I.Introduction
L’article 6 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes énonce l’obligation juridique qu’ont les États parties de prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour mettre fin à toutes les formes de traite des femmes et d’exploitation de la prostitution des femmes. Malgré la pléthore de cadres juridiques et stratégiques en vigueur visant à lutter contre la traite aux niveaux national, régional et international, les femmes et les filles continuent de constituer la majorité des victimes de la traite recensées dans le monde, et les trafiquants jouissent d’une impunité généralisée.
De l’avis du Comité, la situation persiste en raison d’un manque d’appréciation de la dimension genrée de la traite en général et, en particulier, de la traite des femmes et des filles qui sont exposées à divers types d’exploitation, y compris l’exploitation sexuelle. Une analyse tenant compte des questions de genre révèle que les causes profondes de ce crime résident dans la discrimination fondée sur le genre, notamment l’incapacité à s’attaquer aux structures économiques et patriarcales dominantes et les effets négatifs et différents selon le sexe des régimes des États parties en matière de travail, de migration et d’asile, qui créent les situations de vulnérabilité qui font que des femmes et des filles sont victimes de traite.
Les politiques économiques dominantes au niveau mondial creusent encore les importantes inégalités économiques entre les États et entre les individus, ce qui se traduit par l’exploitation par le travail, notamment par le rejet de la part des entreprises, des responsables des marchés publics et des employeurs de l’obligation de veiller à ce qu’il n’y ait pas de victimes de la traite dans leurs chaînes d’approvisionnement ou de production. Les facteurs macroéconomiques et politiques mondialisés, notamment la privatisation des biens publics, la déréglementation des marchés du travail, le recul de l’État-providence et les mesures d’austérité qui font partie des politiques d’ajustement structurel et conditionnent l’octroi des aides aggravent souvent le chômage et la pauvreté et sont source d’injustices économiques qui frappent les femmes de manière disproportionnée. Souvent accompagnés d’autres politiques économiques, telles que la réduction des dépenses publiques en matière de services sociaux et la privatisation des biens et services publics, l’institution d’impôts régressifs et les réformes du marché du travail, ces facteurs entravent fortement la capacité des États de mettre en œuvre des politiques sociales qui constituent la base de la lutte contre les inégalités structurelles, notamment les inégalités de genre et les violations des droits humains des femmes dans divers domaines. La réduction des dépenses sociales transfère encore davantage la responsabilité des services sociaux de base du gouvernement vers les femmes. Ces facteurs renforcent les normes culturelles et sociales discriminatoires qui engendrent l’oppression de divers groupes de femmes, et sont perpétués par ces normes.
II.Objectifs et portée
Chargé par l’article 21 de la Convention de formuler des recommandations générales dans le but de préciser l’obligation qu’ont les États parties de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes et des filles, le Comité estime que le droit de vivre sans être victime de traite doit être reconnu comme un droit humain et que des conditions appropriées doivent être créées pour que ce droit soit pleinement exercé par les femmes et les filles. Les États parties doivent rechercher tous les moyens appropriés pour éradiquer la traite et l’exploitation de la prostitution et faire en sorte que des lois, des systèmes, des réglementations et des financements soient mis en place afin que la réalisation de ce droit soit effective et non illusoire. Les dispositions de la Convention se renforcent mutuellement afin d’assurer une protection complète. La présente recommandation générale établit un lien entre l’article 6 de la Convention et tous les autres articles de la Convention et la jurisprudence du Comité.
Dans cette recommandation générale, le Comité place la mise en œuvre des obligations des États parties en matière de lutte contre toutes les formes de traite, énoncées à l’article 6 de la Convention, dans le contexte des migrations internationales. Les filières de la traite des personnes s’alignent souvent sur les flux migratoires mixtes. Le Comité souligne que les femmes et les filles faisant l’objet d’un trafic sont particulièrement exposées à la traite et attire l’attention sur les conditions créées par les régimes restrictifs en matière de migration et d’asile, qui poussent les migrants vers des filières clandestines.
Dans cette recommandation générale, le Comité affirme que les États ont le devoir prioritaire, tant individuellement que collectivement, d’empêcher que les femmes et les filles soient exposées au risque de traite. Ils sont également tenus de décourager la demande qui favorise l’exploitation et aboutit à la traite. Le Comité a défini des orientations pratiques pour la mise en œuvre d’actions visant à lutter contre la traite fondées sur une approche intégrant une perspective de genre et des perspectives croisées, l’accent étant mis sur la réalisation des droits humains des femmes et des filles en tant que priorité stratégique pour parvenir à un développement durable. Il rappelle l’obligation qui incombe aux États parties en vertu du droit international, y compris la jurisprudence du Comité, de repérer, d’aider et de protéger les personnes qui ont fait l’objet de traite, d’empêcher une nouvelle victimisation et de garantir leur accès à la justice et la punition des auteurs.
