NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.

GÉNÉRALE

CAT/C/59/Add.2

8 mai 2002

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Deuxièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2001

Additif

ISLANDE*

[27 novembre 2001]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction1 – 43

I.NOUVELLES MESURES ET FAITS NOUVEAUX TOUCHANTL’APPLICATION DE LA CONVENTION5 – 343

A.Nouvelles mesures et faits nouveaux se rapportant auxobservations générales (première partie du rapport initialde l’Islande)5 – 93

B.Nouvelles mesures et faits nouveaux touchant l’applicationde dispositions précises de la Convention, en suivantl’ordre des articles 1er à 1610 – 345

Article 2105

Article 311 – 165

Articles 4, 5 et 6177

Article 7187

Articles 8 et 9197

Article 1020 – 227

Article 11238

Articles 12 et 1324 – 308

Article 1431 – 3211

Article 153311

Article 163411

II.COMPLÉMENT D’INFORMATION DEMANDÉ PAR LE COMITÉ:INFORMATIONS SUR LES MESURES DE CONTRAINTEAPPLIQUÉES DANS LES HÔPITAUX PSYCHIATRIQUES35 – 4911

III.RESPECT DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONSDU COMITÉ50 – 7215

A.Recommandation du Comité tendant à ce que la torturesoit définie en tant qu’infraction spécifique dans la législation pénale islandaise50 – 6015

B.Recommandations du Comité tendant à ce que les autoritésislandaises revoient les dispositions réglementant la pratiquede l’isolement cellulaire pendant la détention provisoire afinde réduire sensiblement les cas dans lesquels ce régimepourrait être applicable61 – 7118

C.Recommandation du Comité tendant à ce que la législationrelative aux éléments de preuve à produire lors de procéduresjudiciaires soit mise en conformité avec les dispositions del’article 15 de la Convention afin que soient expressémentexclues toutes les preuves obtenues par la torture7221

Introduction

1.Le présent rapport contient des informations sur la législation et les mesures prises par l’Islande pour s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (dénommée ci-après «la Convention»). Il livre ensuite les renseignements demandés par le Comité avant de se conclure par l’exposé des mesures prises pour répondre aux recommandations faites par le Comité suite à l’examen du rapport initial.

2.Comme le dernier rapport de l’Islande (CAT/C/37/Add.2, du 9 juin 1998) était aussi son premier, la première partie décrivait dans le détail sa structure constitutionnelle et son mode de gouvernement, ainsi que le rôle du législatif, de l’exécutif et du judiciaire et les fonctions de l’Ombudsman du Parlement. Le rapport faisait état des dispositions de la Constitution relatives aux droits de l’homme, des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Islande était partie et de leur statut au regard du droit islandais. Il retraçait aussi les dispositions du droit islandais qui interdisaient et criminalisaient la torture et les règles de droit conçues pour l’empêcher. Enfin, il rendait compte des recours ouverts aux personnes qui se disaient victimes de la torture.

3.Un certain nombre d’amendements ont été apportés aux dispositions décrites dans la première partie du rapport initial, mais aucun ne revêt en l’espèce une grande importance. La plupart ont entraîné des modifications de la structure constitutionnelle et certains points de détail statistiques ont aussi changé. Pour que les informations de caractère général présentées dans le rapport initial continuent de servir de source de renseignements sur la structure constitutionnelle et le mode de gouvernement du pays, elles nécessitent une mise à jour, objet du début de la première partie du présent rapport. Lorsqu’elles concernent tel ou tel article bien précis de la Convention, elles sont reprises dans la section pertinente du rapport. Pour une information de caractère général sur l’Islande et le peuple islandais, prière de se reporter au document HRI/CORE/1/Add.26 du 24 juin 1993.

4.Le présent rapport suit les directives générales établies par le Comité (2 juin 1998) concernant la forme et le contenu des rapports qui doivent être présentés en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention (CAT/C/14/Rev.1).

I. NOUVELLES MESURES ET FAITS NOUVEAUX TOUCHANT L’APPLICATION DE LA CONVENTION

A. Nouvelles mesures et faits nouveaux se rapportant aux observations générales (première partie du rapport initial de l’Islande)

5.Selon le paragraphe 10 du rapport initial de l’Islande, il existait 27 commissaires de district pour un nombre égal de circonscriptions administratives. Or la fusion de circonscriptions dans l’est du pays s’est traduite par une réduction de leur nombre, passé à 26 pour un nombre égal de commissaires de district.

6.Il était fait mention, au paragraphe 33, de la visite de membres du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants en Islande pendant l’été 1993, au titre de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et précisé que le Comité prévoyait une nouvelle visite en Islande au début de 1998. Le Comité s’est effectivement rendu à nouveau en Islande, du 29 mars au 6 avril 1998 et, le 10 décembre de cette année, a publié un rapport sur sa mission. Il déclarait dans ses conclusions qu’il n’avait rien trouvé qui indiquât que les détenus fussent soumis à la torture et que rares étaient les allégations dénonçant d’autres types de brutalités de la part de la police à l’encontre des personnes placées en détention. Les allégations portées à l’attention du Comité concernaient pour l’essentiel l’emploi d’une force excessive par la police lorsqu’elle procédait à des arrestations. Le Comité a fait un certain nombre de commentaires; son rapport du 10 décembre 1998 fait l’objet du document I joint au présent rapport. La réponse du Gouvernement islandais fait l’objet du document II joint au présent rapport.

7.Il était indiqué au paragraphe 34 que les peines privatives de liberté en Islande étaient de deux ordres: la détention criminelle (imprisonment) et l’emprisonnement correctionnel (penal custody), mais que dans la pratique, aucune différence n’existait entre ces deux régimes. La loi no 82/1998 a supprimé l’emprisonnement correctionnel.

8.Le paragraphe 37 décrivait la procédure générale à suivre pour porter plainte contre un fonctionnaire de la police accusé d’une infraction pénale dans l’exercice de ses fonctions. Cette procédure a été modifiée par la loi no 29/1998, portant modification de la loi sur la police. Avant l’adoption de l’amendement, le Directeur national de la police enquêtait sur ces cas sous la supervision du procureur général; or cette façon de faire a été jugée contraire au droit constitutionnel, attendu que la même partie, en l’occurrence le Directeur national de la police, était habilitée à suspendre l’intéressé temporairement au motif d’une infraction qu’il aurait commise dans l’exercice de ses fonctions et, dans le même temps, à superviser l’enquête sur l’infraction présumée. C’est pourquoi des amendements ont été apportés aux articles 5 et 35 de la loi sur la police, aux termes desquels les plaintes dénonçant une infraction commise par un agent des forces de police doivent être soumises directement au procureur général, qui doit superviser l’enquête. Lorsqu’il est saisi d’une telle affaire, le procureur général jouit de tous les pouvoirs dont aurait été dotée la police et celle-ci doit lui apporter son concours aux fins de l’enquête.

9.Le paragraphe 44 contenait des informations sur le nombre total de places dans les prisons islandaises. Ce nombre n’a pas changé depuis la publication du rapport initial et reste de 138. Ce même paragraphe donnait aussi des statistiques sur le nombre de détenus pour la période 1994‑1er décembre 1997; ces chiffres sont mis à jour plus bas. On trouvera le nombre moyen de détenus par jour pour la période allant du 1er janvier 1998 au 1er novembre 2001. Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de prisonniers qui exécutent leur peine en dehors de la prison, par exemple dans des hôpitaux ou des institutions de soins pour alcoolisme ou toxicomanie.

Année

Prisonniers condamnés

Personnes en détention provisoire

1998

99,6 (9,6)

10,1

1999

90,8 (11,4)

10,1

2000

82,7 (12,8)

19,2

B. Nouvelles mesures et faits nouveaux touchant l’application de dispositions précises de la Convention, en suivant l’ordre des articles 1 er à 16

Article 2

10.Le 22 février 1999, le Ministre de la justice a édicté des règles sur l’emploi de la force par la police dont il ressort clairement que la police ne doit recourir à la force que si la situation le justifie et ce, proportionnellement aux besoins. L’emploi de la force recouvre un certain nombre de mesures qui sont définies et classées par ordre de sévérité croissante. Les nouvelles règles et les notes qui les accompagnent ont été présentées avec l’insistance voulue dans tous les commissariats de police. L’École nationale de police dispensera aussi sur ces questions un enseignement plus ciblé que par le passé. Ces règles, accompagnées de notes explicatives détaillées, figureront au programme de formation de la police. Il est prévu d’adopter des règles similaires sur l’emploi de la force pour le personnel pénitentiaire et les gardes côtes islandais, ces derniers exerçant aussi des pouvoirs de police.

