Nations Unies

CERD/C/CHE/CO/7-9

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

13 mars 2014

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les septième à neuvième rapports périodiques de la Suisse soumis en un seul document *

Le Comité a examiné les septième à neuvième rapports périodiques de la Suisse (CERD/C/CHE/CO/7-9), soumis en un seul document, à ses 2283e et 2284e séances (CERD/C/SR.2283 et 2284), les 14et17 février 2014. À sa 2291e séance (CERD/C/SR.2291), le 20 février 2014, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction les septième à neuvième rapports périodiques de l’État partie, qui contiennent des renseignements détaillés sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité dans ses précédentes observations finales.

Le Comité accueille aussi avec satisfaction les informations supplémentaires fournies par la délégation de l’État partie en réponse aux questions que lui ont posé les membres du Comité au cours du dialogue franc et constructif.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec satisfaction des différentes mesures d’ordre législatif et politique adoptées par l’État partie depuis son dernier rapport pour lutter contre la discrimination raciale, et notamment:

a)La création en 2010 du Centre suisse de compétence pour les droits humains, projet pilote quinquennal visant à faciliter l’application par l’État partie de ses obligations internationales au regard des droits de l’homme;

b)Le lancement en janvier 2014 d’un programme quadriennal d’intégration par l’Office fédéral des migrations et les cantons visant à mettre en place dans tous les cantons des services de conseil aux personnes victimes de discrimination raciale.

Le Comité note en outre avec satisfaction que l’État partie a ratifié en 2008 le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et en 2009 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

C.Sujets de préoccupation et recommandations

Application de la Convention en droit interne

Le Comité se dit à nouveau préoccupé par le fait que la Convention n’est pas mise en œuvre de jure et que l’État partie n’a toujours pas adopté à l’échelon fédéral une législation:

a)Qui contienne une définition claire et complète de la discrimination raciale, directe et indirecte, conforme à la définition contenue au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention;

b)Qui interdise clairement la discrimination raciale et offre aux victimes des recours suffisants devant les juridictions administratives et civiles, notamment dans les domaines de l’emploi, de l’éducation et du logement;

c)Qui dispose que la motivation raciale constitue une circonstance aggravante en vertu du Code pénal (art. 1er, 2 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’adopter une définition claire et complète de la discrimination raciale, directe comme indirecte, couvrant tous les domaines de la vie privée et publique, conformément au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention;

b) D’adopter une disposition à caractère général dans le droit civil et administrati f interdisant la discrimination raciale directe et indirecte dans tous les domaines de la vie privée et publique , et d’offrir des recours utiles aux victimes de cette discrimination;

c) D’ inclure dans le Code pénal une disposition pour que la commission d’une infraction avec une motivation ou une intention raciste constitue une circonstance aggravante passible d’une peine plus lourde, conformément à la Recommandation générale n o  30 (2004) du Comité sur la discrimination contre les non-ressortissants et compte tenu de sa Recommandation générale n o  31 (2005) sur la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale.

Le Comité relève avec préoccupation l’interprétation restrictive que les autorités judiciaires font de l’article 261 bis du Code pénal, notant que les juges classent fréquemment des affaires concernant des propos ou des actes discriminatoires dirigés contre des personnes de certaines régions ou origines ethniques, au motif qu’ils ne visaient pas une nationalité ou une origine ethnique particulière. Il se déclare en outre préoccupé par le fait que, en vertu de l’article 115 du Code de procédure pénale révisé en janvier 2011, seules les personnes directement touchées par une infraction ont qualité pour déposer une plainte pénale, ce qui empêche les associations et les organisations de porter plainte pour discrimination raciale. Le Comité regrette que le droit civil et administratif ne prévoie que des mesures de dédommagement (art. 2 et 6).

Le Comité engage vivement l’État partie à prendre des mesures efficaces, conformément à l’article 6 de la Convention, pour garantir à quiconque relevant de sa juridiction une protection et des voies de recours efficaces par l’intermédiaire des tribunaux nationaux compétents et autres institutions de l’État contre tout acte de discrimination raciale qui porte atteinte à ses droits, de même que le droit de demander aux tribunaux compétents satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout préjudice subi à la suite d’une telle discrimination, y compris la restitution. Le Comité demande aussi à l’État partie de sensibiliser le personnel de la justice, y compris les membres de l’appareil judiciaire, aux norme s internationales interdisant la discrimination raciale.

