Observations finales concernant le rapport valant deuxième à troisième rapports périodiques d’Oman *

Le Comité a examiné le rapport unique d’Oman valant deuxième à troisième rapports périodiques (CEDAW/C/OMN/2-3), à ses 1548e et 1549e séances, le 3 novembre 2017 (voir CEDAW/C/SR.1548 et 1549). La liste de points et de questions établie par le Comité figure dans le document CEDAW/C/OMN/Q/2-3 et les réponses d’Oman dans le document CEDAW/C/OMN/Q/2-3/Add.1.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation par l’État partie de son rapport unique valant deuxième à troisième rapports périodiques. Il se félicite également du rapport de suivi de l’État partie (CEDAW/C/OMN/CO/1/Add.1) ainsi que des réponses écrites qu’il a fournies concernant la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail de présession et salue l’exposé oral de la délégation et les précisions orales complémentaires fournies en réponse aux questions posées oralement par le Comité dans le cadre du dialogue.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par le Ministre du développement social, le cheik Mohammed bin Said bin Saif al-Kalbani. La délégation était également composée du Représentant permanent d’Oman auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève, Abdulla Nasser Al Rahbi, ainsi que de représentants du Ministère du développement social, du Ministère des affaires juridiques, du Ministère de l’éducation, du Ministère de la santé, du Ministère de l’agriculture et de la pêche, du Conseil judiciaire administratif de la Cour suprême, du Procureur général, de la Confédération générale du travail du Sultanat d’Oman, de la Mission permanente d’Oman auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2011, du rapport initial de l’État partie (CEDAW/C/OMN/1) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption :

a)De la loi sur l’enfance, en 2014, qui interdit la discrimination fondée sur le sexe à l’égard des enfants et érige en infraction les pratiques traditionnelles néfastes ;

b)Du décret royal no 78/2013, en 2013, qui prévoit le principe de salaire égal pour un travail de valeur égale dans la fonction publique ;

c)De la loi sur les transactions civiles, en 2013, qui accorde aux femmes la même capacité juridique qu’aux hommes à l’égard de toutes les dispositions civiles, y compris l’obtention de prêts bancaires et de prêts immobiliers.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, notamment grâce aux mesures suivantes :

a)La stratégie d’action sociale du Ministère du développement social et son plan d’action (2016-2025), en 2016, qui mettent l’accent sur l’évolution des stéréotypes sexistes et sur l’instauration d’un environnement qui affirme le rôle économique central des femmes dans la famille et dans la société, et favorise l’accès des femmes aux postes de décision ;

b)La stratégie nationale de développement agricole (2015-2040) et son premier plan d’action (2015-2019), en 2015, qui donnent la priorité à la création d’organisations agricoles non gouvernementales pour les femmes rurales, en vue de promouvoir leur autonomisation économique ;

c)La création en 2012 du Département de la protection de la famille, qui formule des plans de protection et reçoit les plaintes relatives à des violences sexistes à l’égard de femmes.

Le Comité note avec satisfaction que, depuis l’examen du rapport précédent, l’État partie a adhéré aux instruments internationaux et régionaux ci-après ou les a ratifiés :

a)La Convention arabe contre la criminalité transnationale organisée, en 2015 ;

b)La Convention des Nations Unies contre la corruption, en 2014.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie s’est engagé à réaliser les objectifs de développement durable et à mettre en place un nouveau mécanisme visant à atteindre ces nouveaux objectifs. Le Comité rappelle l’importance de l’objectif 5, portant sur l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, et félicite l’État partie pour les efforts qu’il a déployés afin de mettre en œuvre des politiques de développement durable, notamment des mesures visant à faire face aux changements climatiques.

C.Parlement

Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif s’agissant de garantir la pleine mise en œuvre de la Convention (voir la déclaration faite par le Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée à la quarante- cinquième session, en 2010). Il invite le Conseil consultatif et le Conseil d’État à prendre, conformément à leurs mandats, les mesures nécessaires à la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la soumission du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Retrait des réserves

Le Comité note avec satisfaction que le Sultan Qaboos Bin Said a approuvé la recommandation du Conseil des ministres de retirer la réserve de l’État partie concernant le paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention. Il demeure toutefois préoccupé par la réticence de l’État partie à retirer sa réserve générale à l’égard de « [t]outes les dispositions de la Convention qui sont incompatibles avec la charia islamique et les législations en vigueur à Oman », ainsi que celles qui concernent le paragraphe 2 de l’article 9 et les alinéas a), c) et f) du paragraphe 1 de l’article 16, qui constituent un obstacle à la mise en œuvre de la Convention dans son ensemble. Le Comité note que la législation de l’État partie découle de la loi islamique sans considération sectaire et apprécie le fait que l’État partie reconnaisse qu’il existe une diversité des opinions et des concepts juridiques au sein de la tradition juridique musulmane, permettant une réforme législative et le traitement des dispositions discriminatoires.

Le Comité rappelle à l’État partie que sa réserve générale et la réserve concernant l’article 16 sont incompatibles avec l’objet et le but de la Convention et ne sont donc pas autorisées, comme le prévoit l’article 28 de la Convention (voir la déclaration du Comité relative aux réserves, adoptée à la quatre-vingt-dixième session en 1998). Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’accomplir les formalités nécessaires au retrait de sa réserve au paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention  ;

b) De réexaminer sa réserve générale ainsi que ses réserves au paragraphe 2 de l’article 9 et aux alinéas a), c) et f) du paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention, en vue de leur retrait selon un calendrier défini, avec la pleine participation de groupes de femmes de la société civile  ;

c) D’intensifier les débats avec les dirigeants des communautés religieuses et les théologiens, en prenant en considération les meilleures pratiques des pays au contexte culturel et au système juridique similaires et des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique, afin de surmonter les réticences au retrait de ces réserves, et de prendre en considération les meilleures pratiques issues d’autres sociétés musulmanes qui concilient l’Islam et les droits des femmes et reconnaissent l’égalité dans le mariage et la vie de famille.