Article 3

11.Selon le paragraphe 52 du rapport initial de l’Islande, en vertu de la législation islandaise, nul ne peut être extradé ou refoulé vers un autre État s’il y a des motifs sérieux de croire qu’il risque d’y être soumis à la torture. Les principales dispositions pertinentes se trouvaient dans la loi sur l’extradition des criminels no 13/1984 et la loi sur le contrôle des étrangers no 45/1965. Il faut mentionner que le texte d’un nouveau projet de loi détaillé sur les étrangers a été soumis à l’Althing (Parlement) à l’automne 2001. Cette loi est censée remplacer l’ancienne loi sur le contrôle des étrangers, en vigueur depuis 1965. Elle a été conçue pour garantir les droits légaux des étrangers arrivés en Islande ou qui quittent le pays, y séjournent ou demandent une autorisation de séjour. Elle contient aussi des dispositions sur le droit des réfugiés à l’asile et la protection des réfugiés et autres personnes contre les persécutions. Comme le stipulent clairement les notes explicatives jointes au projet, l’un de ses principaux objectifs est de permettre à l’Islande de s’acquitter pleinement de ses obligations internationales à l’égard des étrangers, en appliquant par exemple la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et divers autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le nouveau projet reprend l’assurance donnée dans l’ancienne loi que personne ne peut être extradé ou refoulé vers un autre pays s’il existe des raisons sérieuses de croire que l’intéressé risque d’y être soumis à la torture.

12.Il faudrait aussi mentionner qu’en 2000 l’Islande est devenue partie à l’Accord de Schengen dont les articles 56 à 66 visent l’extradition. Ces dispositions ne changent en rien les dispositions consacrées à l’extradition précédemment en vigueur en Islande.

13.Il était question, au paragraphe 53 du rapport initial de l’Islande, de la condition énoncée au sujet de la règle générale de la loi relative à l’extradition des criminels, à savoir qu’une personne peut être extradée vers un État où elle est soupçonnée d’avoir commis un acte criminel, est inculpée d’un tel acte ou a été condamnée pour un tel acte. L’une des conditions à remplir à cet effet est énoncée à l’article 5 de la loi qui empêche l’extradition pour délits politiques. La loi no 15/2000 a ajouté un nouveau paragraphe à cet article précisant que des infractions spécifiques peuvent être définies, dans un accord passé avec un autre État, comme n’étant pas constitutives d’infractions politiques. Aucun accord de cet ordre n’a encore été passé avec d’autres États. Cependant, le Gouvernement islandais se prépare à ratifier deux conventions internationales sur le terrorisme comportant ce nouveau paragraphe, à savoir la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997 et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 1999.

14.Le paragraphe 56 du rapport initial faisait état de l’arrêt rendu le 17 octobre 1997 par la Cour suprême, par lequel la Cour refusait l’extradition d’un couple vers les États‑Unis d’Amérique parce qu’il y avait de sérieux motifs de croire qu’ils ne bénéficieraient pas d’un procès équitable devant un tribunal de l’Arizona. Il était aussi très probable qu’ils fassent l’objet d’un traitement inhumain du fait qu’ils voyageraient enchaînés jusqu’à leur lieu de destination, conformément aux règles régissant le transfèrement des détenus aux États‑Unis, et qu’ils seraient emprisonnés dans un établissement pénitentiaire du comté de Mariposa, en Arizona. Les intéressés ont démontré que les conditions de détention y étaient inhumaines et dégradantes et qu’une décision d’extradition des autorités islandaises porterait atteinte à leurs droits en vertu du paragraphe 1 de l’article 68 de la Constitution, de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au moment où l’Islande soumettait son rapport initial, le couple se trouvait toujours en Islande. La question a été réglée lors d’une réunion entre des responsables islandais et des représentants du département de la justice des États‑Unis, à laquelle il a été expliqué que l’Islande n’avait pas l’intention de prendre quelque autre mesure que ce soit à ce sujet. L’époux s’est rendu de son plein gré aux États‑Unis où il a été condamné et a purgé sa peine, tandis que sa femme est demeurée en Islande.

15.Il était question, au paragraphe 54 du rapport initial de l’Islande, des dispositions de la loi sur le contrôle des étrangers no 45/1965, aux termes de laquelle les étrangers pouvaient se voir refuser l’entrée dans le pays ou en être expulsés. Comme il est indiqué au paragraphe 11 ci‑dessus, un nouveau projet de loi doit être présenté sous peu à l’Althing. Il contient des dispositions sur les réfugiés et le droit d’asile. Il a été soumis à l’Althing à sa session de 1998‑1999 et de nouveau à sa dernière session (2000‑2001), mais n’a pas été débattu à fond.

16.On a constaté une augmentation du nombre de demandes d’asile en Islande ces dernières années. Les chiffres suivants, qui couvrent les quatre dernières années, montrent quelle a été la réponse donnée à ces demandes.

Année

Demandes d’asile

Demandes retirées

Permis de séjour accordés

Expulsions

Recours déposés auprès du Ministère de la justice

1997

6

0

4

2

2

1998

24

2

13

9

4

1999

24

8

5

11

9

2000

25

2

4

19

20

Il convient d’ajouter que, pour la période allant du 1er janvier au 1er novembre 2001, la Direction de l’immigration a reçu 51 demandes d’asile.

Articles 4, 5 et 6

17.Prière de se reporter au rapport initial de l’Islande au sujet de ces articles. Aucune nouvelle mesure ni aucun fait nouveau n’est à signaler depuis la soumission du rapport initial.

Article 7

18.Prière de se reporter au rapport initial au sujet de cet article. Le seul amendement législatif qui présente ici de l’intérêt réside dans le fait que l’enquête sur les cas d’infractions commises par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions ne doit plus être confiée au Directeur national de la police (voir par. 8 ci‑dessus).

Articles 8 et 9

19.Il n’y a rien de nouveau à ajouter aux informations données au sujet de ces articles dans le rapport initial.

Article 10

20.Prière de se reporter au rapport initial au sujet de cet article; cependant, il s’est produit certains changements qui méritent d’être signalés. Plusieurs amendements ont été apportés à la loi sur la police depuis la soumission du rapport initial. Le paragraphe 95 évoquait les modalités de nomination des fonctionnaires de police. Suite aux changements subis par la loi no 29/1998, le Ministre de la justice nomme désormais les commissaires de police divisionnaires et leurs adjoints pour des périodes de cinq ans, tandis que le Directeur national de la police nomme les autres policiers également pour des périodes de cinq ans. Des renseignements ont été donnés sur l’École nationale de police au paragraphe 96 du rapport initial. Certaines modifications ont été apportées à la durée de la formation de base à l’école: la formation pratique a été raccourcie, le nombre d’heures passées à l’école a augmenté et les études sont plus denses qu’elles ne l’étaient auparavant. La formation de base des policiers s’étend maintenant sur 12 mois, de janvier à décembre et se partage en trois parties de quatre mois chacune; la première est consacrée à la formation théorique et se conclut par un examen. Les stagiaires qui passent l’examen signent alors des contrats de policiers et passent les quatre mois suivants à suivre une formation pratique au sein de la police locale, sous supervision. Puis ils reviennent à l’école pour quatre mois et passent des examens. Le niveau des épreuves est relativement élevé et ceux qui réussissent sortent alors diplômés du département de formation de base et peuvent postuler aux postes vacants dans les forces de police où que ce soit dans le pays. Ces dernières années, près d’une trentaine de nouveaux stagiaires ont été admis à l’école chaque année. Ce chiffre est en augmentation: cette année, on en comptait 40 et 48 ont déjà été sélectionnés pour commencer une formation début janvier 2002. Des efforts spéciaux ont été consentis récemment au département de formation supérieure de l’École nationale de police pour sensibiliser les policiers à l’importance des droits de l’homme dans leur travail. C’est ainsi qu’un livret rédigé par le Conseil de l’Europe dans le cadre de la campagne «Police et droits de l’homme, 1997‑2000» a été traduit. Ce livret décrit une visite type du Comité pour la prévention de la torture dans un poste de police (15 questions-réponses à l’intention de la police). Il cherche à expliquer à la police la mission et les pouvoirs du Comité en ce qui concerne le travail de la police et contient des règles importantes, telles celles conçues par le Comité pour prévenir la torture et les traitements inhumains, les règles de protection juridique, les conditions matérielles et l’équipement, etc. Il est aussi utilisé dans les cours de formation permanente de l’École nationale de police. Près de la moitié des 250 policiers en activité du pays ont suivi ce type de cours en l’espace d’un peu plus d’un an.

