les résultats, à quelle peine les coupables ont été condamnés et quelles mesures ont été prises pour mettre fin à ces pratiques.

43. Le Comité exhorte l’État partie à adopter des mesures concrètes pour appliquer sa politique de tolérance zéro à l’égard de la torture. Il l’incite aussi à mettre rapidement sur pied, à l’échelon national et provincial, un mécanisme d’enregistrement et de suivi des allégations ainsi qu’un registre national des plaintes pour traitements inhumains et dégradants. Il engage en outre l’État partie à faire en sorte que ces allégations donnent lieu à l’ouverture rapide d’enquêtes approfondies et impartiales, que les responsables soient traduits en justice et que des mesures de réparation soient accordées aux victimes, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que de tels actes ne se reproduisent, notamment en rendant publics les résultats des enquêtes, les mesures disciplinaires adoptées et les condamnations prononcées à l’égard des auteurs de ces infractions. L’État partie devrait s’attacher à déterminer les causes de ces graves violations, en particulier dans la province de Buenos Aires, et adopter de toute urgence des mesures de prévention, notamment en dispensant une formation complète portant sur les droits de l’enfant aux fonctionnaires de police et autres agents de la force publique. Le Comité incite l’État partie à procéder à une enquête approfondie et impartiale sur les allégations concernant la disparition forcée de l’enfant L. A., conformément à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

44.Le Comité est préoccupé par des informations faisant état de violations des droits de l’homme qui auraient été commises dans des établissements psychiatriques, et par le fait que des enfants souffrant de troubles mentaux demeurent parfois dans des établissements ou des hôpitaux psychiatriques pendant des périodes prolongées sans que cela soit justifié par un certificat médical.

45. L’État partie devrait prendre des mesures appropriées pour éviter l’hospitalisation et n’y avoir recours que dans les cas où elle est strictement nécessaire et pendant une durée la moins longue possible. Il recommande en outre de garantir aux enfants ayant fait un séjour en hôpital ou dans d’autres institutions l’accès à une assistance thérapeutique et à un logement approprié à leur sortie, conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Châtiment corporels

46.Tout en notant que le principe général de l’interdiction de soumettre un enfant à des traitements violents, discriminatoires ou humiliants ou à des mesures d’intimidation est énoncé dans la loi no 26061, le Comité se déclare préoccupé par la mention, à l’article 278 du Code civil, du droit des parents d’infliger une correction à leurs enfants, ce qui est susceptible d’engendrer des mauvais traitements et des châtiments corporels. Il s’inquiète en outre de ce que les châtiments corporels ne sont pas expressément interdits en dehors de la maison, notamment à l’école, dans les centres de détention et dans les institutions pour enfants.

47. Le Comité recommande à l’État partie d’interdire expressément par voie législative dans toutes les provinces les châtiments corporels et toute forme de violence à l’égard des enfants, dans tous les contextes, notamment au sein de la famille, à l’école, dans les établissements offrant une protection de remplacement aux enfants ainsi que dans les lieux de détention pour mineurs, et de veiller à ce que cette législation soit effectivement appliquée. Il lui recommande aussi d’intensifier ses campagnes de sensibilisation en vue de faire évoluer les mentalités à l’égard des châtiments corporels et de promouvoir le recours à des formes de discipline non violentes, respectueuses de la dignité humaine de l’enfant et conformes à la Convention, en particulier au paragraphe 2 de son article 28. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à tenir compte de son Observation générale n o 8 (2006) sur le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtiment.

Suite donnée à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants

48. Se référant à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants (A/61/299), le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour appliquer les recommandations contenues dans le rapport de l’expert indépendant chargé de l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants, en tenant compte des résultats et des recommandations de la consultation régionale pour l’Amérique latine tenue à Buenos Aires du 30 mai au 1 er juin 2005. Il recommande notamment à l’État partie d’accorder une attention particulière aux recommandations tendant à:

Interdire dans la loi toute violence contre les enfants, notamment les châtiments corporels en tous lieux;

Faire de la prévention une priorité et promouvoir les valeurs non violentes et la sensibilisation;

Garantir l’obligation de répondre de ses actes et mettre fin à l’impunité;

Prendre en compte la dimension sexiste des violences contre les enfants;