Cadre constitutionnel et législatif

Le Comité note que l’article 17 de la Loi fondamentale (Constitution) de l’État partie interdit la discrimination à l’égard des citoyens fondée sur le sexe. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que la définition constitutionnelle de la discrimination s’applique uniquement aux citoyens et ne soit toujours pas conforme à l’article premier de la Convention, qui interdit la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée. Le Comité est également préoccupé par la persistance de dispositions discriminatoires dans la législation de l’État partie, en particulier le Code pénal et les lois sur le statut personnel, sur l’arbitrage et la réconciliation, sur la nationalité et sur la sécurité sociale.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier sa Constitution et d’adopter une législation complète contre la discrimination, qui comporte une définition de la discrimination à l’égard des femmes englobant à la fois la discrimination directe et la discrimination indirecte, dans la sphère publique comme dans la sphère privée, ainsi que dans tous les domaines régis par la Convention, conformément à son article premier. Il recommande également à l’État partie d’examiner rapidement l’ensemble de sa législation afin de vérifier qu’elle respecte les dispositions de la Convention.

Accès à la justice

Le Comité prend note des différentes procédures de plainte accessibles aux femmes victimes de discrimination ou de violence, y compris la Commission des droits de l’homme d’Oman et le Département de la protection de la famille du Ministère du développement social. Il note également l’adoption du décret ministériel no 91/2009, qui régit la fourniture d’une aide juridique aux personnes indigentes, ainsi que la mise en place de programmes de vulgarisation juridique. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’accès des femmes à la justice est toujours entravé par des obstacles, notamment :

a)La connaissance limitée qu’ont les femmes de leurs droits et des procédures de plainte existantes ;

b)Les obstacles linguistiques auxquels se heurtent les femmes souhaitant faire valoir leurs droits, en particulier les migrantes ;

c)L’absence de services d’aide juridictionnelle appropriés ;

d)Le manque de connaissances et de sensibilité des services chargés de l’application des lois et des praticiens du droit en ce qui concerne les droits des femmes.

Le Comité, conformément à sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, recommande à l’État partie  :

a) De mieux informer les femmes de leurs droits et des moyens dont elles disposent pour les faire respecter, en mettant particulièrement l’accent sur l’intégration dans les programmes scolaires, à tous les niveaux, des questions relatives aux droits fondamentaux des femmes et à l’égalité des sexes, y compris dans le cadre de programmes de culture juridique  ;

b) D’institutionnaliser des systèmes d’aide juridictionnelle accessibles, durables et adaptés aux besoins des femmes et de veiller à ce que ces services soient fournis de manière opportune, continue et efficace à tous les stades de la procédure judiciaire ou quasi judiciaire, y compris d’autres mécanismes de règlement des différends  ;

c) De prendre des mesures immédiates, notamment des programmes de renforcement des capacités et de formation sur les dispositions de la Convention et les droits des femmes, d’éliminer les stéréotypes sexistes et de veiller à ce que les tribunaux de la charia harmonisent leurs normes, procédures et pratiques avec la Convention et d’autres obligations internationales relatives aux droits de l’homme.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité prend acte de l’adoption des décrets ministériels nos 146/2012 et 300/2012, qui redéfinissent le rôle et les fonctions de la Commission nationale des affaires familiales en tant qu’organe de supervision et de coordination chargé de l’élaboration de politiques pour la famille, les femmes et les enfants. Il note également qu’une stratégie nationale en faveur des femmes intitulée « Améliorer la qualité de vie » a été élaborée et qu’un comité directeur chargé d’en superviser l’application a été créé. Le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les sujets suivants : le cadre juridique définissant le mandat et la compétence de la Commission et régissant ses relations avec les ministères concernés et diverses institutions féminines ; les ressources humaines, techniques et financières prévues dans le budget national pour son fonctionnement ; sa présence à l’échelle locale et provinciale. Il est également préoccupé par le fait que la stratégie nationale pour les femmes n’a pas encore été adoptée, bien qu’elle ait été achevée en 2014.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De fournir des renseignements détaillés sur le mandat, le statut et l’autorité de la Commission nationale des affaires familiales et sur ses relations avec les ministères concernés et les organisations non gouvernementales féminines pour ce qui est de favoriser l’égalité des sexes dans tous les organes publics et la planification participative pour la promotion des femmes, ainsi que sur les ressources humaines, techniques et financières tirées du budget national et allouées à son fonctionnement et sur sa présence à l’échelle locale et provinciale, afin de permettre au Comité d’évaluer l’efficacité de la Commission en tant que mécanisme national de promotion de la femme  ;

b) Adopter rapidement la stratégie nationale en faveur des femmes intitulée « Améliorer la qualité de vie », ainsi qu’un plan d’action définissant clairement les compétences du comité directeur et des autorités locales et nationales en ce qui concerne sa mise en œuvre, et reposant sur un système global de suivi et de collecte de données.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

Le Comité prend acte du fait que la Commission nationale des droits de l’homme, créée en 2008, reçoit et traite les plaintes émanant de femmes, notamment de femmes qui travaillent, relatives à des violations des droits de l’homme. Il est toutefois préoccupé par le fait que la Commission ait été dotée du statut B par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI) en 2014, essentiellement en raison de son indépendance limitée et de l’absence d’un mandat solide.

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures nécessaires pour que la Commission nationale des droits de l’homme respecte pleinement les P rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), en prenant en considération les recommandations de la GANHRI, et veille à ce que la Commission soit dotée d’un mandat bien défini en matière de droits des femmes et d’égalité des sexes.