Le Comité a conscience que les causes et les conséquences de la traite et les situations de traite sont différentes pour les filles, les adolescentes et les femmes adultes. Il souligne la vulnérabilité accrue des filles liée aux caractéristiques croisées du sexe et de l’âge, rappelant que les enfants victimes de la traite ont droit à des protections renforcées sur le fond et en matière de procédure en vertu du droit international. Le Comité encourage les États parties à prendre en compte l’ensemble de ces différences, en veillant à ce que les mesures de lutte contre la traite soient adaptées à l’âge des enfants et centrées sur eux, le cas échéant.
III.Cadre juridique
L’article 6 de la Convention est fondé sur l’article 8 de la Déclaration sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, qui dispose que toutes les mesures appropriées doivent être prises, y compris des dispositions législatives, pour combattre, sous toutes leurs formes, la traite des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes. Le droit international sur la question a été codifié et développé dans la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Il découle de cette base juridique que l’article 6 doit être lu comme une disposition indivisible, qui lie la traite et l’exploitation sexuelle.
Si la traite constitue une infraction pénale au regard du droit international, l’obligation première des États parties est de la combattre d’une manière qui respecte, protège et mette en œuvre les droits de l’homme, tels qu’ils sont énoncés dans les principaux traités de l’ONU relatifs aux droits de l’homme, s’agissant en particulier des personnes qui appartiennent à des groupes marginalisés, en s’inspirant de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les « Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains : Recommandations » élaborés par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme en 2002, et le commentaire y afférent élaboré en 2010 constituent un important cadre de droit souple pour l’intégration d’une approche fondée sur les droits de l’homme dans toutes les interventions en matière de lutte contre la traite.
Le Comité affirme que la discrimination à l’égard des femmes et des filles inclut la violence fondée sur le genre, dont l’interdiction est devenue un principe du droit international coutumier. Conscient de la nature genrée des diverses formes de traite des femmes et des filles et de leurs conséquences, notamment en ce qui concerne les préjudices subis, le Comité reconnaît que la traite et l’exploitation de la prostitution des femmes et des filles trouvent clairement leur origine dans une discrimination structurelle et fondée sur le sexe et constituent une violence fondée sur le genre, et que ce phénomène est souvent exacerbé dans les contextes de déplacement et de migration, de mondialisation accrue des activités économiques, y compris les chaînes d’approvisionnement mondiales, des industries extractives et offshore et du militarisme accru, et dans les situations d’occupation étrangère, de conflit armé, d’extrémisme violent et de terrorisme.
La définition juridique admise sur le plan international de la traite des personnes figure à l’article 3 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants :
a)L’expression « traite des personnes » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;
b)Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée, telle qu’énoncée à l’alinéa a) du présent article, est indifférent lorsque l’un quelconque des moyens énoncés à l’alinéa a) a été utilisé.
Le Comité souligne que les réalités de la traite des femmes et des filles dépassent la portée du Protocole relatif à la traite des personnes, comme en témoignent les tendances récentes et le rôle des technologies de l’information et des communications, des médias sociaux et des applications de messagerie dans le recrutement des femmes et des filles et leur exploitation. Il reconnaît que la définition de la traite des personnes s’étend au-delà des situations dans lesquelles la violence physique a été utilisée ou dans lesquelles la victime a été privée de sa liberté personnelle. L’examen des rapports des États parties a révélé que l’abus d’une position de vulnérabilité et l’abus de pouvoir sont les moyens les plus couramment utilisés pour commettre le crime de traite et que les victimes sont souvent soumises à de multiples formes d’exploitation.
La lutte contre la traite des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales nécessite l’utilisation d’un cadre de protection plus large découlant du droit international humanitaire, du droit des réfugiés, du droit pénal, du droit du travail et du droit international privé, des conventions contre l’apatridie, l’esclavage et la traite des esclaves et des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme. La Convention renforce et complète le régime juridique régional et international concernant les victimes de la traite, en particulier dans les cas où les accords internationaux ne contiennent pas de dispositions expresses sur l’égalité des genres. Le Comité reconnaît que les femmes et les filles conservent la protection concomitante de ces instruments juridiques.
La traite et l’exploitation sexuelle des femmes et des filles constituent une violation des droits humains et peuvent constituer une menace pour la paix et la sécurité internationales. L’obligation positive des États parties d’interdire la traite est renforcée par le droit pénal international, notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, dans lequel la réduction en esclavage, l’esclavage sexuel et la prostitution forcée sont reconnus comme des crimes pouvant relever de la compétence de la Cour.