Élaborer et mettre en œuvre des mécanismes systématiques de collecte de données et de recherche sur la violence à l’égard des femmes, des enfants et des adolescents;

b) De se servir de ces recommandations comme d’un outil pour l’action, en partenariat avec la société civile et en particulier avec la participation des enfants, en vue de garantir que chaque fille et chaque garçon est protégé contre toute forme de violence physique, sexuelle ou psychologique, et de progresser dans la mise en place d’initiatives concrètes, le cas échéant assorties de délais, pour prévenir et combattre ce type de violence et de sévices;

c) De solliciter à cet égard l’assistance technique du Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence à l’encontre des enfants, du Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), de l’UNICEF et d’autres organismes compétents, ainsi que des ONG partenaires.

Accès à une information appropriée

49.Le Comité accueille favorablement les mesures adoptées par l’État partie pour garantir le droit de l’enfant à l’information, et notamment à des informations provenant de sources diverses et prenant en considération la diversité culturelle. Il se félicite aussi de la création, en vertu de la loi no 26522 de 2009, du Conseil consultatif de la communication audiovisuelle et de l’enfance, ainsi que de l’Observatoire chargé de la relation entre les médias audiovisuels et la jeunesse. Il s’inquiète toutefois de ce que les enfants et en particulier les adolescents sont toujours décrits de façon péjorative par les médias, ce qui peut contribuer à leur stigmatisation. Il s’inquiète en outre de l’influence des médias sur le comportement des enfants du point de vue des modes de consommation et du culte de la consommation, des mauvaises habitudes alimentaires et des modes de vie à risque.

50. Le Comité demande instamment à l’État partie de poursuivre ses efforts en vue de garantir le droit de l’enfant à une information appropriée, et de promouvoir des mesures législatives visant à protéger les enfants contre les informations préjudiciables, et faire en sorte que les médias présentent les enfants sous un jour favorable et respectent leur vie privée et leur dignité. Il devrait aussi encourager l’autoréglementation, par exemple par le biais d’un code de conduite à l’intention des personnes qui travaillent dans le domaine de l’information et la mise en place d’une formation destinée aux journalistes en vue de promouvoir et de garantir le respect des droits de l’enfant et de l’adolescent. Le Comité encourage en outre l’État partie à promouvoir des activités destinées à permettre aux enfants de faire preuve d’esprit critique à l’égard des médias et de participer davantage aux activités des médias.

4.Milieu familial et protection de remplacement (art. 5, 18 (par. 1 et 2), 9 à 11, 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Milieu familial

51. Le Comité encourage l’État partie à continuer de venir en aide aux familles afin de lutter efficacement contre la pauvreté et à veiller à ce qu’elles soient préparées à leur rôle de parents, en particulier les familles monoparentales et celles susceptibles d’avoir plus difficilement accès aux services de l’État partie, à savoir les familles vivant dans des régions isolées, les familles autochtones, les migrants et les familles d’enfants handicapés. Il l’encourage aussi à s’assurer que les services psychologiques, sociaux et juridiques dispensés aux niveaux local et communautaire sont accessibles à toutes les familles, à les aider à renforcer les relations familiales et à assurer l’accès des enfants aux garderies, ainsi qu’à adopter d’autres mesures pour prévenir effectivement le placement des enfants dans des institutions.

Protection de remplacement

52.Le Comité accueille avec satisfaction les réformes institutionnelles introduites par la loi no 26061 en ce qui concerne les mesures d’assistance et de protection destinées aux enfants, de même que les lignes directrices du Conseil fédéral pour l’enfance, l’adolescence et la famille concernant les enfants privés de leur milieu familial, et en particulier la recommandation d’éviter le placement en institution, l’élimination des «méga‑instituts», et l’étude entreprise par le Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille. Le Comité note avec préoccupation:

a)L’insuffisance des données fournies sur les enfants placés dans des structures de remplacement, et en particulier l’absence de distinction entre les établissements pénitentiaires pour mineurs délinquants et les institutions accueillant des enfants qui doivent être retirés de leur famille à des fins de protection, ainsi qu’entre les différentes formes de protection de remplacement;

b)L’absence de définition générale des différentes formes de protection de remplacement et le manque d’harmonisation des méthodes de collecte des données sur les établissements et les familles d’accueil ainsi que l’absence d’informations concernant les mécanismes de surveillance et d’évaluation;

c)Le manque de supervision et de préparation du personnel soignant et l’absence dans l’État partie de réglementation uniforme relative aux différentes formes de protection de remplacement, comme le placement familial ou la prise en charge par des proches;

d)L’absence de crédits affectés au renforcement des liens familiaux et à la promotion d’autres solutions que le placement en institution.

53. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à ce qu’une réglementation uniforme relative au placement familial ou à la prise en charge par des proches soit adoptée et utilisée sur l’ensemble du territoire et d’harmoniser davantage les méthodes de collecte de données dans toutes les provinces;

b) De mener une étude de la situation des enfants placés dans des familles d’accueil, de manière à pouvoir prendre des mesures correctives et surveiller leur application par des visites régulières;

c) D’achever l’étude qu’il a entreprise sur la situation des enfants placés en institution, en cherchant notamment à évaluer les conditions de vie de ces enfants, les services qui leur sont offerts et la durée de leur séjour ainsi que les mesures prises pour leur trouver un environnement familial approprié, doté des ressources nécessaires, et de prendre les mesures voulues pour mettre en œuvre les conclusions de cette étude;

d) De continuer à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris à l’échelon provincial, pour que les enfants placés en institution soient rendus à leur famille le plus souvent possible ou, à défaut, placés dans des structures de type familial, et de considérer le placement des enfants en institution comme une mesure de dernier recours qui devrait durer le moins longtemps possible;

e) De veiller à ce que des crédits soient alloués au renforcement des liens familiaux et à la promotion d’autres solutions que le placement en institution, notamment en fournissant une assistance aux enfants ainsi qu’un soutien psychologique et social;

f) De définir des normes précises applicables aux structures de remplacement, fournir un appui aux institutions existantes pour leur permettre d’y satisfaire, mettre en place un mécanisme général d’examen des plaintes pour les enfants placés en institution et examiner régulièrement les mesures qui leur sont applicables, conformément à l’article 25 de la Convention et aux lignes directrices relatives à la protection de remplacement pour les enfants, qui sont annexées à la résolution 64/142 de l’Assemblée générale;

g) De s’assurer que le droit de l’enfant d’être entendu est pleinement respecté dans les décisions concernant la protection de remplacement.

Sévices et négligence

54.Le Comité prend note de la loi no 26485 sur la violence à l’égard des femmes en déplorant toutefois qu’elle ne soit pas assortie d’un décret d’application. Il se déclare vivement préoccupé par le grand nombre de cas de violence familiale signalés, et notamment des meurtres de femmes et des actes de violence contre des enfants, tout en notant que des équipes mobiles ont été mises sur pied pour porter secours aux victimes de violence familiale, que des permanences téléphoniques ont été installées dans la quasi-totalité des provinces et que des magistrats ont suivi une formation spéciale axée sur les affaires familiales. Il se déclare en outre préoccupé par le fait qu’il n’existe pas d’étude complète ni de statistiques détaillées sur ces cas de violence à l’échelon national, ainsi que l’a reconnu l’État partie. Il s’inquiète aussi de ce que les victimes de sévices et de négligence ont difficilement accès à la justice et qu’il n’existe aucun programme de réparation, de réadaptation et de réinsertion en faveur de ces dernières.

55. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires d’ordre législatif, politique ou autre, pour combattre et prévenir les actes de violence et les sévices contre des enfants ainsi que l’exploitation des enfants, et de prêter assistance aux victimes en favorisant leur réinsertion. Il lui recommande en outre d’augmenter l’effectif des magistrats spécialisés dans les affaires familiales et de dispenser à ces derniers la formation nécessaire sur les cas de violence, de sévices et de négligence dont sont victimes des enfants et des femmes. L’État partie devrait aussi organiser des campagnes de sensibilisation et fournir des informations concernant l’orientation et les conseils dispensés aux parents en vue, notamment, d’éviter que des enfants ne soient victimes de sévices et de négligence. Le Comité recommande en outre à l’État partie de dispenser aux enseignants, aux forces de l’ordre, aux agents de santé, aux travailleurs sociaux et aux magistrats du parquet une formation portant sur la manière de recevoir, de suivre et d’instruire les plaintes ainsi que d’engager des poursuites en respectant la sensibilité et le sexe de l’enfant.