21.Il faudrait aussi mentionner que ce livret, tant en anglais que dans sa version islandaise, a été envoyé à tous les commissaires de police d’Islande, au Procureur général et au Directeur national de la police. On trouvera une copie de son édition anglaise en tant que document III joint au présent rapport.

22.Il faudrait ajouter que le rapport initial soumis par l’Islande au titre de la Convention a été envoyé aux autorités suivantes: Directeur national de la police, École nationale de police, procureur général, Administration pénitentiaire nationale, Direction de l’immigration, Ministère de la santé, Directeur général de la santé publique, Ministère des affaires étrangères, Ombudsman du Parlement, Office islandais des droits de l’homme, Institut des droits de l’homme de l’Université d’Islande, section islandaise d’Amnesty International et Croix-Rouge islandaise. Les observations faites par le Comité contre la torture des Nations Unies au sujet du rapport initial de l’Islande ont été traduites en islandais et envoyées à l’Ombudsman du Parlement, à l’Office des droits de l’homme et à la Commission générale de l’Althing, de même qu’à tous les médias sous forme de communiqué de presse.

Article 11

23.Aucune nouvelle mesure ni aucun fait nouveau ne sont à signaler dans le domaine visé par cet article. Prière de se reporter au rapport initial.

Articles 12 et 13

24.Le rapport initial de l’Islande donnait une description de la procédure et des règles de procédure qui s’appliquaient à une enquête entreprise sur l’instigation des autorités lorsqu’elles soupçonnaient qu’il avait été recouru à la torture, et au droit d’un individu de porter plainte pour usage de la torture contre lui. Comme on l’a vu au paragraphe 8 ci-dessus, un léger amendement a été apporté à l’article 35 de la loi sur la police, no 90/1996; cet article vise l’enquête de police sur les infractions présumées. Tandis qu’auparavant la loi déclarait que le Directeur national de la police devait ouvrir une enquête sur ces cas sous la supervision du procureur général, aux termes de l’amendement, c’est désormais le procureur général qui décide lesquels des policiers charger de l’enquête. À tous autres égards, la procédure demeure la même que celle décrite dans le rapport initial.

25.Au cours des cinq dernières années, plusieurs cas ont été examinés au titre de l’article 35 de la loi sur la police, dont aucun n’était assorti d’allégations que des policiers ou autres représentants de l’autorité de l’État auraient usé de contrainte pour obtenir des aveux ou d’autres informations dans le cadre d’une enquête criminelle. La plupart des plaintes concernaient la mauvaise utilisation faite de la force par les policiers au cours de leurs interventions, par exemple à l’occasion d’arrestations ou du placement en détention suite à une arrestation, de la saisie illégale d’objets et de la perquisition illégale de locaux. Le tableau suivant montre le nombre d’accusations portées contre la police au cours des cinq dernières années et combien d’entre elles faisaient état de brutalités au moment d’arrestations et d’abus de pouvoir à l’occasion d’autres interventions de la police.

Année

Inculpations, total

Brutalités lors d’arrestations

Autres interventions de la police

1997

5

4

1

1998

26

15

11

1999

14

7

7

2000

16

11

5

2001 (au 31 octobre)

18

12

6

26.Il faudrait mentionner que, si un policier est mis en cause l’affaire est consignée à part et que certains des cas susmentionnés reflètent par conséquent le fait que plusieurs policiers étaient impliqués dans une seule et même plainte. Une seule des accusations portées au cours de la période considérée s’est soldée par une inculpation; en l’espèce, le policier a été inculpé pour avoir conduit un véhicule de police dans des conditions d’urgence sans faire preuve de la prudence nécessaire, si bien qu’il était entré en collision avec une voiture qui passait au feu vert à une intersection, blessant très grièvement son conducteur. Le policier a été acquitté du chef de violation de l’article 219 du Code pénal général (coups et blessures involontaires), du Code de la route et des Règlements sur la conduite en cas d’urgence.

27.Une instruction a été ouverte sur plusieurs cas qui se sont produits en 2001. On ignore encore si des inculpations seront prononcées.

28.Comme il était indiqué au paragraphe 125 du rapport initial, un détenu peut porter plainte pour torture de la part d’un gardien auprès du directeur de la prison ou de l’Administration pénitentiaire ou adresser une plainte en ce sens directement au commissaire de police de la région où se trouve la prison. L’Administration pénitentiaire a reçu deux communications de prisonniers se plaignant d’un traitement dégradant au cours de la période allant du 1er janvier 1997 au 1er novembre 2001. Dans l’une, le détenu se plaignait de ce qu’un gardien l’avait observé par le judas de la porte de sa cellule et, dans l’autre, un prisonnier se plaignait du comportement d’un gardien qui était son contre-maître à l’atelier et se disait victime de persécutions de la part d’un autre gardien. Aucune de ces plaintes ne faisait état de violences physiques, elles dénonçaient plutôt des cruautés mentales. Elles ont été examinées conformément à la procédure normale, c’est-à-dire que les parties concernées ont eu la possibilité d’exprimer leur point de vue, après quoi il a été décidé de ce qu’il fallait faire. En l’espèce, ces plaintes ne justifiaient pas l’adoption de nouvelles mesures. De façon générale, ce type de plaintes peut se solder par un avertissement à l’adresse de l’employé si l’on considère qu’il a négligé ses devoirs professionnels ordinaires ou agi en dehors de ses compétences, ou par une enquête de police si l’on juge probable qu’il y a eu acte criminel. La police n’a reçu qu’une seule plainte au cours de la période considérée, elle visait non des personnes précises, mais les autorités pénitentiaires en général. La police de Reykjavik a accepté de se pencher sur cette affaire dont le dossier a été clos moins d’un mois plus tard.