L’obligation qui incombe aux acteurs non étatiques de respecter l’interdiction de la traite découle également de la norme impérative (jus cogens) interdisant l’esclavage, la traite des esclaves et la torture, et le Comité note que, dans certains cas, la traite des femmes et des filles peut constituer une violation de ces droits.
L’action stratégique mondiale des États visant à lutter contre la traite, en particulier des femmes et des filles, doit s’inscrire dans le cadre des engagements énoncés dans le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que dans le contexte de la mise en œuvre du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre la traite des personnes et des résolutions du Conseil de sécurité.
Les États parties ont l’obligation juridique de respecter et de garantir les droits énoncés dans la Convention à toute personne sous leur pouvoir ou leur contrôle effectif, même si cette personne ne se trouve pas sur leur territoire. L’obligation directe qu’ont les États parties de prévenir les actes de traite des femmes et des filles, d’enquêter sur ces actes, d’engager des poursuites, d’appliquer des sanctions et d’offrir une réparation aux victimes s’étend aux actes ou omissions de tous les auteurs, y compris les personnes privées, les membres de la famille et les partenaires intimes, les acteurs et fonctionnaires mandatés par l’État, les organisations et les entreprises, ainsi que les acteurs non étatiques, y compris les groupes terroristes armés.
IV.Les causes profondes de la traite des femmes et des filles
L’identification, l’examen et l’élimination des causes profondes suivantes sont des éléments clés de l’obligation qu’ont les États parties de prévenir la traite et l’exploitation sexuelle des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales : a) la discrimination systémique fondée sur le genre, qui crée des injustices économiques et sociales touchant les femmes et les filles de manière disproportionnée ; b) les situations de conflit et d’urgence humanitaire, y compris les déplacements qui en découlent ; c) la discrimination dans les régimes de migration et d’asile ; d) la demande qui favorise l’exploitation et aboutit à la traite.
Le droit pénal ne peut à lui seul lutter contre le crime de traite ou y remédier, en raison du manque d’harmonisation des lois, y compris en ce qui concerne la définition de la traite, tant entre les pays que dans les législations internes, de la complexité des opérations financières et de l’impuissance des systèmes judiciaires – souvent corrompus, sous-financés et manquant de ressources – à lutter contre les puissants réseaux de traite. Une réponse efficace à la traite, garantissant que les femmes et les filles puissent exercer leurs droits fondamentaux, doit donc faire appel à toutes les dispositions de fond de la Convention et s’inscrire dans le cadre des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme.
A.L’injustice socioéconomique
La traite des femmes et des filles trouve son origine dans la discrimination fondée sur le sexe et sur le genre, dans les inégalités structurelles fondées sur le genre et dans la féminisation de la pauvreté. Les femmes et les filles les plus exposées à la traite sont celles qui appartiennent à des groupes marginalisés, comme les femmes et les filles qui vivent dans des zones rurales et reculées, celles qui appartiennent à des communautés autochtones et à des communautés ethniques minoritaires, les femmes et les filles handicapées, les femmes et les filles migrantes en situation irrégulière, ainsi que celles qui sont déplacées, qui sont apatrides ou qui risquent de l’être, les femmes et les filles réfugiées et demandeuses d’asile, y compris celles dont la demande a été rejetée, les femmes et les filles qui vivent dans des zones de conflit ou des zones postconflictuelles, ou qui viennent de telles zones, et les filles privées de protection ou qui sont dans un cadre de protection de remplacement, et toutes connaissent d’importantes privations de leurs droits. Les membres de ces groupes sont souvent victimes d’exclusion sociale, politique et économique, ce qui les rend davantage susceptibles d’être pauvres, sans instruction ou peu instruites, non enregistrées ou sans papiers et au chômage ou en situation de sous-emploi, de supporter la charge du ménage et celle de l’éducation des enfants, d’avoir un accès restreint aux prestations, à la protection et aux services de l’État, de subir des violences conjugales et familiales, d’être victimes de maltraitance et de négligence dans le milieu familial, d’être placées en institution et d’être victimes d’un mariage d’enfant, d’un mariage forcé ou d’un mariage servile ou de privations dues au veuvage. Ces situations peuvent être aggravées par le fardeau supplémentaire que représente une déficience ou une maladie grave qui est une conséquence de la traite, y compris l’exploitation sexuelle.
Les femmes et les filles restent les principales cibles des trafiquants pour certaines formes d’exploitation, en raison des inégalités omniprésentes et persistantes liées au sexe et à l’âge, qui se traduisent par un statut économique, social et juridique des femmes et des filles inférieur à celui dont jouissent les hommes et les garçons. Les violations de tous les droits prévus par la Convention peuvent être à l’origine de la traite des femmes et des filles et doivent être traitées dans le cadre d’une démarche porteuse de changement qui renforce l’autonomie des femmes et des filles en promouvant l’égalité des genres et les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des femmes et des filles, conformément aux objectifs de développement durable nos 1, 3, 4, 5, 8, 10, 11, 13 et 16.