Organisations non gouvernementales et défenseurs des droits des femmes

Le Comité prend note du fait que le nombre d’associations féminines omanaises a augmenté et que celles-ci sont davantage réparties dans l’ensemble des provinces de l’État partie. Il demeure toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)L’absence de société civile robuste dans l’État partie, comme le montre l’absence de rapports parallèles rédigés par des organisations non gouvernementales nationales concernant la mise en œuvre de la Convention ;

b)Le manque d’informations sur les conditions légales d’enregistrement et de fonctionnement des organisations non gouvernementales dans l’État partie ;

c)Le fait que les défenseurs des droits des femmes et des membres de leur famille auraient été victimes de diverses formes de harcèlement, de violence et d’intimidation.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De continuer à consulter les organisations de la société civile et les défenseurs des droits des femmes et d’intensifier son dialogue avec ceux-ci  ;

b) D’adopter des mesures précises, notamment en modifiant la loi de 2000 sur les associations civiles, pour créer et maintenir un environnement propice à l’établissement d’organisations de la société civile et de groupes de défense des droits des femmes qui pourront exercer librement leurs activités  ;

c) De s’abstenir de toutes représailles contre les défenseurs des droits des femmes et leur famille.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité constate que l’État partie s’est employé à lutter contre les stéréotypes sexistes concernant le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la société et dans la famille, notamment en révisant les programmes et les manuels scolaires, en modifiant les représentations visuelles des situations de la vie quotidienne et en élaborant des programmes de sensibilisation. Il demeure toutefois préoccupé par la persistance de stéréotypes discriminatoires, qui consistent surtout à reléguer les femmes au rôle de mères et de femmes au foyer. Le Comité est également préoccupé par le fait que de nombreuses dispositions de la législation de l’État partie sont discriminatoires en ce qu’elles mettent l’accent sur la subordination des femmes à leur mari et à leurs autres parents masculins et restreignent le droit des femmes et des filles de développer leurs aptitudes personnelles et de faire des choix libres concernant leur vie et leur avenir.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter sans tarder une stratégie globale visant à faire évoluer, voire à éliminer, les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes. Il faudrait notamment mener, en collaboration avec la société civile et les chefs communautaires et religieux, des activités de sensibilisation au fait que les femmes et les hommes devraient avoir des responsabilités et des rôles égaux au sein de la famille et de la société  ;

b) De s’employer plus activement à lancer, en partenariat avec les médias, des campagnes d’information visant à faire mieux comprendre ce que signifie concrètement l’égalité des sexes, et de continuer à utiliser l’école pour combattre tous les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes et ainsi donner une image plus positive de celles-ci.

Le Comité se félicite que l’article 20 de la loi de 2014 sur la protection de l’enfance interdise les pratiques traditionnelles préjudiciables et expose à des sanctions ceux qui promeuvent ces pratiques ou y contribuent. Il prend note du fait que l’État partie entend prendre un règlement sur les mutilations génitales féminines en vertu de ladite loi. Le Comité se félicite également que l’article 7 de la loi sur le statut personnel fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les garçons et pour les filles, que le nombre de mariages précoces ait diminué et que l’âge moyen du mariage ait, au contraire, augmenté. Il est néanmoins préoccupé par le fait que les mutilations génitales féminines ne sont pas expressément érigées en crime et continuent d’être largement pratiquées, et que le mariage des enfants est toujours une réalité car les juges octroient des dérogations à la règle fixant l’âge légal du mariage à 18 ans, surtout dans les zones rurales.

À la lumière de la recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De réaliser une étude nationale sur l’ampleur des pratiques préjudiciables sur le territoire national et de continuer de s’employer à éliminer toutes ces pratiques, y compris les mutilations génitales féminines, le mariage des enfants et le mariage forcé, en particulier dans les zones rurales  ;

b) D’adopter et de faire appliquer le projet de règlement sur les mutilations génitales féminines établi en vertu de la loi sur les enfants et d’élaborer, en particulier à l’intention des parents, des enseignants, des chefs religieux et communautaires et des professionnels de la santé et de l’éducation, des programmes de sensibilisation visant à éliminer cette pratique préjudiciable  ;

c) De faire respecter la règle fixant à 18 ans l’âge minimum du mariage et de mener des campagnes de sensibilisation à grande échelle, notamment dans les médias, afin d’informer la population, et en particulier les parents, les enseignants et les chefs communautaires, des effets néfastes que le mariage des enfants et le mariage forcé ont sur les filles  ;

d) D’établir des mécanismes de recours accessibles à toutes les femmes et les filles qui sont victimes de pratiques préjudiciables et de faire en sorte que ceux qui se livrent à pareilles pratiques soient poursuivis et punis comme il se doit  ;

e) De renforcer les dispositifs d’aide aux victimes de pratiques préjudiciables, tels que les foyers d’accueil et les services de soutien psychologique et de réadaptation, et de dispenser une formation sur la problématique hommes - femmes aux membres des services de justice et de police et aux professionnels de la santé.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend note des dispositions du Code pénal qui érigent en crime le viol et les autres formes de violence physique, y compris les coups, les violences légères et les voies de fait, ainsi que de l’article 37 de la loi sur le statut personnel, qui dispose que les femmes doivent être protégées contre toutes violences physiques ou mentales infligées par leur conjoint. Il demeure toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)L’ampleur de la violence à l’égard des femmes dans l’État partie, et en particulier de la violence familiale et sexuelle, et le fait que ce phénomène reste largement méconnu et que bon nombre de cas ne sont pas signalés ;

b)L’absence de loi définissant et visant expressément à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes ;

c)Le fait que des « crimes d’honneur » continuent d’être commis malgré l’abrogation de l’article 252 du Code pénal, qui permettait à l’homme ayant tué ou blessé sa femme, sa mère, sa sœur ou sa fille après l’avoir surprise en train de commettre un acte déshonorant de bénéficier de circonstances atténuantes, voire d’une exemption de peine ;

d)La faible proportion d’auteurs d’actes de violence sexiste à l’égard des femmes qui sont poursuivis et reconnus coupables et la clémence des peines infligées pour ces actes ;

e)Le recours fréquent à la conciliation dans les cas de violence familiale ;

f)Le manque de structures d’accueil et de services d’aide aux victimes de violence sexiste, en particulier dans les zones rurales, qui empêcherait bon nombre de femmes de quitter un partenaire violent ;

g)L’absence de statistiques sur la violence à l’égard des femmes (notamment la violence familiale) ventilées par âge, sexe, nationalité et relation entre la victime et l’auteur, ainsi que sur le nombre d’enquêtes menées et de personnes poursuivies et reconnues coupables et sur les condamnations prononcées et les réparations accordées aux victimes.