29.Quiconque considère n’avoir pas été traité convenablement par les autorités peut saisir l’Ombudsman du Parlement. Depuis la soumission du rapport initial, l’Ombudsman n’a reçu aucune plainte pour torture ou autre traitement inhumain ou dégradant de la part d’un fonctionnaire, émanant de prisonniers ou de personnes privées de leur liberté pour d’autres raisons. En revanche, l’Ombudsman a appelé l’attention sur l’article 3 de la Convention européenne sur les droits de l’homme dans l’un de ses avis, daté du 7 juillet 2000, à propos de l’affaire no 2426/1998. Un prisonnier s’était plaint d’avoir été soumis au régime cellulaire pour manquement présumé à la discipline. On l’avait retrouvé nu, assis sur la moquette en train de fumer un cigare, après avoir mis le feu à un tas de vêtements. Il s’était aussi ouvert le bras et saignait. Il a déclaré ne pas avoir dormi pendant deux jours et être persécuté par des voix. Appelé, le médecin de la prison lui a prescrit des médicaments et a décidé de l’examiner le lendemain matin. Dix jours plus tôt, le même médecin avait diminué la posologie du traitement du prisonnier, à sa demande. Le directeur de l’établissement a décidé d’imposer des mesures disciplinaires à l’intéressé pour sa conduite: il devait passer cinq jours en isolement cellulaire sans télévision. Pendant 21 jours, il a été privé de salaire, n’a plus eu l’autorisation de recevoir ni d’envoyer du courrier, de recevoir ni de donner des coups de téléphone et la durée des visites, qui devaient avoir lieu dans le parloir spécial de l’aile de sécurité de la prison, a été réduite à une heure par semaine. Le prisonnier s’est plaint de cette décision auprès du Ministère de la justice et du culte et a fait part de ses troubles mentaux qui, a-t-il précisé, avaient soudainement empiré quand on avait réduit son traitement. Il a fait valoir que les gardiens auraient dû le remarquer et appeler un psychologue ou un psychiatre pour éviter l’incident qui avait donné lieu à l’imposition des mesures disciplinaires. Dans sa décision, le Ministère a déclaré qu’il était inutile que les gardiens consultent un psychologue ou un médecin avant l’incident et, de ce fait, la décision contre laquelle le prisonnier avait fait recours a été maintenue. La plainte soumise à l’Ombudsman visait tout d’abord le fait que le Ministère de la justice avait reçu très tard sa plainte et, deuxièmement, que son état psychologique aurait dû constituer une raison pour les autorités pénitentiaires d’intervenir avant l’incident au cœur du problème. L’Ombudsman a aussi examiné la décision de placer le prisonnier au secret à la lumière de son état psychologique au moment où la décision a été prise. Il a conclu qu’en vertu de l’article 31 de la loi sur les prisons et les conditions de détention le devoir d’enquête du directeur consistait non pas seulement à recueillir des déclarations et des renseignements au sujet du manquement à la discipline lui‑même, mais à s’interroger sur la question de savoir si le prisonnier était en état de supporter l’isolement cellulaire; à cet égard, il s’est référé au paragraphe 1 de l’article 38 des Règles pénitentiaires européennes. Il était d’avis que l’état du prisonnier et la façon dont il avait expliqué l’incident justifiaient un tel examen et l’obtention de la confirmation écrite du médecin de la prison que son état psychologique était tel que rien n’empêchait qu’il fût mis au secret. L’Ombudsman a aussi considéré que le Ministère de la justice aurait dû examiner tout spécialement les raisons motivant l’imposition de la mise au secret eu égard à ces considérations. Il a appelé à ce propos l’attention sur l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il a souligné que la ratification de la Convention entraînait l’engagement par l’Islande d’harmoniser sa législation et ses procédures administratives de façon à respecter les droits consacrés dans la Convention. À son avis, le Gouvernement était donc tenu de faire le nécessaire pour que les peines imposées tiennent compte du bien-être physique et moral des prisonniers et que ces derniers aient accès à des services médicaux suffisants.

30.Il était indiqué dans le rapport initial que toute personne hospitalisée contre son gré en vertu de la loi sur la capacité juridique pouvait, aux termes de l’article 30 de cette loi, contester cette décision d’hospitalisation, ainsi que tout traitement médical auquel elle a été soumise contre son gré devant les tribunaux. La Cour suprême n’a été saisie d’aucun cas faisant état de traitement inhumain au cours de ces périodes d’hospitalisation involontaire; par contre, les tribunaux ont eu à connaître de plusieurs recours contre des décisions du Ministère de la justice au sujet d’hospitalisations involontaires. Ni le Directeur général de la santé publique ni la commission spéciale chargée des différends qui peuvent naître entre le public et les personnels des services de santé n’ont jamais reçu de plainte.

Article 14

31.Le rapport initial décrivait en détail les dispositions permettant à quiconque avait été torturé de demander réparation devant les tribunaux et de recevoir une indemnisation équitable et satisfaisante. Aucun amendement n’a été apporté à cette législation.

32.La justice n’a pas eu à connaître de cas de demandes d’indemnisation pour cause de torture ou autre traitement inhumain de la part de fonctionnaires depuis la soumission du rapport initial.

Article 15

33.Aucun fait nouveau n’est survenu dans ce domaine depuis la soumission du rapport initial. Prière de se reporter à la section C de la partie III du présent rapport au sujet de la recommandation faite par le Comité à l’Islande de définir la torture en tant qu’infraction spécifique en droit islandais.

Article 16

34.Aucune nouvelle mesure ni aucun fait nouveau ne sont à signaler dans ce domaine du droit et aucun arrêt ni aucune décision de justice n’ont été pris sur des questions visées par cet article.

II. COMPLÉMENT D’INFORMATION DEMANDÉ PAR LE COMITÉ: INFORMATIONS SUR LES MESURES DE CONTRAINTE APPLIQUÉES DANS LES HÔPITAUX PSYCHIATRIQUES

35.Les personnes atteintes de troubles mentaux sont accueillies dans quatre établissements: à Sogn, dans le service de psychiatrie de l’hôpital national universitaire, dans le service de psychiatrie de l’hôpital provincial d’Akureyri et à Stuðlar. Les trois premiers sont administrés par le Ministère de la santé et le dernier par le Ministère des affaires sociales. Certains sont des établissements fermés; aussi une contrainte s’exerce-t-elle sur les malades. En revanche, il faut préciser qu’aucun de ces établissements n’utilise de moyens de contrainte physique tels que camisole de force, sangles, etc. Les malades ne sont pas non plus gardés au secret. Ils sont au contraire placés sous la surveillance jugée nécessaire par les directeurs, lesquels sont spécialement qualifiés. Il arrive que le cas de certains individus justifie une augmentation ponctuelle du nombre de personnes qui assurent cette surveillance.

36.L’Institut de Sogn, situé dans une zone rurale au sud de l’Islande, Ölfus, dans le comté d’Arnessysla, à près de 70 km de Reykjavik, accueille des malades mentaux délinquants; il a une capacité de sept lits. C’est là que sont envoyées les personnes condamnées pour un crime grave à être détenues dans des conditions de haute sécurité conformément à l’article 62 du Code pénal général. Il peut s’agir de schizophrènes, de maniaco‑dépressifs et de retardés mentaux. L’établissement est fermé. À leur arrivée, les malades reçoivent une feuille décrivant le règlement intérieur et sont informés de leurs droits et de leurs obligations aux termes de la loi sur les droits des malades.

37.Le service de psychiatrie de l’hôpital national universitaire se trouve dans la capitale, Reykjavik. Il se compose d’un grand nombre de petites unités, dont certaines sont fermées si les malades sont hospitalisés contre leur gré. Au total, le service compte 260 lits.

38.Le service de psychiatrie de l’hôpital provincial d’Akureyri est situé dans la ville d’Akureyri dans le nord du pays où il dessert une région d’environ 40 000 habitants. Il a une capacité de 10 lits et en général n’est pas fermé, si ce n’est dans le cas de malades internés contre leur gré, mais même en ce cas il n’est pas toujours nécessaire qu’il le soit. À leur arrivée, les malades reçoivent le règlement intérieur et sont informés de leurs droits en tant que malades. La feuille d’information est actuellement en révision; il est prévu de communiquer aussi cette feuille aux parents des malades une fois qu’elle aura été mise à jour.

39.Les malades hospitalisés dans les services psychiatriques de l’hôpital national universitaire et de l’hôpital provincial d’Akureyri y sont en général placés avec leur consentement, encore qu’il puisse arriver que certains y soient internés involontairement.

40.La loi sur la capacité juridique no 71/1997 contient des dispositions sur l’hospitalisation involontaire, en vertu desquelles une personne peut être internée contre son gré dans un hôpital psychiatrique pour une durée de 48 heures maximum à la demande d’un médecin ou de ses proches. Dans les cas urgents qui ne sauraient tolérer aucun retard ou en l’absence de proches parents, les services sociaux compétents peuvent faire une demande d’hospitalisation. Les intéressés doivent être informés de leur droit de recourir contre cette décision devant un tribunal de district. L’hospitalisation involontaire peut être alors prorogée jusqu’à 21 jours si le Ministère de la justice l’autorise à la demande du médecin qui a demandé initialement l’internement ou à la demande du psychiatre responsable du service compétent. En pareil cas, le malade doit être informé de son droit à attaquer la décision du Ministère devant un tribunal de district. À tous les stades de la procédure, le malade a le droit de se faire assister gratuitement par un conseiller juridique nommé et de bénéficier des services d’un avocat si l’affaire passe en justice. Afin de garantir la prise en compte de considérations médicales indépendantes et impartiales dans la décision de prorogation de l’internement, il est de règle, dans les services psychiatriques islandais, que l’on demande autant que faire se peut l’avis d’un psychiatre d’un autre service. Dans la plupart des cas, la confirmation écrite du médecin traitant de l’intéressé concernant la nécessité d’une prorogation et l’avis du médecin consultant du Ministère de la justice sont aussi sollicités.