B.La discrimination dans les régimes de migration et d’asile
La migration est un élément constitutif de la société moderne et peut être un facteur d’autonomisation pour les femmes si elles sont capables de migrer et de travailler dans des conditions où leur dignité est respectée. Bien qu’elle offre de nouvelles opportunités sociales et économiques à de nombreuses femmes, la migration peut également mettre en danger les droits humains et la sécurité des femmes, en particulier si elles sont obligées de voyager par des canaux irréguliers ou si la migration entraîne une situation irrégulière au regard de la législation relative à l’immigration. Les femmes et les filles courent un risque accru d’être victimes de la traite à tous les stades du cycle migratoire – en transit, dans les structures d’accueil et d’hébergement, aux frontières et dans les pays de destination. À leur retour, elles peuvent subir des représailles et être de nouveau victimes de traite.
Les États ont le pouvoir souverain de contrôler leurs frontières et de réglementer la migration, mais ils doivent le faire dans le plein respect des obligations découlant des traités relatifs aux droits de l’homme qu’ils ont ratifiés ou auxquels ils ont adhéré. Cela suppose qu’ils régissent la migration et offrent des voies sûres garantissant les droits humains des femmes à tous les stades de la migration en appliquant les principes de transparence et de responsabilité.
Les politiques de migration et d’asile discriminatoires ou différenciées selon le sexe, établissant des mesures telles que le renforcement des contrôles aux frontières, le refus d’entrée, le refoulement, l’expulsion ou la détention, limitent la circulation des femmes et des filles qui fuient les crises et les zones de conflit. Elles accroissent la vulnérabilité des femmes et des filles face à toutes les formes d’exploitation, en particulier aux points de transit, notamment parce qu’elles doivent davantage recourir aux services de passeurs ou à d’autres types de réseaux clandestins ou criminels pour se déplacer, aux niveaux tant national qu’international, afin d’échapper aux contrôles aux frontières. Les filles non accompagnées ou séparées de leur famille ou d’autres structures d’aide en raison du déplacement sont particulièrement exposées à la traite.
Le Comité réaffirme que le déplacement présente certaines dimensions de genre et que la Convention s’applique à chaque étape du cycle de déplacement – pendant la fuite, dans le lieu de séjour et au retour. Selon lui, la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles est l’une des principales formes de persécution que subissent les femmes et les filles et peut justifier l’octroi du statut de réfugié et de l’asile ou d’un permis de séjour pour motifs humanitaires. La traite des femmes et des filles enfreint des dispositions précises de la Convention relative au statut des réfugiés et devrait donc être reconnue comme un motif légitime de protection internationale en droit et en pratique, dans des cas précis. En outre, les femmes et les filles réfugiées sont très exposées au risque de traite et ont besoin d’une protection internationale, notamment contre le refoulement.
Les dispositions neutres du point de vue du genre dans les politiques migratoires des États contribuent à limiter l’accès des femmes à des voies de migration sûres et régulières et à des possibilités d’emploi régulier et décent dans les pays de transit et de destination. La capacité des femmes de migrer est encore plus limitée par les stéréotypes genrés, les lois discriminatoires, la discrimination et l’exploitation dans le cadre du recrutement, le manque de travail décent disponible et le peu d’informations fiables sur la migration. Les femmes migrantes font également face à une discrimination indirecte due aux lois sur la migration qui prévoient des conditions préalables telles qu’un revenu minimum obligatoire pour l’obtention d’un visa. Étant donné que les femmes occupent souvent des emplois mal rémunérés et précaires, il est difficile pour certaines d’entre elles de satisfaire à ces critères.
Les régimes de visa peuvent engendrer une dépendance économique et juridique à l’égard d’un employeur ou d’un conjoint et créer des conditions propices à l’exploitation, qui permettent aux responsables d’agir en toute impunité. Le travail temporaire ou saisonnier auquel les femmes migrantes sont souvent employées peut ne pas donner accès à un emploi plus régulier, à long terme ou permanent et n’offre souvent pas de protection contre le chômage, ni d’accès aux soins de santé ou à d’autres services essentiels et de protection sociale tenant compte des questions de genre. Les interdictions ou restrictions de migration fondées sur le sexe qui sont destinées à protéger les femmes contre la traite augmentent souvent le risque que les femmes soient victimes de traite, puisqu’elles sont alors obligées de chercher d’autres moyens de migrer.