5.Santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26, 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

56.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour assurer la mise en œuvre du droit des enfants handicapés à l’éducation, en donnant davantage d’importance à l’enseignement spécialisé dans le cadre du système éducatif. Il note avec préoccupation que seuls 42 % des enfants handicapés de moins de 14 ans disposent d’une assurance maladie et que les enfants handicapés sont souvent victimes de discrimination, en particulier de discrimination économique en raison, notamment, des questions de pensions non réglées et des difficultés auxquelles ils sont confrontés en matière d’accès au logement. Il s’inquiète aussi de l’insuffisance des efforts déployés pour garantir, par des programmes de formation, que tous les professionnels qui travaillent avec des enfants handicapés disposent des connaissances et des capacités requises, notamment en ce qui concerne l’éducation intégratrice.

57. À la lumière des Règles des Nations Unies pour l’égalisation des chances des handicapés (annexe à la résolution 48/96 de l’Assemblée générale) et de l’Observation générale n o 9 (2006) du Comité concernant les droits des enfants handicapés, le Comité recommande à l’État partie:

a) De veiller à l’intégration des enfants handicapés dans le système éducatif et dans les régimes d’assurance maladie;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application de la législation qui prévoit des services en faveur des enfants handicapés et d’envisager d’adopter une législation spécifique sur la question;

c) De poursuivre et renforcer ses programmes et services destinés à l’ensemble des enfants handicapés, notamment en élaborant des programmes de dépistage précoce, et de veiller à ce que tous les enfants ayant besoin de ces services puissent y avoir accès et que l’éducation spécialisée soit englobée dans les programmes scolaires. À cet égard, l’État partie devrait veiller à ce que ces services soient dotés de ressources humaines et financières suffisantes;

d) De renforcer et d’élargir la formation destinée aux professionnels qui travaillent auprès des enfants handicapés, comme les personnels médicaux, paramédicaux et assimilés.

Santé et accès aux services de santé

58.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour réduire la mortalité infantile et l’adoption d’un Plan d’action pour la santé détaillé, comprenant notamment un programme de santé maternelle et infantile (le plan Nacer) et un programme de distribution universelle de médicaments essentiels (Programa Remediar). Tout en notant la création de commissions chargées d’analyser la mortalité maternelle et infantile et la reconnaissance par l’État partie de l’existence de zones prioritaires, notamment en matière de prévention et de promotion de la santé pendant la grossesse et l’accouchement, le Comité se déclare préoccupé par le fait que les taux de mortalité maternelle et néonatale demeurent élevés, en particulier dans certaines provinces. Il prend note avec préoccupation des inégalités dans la malnutrition chronique, le taux moyen national étant de 8 %, alors qu’il est de 15,5 % dans le nord-ouest de l’Argentine. Il se déclare aussi préoccupé par le taux élevé de décès maternels, notamment chez les adolescentes, qui est dû aux avortements (28,31 % en 2005) et à la longueur de la procédure applicable à l’interruption légale des naissances résultant d’un viol, en raison notamment de l’article 86 du Code pénal.

59. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De redoubler d’efforts pour promouvoir la santé maternelle et infantile, y compris pendant la grossesse et l’accouchement;

b) De prendre d’urgence des mesures pour combler les écarts entre les provinces en ce qui concerne l’accès aux services de santé et la qualité des soins, en mettant particulièrement l’accent sur les soins de santé primaires et pour s’attaquer aux causes de la malnutrition chronique dans les provinces du nord-ouest;

c) D’entreprendre une étude afin de déterminer les raisons de la persistance de taux élevés de mortalité maternelle et néonatale, et de s’attaquer sans tarder à ce problème;

d) De prendre d’urgence des mesures visant à abaisser la mortalité maternelle liée aux avortements, notamment en veillant à ce que les dispositions autorisant la pratique de l’avortement dans certains cas, notamment pour les filles et les femmes victimes de viol, soient connues et appliquées par les professionnels de santé, à la demande de l’intéressée, sans qu’une intervention des tribunaux soit nécessaire;

e) De réviser l’article 86 du Code pénal à l’échelon national en vue de prévenir les disparités régionales dans la législation nouvelle et existante ayant trait à l’avortement légal;

f) De solliciter l’assistance technique de l’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la santé, notamment.