41.La prorogation de l’hospitalisation involontaire au-delà de 23 jours est soumise à la décision d’un juge qui peut priver le malade de sa capacité de gérer ses propres affaires pour une durée de six mois maximum. Une nouvelle prorogation ne peut avoir lieu que si le tribunal prend une nouvelle décision privant le malade de sa capacité juridique suivant la même procédure.

42.La loi sur la capacité juridique contient aussi des dispositions sur le traitement des personnes hospitalisées de force. L’article 28 déclare que quiconque a été interné sans que le consentement du Ministère de la justice ait été obtenu ne peut se voir administrer de force des médicaments ou d’autres traitements; cependant, le médecin de garde peut décider de lui administrer de force des médicaments ou d’autres traitements si l’intéressé représente une menace pour lui-même ou pour autrui ou si sa vie est en danger. Aux termes de la loi, quiconque est hospitalisé contre son gré avec le consentement du Ministère de la justice ne peut se voir administrer de force des médicaments ou un autre traitement que sur décision d’un médecin chef. Le Ministre de la santé peut édicter d’autres règlements sur l’administration forcée de médicaments ou d’autres traitements aux termes du même article. Aucun règlement de cette nature n’a pourtant été adopté. Dans cette disposition, l’expression «administrer un traitement de force» ne s’entend pas de l’emploi d’entraves de quelque sorte que ce soit, telles que camisole de force, sangles, etc.

43.Stuðlar est un centre de diagnostic et de traitement pour jeunes de moins de 18 ans, situé dans les environs de Reykjavik. Ce n’est pas un hôpital psychiatrique et les règles qui s’y appliquent sont différentes de celles en vigueur dans les trois institutions décrites ci-dessus. En vertu de la loi sur la capacité juridique (majorité légale) s’acquiert à l’âge de 18 ans. Les mineurs peuvent donc être internés à Stuðlar contre leur gré à la demande de leurs parents ou des personnes qui en ont la responsabilité légale.

44.Stuðlar est administré par l’Office d’aide sociale à l’enfance, organisme placé sous la direction du Ministère des affaires sociales. Les centres de traitement administrés par l’Office sont de deux sortes: d’une part, il existe Stuðlar, Centre de traitement national pour mineurs, qui assure un diagnostic et un placement à court terme en cas d’urgence et, de l’autre, des foyers de traitement à long terme, qui sont tous gérés par des organismes privés sous contrat avec l’Office. De façon générale, les enfants et les jeunes se rendent à Stuðlar pour un diagnostic avant d’aller, si besoin est, dans un centre pour un traitement de longue durée.

45.Stuðlar est un établissement semi-fermé dont les fonctions sont de deux ordres: d’une part, son service des urgences peut abriter quatre adolescents au maximum, de l’autre, le service des traitements peut héberger jusqu’à quatre mois huit jeunes au maximum qui lui ont été adressés par des commissions d’aide sociale à l’enfance. L’établissement est équipé de salles de soins, de salles de classe, d’une salle d’informatique, d’un atelier, d’un gymnase, d’une salle de jeux et d’un jardin hermétiquement clos.

46.À leur arrivée, les adolescents passent par le service des urgences, fermé, où ils doivent obéir à des règles assez strictes. Pendant cette première phase d’examen et d’évaluation, qui ne dure normalement pas plus de 24 heures, mais peut aussi prendre jusqu’à 14 jours, ils sont placés sous l’étroite surveillance du personnel. Les portes qui donnent sur l’extérieur sont verrouillées 24 heures sur 24 et les portes de chaque chambre peuvent être fermées à clef la nuit. Pendant ce temps-là, les adolescents restent dans leur chambre, où ils peuvent écouter la radio et regarder la télévision après 16 heures. S’ils restent au service des urgences pour plus de 24 heures, ils sont alors autorisés à passer au moins une heure par jour au jardin. À l’issue de cette première période, ils jouissent d’une «liberté» croissante, par étapes, qui va de la sortie d’une heure au jardin à des excursions organisées, des sorties au cinéma et à la piscine. Cette description du centre de traitement suffira pour les besoins du présent rapport; une description plus détaillée en a été donnée dans le rapport du Comité pour la prévention de la torture du 10 décembre 1998 au Gouvernement islandais, soumis en tant que document I joint au présent rapport (voir chap. II, sect. D, par. 120 à 142).

47.Il existe huit autres centres de traitement placés sous le contrôle de l’Office d’aide sociale à l’enfance, qui offrent 48 places pour adolescents de 13 à 18 ans. Chacun est spécialisé dans un domaine différent. Ainsi, le centre d’Árbót accueille les adolescents qui présentent des problèmes de comportement, des tendances criminelles ou viennent d’un milieu familial à problèmes, celui de Háholt, les adolescents qui ont de graves problèmes de toxicomanie, un casier judiciaire chargé et des tendances à la violence. Une analyse détaillée de ces centres ne s’impose pas ici.

48.Des règles ont été adoptées le 1er février 1999 sur les droits des enfants et l’emploi de la contrainte dans les centres de traitement placés sous la supervision de l’Office d’aide sociale à l’enfance. Elles remplacent depuis le 1er novembre 1997 les anciennes règles sur les droits des enfants et des jeunes placés dans les centres de traitement sous la supervision de l’Office. Le chapitre premier de ces nouvelles règles explique le but du placement dans les centres de traitement, les droits des enfants placés dans ces centres et les conditions dans lesquelles ces droits peuvent être restreints. Le chapitre II décrit les restrictions qui peuvent être imposées aux relations entre les enfants et d’autres personnes. Le chapitre III décrit les méthodes de contrainte qui peuvent être utilisées. Le chapitre IV décrit les règles qui s’appliquent au service fermé du centre de traitement national pour mineurs (Stuðlar), tandis que le chapitre V énonce les règles relatives à l’enregistrement d’informations, au suivi et aux plaintes des adolescents. Ces derniers et leurs parents/personnes qui en ont la responsabilité reçoivent copie de ces règles au moment de l’internement des adolescents dans ces établissements.

49.Les règles du chapitre III concernant les mesures de contrainte sont passées en revue ci‑après. L’article 8 interdit l’utilisation de toute peine corporelle, l’administration de médicaments sans consulter un médecin, l’isolement cellulaire et l’emploi d’objets de contrainte, tels que cordes, ruban adhésif, ceintures ou autres objets ou instruments qui permettent d’imposer une contrainte physique, que ce soit à titre de punition ou à des fins éducatives ou de traitement. L’article 9 énumère les mesures qui peuvent être appliquées en cas d’urgence; il permet toutes les mesures nécessaires pour éviter une agression, une attaque ou un autre comportement susceptible de causer un risque de blessure à des personnes ou d’endommager des objets ou pour y mettre fin. Les mesures de contrainte ne peuvent être appliquées qu’aussi longtemps que dure la situation dangereuse et doivent être proportionnelles dans la mesure du possible au comportement de la personne et à la gravité du préjudice corporel ou du dommage qu’il risque d’occasionner. Aux termes de l’article 10, qui contient des dispositions permettant de mettre fin au comportement indésirable, il est permis de recourir à la contrainte physique pour faire se maintenir tranquille une personne et/ou la déplacer d’un endroit ou d’une pièce à un(e) autre si cela est nécessaire pour l’empêcher de manifester un comportement tout à fait inacceptable ou si son comportement a un effet préjudiciable sur le traitement d’autres personnes internées. Toutefois, avant de recourir à la coercition, le personnel doit s’efforcer de mettre fin au comportement de la façon la plus douce possible, en s’employant par exemple à l’en dissuader verbalement. Selon cette disposition, la coercition utilisée doit être proportionnelle au comportement qu’elle est censée maîtriser et ne peut durer plus que cela n’est strictement nécessaire. L’article 11 vise les cas où il est nécessaire d’éloigner une personne internée à cause de son comportement indésirable et de l’enfermer loin des autres malades. En pareil cas, un membre du personnel doit normalement se trouver dans la pièce avec la personne ou une pièce adjacente munie d’une porte non verrouillée pour lui permettre d’accéder à la chambre du malade. Selon les règles, la pièce dans laquelle l’intéressé doit être enfermé doit être équipée d’une fenêtre et avoir une superficie minimale de 6 m2 et la période d’isolement doit être aussi courte que possible. L’article 12 prévoit le transfert d’un malade à un service fermé, suite par exemple à une évasion ou à un comportement incontrôlable qui a empiré ou qui ne peut être contrôlé par d’autres moyens. L’article 13 s’applique aux fouilles corporelles et aux fouilles des chambres, en en précisant les modalités. L’article 18 prévoit que toutes les décisions de recourir à la contrainte doivent être consignées dans un registre spécial et envoyées immédiatement à l’Office d’aide sociale à l’enfance et à la commission d’aide sociale à l’enfance compétente. Si l’Office formule des observations spécifiques sur ces mesures, elles doivent être portées à la connaissance du directeur du centre de traitement, de la commission d’aide sociale à l’enfance intéressée et des parents ou personnes ayant la responsabilité légale de l’adolescent. Selon l’article 19, les adolescents, leurs parents ou les personnes qui en ont la responsabilité légale, les personnes qui les ont fait interner et le personnel des institutions peuvent soumettre des plaintes à l’Office et sont aussi tenus d’aider les adolescents à soumettre des plaintes.