Rappelant ses recommandations générales n o 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes et n o 35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n o 19, le Comité recommande à l’État partie  :

a) De redoubler d’efforts pour combattre toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et sexuelle  ;

b) D’adopter une loi et/ou de modifier le Code pénal de sorte à ce que la législation définisse et incrimine expressément toutes les formes de violence à l’égard des femmes  ;

c) De veiller à ce que les auteurs de « crimes d’honneur » soient dûment poursuivis et punis et ne bénéficient pas d’une exemption de peine, ni de circonstances atténuantes  ;

d) D’encourager les femmes qui subissent des violences sexistes à signaler ces violences, notamment en faisant en sorte que les victimes ne soient plus stigmatisées, et d’élaborer des programmes de renforcement des capacités à l’intention des magistrats, des policiers et autres responsables de l’application des lois et des médiateurs s’occupant d’affaires dans lesquelles la violence familiale est considérée comme une infraction mineure, de sorte à ce que ces personnes appliquent strictement les dispositions de la loi pénale et sachent enquêter sur les violences sexistes en tenant compte de la problématique hommes - femmes  ;

e) De faire en sorte que les allégations de violence à l’égard d’une femme, y compris les allégations de violence familiale, donnent lieu à une enquête, que les auteurs soient dûment poursuivis et punis et que les victimes bénéficient d’une réparation appropriée, notamment sous la forme d’une indemnisation  ;

f) De renforcer les services destinés aux femmes victimes de violence sexiste, et notamment d’ouvrir des centres d’accueil sur l’ensemble du territoire et de mettre des programmes de réinsertion et de réadaptation psychosociale à la disposition des intéressées  ;

g) De recueillir systématiquement des données sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes, ventilées par sexe, âge, nationalité et nature de la relation entre la victime et l’auteur des faits, ainsi que sur le nombre d’enquêtes menées et de personnes poursuivies et déclarées coupables et sur les condamnations prononcées et les réparations accordées aux victimes.

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes et les filles victimes de violence sexuelle s’exposent à des poursuites pénales si elles portent plainte étant donné que le viol, s’il n’est pas prouvé, peut être considéré comme un rapport sexuel hors mariage (zina), acte qui est puni par les articles 225 et 226 du Code pénal.

Le Comité recommande à l’État partie d’abroger les articles 225 et 226 du Code pénal afin que les victimes de violence sexuelle ne soient pas punies lorsqu’elles déposent plainte pour des faits qui ne peuvent pas être prouvés, et de libérer immédiatement les femmes et les filles condamnées pour zina , en particulier les migrantes victimes de violences et d’abus sexuels.

Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution

Le Comité constate que l’État partie s’est employé à lutter contre la traite des êtres humains, notamment en publiant des décrets visant à protéger les travailleurs domestiques de l’exploitation et de la traite et en faisant en sorte que les victimes aient accès à un hébergement temporaire, à des programmes d’aide sociale et psychologique et à l’aide juridictionnelle. Il est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie reste un pays de destination et de transit pour la traite des femmes, qui s’effectue principalement depuis l’Asie du Sud et de l’Est et l’Afrique du Nord et dont les victimes sont soumises au travail forcé et à la servitude domestique, ainsi que, dans une moindre mesure, à l’exploitation sexuelle. Le Comité est en outre préoccupé par ce qui suit :

a)Le fait que la loi de 2008 sur la lutte contre la traite des êtres humains n’est pas appliquée dans toute la mesure voulue, comme le montre la faible proportion de personnes poursuivies et reconnues coupables pour des actes constitutifs de traite de femmes et de filles ;

b)Le fait que le plan d’action national de lutte contre la traite (2008-2016) n’a pas encore été prorogé ;

c)Le manque d’informations sur les ressources allouées au Comité national de lutte contre la traite des êtres humains et sur les moyens dont cette institution dispose pour coordonner et contrôler les mesures de lutte contre la traite prises par le Gouvernement ;

d)L’absence de véritables mécanismes permettant d’identifier et d’aiguiller les victimes de la traite, notamment les femmes exploitées et prostituées, qui seraient arrêtées, placées en détention et expulsées du pays pour des actes commis justement parce qu’elles ont été soumises à la traite ;

e)L’absence de système organisé de réadaptation et de réinsertion des victimes de la traite, en particulier des migrantes et des travailleuses domestiques, et notamment le manque d’accès aux soins médicaux, à une assistance, à une aide et un accompagnement psychologique et à des réparations, y compris sous la forme d’une indemnisation.

Le Comité recommande à l’État partie de  :

a) Veiller à l’application effective de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains (2008), notamment en dispensant une formation obligatoire, tenant compte des disparités entre les sexes, aux juges, procureurs, agents de la police des frontières, autorités d’immigration et autres agents de la force publique sur son application dans une optique tenant compte des disparités entre les sexes  ;

b) Évaluer l’impact du plan d’action national de lutte contre la traite (2008-2016) et adopter une nouvelle stratégie et un plan d’action  ;

c) Enquêter sur tous les cas de traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, les poursuivre et les sanctionner, et mener des enquêtes conjointes et coopérer avec d’autres pays et des organes internationaux en ce qui concerne les réseaux internationaux et régionaux de traite  ;

d) Renforcer la capacité du Comité national de lutte contre la traite des êtres humains, notamment en lui fournissant des ressources humaines, techniques et financières adéquates, afin d’assurer la coordination interinstitutions entre les organismes publics pour lutter contre la traite, et intensifier sa coopération avec la société civile  ;

e) Renforcer les mesures visant à identifier et soutenir les femmes exposées au risque de traite  ;

f) Veiller à ce que les femmes victimes de la traite et de l’exploitation de la prostitution soient exemptées de toute responsabilité et bénéficient d’une protection appropriée et des permis de séjour temporaires, indépendamment de leur capacité ou de leur volonté de coopérer avec les autorités chargées des poursuites  ;

g) Veiller à ce que toutes les victimes de la traite, indépendamment de leur origine nationale ou sociale, obtiennent une protection et des réparations efficaces, y compris une aide à la réadaptation et une indemnisation  ;

h) Renforcer la réglementation applicable aux agences de recrutement et d’emploi de travailleurs étrangers, et revoir le système de kafala qui fonctionne souvent contre les travailleurs migrants vulnérables, notamment les femmes  ;

i) S’attaquer aux causes profondes de la traite et de l’exploitation des femmes et des filles par la prostitution en adoptant et en mettant en œuvre des programmes dotés de ressources suffisantes et d’autres mesures appropriées visant à créer des possibilités d’éducation et d’emploi pour les femmes, en particulier les travailleuses migrantes, qui sont exposées au risque d’être victimes de la traite ou exploitées par la prostitution.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité prend note des diverses initiatives de formation et de sensibilisation pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique et publique. Toutefois, il est préoccupé par la très faible participation des femmes à tous les niveaux de la prise de décisions, y compris au sein du Gouvernement (6,3 %), du Conseil consultatif (1,2 %), du Conseil d’État (15,3 % sur nomination du Sultan), des conseils municipaux (3,5 %), de l’appareil judiciaire (25 %) et des services diplomatiques (7,2 % des ambassadeurs sont des femmes), et par le manque de mesures concrètes pour remédier aux causes profondes de l’absence des femmes aux postes de prise de décisions, notamment les attitudes sociales et culturelles prédominantes.