Tout en notant le caractère unique du système de démocratie directe en vigueur dans l’État partie, le Comité se déclare profondément préoccupé par l’absence de garanties suffisantes permettant de faire en sorte que les initiatives populaires émanant des citoyens ne soient pas incompatibles avec les obligations de l’État partie découlant de la Convention (art. 2).

Le Comité engage l’État partie à intensifier ses efforts pour mettre en place un mécanisme efficace et indépendant chargé d’examiner la compatibilité des initiatives populaires avec les obligations de l’État partie en vertu du droit international des droits de l’homme, notamment de la Convention. Il lui recommande aussi de déployer sans tarder des efforts accrus à tous les niveaux pour infor mer largement l’opinion de tout conflit entre un projet d’initiative et les obligations de l’État partie au regard des droits de l’homme ainsi que des conséquences qui pourraient en découler.

Absence de données fiables en matière de discrimination

En dépit des allégations de discrimination fondée sur la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique dans divers domaines de la vie publique et privée, notamment dans l’accès au logement et au marché du travail, et des inégalités de traitement signalées dans le milieu du travail et dans le cadre de l’école, le Comité est préoccupé par l’absence de données fiables et détaillées sur ces incidents et sur les éventuelles affaires judiciaires y relatives. En outre, tout en prenant note de l’introduction en 2008 du système de documentation et de monitorage DoSyRa, qui enregistre les incidents racistes recensés par les services de consultation affiliés au réseau de consultation pour les victimes de racisme, et du mandat donné à la Commission fédérale contre le racisme de recueillir des statistiques sur les affaires relevant de l’article 261 bis du Code pénal, le Comité est préoccupé par l’absence de pratique établie en matière de signalement (art. 2 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système efficace de collecte de données re posant sur des indicateurs de diversité ethnique recueillies sur la base de l’anonymat et de l’auto-identification des personnes et des groupes, en vue de constituer une base empirique appropriée pour l’établissement des politiques et d’améliorer ainsi l’exercice par tous, dans des conditions d’égalité, des droits consacrés par la Convention, de manière à faciliter le suivi de l’application de ces droits, conformément au x paragraphe s  10 et 12 des D irectives révisées du Comité pour l’établissement des rapports ( CERD/C/2007/1, par.  10 et 12 ), en gardant à l’esprit la Recommandation générale du Comité n o  24 (1999) sur la collecte de données concernant les personnes appartenant à des r ace s ou de s groupes nationaux ou ethniques différents ou les membres de population s autochtone s . Le Comité demande aussi instamment à l’État partie de veiller à ce que toutes les personnes placées sous sa juridiction aient droit à une protection efficace et à des recours utiles contre la discrimination dans tous les domaines de la vie publique et privée, y compris en ce qui concerne l’accès au marché du logement et du travail , et l’égalité de traitement dans le milieu du travail et dans le cadre de l’école , et qu’elles puissent obtenir satisf action ou réparation pour tout préjudice dont elles pourraient être victimes du fait de cette discrimination, en application de l’article 6 de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

Tout en se félicitant de l’adoption par le Conseil fédéral, en mai 2013, d’une décision visant à actualiser le mandat de la Commission fédérale contre le racisme, qui renforce l’autonomie de cet organe, et de la création, en 2010, du Centre suisse de compétence pour les droits humains, le Comité se déclare à nouveau préoccupé par l’absence d’institution nationale des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris. Il note en outre que le Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme a conféré à la Commission fédérale contre le racisme le statut «C» (art. 2).

Le Comité rappelle la précédente recommandation qu’il avait faite à l’État partie d’envisager d’établir une institution nationale des droits de l’homme conform e aux Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales (Principes de Paris), compte tenu de sa Recommandation générale n o  17 (1993) sur la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention. Il lui recommande aussi de doter la Commission fédérale contre le racisme des ressources financières et humaines appropriées pour lui permettre de lutter efficacement et en toute indépendance contre la discrimination.

Réserves

Le Comité exprime à nouveau sa préoccupation quant au maintien des réserves formulées par l’État partie à l’article 2 de la Convention concernant le droit de l’État partie d’appliquer ses dispositions légales relatives à l’admission des étrangers sur le marché du travail suisse et à l’article 4 concernant son droit de prendre les mesures législatives nécessaires en tenant dûment compte de la liberté d’opinion et de la liberté d’association (art. 2 et 4).