Allaitement maternel

60.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour encourager l’allaitement maternel. Il déplore toutefois l’absence d’un système de collecte de données sur les pratiques en la matière et d’un comité national de l’allaitement maternel. Il s’inquiète en outre des faibles taux d’allaitement maternel exclusif des enfants de moins de 6 mois.

61. Le Comité recommande à l’État partie d’instituer un comité national de l’allaitement maternel et un système de collecte de données sur les pratiques en matière d’allaitement, de manière à assurer l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. L’État partie est en outre incité à promouvoir les hôpitaux amis des bébés et à favoriser l’intégration de l’allaitement maternel dans la formation en puériculture.

Santé des adolescents

62.Tout en prenant note de l’adoption du programme de prise en charge intégrale des adolescents, qui a notamment pour objectif de réduire la mortalité maternelle chez les adolescentes ainsi que le taux de suicides et l’abus d’alcool et de stupéfiants, le Comité demeure préoccupé par le taux élevé de consommation de drogues chez les adolescents. Il prend aussi acte de la mise en place du Programme national de santé sexuelle et de procréation responsable en vertu de la loi no26150 sur l’éducation sexuelle intégrale et de la loi no 26206 sur l’éducation nationale, dont l’un des objectifs est de promouvoir l’éducation sexuelle des adolescents pour les inciter à avoir une sexualité responsable. Il est toutefois préoccupé par le développement des infections sexuellement transmissibles, telles que le VIH, parmi les adolescents. Il se félicite de la distribution universelle et gratuite de préservatifs. Il demeure toutefois préoccupé par le pourcentage élevé de grossesses chez les adolescentes (15 % des enfants nés vivants en 2005 et 2008 avaient une mère de moins de 20 ans).

63. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de son Observation générale n o 4 (2003) sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant, de redoubler d’efforts pour élaborer et mettre en œuvre des programmes et des services, y compris des services d’accueil adaptés aux enfants, des services de réadaptation et de soutien psychologique, pour ce qui touche la santé des adolescents comme les grossesses précoces, l’abus de drogues ou d’alcool et d’autres modes de vie à risque. Il recommande aussi à l’État partie de recueillir des données et des renseignements fiables sur la santé des adolescents, notamment par le biais d’études consacrées à cette question. Il lui recommande en particulier de se soucier de la prévention des problèmes de santé et de mode de vie auxquels sont exposés les adolescents, en consultation avec ces derniers.

Droit à un niveau de vie suffisant

64.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la pauvreté et l’extrême pauvreté, et note qu’après avoir atteint un taux record de 54,3 % en 2002, la pauvreté a reculé de façon irrégulière jusqu’en 2008. Il se félicite aussi de l’augmentation soutenue de l’investissement social, en particulier dans le logement et les infrastructures sociales, et de l’introduction, en 2009, de l’allocation familiale universelle. Il regrette toutefois qu’il ne soit toujours pas possible d’apprécier exactement les effets de cet investissement sur la pauvreté et qu’il existe différents modes de calcul du taux de pauvreté (qui varie de 13 à 47 % selon les sources). Le Comité est préoccupé par le fait que les bases de données et les statistiques existantes font qu’il est difficile pour l’État partie de continuer à développer son investissement social de façon ciblée, en particulier en faveur des enfants et des adolescents, et notamment des enfants vivant dans des provinces ou appartenant à des groupes défavorisés.

65. Le Comité prie instamment l’État partie de continuer à faire systématiquement de gros efforts pour réduire la pauvreté généralisée et de s’intéresser en priorité aux enfants et aux adolescents, en particulier aux plus défavorisés d’entre eux, dans le cadre d’une stratégie globale d’équité sociale qui ne se limite pas à des mesures financières et qui repose sur des statistiques et des éléments d’information fiables.

6.Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31de la Convention)

Éducation, y compris formation et orientation professionnelle

66.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi no 26206 sur l’éducation nationale, qui a été précédée d’un vaste débat national, ainsi que la cible que s’est fixée le Gouvernement d’allouer 6 % du produit intérieur brut à l’éducation. Il se félicite en particulier de l’introduction de l’enseignement secondaire et préscolaire obligatoire et de la reconnaissance officielle par l’État partie du fait que l’éducation est un droit personnel et social garanti par l’État. Il prend également note du programme de bourses pour faciliter l’insertion des adolescents et de la construction de nouveaux établissements scolaires ainsi que de la distribution d’ordinateurs dans les écoles secondaires.