Conformément à sa recommandation générale n o  23 de 1997 sur la participation des femmes à la vie politique et publique, le Comité recommande à l’État partie d’adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de sa recommandation générale n o  25 (2004) sur les mesures temporaires spéciales, telles que des quotas et des objectifs assortis d’échéances bien définies, pour parvenir à la pleine et égale participation des femmes à la vie politique et publique ainsi qu’aux mécanismes locaux et nationaux de prise de décisions, y compris au parlement, dans la magistrature et les services diplomatiques. En outre, il recommande à l’État partie de lancer des campagnes afin de sensibiliser la société dans son ensemble à l’importance de la participation des femmes, notamment celles qui appartiennent à des groupes défavorisés ou marginalisés, aux processus de décision, de proposer un soutien financier ainsi que des programmes de formation et de mentorat sur l’exercice de responsabilités et les techniques de négociation à l’intention des dirigeantes d’aujourd’hui et de demain.

Nationalité

Le Comité prend note de la nouvelle loi sur la nationalité (2014) qui confère la nationalité omanaise aux enfants nés hors mariage de parents non identifiés et à ceux qui sont nés de mère omanaise et de père étranger qui est inconnu ou apatride. Il note en outre la décision prise par l’État partie d’accorder aux enfants de mère omanaise et de père étranger certains « privilèges » dans des domaines tels que l’éducation et la santé. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)Les conditions strictes imposées par l’article 18 de la nouvelle loi à une mère omanaise, mariée à un étranger, qui souhaite transmettre sa nationalité à ses enfants, ainsi que par les dispositions discriminatoires en ce qui concerne la naturalisation des conjoints étrangers de femmes omanaises, qui sont actuellement tenus d’être mariés depuis au moins quinze ans pour obtenir la citoyenneté omanaise, tandis qu’il suffit de dix ans de mariage pour une épouse étrangère ;

b)Le fait que l’État partie peut déchoir de la nationalité omanaise quiconque s’affilie à un groupe, un parti ou une organisation dont les principes ou doctrines sont susceptibles de nuire à ses intérêts.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De réviser sa loi sur la nationalité en prenant en considération les pratiques d’autres États parties de la région ayant des cultures et des systèmes juridiques similaires qui ont modifié avec succès leur législation sur la nationalité, pour garantir l’égalité entre femmes et hommes en matière d’acquisition, de changement et de conservation de nationalité, et permettre aux femmes omanaises de transmettre leur nationalité à leur conjoint étranger et à leurs enfants au même titre que les hommes  ;

b) De veiller à ce que le Gouvernement ne puisse pas révoquer les droits à la citoyenneté des femmes et des hommes qui exercent leurs droits fondamentaux, y compris le droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association, en vue de prévenir l’apatridie  ;

c) D’adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Éducation

Le Comité note avec satisfaction que l’article 36 de la loi sur les enfants prévoit un enseignement gratuit et obligatoire dans les écoles publiques jusqu’à l’achèvement de l’éducation postélémentaire. Il note également avec satisfaction le taux élevé de scolarisation des filles à tous les niveaux de l’enseignement, ainsi que les mesures prises pour réduire les taux d’abandon scolaire et le taux d’analphabétisme chez les filles et les garçons et la volonté d’offrir des conseils en matière de carrière et des programmes de formation. Le Comité constate cependant avec inquiétude que :

a)L’accès à l’éducation des filles appartenant à des groupes défavorisés, en particulier les filles nomades, les filles migrantes, les filles handicapées et les filles vivant dans les zones rurales et dans des situations de pauvreté, demeure limité, et que les taux d’analphabétisme et d’abandon scolaire demeurent élevés parmi ces filles ;

b)L’éducation à la santé et aux droits en matière sexuelle et reproductive, adaptée à chaque tranche d’âge, ne figure pas dans les programmes scolaires ;

c)Les rôles et responsabilités traditionnels des femmes tels qu’ils sont représentés dans les manuels scolaires perpétuent le statut désavantagé de la femme ;

d)Les enseignants ne sont pas suffisamment formés aux questions relatives aux droits des femmes et à l’égalité des sexes, et les services d’orientation professionnelle visant à encourager les femmes et les filles à poursuivre des carrières non traditionnelles sont limités, surtout dans les filières scientifiques et technologiques ;

e)Peu de femmes et de filles suivent des formations professionnelles.

Conformément à l’article 10 de la Convention, le Comité attire l’attention de l’État partie sur la cible 4.1 des objectifs de développement durable et lui recommande de faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité les dotant d’acquis véritablement utiles. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De continuer à améliorer l’accessibilité et la qualité de l’éducation pour tous les enfants, en particulier les filles appartenant à des groupes défavorisés, de s’attaquer au problème d’analphabétisme et d’abandon scolaire excessivement élevés parmi les filles de ces groupes, notamment en veillant à ce que les filles enceintes et les jeunes femmes et les mères soient réintégrées et soutenues pour poursuivre leur scolarité  ;

b) D’intégrer aux programmes scolaires des cours obligatoires et adaptés à l’âge des élèves sur la santé sexuelle et procréative, en accordant une attention particulière à la prévention des grossesses précoces, des maladies sexuellement transmissibles et de la violence sexuelle  ;

c) De réviser les programmes et manuels scolaires à tous les niveaux d’éducation pour éliminer les stéréotypes discriminatoires sur le rôle des femmes, et de former davantage les enseignants aux questions d’égalité des sexes et des droits des femmes pour déconstruire les images stéréotypées sur les rôles des femmes et des hommes dans la famille et dans la société  ;

d) De s’attacher en priorité à éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels qui pourraient dissuader les filles de s’inscrire dans des filières où les hommes sont habituellement plus nombreux, comme les sciences et la technologie, et de redoubler d’efforts pour offrir aux filles des services d’orientation professionnelle sur les carrières et les filières d’étude non stéréotypées, en phase avec les demandes du marché  ;

e) De continuer à promouvoir la formation professionnelle des femmes et des filles et de les encourager à suivre ces formations.