Un nombre disproportionné de femmes migrantes occupent des emplois informels et précaires, en particulier dans les secteurs dits « peu qualifiés », tels que les soins, les services domestiques et le secteur manufacturier. Dans ces secteurs, les règles et politiques migratoires fondées sur le sexe s’ajoutent à la discrimination raciale, perpétuant les stéréotypes liés au sexe sur ce qu’on appelle le « travail des femmes » et la discrimination à l’égard des femmes. Ces marchés du travail marqués par la ségrégation sexuelle n’offrent pas de conditions de travail décentes et sûres, soit parce qu’ils font partie de l’économie informelle non réglementée, soit, lorsqu’ils sont réglementés, parce qu’ils offrent moins de protection que les secteurs répondant aux normes nationales. Les femmes migrantes, en particulier les domestiques et les ouvrières agricoles, peuvent être confinées sur leur lieu de travail et ont peu accès aux informations sur leurs droits, ce qui les expose au risque de graves violations des droits humains.
C.Une demande qui favorise l’exploitation et aboutit à la traite
Les stratégies visant à prévenir la traite doivent prendre en compte la demande comme cause première. On sait que la non-reconnaissance de la demande constitue l’un des obstacles à la lutte des États contre la traite des personnes. La demande dans le contexte de la traite est souvent orientée par le désir de gain financier, les attitudes discriminatoires, y compris les attitudes culturelles, et les croyances. Les femmes peuvent être préférées pour certaines formes d’exploitation parce qu’elles sont perçues comme faibles et moins susceptibles de s’affirmer ou de revendiquer leurs droits. Les membres de certains groupes ethniques ou raciaux peuvent être ciblés pour une exploitation liée à la traite sur la base de postulats racistes ou culturellement discriminatoires concernant notamment leur sexualité, leur servilité ou leur capacité de travail. Il est particulièrement urgent de s’attaquer à la demande relative à certaines formes de traite.
L’exploitation sexuelle persiste parce que les États parties ne parviennent pas à décourager efficacement la demande qui favorise l’exploitation et aboutit à la traite. La persistance de normes et de stéréotypes concernant la domination masculine et la nécessité d’affirmer le contrôle ou le pouvoir masculin, de faire respecter les rôles de genre liés au patriarcat et les droits sexuels des hommes, la coercition et le contrôle alimentent la demande pour l’exploitation sexuelle des femmes et des filles. La possibilité d’immenses gains financiers associés à peu de risques en raison de l’impunité est encore très répandue. En vertu de l’article 9 (par. 5) du Protocole relatif à la traite des personnes, les États doivent adopter ou renforcer des mesures législatives ou autres pour décourager la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation des personnes, en particulier des femmes et des enfants, aboutissant à la traite. La nécessité de s’attaquer à la demande qui favorise l’exploitation sexuelle est particulièrement impérieuse dans le contexte de la technologie numérique, qui expose les victimes potentielles à un risque accru d’être l’objet de traite.
Dans le contexte du travail en tant que forme de traite des femmes et des filles, la demande pour la traite persiste en raison d’un environnement réglementaire insuffisant. Quand les travailleurs sont organisés, quand les normes de travail relatives aux salaires, aux heures et conditions de travail, à la santé et à la sécurité sont contrôlées et appliquées, et quand les droits économiques et sociaux, ainsi que les modifications des lois fiscales permettant aux États de financer les services publics dont les femmes ont besoin sont mis en œuvre de manière adéquate, la demande de travail ou de services impliquant l’emploi de victimes de la traite est nettement inférieure.
Les progrès de la médecine en matière de transplantation d’organes donnent aux personnes gravement malades une chance de survie. Cependant, l’importante pénurie d’organes humains et le fait que la responsabilité juridique des acteurs de la chaîne de demande et d’approvisionnement ne soit pas prise en compte encouragent des prélèvements d’organes non réglementés et souvent forcés.
D.Les situations de conflit et d’urgence humanitaire
Les obligations des États parties ne cessent pas pendant les états d’urgence dus à un conflit, à des événements politiques, à une crise sanitaire ou à une catastrophe naturelle. Les femmes et les filles sont plus exposées à la violence fondée sur le genre, y compris la traite, lorsqu’elles ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins de base ou lorsqu’elles perdent tout espoir de sortir du dénuement économique, ce qui se produit plus fréquemment dans de telles situations.
Les cas de traite des femmes et des filles se multiplient pendant et après les situations de conflit et d’urgence humanitaire, en raison des déplacements, de l’effondrement des structures politiques, économiques et sociales, de l’instabilité et d’une gouvernance déficiente, y compris l’absence d’État de droit, le militarisme accru, la disponibilité d’armes légères, l’affaiblissement ou le relâchement des liens communautaires et familiaux, le nombre important de femmes qui se retrouvent veuves et la « normalisation » de la violence fondée sur le genre, dont la violence sexuelle liée au conflit, en tant que facteur aggravant de la discrimination structurelle et fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles qui préexistait.