III. RESPECT DES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

A. Recommandation du Comité tendant à ce que la torture soit définie en tant qu’infraction spécifique dans la législation pénale islandaise

50.Comme il était indiqué dans le rapport initial de l’Islande, la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdits en droit islandais à trois niveaux. Premièrement, la torture est interdite par la Constitution (loi n° 33/1944), dont l’article 68 stipule: «Nul ne peut être soumis à la torture ni à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants.» Comme il était dit dans la section 2 de la première partie du rapport initial, cette disposition a été introduite dans la Constitution suite à un amendement apporté par la loi n° 97/1995; auparavant, l’interdiction de soumettre qui que ce soit à la torture était malgré tout considérée comme un principe fondamental non écrit. Le terme de torture n’est pas défini dans cet article de la Constitution. Deuxièmement, il existe une disposition comparable dans l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme; or suite à la ratification de la Convention par la loi n° 62/1994, ses dispositions ont acquis force de loi en Islande. Troisièmement, certaines dispositions du Code pénal général font de la torture un acte criminel, encore que le terme de torture ne soit pas défini ni mentionné expressément dans le Code.

51.Lorsque la Constitution a été amendée en 1995, il a été déclaré, dans les notes explicatives se rapportant à la législation portant amendement de la Constitution, que la révision des clauses de la Constitution relatives aux droits de l’homme poursuivait trois objectifs. Premièrement, il s’agissait de préciser ces dispositions et de les mettre en conformité les unes avec les autres de façon qu’elles protègent mieux le public dans ses relations avec les personnes investies de l’autorité publique. Cette révision cherchait, deuxièmement, à moderniser certaines dispositions et, troisièmement, à tenir compte des obligations juridiques internationales que l’Islande avait contractées en devenant partie aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme. Les notes explicatives passaient longuement en revue ces conventions et débattaient de leur validité en droit interne. Il y était dit notamment que, du fait du principe dualiste qui sous-tendait le droit islandais, les conventions internationales ne faisaient pas automatiquement partie du droit interne et que, par conséquent, leurs dispositions pouvaient ne pas être appliquées par les tribunaux islandais, sauf si elles avaient été expressément incorporées en droit islandais. Quoi qu’il en soit, le principe interprétatif voulait que la législation interne fût interprétée eu égard au droit international et qu’en cas de conflit ce fût en règle générale le droit interne qui l’emporte. Il n’en demeure pas moins que ces dernières années, les tribunaux islandais ont pris de plus en plus en considération les conventions internationales relatives aux droits de l’homme lorsqu’ils ont eu à interpréter le droit islandais.

52.Selon les notes se rapportant à l’article de la Convention qui porte interdiction de la torture, les conventions internationales ratifiées par l’Islande contenaient des dispositions interdisant clairement la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ces notes déclaraient que les dispositions en question étaient énoncées en plus grand détail dans les conventions que ne le proposait le projet de loi. Elles faisaient observer qu’une interdiction sans équivoque de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants était énoncée à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et qu’il existait une disposition comparable à l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans ces deux instruments, la garantie de l’immunité contre la torture était énoncée spécifiquement comme étant un droit inconditionnel dont la violation ne saurait être justifiée par des états d’exception ou la guerre. Les notes se rapportant au projet de loi décrivaient comment des accords avaient été conclus sous les auspices et du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Nations Unies, par exemple la Convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants que l’Islande avait ratifiée et la Convention des Nations Unies de 1984 sur la même question.

53.Les notes précisaient aussi que l’objet de la disposition était de renvoyer spécifiquement aux conditions dans lesquelles la personne intéressée avait été privée de liberté, car il y avait davantage de risque d’être soumis à la torture ou à un traitement inhumain si l’on était détenu contre son gré. Ainsi, une attention particulière devait être accordée au traitement des personnes arrêtées et de celles qui exécutaient une peine de prison, de celles qui avaient été privées de liberté du fait d’une maladie psychiatrique et étaient hospitalisées et des mineurs internés dans un foyer ou une maison de correction. Les notes faisaient toutefois observer qu’il était faux de croire que la torture et les traitements inhumains et dégradants étaient toujours associés à la perte de liberté, car il pouvait arriver qu’un individu soit soumis à l’autorité d’un autre ou se trouve sous la domination d’un autre. Elles citaient à titre d’exemple la façon dont des enfants pouvaient être traités dans une école ou une institution de soins aux enfants, tout en montrant que cette disposition pouvait aussi s’appliquer au traitement d’enfants par leurs propres parents. Les notes indiquaient que la disposition en question était assortie d’une interdiction d’expériences médicales ou scientifiques en l’absence du consentement de l’intéressé; la deuxième phrase de l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques le prévoyait clairement. D’après ces notes, cette disposition entraînait une interdiction générale des traitements médicaux en l’absence du consentement de l’intéressé s’il n’y avait pas de danger mortel grave; les traitements de ce type pouvaient s’entendre de stérilisations et autres opérations susceptibles d’avoir un effet permanent sur la vie de l’individu.

54.Les notes cherchaient à décrire avec précision en quoi un traitement dégradant se distinguait d’un traitement inhumain, tout en soulignant qu’il n’était pas facile de bien délimiter l’un de l’autre. Néanmoins, il était déclaré que le traitement dégradant pouvait s’entendre d’actes ou d’omissions visant à dégrader ou humilier une personne ou pouvait généralement être considéré comme humiliant. Les exemples donnés à cet égard comprenaient les mesures de contrainte employées contre une personne privée de liberté, tendant à lui imposer par exemple de porter certains vêtements, tels qu’un uniforme de détenu, de se faire raser la tête contre son gré ou d’être exhibé devant autrui contre son gré.

55.Enfin, il était déclaré dans ces notes que l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants renvoyait spécifiquement au traitement des prisonniers qui exécutaient une peine et que les exemples susmentionnés de comportement visés par cette disposition s’appliquaient tout autant aux peines. Ainsi, la conclusion à tirer sans hésiter de cette disposition était qu’elle comprenait l’interdiction des peines corporelles quelles qu’elles soient.

56.À la lumière des explications détaillées de la teneur de la disposition constitutionnelle sur la torture et les autres traitements inhumains et dégradants données dans les notes se rapportant au projet de loi qui est devenu loi n° 97/1995, dont il est question ci-dessus, ce qu’il faut entendre par «torture» ne saurait faire aucun doute, même si ce terme n’est pas expressément défini.