Le Comité renouvelle sa précédente recommandation à l’État partie d’envisager de retirer ses réserves au paragraphe 1 a) de l’article 2 et à l’article 4 de la Convention. Dans le cas où l’État partie déciderait de maintenir ses réserves, le Comité lui demande de préciser, dans son prochain rapport périodique, pourquoi il juge ces réserves nécessaires, de fournir des renseignements sur la nature et la portée de ces réserves et leurs effets précis sur la législation et la politique nationale , et d’indiquer s’il est prévu de limiter ou de retirer les réserves selon un calendrier précis.

Racisme et xénophobie dans la politique et dans les médias

Le Comité est vivement préoccupé par les stéréotypes racistes propagés par les membres de partis populistes et des médias d’extrême droite, qui visent en particulier les peuples d’Afrique et du Sud-Est de l’Europe, les Musulmans, les gens du voyage, les Yenish, les Roms, les demandeurs d’asile et les immigrés. Il se déclare aussi préoccupé par la diffusion d’affiches à contenu raciste ou xénophobe et de symboles racistes, ainsi que par des comportements racistes, et l’absence de poursuite en pareil cas. Le Comité s’inquiète en outre du ton xénophobe des initiatives populaires contre les non-ressortissants, comme l’initiative «contre la construction de minarets», adoptée en novembre 2009, l’initiative «pour le renvoi des étrangers criminels», adoptée en novembre 2010, et l’initiative «contre l’immigration massive», adoptée en février 2014. Le Comité note que ces initiatives ont créé un certain malaise parmi les communautés concernées et l’ensemble de la population suisse en général (art. 2, 4 et 6).

Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mene r de vastes campagnes de sensibilisation à tous les niveaux dans les sphères publiques et politiques pour combattre la stigmatisation, les clichés , les stéréotypes et les préjugés dont font l’objet les non-ressortissants, en insistant clairement sur l’ignominie que constitue la discrimination raciale , qui dégrade l’image de personnes et de groupes dans la société, compte tenu de la R ecommandation n o  30 (2004) sur la discrimination à l’égard des non-ressortissants;

b) De prendre les mesures nécessaires pour que les représentations des groupes ethniques dans les médias soient fondées sur des principes de respect et d’équité et sur le souci d’éviter les stéréotypes et que les médias évitent les références inutile s à la race, à l’appartenance ethnique, à la religion et à d’autres caractéristiques d’un groupe susceptibles de favoriser l’intolérance;

c) De sensibiliser le personnel de la justice, notamment les membres de l’appareil judiciaire, aux normes internationales visant à garantir la protection de la liberté d’opinion et d’expression et à lutter contre les discours de haine raciale, telles que la Recommandation générale du Comité n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale;

d) De prendre sans tarder des mesures, e n complément des poursuites judiciaires , en cas de propos ou d’actes racistes, par exemple le rejet catégorique des discours de haine par d es hauts responsables et la condamnation des idées haineuses exprimées, comme indiqué dans la Recommandation générale du Comité n o  35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale.

Naturalisation

Tout en prenant note de la révision de la loi sur la citoyenneté suisse, le Comité se déclare préoccupé par les initiatives réclamant des critères plus strictes pour la naturalisation, y compris l’initiative populaire adoptée à Berne, en novembre 2013, en vertu de laquelle les bénéficiaires de l’aide sociale ne peuvent pas se faire naturaliser. Le Comité sait bien que cette initiative est actuellement réexaminée par l’Assemblée fédérale mais il craint que le climat politique actuel dans l’État partie ne soit propice à un système de naturalisation plus discriminatoire (art. 1er et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que toute révision de la loi sur la citoyenneté suisse n’ait pas de conséquences disproportionnées et discriminatoires pour certains groupes . Il rappelle en outre sa précédente recommandation à l’État partie d’adopter des normes en matière d’intégration aux fins du processus de naturalisation, conformément à la C onvention, et de prendre toutes les mesures efficaces et pertinentes nécessaires pour veiller à ce que, dans l’ensemble du territoire de l’État partie, les demandes de naturalisation ne soient pas rejetées pour des motifs discriminatoires, notamment en instaurant une procédure de recours indépendante et uniforme dans tous les cantons.