Emploi

Le Comité note avec satisfaction que la loi sur le travail (2003) consacre l’interdiction de la discrimination sexuelle et interdit à un employeur de licencier une travailleuse en raison de la maternité. Il note également avec satisfaction que le taux d’activité des femmes a augmenté, passant de 17 % en 1990 à 30 % en 2016 et à 47 % dans la fonction publique. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le manque de mesures visant à promouvoir le concept de partage des responsabilités familiales et à lutter contre les difficultés qu’ont les femmes à concilier travail et vie de famille ;

b)La faible proportion de femmes employées dans le secteur privé, par rapport aux hommes ;

c)Les restrictions imposées à l’emploi des femmes par la loi sur le travail, qui interdit l’emploi des femmes entre 21 heures et 6 heures (sauf circonstances exceptionnelles), ainsi que dans les activités nocives et particulièrement difficiles ;

d)Les avis de vacance de poste discriminatoires ;

e)La ségrégation professionnelle horizontale et verticale persistante et la surreprésentation des femmes dans les emplois mal rémunérés ;

f)Les écarts persistants de rémunération entre les sexes, tant dans le secteur public que privé.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De promouvoir le partage équitable des responsabilités familiales et domestiques entre hommes et femmes, notamment en instaurant un congé de paternité ou un congé parental partagé obligatoire après l’accouchement et en fournissant davantage de structures de garde d’enfants et en les améliorant  ;

b) De prendre des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale n o  25 du Comité, notamment pour inciter les employeurs à recruter des femmes, pour proposer des modalités de travail aménagées et pour renforcer la formation professionnelle des femmes afin de faciliter leur accès au marché du travail organisé  ;

c) De modifier la législation du travail afin de lever les restrictions imposées à l’emploi des femmes  ;

d) D’examiner les avis de vacance de poste dans les secteurs public et privé, en vue d’éliminer les dispositions discriminatoires  ;

e) D’adopter des mesures efficaces, notamment de formation professionnelle, et des incitations visant à encourager les femmes à travailler dans des domaines non traditionnels, et à éliminer la ségrégation professionnelle, horizontale et verticale, dans les secteurs public et privé  ;

f) De mettre effectivement en œuvre le d écret royal n o  78/2013 en vue de réduire puis d’éliminer l’écart de salaire entre les sexes, notamment en appliquant des méthodes analytiques non sexistes de classement et d’évaluation des fonctions et en réalisant régulièrement des enquêtes sur les salaires.

Employées de maison migrantes

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures adoptées par l’État partie pour protéger les droits des employées de maison migrantes, telles que la délivrance d’un contrat type, le lancement de campagnes de sensibilisation visant à informer les employés de maison migrants de leurs droits, l’adoption d’une loi érigeant en crime la traite des êtres humains et d’une circulaire interdisant la confiscation de passeports, et la mise en place d’un numéro d’urgence pour les victimes d’abus et d’exploitation. Il prend également note des renseignements donnés par la délégation de l’État partie selon lesquelles les femmes étrangères travaillant comme employées de maison peuvent changer d’employeur. Il est toutefois préoccupé par :

a)Le fait que ces mesures s’avèrent insuffisantes pour garantir le respect des droits fondamentaux des employées de maison migrantes, qui sont exposées aux abus économiques, aux violences physiques, à l’exploitation et à des pratiques persistantes telles que la confiscation du passeport par l’employeur et le système de kafala, qui augmentent encore le risque d’exploitation et compliquent la tâche des femmes qui veulent changer d’employeur, même lorsque celui-ci est abusif ;

b)La protection limitée prévue par le décret ministériel no 1/2011 sur la publication de règlements de recrutement des travailleurs non omanais, l’exclusion des employés de maison du champ d’application de la loi sur le travail et, par conséquent, leur exclusion des tribunaux du travail, et le fait que les employés de maison ne puissent toujours pas changer d’employeur sans risquer d’être poursuivis pour « évasion » ;

c)Le fait que le travail forcé n’est pas érigé en crime dans le Code pénal et n’est interdit que par la loi sur le travail, qui ne s’applique pas aux employés de maison ;

d)Le fait que des obstacles empêchent les employées de maison migrantes d’accéder à la justice, notamment la peur d’être expulsées ou de ne pas avoir de logement pendant la durée des procédures judiciaires ;

e)L’absence de visites d’inspection régulières pour contrôler les conditions de travail des employées de maison migrantes sur leur lieu de travail ;

f)L’absence de mécanismes visant à faire respecter les contrats de travail des employées de maison migrantes ;

g)Le nombre insuffisant de refuges pour les femmes victimes de maltraitances et d’exploitation.

Le Comité, conformément à sa recommandation générale n o 26 de 2008 concernant les travailleuses migrantes, recommande à l’État partie  :

a) De continuer d’informer les employées de maison migrantes des droits fondamentaux que leur confère la Convention et de surveiller le travail des agences d’emploi, notamment en mettant en place un mécanisme d’application des contrats de travail permettant de garantir que les mêmes contrats sont utilisés dans l’État partie et dans le pays d’origine des employées  ;

b) D’étendre l’application de la loi du travail aux employés de maison et d’adopter une loi réglementant le travail domestique, qui prévoirait des sanctions appropriées pour les employeurs se livrant à des pratiques abusives  ;

c) De faire respecter le droit des employés de maison de changer d’employeur légalement et de prévenir les abus des employeurs à cet égard, et de veiller à ce que les employées de maison migrantes aient effectivement accès à la justice, notamment en assurant leur sécurité et en les logeant pendant la durée des procédures  ;

d) De modifier le Code pénal afin d’ériger le travail forcé en crime  ;

e) De faire respecter rigoureusement l’interdiction de la confiscation des passeports et de mener régulièrement des visites d’inspection sur le lieu de travail et dans les dortoirs des travailleuses migrantes  ;

f) De mettre un nombre suffisant de refuges à la disposition des victimes de maltraitances et d’exploitation et de veiller à ce que ceux-ci couvrent l’ensemble de son territoire  ;

g) De défendre les droits des employées de maison migrantes, y compris en encourageant la création d’un syndicat de travailleurs domestiques  ;

h) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l’Organisation internationale du Travail.