57.Les lois adoptées par le Parlement constituent la source suprême du droit en Islande. Les tribunaux ont pour mission de juger en fonction de la loi, d’interpréter la loi et de déterminer la teneur de chaque disposition de loi dans son ensemble. Dans la pratique juridique islandaise, la volonté du législateur représente une aide importante à l’interprétation de la loi. Il est arrivé que des tribunaux, dans leurs arrêts, aient mis l’accent presque exclusivement sur la volonté du législateur. Lorsque l’on s’interroge sur la volonté du législateur, il est important d’examiner toute la documentation qui peut faire la lumière sur ce qu’il pense des différentes dispositions de la loi, telle que les notes explicatives qui accompagnent les projets de loi, l’avis des commissions, les débats parlementaires et autres mesures prises avant l’adoption de la loi.

58.Dans ces conditions et compte tenu du principe général de droit islandais, qui veut que les dispositions de loi soient interprétées dans le sens des obligations juridiques internationales, il ne fait aucun doute que le terme de «torture» serait interprété conformément à l’article premier de la Convention si les tribunaux avaient à statuer en la matière. Il faudrait aussi indiquer que les dispositions de la Constitution islandaise et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme sont quelque peu plus larges que l’interprétation qui peut découler de l’article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, attendu qu’elles ne sont pas restreintes aux seuls cas où la torture est pratiquée à l’instigation d’un fonctionnaire ou d’un autre représentant de l’État, mais s’appliquent à toutes les situations. Jusqu’ici, l’interprétation de ce terme n’est pas quelque chose dont les tribunaux ont eu à connaître.

59. Enfin, il faudrait ajouter que, même si le terme «torture» n’est pas employé dans le Code pénal général, il ne fait aucun doute qu’un acte qui s’accompagne de torture tombe sous le coup du Code. Bien que des termes essentiels employés dans le système juridique islandais n’aient pas été définis dans le Code pénal général, tels par exemple que le viol et le meurtre, il ne viendrait à l’idée de personne de prétendre que de tels actes ne constituent pas des actes criminels aux termes du droit islandais. Ce qui importe en l’occurrence, ce n’est pas tant le terme utilisé pour viser tel ou tel comportement que l’acte lui-même, qualifié de criminel.

60.Le Gouvernement islandais est d’avis qu’en ce qui concerne la torture, tant physique que mentale, visée par l’article premier de la Convention, le droit islandais contient des dispositions satisfaisantes. Il n’est pas prévu de modifier la législation en vigueur. Un compte rendu détaillé a été donné des dispositions du Code pénal général applicables à la torture à propos de l’article 4 de la Convention aux paragraphes 56 à 69 du rapport initial, auquel on est prié de se reporter pour plus d’informations.

B. Recommandations du Comité tendant à ce que les autorités islandaises revoient les dispositions réglementant la pratique de l’isolement cellulaire pendant la détention provisoire afin de réduire sensiblement les cas dans lesquels ce régime pourrait être applicable

61.Les conditions à remplir pour placer une personne en détention provisoire sont énoncées à l’article 103 du Code de procédure pénale, no 19/1991:

«1.Un suspect ne peut être placé en détention provisoire que s’il y a raisonnablement lieu de penser qu’il a commis un acte passible d’une peine d’emprisonnement et s’il a 15 ans révolus. De plus, il faut qu’au moins une des conditions suivantes soit remplie:

a)Qu’il y ait un risque que le prévenu fasse obstruction à la justice, par exemple en faisant disparaître des preuves, en dissimulant des objets ou en tentant d’influencer des témoins ou d’autres personnes ayant participé à la commission du délit;

b)Qu’il y ait un risque que le prévenu quitte le pays, se cache ou cherche par d’autres moyens à se soustraire aux poursuites ou à l’exécution de sa peine;

c)Qu’il y ait un risque que le prévenu poursuive ses activités délictueuses pendant que son affaire est en instance;

d)Que la détention provisoire soit jugée nécessaire pour protéger autrui contre les agissements du suspect ou assurer la protection du suspect.

2.Une personne peut aussi être placée en détention provisoire même si les conditions énoncées aux alinéas à d ci-dessus ne sont pas remplies, s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’elle a commis un acte criminel passible d’une peine de 10 ans d’emprisonnement et que dans ce cas, la privation de liberté est jugée nécessaire dans l’intérêt général.»

62.Une personne placée en détention provisoire ne peut être mise au secret que si la décision de détention provisoire se fonde sur le paragraphe 1 a) de l’article 103 du Code de procédure pénale. De toute évidence, la privation de liberté suffira la plupart du temps si l’on estime qu’il y a un risque que le suspect ne dissimule des objets ou ne fasse disparaître des éléments de preuve, etc. Par contre, elle ne suffira pas toujours à empêcher un suspect d’essayer d’influencer des témoins ou des complices au cours de l’instruction. Cela signifie que l’isolement cellulaire peut s’avérer nécessaire dans l’intérêt de l’enquête. Cette mesure n’est envisagée que dans les cas où l’on pense que ce danger existe bel et bien.

63.D’après le paragraphe 1 de l’article 16 des Règlements sur la détention provisoire no 179/1992, la personne en charge de l’enquête doit décider si les besoins de l’instruction justifient l’isolement d’une personne placée en détention provisoire. Aux termes du paragraphe 2 du même article, une personne dans cette situation peut toujours attaquer une décision de mise au secret devant les tribunaux. Selon un amendement apporté aux Règlements en 1995, les personnes en détention provisoire doivent être informées en bonne et due forme de ce droit. En pareil cas, la police doit, en justice, étayer les raisons qui motivent sa demande de mise au secret du détenu, et le tribunal doit alors prendre une décision motivée sur la question de savoir si l’isolement est ou non nécessaire. Si la détention provisoire doit être prolongée, le suspect est à nouveau déféré devant la justice. Il peut alors contester la demande de prorogation de son isolement si la détention est prolongée.

64.Lorsque la personne chargée de l’enquête décide de mettre un suspect au secret, elle doit se conformer au principe de la proportionnalité et prendre des mesures pour qu’il soit porté le moins atteinte possible aux droits du détenu. L’article 108 du Code de procédure pénale prévoit les modalités de la détention. D’après cet article, les restrictions suivantes peuvent être appliquées: 1) mise au secret; 2) interdiction de recevoir des visites; 3) interdiction de passer ou de recevoir des coups de téléphone; 4) censure de la correspondance, et 5) interdiction d’accéder aux médias. Naturellement, l’isolement cellulaire signifie que le prisonnier est détenu seul. L’isolement complet dans le cadre de la mise au secret suppose l’imposition des interdictions 1 à 5 énumérées ci-dessus. La rigueur de l’isolement diminue en général au fur et à mesure des progrès de l’enquête, c’est-à-dire qu’il est d’abord permis au détenu d’avoir accès aux médias, avant de lever les autres interdictions. Mais la règle générale veut que la mise au secret soit en tout état de cause aussi courte que possible. Après la levée de la mise au secret, les interdictions 2 à 5 peuvent malgré tout perdurer. Chaque fois que la personne en charge de l’enquête tempère la rigueur de l’isolement, il en notifie l’Administration pénitentiaire.

65.Entre le 1er janvier 1997 et le 31 octobre 2001, 416 personnes ont été placées en détention provisoire, les cas se répartissant comme suit:

Année

Détention provisoireTotal

Détention partagée

Isolement cellulaire

1997

88

18

70

1998

56

14

42

1999

115

15

100

2000

76

5

71

2001

81

6

75

66.Durée de l’isolement cellulaire imposé dans le cas des 358 personnes en détention provisoire:

Durée de l’isolement cellulaire

Nombre de prisonniers

Une semaine ou moins (1 à 7 jours)

196

Une à deux semaines (8 à 14 jours)

75

Deux à trois semaines (15 à 21 jours)

42

Trois à quatre semaines (22 à 28 jours)

19

Quatre à cinq semaines (29 à 36 jours)

13

Cinq à six semaines (37 à 44 jours)

6

Six semaines ou plus (45 à 84 jours)

7

On trouvera plus de précisions dans le document IV joint au présent rapport sur le nombre de jours passés par les détenus en isolement cellulaire.