Profilage racial et recours excessif à la force

Le Comité se dit à nouveau préoccupé par le profilage racial auquel ont recours les agents de la force publique et par l’absence de statistiques en la matière. Il juge aussi préoccupantes les informations faisant état d’un emploi excessif de la force lors des contrôles de police et des mesures de harcèlement dont font l’objet les Roms et les personnes d’ascendance africaine ainsi que l’absence de mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes se rapportant à des brutalités policières (art. 2 et 5).

Rappelant sa Recommandation générale n o  31 (2005) sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité demande instamment à l’État partie de prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que nul ne fasse l’objet de contrôle d’identité ou de fouilles ou toute autre opération policière en raison de sa race ou de son appartenance ethnique et de prendre des mesures judiciaires appropriées contre tout membre des forces de l’ordre qui aurait enfreint la loi pour des motifs de discrimination raciale. Il recommande aussi à l’État partie de créer dans tous les cantons un mécanisme indépendant chargé de recevoir et d’instruire des plaintes concernant des fautes commises par des policiers et de faire en sorte qu’une formation aux droits de l’homme soit dispensée aux policiers dans tous les cantons, conformément à sa Recommandation générale n o  13 (1993) sur la formation des responsables de l’application des lois à la protection des droits de l’homme.

Minorités nationales

Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour garantir les droits des minorités nationales, mais reste préoccupé par les obstacles auxquels se heurtent toujours les communautés des gens du voyage et les Yéniches, les Manouches, les Sintis et les Roms, dans l’accès à l’éducation et la préservation de leur langue et de leur mode de vie. Le Comité juge préoccupante la discrimination indirecte dont peuvent faire l’objet les membres de ces communautés du fait de lois et politiques apparemment neutres, en particulier en ce qui concerne les plans d’occupation des sols et les règlements de police applicables aux activités commerciales et au stationnement de caravanes. Le Comité fait en outre observer que les clichés et les stéréotypes dont font l’objet ces communautés dans les médias peuvent entraîner la stigmatisation (art. 5).

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour promouvoir et protéger les droits des minorités nationales , en particulier leur droit à l’éducation et à la préservation de leur langue et de leur mode de vie. Il lui demande de s’assurer que les lois et les politiques apparemment neutres n’ont pas d’effet discriminatoire sur les droits des membres de minorités nationales. Il encourage aussi l’État partie à sensibiliser davantage la population à l’histoire et aux caractéristiques des différentes minorités nationales et à adopter d es mesures efficaces pour inciter les médias à éviter les clichés et les stéréotypes.

Personnes ayant obtenu le statut d’admission provisoire (permis «F»)

Tout en se félicitant des raisons humanitaires qui motivent l’octroi du statut d’admission provisoire (permis «F»), à des personnes ayant fui un conflit et une situation de violence généralisée, qui ne peuvent rentrer dans leur pays, le Comité se déclare vivement préoccupé par les grandes difficultés que ces personnes rencontrent si elles doivent séjourner longtemps dans l’État partie. Il note avec préoccupation que ce statut ne donne pas droit à un permis de résidence et que les nombreuses restrictions imposées aux titulaires d’un permis «F» dans bien des domaines peuvent créer une situation de discrimination de fait contre ces non-ressortissants vulnérables, notamment eu égard: a) aux restrictions de leur liberté de circulation et à l’interdiction qui leur est faite de se rendre dans un autre canton et de voyager à l’étranger; b) à l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent de facto d’accéder à l’emploi du fait que leur statut d’admission provisoire est considéré comme précaire; c) à la longueur excessive de la procédure de regroupement familial (trois ans ou davantage) et aux conditions auxquelles cette mesure est subordonnée, à savoir un niveau de revenu suffisant et un logement adéquat; et d) à l’accès limité à des possibilités d’éducation et de formation et aux soins de santé (art. 5).

Le Comité engage vivement l’État partie à éliminer toute discrimination indirecte et tout obstacle injustifié à l’exercice par les personnes admises sur son territoire à titre provisoire de leurs droits fondamentaux. À cet égard, le Comité rappelle à l’État partie que, comme indiqué dans sa Recommandation générale n o  30 (2004) sur la discrimination contre les non-ressortissants, l’application d’un traitement différent fondé sur le statut quant à la citoyenneté ou à l’immigration constitue une discrimination si les critères de différenciation, jugés à la lumière des objectifs et des buts de la Convention, ne visent pas un but légitime et ne sont pas proportionnés à l’atteinte de ce but. Le Comité recommande à l’État partie de lever les restrictions disproportionnées des droits des personnes admises sur son territoire à titre provisoire, et en particulier des résidents de longue date , en les autorisant à se déplacer librement dans l’État partie et en facilitant le regroupement de leur famille et leur accès à l’emploi, à des possibilités d’éducation et à des soins de santé.