Santé

Le Comité note une nette amélioration des indicateurs de santé des femmes, en particulier leur espérance de vie, la mortalité maternelle, la couverture sanitaire des femmes enceintes, les naissances sous surveillance médicale et le dépistage du VIH pendant la grossesse. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le fait que les femmes et les adolescentes ont un accès limité aux services de santé sexuelle et procréative dans les zones rurales et isolées de l’État partie ;

b)La criminalisation de l’avortement (sauf lorsque la vie ou la santé de la femme ou fille enceinte est en danger), mesure qui contraint les femmes, en particulier celles qui vivent dans les zones rurales, à se tourner vers des méthodes d’avortement non médicalisées ;

c)Le fait que les contraceptifs modernes sont difficiles à se procurer, surtout dans les zones rurales.

Conformément à sa recommandation n o 24 de 1999 sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’offrir une gamme complète de soins de santé, en particulier en matière de santé sexuelle et procréative, comprenant des services prénataux, d’accouchement et postnataux, dans chaque province  ;

b) De modifier le Code pénal pour légaliser l’avortement lorsque la vie ou la santé de la femme ou fille enceinte est en danger et dans les cas de viol, d’inceste et de graves malformations fœtales, de le dépénaliser dans toutes les situations autres que les cas précités et de faciliter l’accès des femmes à l’avortement médicalisé et à des soins postavortement  ;

c) De faire en sorte que des contraceptifs modernes et des services de santé procréative soient accessibles pour toutes les femmes et adolescentes du pays  ;

d) De rendre compte du poids financier que représente pour le système de santé la prise en charge médicale des victimes de pratiques préjudiciables, notamment la mutilation génitale féminine.

Prestations économiques et sociales

Le Comité se félicite de l’adoption du décret royal no 29/2013, qui accorde aux femmes la même capacité juridique que les hommes à l’égard de toutes les transactions civiles, ainsi que des mesures prises en vue de promouvoir l’entreprenariat des femmes. Il note également qu’un département des sports de la femme a été créé au sein du Ministère des affaires sportives. Néanmoins, il est préoccupé par :

a)Le fait que les femmes ne bénéficient que d’environ 29 % des prêts subventionnés ;

b)Le manque d’informations sur la portée des programmes sociaux, y compris des régimes de protection sociale et des prestations de retraite, pour les femmes vivant dans la pauvreté, les migrantes, les femmes nomades, les femmes rurales et les femmes handicapées ;

c)Le manque d’informations sur l’implication des organisations de femmes dans la création et la mise en œuvre de stratégies nationales pour atteindre les objectifs de développement durable.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) De garantir l’application effective du décret royal n o 29/2013 et d’allouer des ressources financières supplémentaires engagées pour l’augmentation de l’accès au microcrédit, aux prêts et à d’autres formes de crédits financiers de manière à soutenir l’entrepreneuriat chez les femmes et à permettre leur autonomie financière, en particulier en ce qui concerne les femmes vivant dans la pauvreté, les migrantes, les femmes nomades, les femmes rurales et les femmes handicapées, et de fournir des activités de développement personnel aux femmes voulant améliorer leurs compétences en matière de gestion ;

b) D’assurer la participation des organisations de femmes à la préparation et à la mise en œuvre de stratégies nationales pour atteindre les objectifs de développement durable.

Femmes rurales

Le Comité note avec satisfaction les diverses initiatives prises en faveur des femmes rurales, notamment des cours de formation et des projets de développement. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)La situation défavorable des femmes vivant dans des zones rurales et reculées, qui sont en proie à la pauvreté, peinent à avoir accès à des soins de santé, à l’éducation et à des activités rémunératrices, ainsi qu’à faire entendre leur voix lorsque des décisions sont prises au niveau local ;

b)Les pratiques discriminatoires répandues qui empêchent les femmes rurales d’hériter ou de faire l’acquisition de terres agricoles ou d’autres biens.

Dans le droit fil de sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’élaborer et de mettre en œuvre des mesures, y compris des mesures temporaires spéciales, pour que les femmes rurales se trouvent plus rapidement sur un pied d’égalité avec les autres groupes de la population dans tous les domaines où elles sont sous-représentées ou défavorisées, y compris dans la vie politique et publique, l’éducation, la santé et l’emploi. L’État partie devrait lancer des programmes visant à réduire le nombre de filles qui sont astreintes à des travaux domestiques non rémunérés et ne peuvent donc pas aller à l’école, et élaborer et appliquer des mesures offrant aux femmes rurales des perspectives d’activités rémunératrices là où elles vivent  ;

b) De mettre un frein aux pratiques traditionnelles néfastes qui empêchent les femmes rurales d’exercer pleinement leur droit de posséder des terres agricoles et d’autres biens, et de lancer des campagnes de sensibilisation pour informer ces femmes de leurs droits à la propriété et à l’héritage.

Problématique hommes-femmes et changements climatiques

Le Comité félicite l’État partie pour l’adoption de son plan d’action sur les changements climatiques, mais a besoin d’informations supplémentaires sur la participation des femmes à l’élaboration du plan et le recensement de mesures d’adaptation et d’atténuation d’un point de vue tenant compte de la problématique hommes-femmes.

Le Comité recommande à l’État partie de donner, dans son prochain rapport périodique, des informations concernant  :

a) La participation des femmes à l’élaboration et à la mise en œuvre du plan d’action  ;

b) Le recensement de meilleures pratiques en matière d’adaptation et d’atténuation d’un point de vue tenant compte de la problématique hommes-femmes.

Femmes handicapées

Le Comité prend note de l’élaboration d’une stratégie sectorielle pour les personnes qui ont des besoins particuliers et des diverses mesures prises pour promouvoir les droits des personnes handicapées, y compris des femmes. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)La discrimination dont font l’objet les femmes et les filles handicapées dans l’accès à l’éducation, à l’emploi et à la santé, et leur exclusion de la vie publique et sociale ainsi que des processus de prise de décisions ;

b)Les quotas très faibles d’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail.