67.Le Comité observe toutefois le nombre élevé d’abandons scolaires parmi les adolescents et l’insuffisance des mesures prises pour faciliter la transition entre l’école et la vie professionnelle. Les plus touchés sont les adolescents autochtones vivant dans l’extrême pauvreté. Le Comité relève en outre l’augmentation de la proportion d’enfants handicapés bénéficiant d’une éducation spéciale (78 % des enfants âgés de 3 à 17 ans) tout en déplorant que seuls 53 % de ces enfants soient scolarisés dans des établissements classiques. Il regrette aussi l’absence de données fiables sur le nombre et les raisons des abandons scolaires, en particulier de filles enceintes.

68. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de son Observation générale n o 1 (2001) sur les buts de l’éducation:

a) D’atténuer les inégalités d’accès à l’éducation entre les provinces et d’assurer la pleine jouissance du droit à l’éducation, en particulier eu égard aux enfants handicapés, aux enfants autochtones et aux filles enceintes;

b) D’investir davantage de ressources afin de garantir le droit de tous les enfants à une éducation véritablement intégratrice;

c) De prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux enfants d’achever leur scolarité, en s’attaquant notamment aux raisons qui motivent les abandons scolaires, et de s’efforcer de faciliter la transition entre l’école et la vie professionnelle;

d) De développer et d’améliorer la qualité de la formation professionnelle pour les enfants, y compris ceux qui ont quitté l’école sans avoir obtenu de diplôme, afin de leur permettre d’acquérir des compétences et des qualifications pour augmenter leurs chances de trouver un emploi;

e) De renforcer l’éducation aux droits de l’homme et d’inscrire la question des droits de l’enfant dans les programmes scolaires.

69.Le Comité prend note de l’étude réalisée dans l’État partie sur les actes de violence signalés dans des écoles et établissements analogues. Il exprime sa préoccupation devant le grand nombre d’enfants qui sont exposés à la violence ou à des agressions physiques ou autres, y compris aux brimades de leurs camarades.

70. L’État partie devrait prendre de toute urgence des mesures en vue de protéger les enfants contre la violence ou les agressions physiques ou autres, y compris les brimades de leurs camarades, dans les établissements d’enseignement.

7.Mesures spéciales de protection (art. 22, 38, 39, 40, 37 b) et d), 30 et 32 à 36 de la Convention)

Enfants réfugiés ou demandeurs d’asile non accompagnés

71.Le Comité se félicite de l’adoption de la loi no 26165 en novembre 2006 et de la création de la Commission nationale des réfugiés (CONARE). Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas adopté de procédures légales applicables aux enfants demandeurs d’asile non accompagnés. Il est aussi préoccupé par le fait que, dans l’examen de la demande d’asile, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas toujours appliqué. Il s’inquiète en outre de ce que les enfants réfugiés ou demandeurs d’asile non accompagnés ne bénéficient pas toujours de la protection ainsi que de l’assistance sociale et matérielle dont ils ont besoin.

72. Le Comité prie instamment l’État partie d’adopter des procédures légales visant à protéger les enfants demandeurs d’asile non accompagnés, compte tenu de son Observation générale n o  6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine. Il l’invite en outre à élaborer des procédures officielles de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit toujours être pris en considération. L’État partie devrait aussi veiller à ce que tous les enfants réfugiés ou demandeurs d’asile non accompagnés bénéficient de l’assistance sociale et matérielle nécessaire, compte tenu de leurs sensibilités culturelles et des besoins propres à chaque sexe.

Exploitation économique, y compris travail des enfants

73.Tout en se félicitant de l’existence du Plan national de prévention et d’élimination du travail des enfants et du Réseau d’entreprises opposées au travail des enfants, le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe pas de mécanisme de coordination efficace et que les structures d’application au niveau provincial sont insuffisantes. Il demeure en outre préoccupé par le taux élevé d’adolescents victimes d’exploitation économique, notamment dans les zones rurales, lequel est associé à des problèmes de scolarité comme des taux de redoublement élevés, des absences et des retards fréquents.

74. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De faire en sorte que les enfants soient scolarisés et protégés des effets néfastes du travail des enfants;

b) De poursuivre ses efforts et de renforcer les structures existantes pour éliminer le travail des enfants et ses pires formes en particulier, notamment en faisant appliquer la Convention n o  182 de l’Organisation internationale du Travail (1999) sur les pires formes de travail des enfants, en mettant en place une surveillance effective et en imposant des sanctions efficaces en cas de violation des dispositions relatives au travail des enfants;

c) De recueillir des données fiables et actualisées sur les enfants qui travaillent, ventilées notamment par âge, sexe, origine ethnique, situation socioéconomique et province, y compris sur ceux qui travaillent dans le secteur informel, notamment comme domestiques, ou dans des secteurs à haut risque comme l’industrie du tabac et les plantations de «maté», et de surveiller leurs conditions de travail;

d) De respecter le droit de l’enfant d’être entendu lorsque des mesures sont définies et appliquées en vue d’éliminer le travail des enfants sous toutes ses formes; et

e) De solliciter l’assistance technique du Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants (IPEC).

Traite, exploitation sexuelle et violence sexuelle

75.Le Comité salue l’initiative de l’État partie de collaborer avec les pays voisins, le Paraguay et le Brésil, dans la lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents dans les régions frontalières entre l’Argentine et ces deux pays. Il prend note de l’adoption du Programme de prévention de la traite des personnes et d’aide aux victimes ainsi que de la création en 2005, au sein du Secrétariat aux droits de l’homme, d’une unité chargée de l’élimination de l’exploitation sexuelle des enfants. Il regrette cependant l’absence de coordination entre les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux, comme l’a reconnu l’État partie. Il s’inquiète en outre de la clémence des peines prononcées contre les personnes reconnues coupables de traite, qui pourrait conduire à une impunité.

76. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre en œuvre le Plan national d’action contre la traite, l’exploitation sexuelle et la violence sexuelle;

b) De renforcer les mesures législatives destinées à remédier aux problèmes de la violence sexuelle et de l’exploitation sexuelle;

c) De prendre les mesures voulues pour que les auteurs d’infractions sexuelles contre des enfants soient poursuivis;

d) De veiller à ce que les enfants victimes d’exploitation sexuelle ou de violence sexuelle ne soient pas inculpés ou sanctionnés pénalement;

e) De continuer à appliquer les politiques et programmes nécessaires pour prévenir de tels actes et assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des enfants victimes, conformément à la Déclaration et au Programme d’action ainsi qu’à l’engagement mondial adoptés par les congrès mondiaux contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales tenus en 1996, 2001 et 2008 et aux conclusions d’autres conférences internationales organisées sur ce thème.

Administration de la justice pour mineurs

77.Tout en prenant note du processus de réforme de la justice pour mineurs engagé aux niveaux national et provincial, le Comité est vivement préoccupé par le fait que la loi no 22278 de 1980 est toujours appliquée, en particulier s’agissant de la possibilité de placer un enfant en détention. Il note aussi avec préoccupation que le droit de l’enfant d’être entendu et de bénéficier de l’assistance d’un avocat indépendant pendant la procédure pénale n’est pas toujours respecté.

78.Le Comité juge également préoccupant qu’un tiers des lieux de détention pour enfants ne leur soient pas réservés et que les enfants soient parfois détenus avec des adultes. Il constate avec préoccupation que les mesures de substitution à la privation de liberté ne sont pas assez souvent appliquées à l’échelon provincial.

79.Le Comité s’inquiète en outre de ce que la majorité des mineurs délinquants sont privés de liberté dans l’attente de leur jugement. Il constate aussi avec préoccupation que certains mineurs délinquants sont maintenus en détention pendant plus d’un an. Il déplore le recours fréquent à des mesures disciplinaires, et notamment à l’isolement (engome), et le manque d’activités éducatives, récréatives et d’apprentissage suffisantes, ainsi que d’accès à l’air libre. Il est particulièrement préoccupé enfin par le nombre de suicides et d’automutilations signalés parmi les détenus.