Les flux financiers vers certains groupes terroristes restent une composante essentielle de la traite, en particulier l’exploitation sexuelle. Dans les situations d’urgence humanitaire, les gouvernements sont souvent amenés à réaffecter des ressources, y compris celles relatives aux services de police et aux services sociaux, ce qui permet aux trafiquants de dissimuler plus facilement leurs opérations et rend les victimes de moins en moins visibles, et fait qu’il est plus difficile pour les victimes de demander une protection, des services, une assistance et un soutien.
E.L’utilisation des technologies numériques aux fins de la traite
Les technologies numériques peuvent avoir des effets bénéfiques sur la société. Dans le même temps, elles posent de nouveaux problèmes de sécurité, tant au niveau des individus qu’au niveau des États. L’argent électronique offre des outils permettant de dissimuler des informations personnelles, comme l’identification des parties à une transaction et leur localisation, et permet d’effectuer des paiements anonymes, sans même révéler l’objet de la transaction, ce qui facilite la traite. Les canaux de la demande que sont les médias sociaux, le « dark Web » et les plateformes de messagerie permettent d’accéder facilement aux victimes potentielles, ce qui accroît leur vulnérabilité.
L’utilisation des technologies numériques aux fins de la traite pose des problèmes particuliers pendant les pandémies. Dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19), les États parties font face à une augmentation de la traite dans le cyberespace, notamment à une hausse du recrutement à des fins d’exploitation sexuelle en ligne, de la demande de matériel pédopornographique et de la traite d’enfants à des fins d’exploitation sexuelle facilitée par la technologie.
V.Des mesures d’assistance et de protection pour les femmeset les filles victimes de la traite
A.L’identification des victimes
Le droit international des droits de l’homme impose aux États l’obligation positive d’identifier les victimes de la traite, devoir dont les États doivent absolument s’acquitter, que la victime elle-même s’identifie ou non comme telle. Les victimes sont souvent cachées dans des lieux non publics, tels que des résidences privées, des usines et des fermes isolées et des maisons closes. Les professionnels de première ligne n’ont souvent pas la formation requise pour comprendre et identifier tous les types de victimes, y compris celles qui ont été l’objet d’une exploitation sexuelle, et les formes croisées d’exploitation, et pour prendre les mesures appropriées. Les centres d’enregistrement qui accueillent des migrants aux profils très divers manquent d’espaces appropriés et confidentiels dans lesquels un personnel et des interprètes formés, en mesure d’évaluer rapidement les indicateurs de vulnérabilité et de fournir un soutien adéquat, pourraient procéder à l’identification. Les victimes sont souvent réticentes à s’identifier comme telles ou à révéler l’identité des responsables de la traite, par crainte de représailles, en raison du manque d’informations sur le crime et sur le lieu où il est possible de le signaler et de la crainte d’entrer en contact avec les autorités, notamment par peur d’être placées en détention, poursuivies, punies et expulsées.
B.Des mesures d’assistance et de protection pour les victimes
Les victimes de la traite ont un statut particulier et ont droit à des mesures d’assistance et de protection spéciales fournies par l’État. Souvent, les actions visant à lutter contre la traite ne comprennent pas suffisamment de mesures d’assistance et de protection à long terme qui soient globales, centrées sur les victimes et fondées sur leurs besoins, parce que les victimes ne sont pas toujours identifiées comme telles et parce que la définition de la traite dans la législation nationale est lacunaire et que la législation n’est pas suffisamment appliquée.
Les victimes de la traite ont besoin de services d’aide de grande qualité, disponibles immédiatement, qui soient inclusifs et accessibles et comprennent l’accès à l’information sur leurs droits et sur les services médicaux, psychologiques, sociaux et juridiques qui leur sont offerts et la manière d’y accéder, et l’accès à un hébergement sûr et approprié. Pourtant, elles ont souvent un accès limité aux services essentiels, tant dans le lieu où elles sont identifiées en tant que victimes que dans leur lieu d’origine, pour les raisons suivantes : le coût de la prestation des services et la langue dans laquelle ces services sont fournis ; le manque de sensibilisation aux questions de genre ou à la culture et le manque de pratique de la prise en compte des traumatismes ; le fait que les premiers intervenants ne procèdent pas à une évaluation des risques et à une orientation des victimes appropriées ; la crainte d’être forcées de participer à un programme de réadaptation ou de coopérer avec les autorités chargées de faire appliquer la loi dans le cadre des poursuites intentées contre les auteurs de traite ; la crainte d’être poursuivies pour des infractions commises en conséquence directe de la traite ou pour des infractions à la législation sur l’immigration. Une assistance adéquate doit être fournie aux femmes et aux filles handicapées, qui sont particulièrement vulnérables à la traite.