Non-ressortissants

Le Comité demeure préoccupé par la situation des demandeurs d’asile et des réfugiés qui sont hébergés dans des centres d’accueil situés loin des agglomérations et ont difficilement accès à l’emploi et à une formation et dont les droits sont perpétuellement exposés à de nouvelles restrictions. Il exprime en particulier sa préoccupation devant les restrictions imposées par certaines municipalités, à la liberté de circulation des demandeurs d’asile dans certains espaces publics. Le Comité est aussi préoccupé par la situation des migrants et des sans-papiers, en particulier des femmes, qui sont davantage exposés à la pauvreté et à la violence et sujets à de multiples formes de discrimination dans des domaines tels que l’accès au logement et à l’emploi. Tout en accueillant avec satisfaction la révision de la loi fédérale sur les étrangers en juillet 2013, qui établit le droit des victimes de violence conjugale de demeurer en Suisse, le Comité se déclare préoccupé par le fait que les dispositions de la loi ne s’appliquent qu’à partir d’un degré de gravité de la violence subie (art. 2 et 5).

Le Comité engage l’État partie à adopter des mesures efficaces pour éliminer la discrimination à l’égard des non-ressortissants, en particulier des migrants, des sans ‑papiers, des demandeurs d’asile et des réfugiés , et à s’assurer que toute restriction imposée à leurs droits repose sur un but légitime et soit proportionnelle à la réalisation de ce but, conformément à sa Recommandation générale n o  30 (2004) sur la discrimination contre les non-ressortissants. Il l’engage aussi à s’intéresser aux risques et à la vulnérabilité auxquels sont exposées les femmes appartenant à ces groupes et à veiller à ce que celles qui sont victimes de violence c onjugale puissent demeurer sur le territoire sans avoir à surmonter des obstacles de procédur e excessifs . À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa Recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale.

Éducation et formation à la lutte contre la discrimination raciale

Tout en prenant note des diverses mesures adoptées par l’État partie pour promouvoir l’intégration des étrangers et des communautés ethniques et religieuses, le Comité constate avec préoccupation qu’aucune campagne n’a été menée pour sensibiliser la population à la discrimination raciale. Il se redit en outre préoccupé par le fait qu’aucun plan national de lutte contre la discrimination raciale n’a été adopté, contrairement à ce que prévoient la Déclaration et le Programme d’action de Durban (art. 2 et 7).

Le Comité rappelle à l’État partie que l’intégration est un processus à deux sens impliquant tant la communauté majoritaire que les communautés minoritaires et recommande à l’État partie de prendre de nouvelles mesures ciblant la communauté majoritaire pour lutter contre la discrimination raciale. À cet égard , il rappelle la recommandation qu’il avait faite à l’État partie d’adopter un plan national de lutte contre la discrimination raciale et de mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux manifestations et aux actes de discrimination raciale et à leurs conséquences pour les victimes. Il encourage aussi l’État partie à faire en sorte que les programmes, les manuels scolaires et les supports pédagogiques traitent des questions relatives aux droits de l’homme en s’efforçant de promouvoir le respect et la tolérance mutuels entre les nations et les groupes raciaux et ethniques.

D.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions se rapportent directement à la discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention de l’Organisation internationale du Travail no 189 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques (2011), la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’élargir son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier de la lutte contre la discrimination raciale, lors de l’élaboration du prochain rapport périodique et du suivi des présentes observations finales.

Diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports périodiques soient rendus publics et soient accessibles au moment de leur soumission, et de diffuser de la même manière les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Document de base commun

Relevant que l’État partie a soumis son document de base en 2001, le Comité l’encourage à présenter un document de base mis à jour, conformément aux directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, telles qu’adoptées par la cinquième Réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2006 (HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de son Règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 12, 13 et 16.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 6, 7 et 9 et prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dixième à douzième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 29 décembre 2017, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports propres au Comité et la limite de 60 à 80 pages fixée pour le document de base commun (voir les directives harmonisées figurant dans le document HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I, par. 19).