80. Le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que les normes relatives à la justice pour mineurs soient intégralement appliquées, en particulier les articles 37 b), 40 et 39 de la Convention, ainsi que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane). Il l’engage en particulier à tenir compte de son Observation générale n o 10 (2007) sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs et lui recommande:

a) D’abroger la loi n o 22278 sur la justice pour mineurs et d’adopter une nouvelle loi compatible avec la Convention et les normes internationales relatives à la justice pour mineurs;

b) De veiller à ce que les enfants en conflit avec la loi aient accès à une aide juridictionnelle gratuite et indépendante et à un mécanisme indépendant et efficace d’examen des plaintes;

c) De veiller à ce que le droit des enfants d’être entendus dans une procédure pénale soit toujours respecté;

d) De prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en ayant davantage recours à des peines de substitution et à des mesures de réinsertion pour les mineurs délinquants, afin de garantir que les enfants ne soient placés en détention qu’en dernier recours et pour la durée la plus brève possible;

e) De prendre toutes les mesures voulues pour que, lorsque le placement en détention est réalisé, il se fasse dans le respect de la loi et des droits de l’enfant tels qu’ils sont consacrés dans la Convention, et pour que les enfants soient détenus dans des locaux séparés des adultes, tant lors de la détention avant jugement qu’une fois la peine prononcée;

f) De prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte que les conditions de détention n’aillent pas à l’encontre du développement de l’enfant et soient conformes aux normes internationales minima et que les affaires mettant en cause des mineurs soient jugées sans délai;

g) De veiller à ce que les enfants privés de liberté aient accès à l’éducation, y compris à une formation professionnelle et à des activités récréatives et d’apprentissage;

h) D’enquêter rapidement et de façon approfondie et impartiale sur tous les cas de suicides et de tentatives de suicide;

i) De prendre des mesures pour améliorer le système de justice pour mineurs, notamment en renforçant les tribunaux spécialisés pour mineurs, et le doter de ressources humaines et financières suffisantes pour lui permettre de fonctionner correctement;

j) De prendre les mesures voulues pour que les personnes qui travaillent avec les enfants dans le système de justice pénale, les juges pour enfants, etc., reçoivent une formation appropriée et continue;

k) De solliciter une assistance technique et d’autres formes de coopération auprès du Groupe interorganisations des Nations Unies sur la justice pour mineurs, qui comprend l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’UNICEF, le HCDH et des ONG.

Protection des témoins et des victimes d’infraction

81. Le Comité recommande aussi à l’État partie de s’assurer, par des dispositions législatives et une réglementation appropriées, que tous les enfants victimes ou témoins d’actes criminels, par exemple de maltraitance, de violence au sein de la famille, d’exploitation sexuelle ou économique, d’enlèvement ou de traite jouissent de la protection prévue par la Convention, et de tenir dûment compte des Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (figurant en annexe à la résolution 2005/20 du Conseil économique et social).

9.Suivi et diffusion

Suivi

82. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour assurer la pleine application des présentes observations et recommandations, notamment en les transmettant au chef de l’État, aux présidents et aux membres du Congrès national et des parlements provinciaux, ainsi qu’aux autorités judiciaires et aux chefs des gouvernements provinciaux et de la ville de Buenos Aires, pour examen et suite à donner.

Diffusion

83. Le Comité recommande en outre que les troisième et quatrième rapports soumis en un seul document ainsi que les réponses écrites présentées par l’État partie et les recommandations (observations finales) adoptées par le Comité (y compris au sujet des deux Protocoles facultatifs) soient largement diffusés, notamment (mais pas exclusivement) via Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse, des groupes de professionnels, des médias et des enfants, afin de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et la surveillance de son application, et de susciter un débat à ce sujet. Il lui recommande en outre de faire traduire la Convention et ses deux Protocoles facultatifs dans les langues des populations autochtones.

10.Prochain rapport

84. Le Comité invite l’État partie à soumettre un document regroupant ses cinquième et sixième rapports périodiques d’ici au 2 juillet 2016. Ce rapport ne devrait pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118). Le Comité attend de l’État partie qu’il présente par la suite un rapport tous les cinq ans comme le prévoit la Convention.

85. Le Comité invite aussi l’État partie à soumettre un document de base mis à jour, conformément aux prescriptions applicables au document de base commun qui figurent dans les Directives harmonisées pour l’établissement de rapports, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, à leur cinquième réunion intercomités , en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).