Les États parties sont tenus de protéger les victimes de la traite, en particulier les femmes et les enfants, contre une nouvelle victimisation, ce qui suppose de garantir aux victimes de la traite une protection contre le renvoi forcé.
VI.L’accès des victimes à la justice
Les femmes et les filles victimes de la traite, dont celles qui sont en situation irrégulière au regard de la législation sur l’immigration, doivent se voir garantir l’accès à la justice sur la base de l’égalité et de la non-discrimination, y compris la poursuite des trafiquants et la mise à disposition de voies de recours. Toutefois, les systèmes judiciaires existants sont peut-être davantage susceptibles de violer les droits des femmes que de les protéger, notamment lorsqu’ils traitent ces femmes comme des criminelles, les stigmatisent, sont à l’origine d’une nouvelle victimisation, les harcèlent, voire exercent des représailles à leur encontre.
A.Des recours pour les victimes de la traite
L’article 2 [al. b)] de la Convention oblige les États parties à fournir des recours appropriés et efficaces, y compris la restitution, la réadaptation, l’indemnisation, la satisfaction et des garanties de non-répétition, aux femmes dont les droits garantis par la Convention ont été violés. Les victimes de la traite rencontrent souvent des difficultés importantes pour ce qui est de demander une indemnisation et d’autres formes de réparation, y compris des dommages-intérêts, pour le préjudice subi, notamment dans les cas où : ces mesures de réparations sont subordonnées à une coopération avec les autorités chargées de faire appliquer la loi ; les victimes n’ont pas accès à une aide juridique et à une représentation juridique de qualité tenant compte des questions de genre et des traumatismes subis ; les permis de séjour sont liés aux procédures de justice pénale et la victime est rapatriée avant d’avoir pu intenter une action au civil ; la victime supporte la charge de la preuve dans les actions au civil ; les personnes qui ont été soumises à la traite ne sont pas identifiés comme victimes d’un crime aux fins des réparations dues en vertu de la loi ; aucune indemnisation financière n’est disponible ou les produits du crime ne sont pas redistribués aux victimes.
B.Enquêtes, poursuites et sanctions
L’absence de procédures judiciaires spécialisées permettant de répondre aux besoins des victimes, la qualité insuffisante des systèmes de justice, notamment les préjugés sexistes et la rhétorique consistant à blâmer les victimes dans les tribunaux, ce qui entraîne des jugements ou des décisions discriminatoires, l’acceptation sociale explicite ou implicite de la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes, les retards dans les procédures et la durée excessive des procédures, la corruption des fonctionnaires et leur implication dans la criminalité, et la méconnaissance de la demande pour toutes les formes d’exploitation, y compris l’exploitation sexuelle, sont autant d’éléments qui font obstacles aux poursuites.
Le Comité a conscience du haut niveau de compétence requis pour enquêter sur les allégations de traite des femmes et des filles qui peuvent concerner des réseaux criminels opérant au niveau transnational et pour poursuivre les auteurs de ces faits, et de la complexité de ces enquêtes et poursuites. La nature transnationale de la traite des personnes et des migrations nécessite la coopération de tous les pays concernés et leur participation à une réponse internationale efficace et appropriée visant à protéger les droits des victimes. Les États parties ont le devoir d’accepter et de faciliter le retour volontaire de leurs ressortissants qui sont victimes de traite à l’étranger.
Le Comité condamne l’utilisation des actions de lutte contre la traite pour justifier la violence contre certains groupes de femmes, en particulier dans le cas de raids violents et d’opérations de provocation menés par les forces de l’ordre en vue de démanteler des réseaux de traite.
VII.Recommandations
A.S’attaquer aux causes profondes de la traite des femmes et des filles
Les États parties doivent s ’ employer à mobiliser des ressources publiques et à renforcer les services publics dans les domaines qui contribuent à favoriser l ’ égalité des genres et à promouvoir les droits humains des femmes et des filles, et le développement durable, afin de réduire les facteurs de risque qui conduisent à la traite. Il est essentiel de garantir la pleine réalisation des objectifs de développement durable pour s ’ attaquer aux facteurs qui augmentent les risques de traite, et en particulier réaliser l ’ égalité des genres et l ’ autonomisation des femmes et des filles, instaurer la paix et la justice, établir des institutions fortes, réduire les inégalités, mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes, assurer une éducation de qualité, inclusive et équitable, et offrir des possibilités d ’ apprentissage aux femmes et aux filles tout au long de leur vie, garantir une vie saine et favoriser le bien-être des femmes et des filles de tous âges, assurer l ’ accès des femmes et des filles à un travail décent et leur participation à la vie économique, et intégrer des mesures de lutte contre les changements climatiques dans les politiques d ’ égalité des genres.