67.Il est très rare que l’isolement cellulaire se prolonge au-delà de six semaines. Les sept cas mentionnés ci-dessus dans lesquels il a effectivement dépassé six semaines s’expliquaient par les besoins d’une instruction de longue haleine sur des affaires de toxicomanie extrêmement complexes.

68.Dans la grande majorité des cas, les personnes placées en détention provisoire sont détenues dans la prison de Litla Hraun qui peut en accueillir 10. La nature des contacts entre les gardiens et les détenus n’est pas déterminée par avance; au contraire, elle dépend des besoins de chaque prisonnier. L’état physique et mental de chacun est pris en considération, de même que le risque que chacun puisse s’infliger des blessures. Selon l’évaluation qui en est faite, les gardiens rendent plus ou moins souvent visite aux détenus. Des règles spéciales ont été édictées en septembre 1999 sur les moyens de répondre au risque de suicide, y compris sur le suivi des détenus. Une caméra d’observation a été installée dans une cellule utilisée presque exclusivement pour les détenus qui risquent de tenter de se suicider. Chaque cellule est équipée d’un bouton de sonnette sur lequel les détenus peuvent appuyer pour appeler à l’aide ou demander un service. Ce bouton déclenche un système d’interphone permettant au détenu de faire savoir ce qu’il veut au gardien, d’aller aux toilettes, de sortir du bâtiment, etc. Les contacts qui existent entre les gardiens et les détenus peuvent être plus ou moins fréquents, selon les vœux des détenus. Les loisirs offerts aux détenus se limitent à la lecture et à la musique. La prison de Litla Hraun n’est pas équipée de télévisions permettant aux détenus de regarder des films dans leur cellule. La nouvelle prison qu’il est prévu de construire dans les cinq années à venir dans la région de Reykjavik devrait offrir bien d’autres facilités aux personnes placées en détention provisoire pour leur permettre de se livrer à des activités récréatives pendant qu’elles sont au secret. Les règlements applicables aux sorties ont été assouplis considérablement au cours des dernières années, passant d’un maximum d’une heure par jour à un laps de temps pratiquement illimité. Actuellement, une personne placée en détention provisoire peut demander la permission de sortir du bâtiment à n’importe quelle heure de la journée. Les prisonniers passent ces périodes dans un jardin hermétiquement clos.

69.Il est rare que la décision de la personne en charge d’une enquête d’imposer l’isolement cellulaire soit attaquée en justice et l’on peut supposer, à la lumière de l’amendement apporté aux règlements en 1995, déclarant que les prisonniers doivent être informés clairement de leur droit de contester cette décision devant un juge, que ceci s’explique par le fait que les détenus considèrent généralement cette décision comme acceptable. Il faudrait ajouter qu’ils peuvent contester ces décisions en justice, à tout moment de leur isolement cellulaire.

70.Entre le 1er janvier 1997 et le 31 octobre 2001, trois cas seulement ont été soumis au tribunal de district de Reykjavik concernant les modalités de la détention provisoire. Deux cas ont abouti au rejet de la requête des détenus (affaires nos R‑14/1997 et R-194/2001), tandis que le troisième a abouti à un compromis avec la police (affaire n° 190/2001). Aucun des deux verdicts n’a fait l’objet d’un recours devant la Cour suprême. Un cas a été soumis au tribunal de district de Reykjanes: le juge du tribunal de district a débouté le détenu, mais la Cour suprême s’est prononcée en sa faveur (arrêt de la Cour suprême no 1997:3239). Dans l’affaire n° R‑14/1997, l’intéressé a été placé en détention provisoire par un juge le 12 janvier 1997 jusqu’au 28 janvier. Devant le tribunal, la personne en charge de l’enquête avait déclaré que le prévenu serait l’objet d’une mesure d’isolement complet. Le 14 janvier, le tribunal a été saisi de la plainte de l’intéressé contre cette mesure. Le même jour, le juge a pris une décision déboutant le détenu de sa requête à être retiré de l’isolement au motif que l’instruction serait longue et qu’il restait à interroger de nombreux témoins et autres personnes susceptibles d’être impliquées dans les faits criminels qui lui étaient reprochés. Dans l’affaire n° R‑190/2001, le détenu se plaignait de l’interdiction qui lui était faite de recevoir des visites. Au tribunal, la police a suggéré un compromis consistant à autoriser les parents du détenu et son amie à lui rendre visite sous la supervision de la police une fois qu’il aurait fait sa déposition, laquelle était prévue le lendemain matin. Le détenu a accepté cet arrangement et a retiré sa plainte. Dans l’affaire n° R‑194/2001, l’intéressé avait été placé en détention provisoire le 17 avril après avoir importé illégalement 2 700 comprimés d’ecstasy en Islande. Le 23 avril, il a déposé plainte contre l’interdiction qui lui était faite de recevoir des visites car il souhaitait voir son amie. Le 26 avril, l’affaire a été entendue par un juge. La police a fait valoir que l’enquête en était encore à ses débuts et qu’il lui fallait encore interroger le détenu et d’autres personnes liées à cette affaire, dont sa petite amie. Aussi fallait-il, pour les besoins de l’enquête, maintenir un peu plus longtemps l’interdiction de toute visite. Le même jour, le juge a décidé de rejeter la demande du détenu de recevoir la visite de sa petite amie sous surveillance au motif qu’elle pourrait nuire à l’enquête. Dans l’affaire n° 1997:3239 dont la Cour suprême a été saisie, le 13 novembre 1997, la Cour est parvenue à la conclusion qu’il n’y avait aucun motif de garder le détenu au secret et de continuer à lui interdire de recevoir des visites (interdiction en partie levée), de donner ou de recevoir des coups de téléphone, de censurer sa correspondance et de lui interdire l’accès aux médias, comme l’intéressé y avait été condamné le 3 octobre, puisque l’enquête de la police était officiellement close et que le dossier avait été transmis au Procureur. Le fait qu’une autre personne placée en détention provisoire fût inculpée dans la même affaire ne justifiait en rien l’isolement presque complet du détenu, car il existait d’autres mesures propres à garantir l’absence de tout contact entre les deux hommes. Le tribunal de district avait annulé la décision d’interdiction d’accès aux médias.

71.À la lumière de ce qui précède, le Gouvernement islandais considère que la législation islandaise garantit un usage modéré de l’étroite marge de manœuvre autorisant l’isolement cellulaire et que tout porte à croire que tel est bien le cas. Il estime aussi que les intérêts des personnes soumises à la détention au secret sont pleinement garantis par la législation en vigueur puisque, à toute étape de la procédure, elles peuvent contester la décision de mise au secret devant un juge. Aussi, n’y a‑t‑il pas lieu, à son avis, de modifier les arrangements existants.

C. Recommandation du Comité tendant à ce que la législation relative aux éléments de preuve à produire lors de procédures judiciaires soit mise en conformité avec les dispositions de l’article 15 de la Convention afin que soient expressément exclues toutes les preuves obtenues par la torture

72.Prière de se reporter aux informations données à propos de l’article 15 de la Convention aux paragraphes 141 à 144 du rapport initial. Il y est question des deux grands principes de la procédure pénale islandaise: premièrement, les juges apprécient librement les éléments de preuve produits dans une affaire criminelle et, deuxièmement, les éléments de preuve sont produits directement. Dans les affaires judiciaires, la législation islandaise n’interdit pas expressément la production à titre de preuve d’une déclaration qui s’avère avoir été obtenue sous la torture. Il est de règle qu’un juge apprécie les preuves produites en toute liberté. C’est pourquoi le droit procédural n’interdit pas la production de certains éléments de preuve ni ne prévoit de règles applicables à l’appréciation des éléments de preuve dans certaines situations. De l’avis du Gouvernement islandais, le droit islandais de l’administration de la preuve dans les affaires criminelles garantit qu’une personne ne peut être condamnée sur la base d’aveux s’il est établi qu’ils ont été obtenus sous la torture. Aussi estime-t-il inutile de modifier la loi pour exclure explicitement la production de preuves obtenues sous la torture. Il faut aussi souligner que jamais les tribunaux n’ont eu à connaître de cas de dépositions de détenu obtenues par la torture.

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