Le Comité recommande à l’État partie  :

a) D’adopter des mesures ciblées en vue de promouvoir l’accès des femmes handicapées à l’éducation inclusive, au marché du travail ouvert, à la santé, y compris à la santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation, à la vie publique et sociale ainsi qu’aux processus de prise de décisions  ;

b) D’augmenter les quotas et de les appliquer effectivement dans les entreprises publiques et privées en vue de promouvoir l’insertion des personnes handicapées, en particulier les femmes, sur le marché du travail ouvert  ;

c) D’organiser des campagnes de sensibilisation et de renforcer les capacités des représentants de l’État sur les droits et les besoins spécifiques des femmes et filles handicapées.

Égalité devant la loi et affaires civiles

Le Comité se félicite de la décision de l’État partie de retirer sa réserve à l’égard du paragraphe 4 de l’article 15 de la Convention. Il demeure toutefois préoccupé par l’information reçue selon laquelle les femmes sont encore tenues d’obtenir l’autorisation préalable de leur père, époux ou tuteur afin de se procurer un passeport et de voyager en dehors du pays, en dépit de l’adoption du décret royal no 11/2010 portant modification de la loi sur les passeports afin de permettre à une femme d’en obtenir un sans le consentement de son tuteur. Il est en outre préoccupé par le fait que le prix du sang (diya) à verser pour une femme représente encore la moitié de celui qui doit être versé pour un homme.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l’application effective du décret r oyal n o  11/2010 afin de garantir aux femmes le droit de se procurer un passeport sans le consentement de leur tuteur. Il recommande également à l’État partie de publier un décret portant modification du Code pénal et des dispositions légales relatives au prix du sang de manière à ce qu’ils ne soient pas discriminatoires à l’égard des femmes.

Mariage et relations familiales

Le Comité demeure préoccupé par :

a)L’utilisation de la charia pour expliquer l’absence de progrès en matière de réforme du droit de la famille et le maintien de dispositions discriminatoires dans la loi sur le statut personnel, en particulier l’obligation pour une femme d’obtenir l’autorisation de son tuteur pour se marier, bien qu’elle ait la possibilité de faire appel devant le tribunal de la charia à la Cour suprême ou directement devant le Sultan si son tuteur refuse d’accorder son autorisation, la persistance de la pratique de la dot, l’obligation faite aux femmes d’obéir à leurs époux, y compris sur le plan sexuel, la persistance de la polygamie et les motifs limités que peuvent invoquer les femmes pour demander le divorce, alors que les hommes peuvent le faire de manière unilatérale pour n’importe quel motif ;

b)Les discriminations persistantes dont font l’objet les femmes et les filles en matière de droit successoral, qu’elles soient filles ou veuves ;

c)La tendance qu’ont les tribunaux religieux à donner gain de cause au mari dans les procédures de divorce, notamment en ce qui concerne les pensions alimentaires et la garde des enfants ;

d)L’absence de loi civile d’application facultative sur le statut personnel.

Le Comité recommande à l’État partie de revoir toutes les dispositions discriminatoires de la l oi sur le statut personnel dans un délai donné, en particulier pour éliminer progressivement les dispositions discriminatoires réglementant la capacité juridique, la polygamie, le divorce, la tutelle et l’héritage, en tenant compte de l’expérience d’autres pays au contexte culturel et au système juridique similaires. Le Comité recommande en particulier à l’État partie  :

a) D’interdire la polygamie et de faire respecter cette interdiction dans la pratique, conformément à sa recommandation générale n o 21 (1994) sur l’égalité dans le mariage et les rapports familiaux et au texte commun de la recommandation générale n o 31 du Comité et de l’observation générale n o 18 du Comité des droits de l’enfant  ;

b) De veiller à ce que les hommes et les femmes aient les mêmes droits en matière de mariage et de divorce et de mettre fin à la pratique de la dot  ;

c) De redoubler d’efforts pour permettre aux filles et aux femmes d’exercer leur droit à l’héritage sur un pied d’égalité avec les hommes, et de légiférer de sorte qu’en cas de dissolution d’un mariage, la femme ait les mêmes droits que l’homme sur les biens acquis durant le mariage  ;

d) D’instaurer une voie de recours pour superviser les procédures judiciaires des tribunaux religieux et de veiller à ce que leurs décisions ne soient pas discriminatoires envers les femmes, surtout en matière de divorce, de pension alimentaire et de garde d’enfants  ;

e) D’adopter une loi civile d’application facultative sur le statut personnel, fondée sur les principes d’égalité et de non-discrimination pour protéger les femmes et atténuer leur marginalisation juridique, économique et sociale.

Collecte et analyse de données

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie concernant les efforts déployés actuellement pour créer une base de données sur les femmes, mais regrette que les données ventilées par sexe soient insuffisantes pour permettre un suivi correct dans tous les domaines couverts par la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer la collecte, l’analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, ethnie, emplacement et situation socio-économique, ainsi que l’utilisation d’indicateurs mesurables dans le but d’évaluer l’évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis en vue de la réalisation effective de l’égalité par les femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Protocole facultatif à la Convention et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter dans les meilleurs délais la modification apportée au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans l’action qu’il mène pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

Le Comité invite l’État partie à réaliser l’égalité réelle des hommes et des femmes, énoncées dans les dispositions de la Convention, en s’appuyant sur l’application du programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

Le Comité demande à l’État partie d’assurer la diffusion en temps opportun des présentes observations finales, dans sa langue officielle, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au sein du Gouvernement, des ministères, du Parlement et du système judiciaire, en vue d’en assurer la pleine application.

Ratification d’autres instruments

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage dès lors l’État partie à ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite donnée aux observations finales

Le Comité prie l’État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations énoncées aux paragraphes 10 a), 16 a), 24 a) et 40 b) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son quatrième rapport périodique en novembre 2021. Le rapport doit être soumis dans les délais et, en cas de retard, devra couvrir toute la période jusqu’au moment de sa soumission.

Le Comité invite l’État partie à se conformer aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont le document de base commun et les rapports correspondant à chaque instrument (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chapitre I).