1.L’injustice socioéconomique
Assurer la participation pleine, effective et réelle des femmes et des filles, en particulier des victimes de la traite, de celles qui risquent d ’ en être victimes et des communautés touchées par la traite ou des mesures anti - traite, à tous les niveaux de la prise de décision et à tous les stades des initiatives visant à prévenir et à combattre la traite, à la définition de mesures d ’ intervention fondées sur les droits humains et tenant compte des questions de genre, notamment à l ’ élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation des lois, politiques et programmes relatifs à la lutte contre la traite, à l ’ application continue de la Convention et du Protocole relatif à la traite des personnes et en tant que volet essentiel des processus de rétablissement de la paix, de stabilisation et de reconstruction, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et aux résolutions y faisant suite.
Adopter une démarche porteuse de changement, en favorisant l ’ égalité des genres et l ’ autonomisation des femmes, afin de s ’ attaquer aux conditions structurelles et systémiques qui privent les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux, ce qui les place en situation de vulnérabilité face à toutes les formes de traite et d ’ exploitation sexuelle.
Réduire le risque de traite en éradiquant les inégalités de genre qui sont toujours très courantes et qui se traduisent par un statut économique, social et juridique des femmes et des filles inférieur à celui dont jouissent les hommes et les garçons, en adoptant des politiques publiques et économiques qui font que les femmes et les filles ont accès à des moyens de subsistance durables et à un niveau de vie correct.
Éliminer les structures sociales qui limitent l ’ autonomie des femmes et leur accès à des ressources essentielles, ce qui augmente à son tour le risque qu ’ elles soient attirées par la promesse qui leur est faite d ’ échapper à la pauvreté, y compris le manque de possibilités d ’ éducation et de formation professionnelle, l ’ accès restreint au patrimoine, à la propriété foncière et au crédit, la faible participation à la prise de décision, l ’ inégalité des salaires, les mariages d ’ enfants et les mariages forcés, les rôles de genre liés au patriarcat, la concentration des femmes dans des emplois précaires et vulnérables et la pénurie d ’ emplois décents pour elles.
Adopter une législation pour protéger les femmes et fournir une assistance efficace aux victimes de la violence domestique, revoir le droit de la famille et s ’ attaquer aux pratiques socioculturelles, y compris les arrangements intrafamiliaux, qui font que les femmes et les filles sont davantage exposées à la traite et à l ’ exploitation sexuelle.
Éliminer les normes et valeurs patriarcales consacrées par la loi, y compris le droit de la famille, qui facilitent la traite aux fins des mariages forcés et des mariages d ’ enfants. Des mesures doivent être adoptées pour empêcher les familles d ’ accepter le « mariage » définitif ou temporaire de leur fille en échange d ’ avantages financiers. Tenir compte du fait que la « pénurie de femmes » due aux politiques de planification familiale dans certains pays a aggravé la situation.
Veiller à ce que le cadre du droit du travail soit mieux appliqué, en prenant les mesures suivantes :
a) Adopter et appliquer une législation du travail visant à protéger toutes les travailleuses, y compris les travailleuses migrantes, quels que soient les documents en leur possession, leur niveau de qualification ou le secteur dans lequel elles travaillent, qu ’ elles soient dans l ’ économie formelle ou informelle, et la durée de leur emploi, et à minimiser les risques d ’ exploitation en prévoyant des protections très claires, notamment en ce qui concerne les exigences en matière de salaire minimum, le paiement des heures supplémentaires, la santé et la sécurité et la protection sociale, les conditions de travail décentes et le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale, en particulier dans les secteurs économiques non réglementés, informels ou non contrôlés qui dépendent de la main-d ’ œuvre migrante, ou renforcer la législation existante en la matière ;
b) Allouer des ressources suffisantes aux inspecteurs du travail, augmenter leur nombre et renforcer leur capacité, leur mandat et leurs pouvoirs d ’ enquête afin qu ’ ils puissent effectuer des inspections sûres, éthiques et confidentielles en tenant compte des questions de genre, et repérer et signaler systématiquement les infractions à la législation du travail et les cas présumés de traite des femmes et des filles dans le cadre d ’ inspections de routine ou d ’ inspections non programmées, en particulier dans les secteurs fortement féminisés, et mener des inspections sur les lieux de travail et d ’ hébergement des travailleurs migrants saisonniers et informels, dans les exploitations agricoles et, le cas échéant, au sein de ménages privés ;
c) Établir un cloisonnement entre les inspections du travail, les services publics, notamment de santé, utilisés par les victimes, les autres mécanismes de surveillance et les services de contrôle de l ’ immigration et de répression du travail illégal, afin de permettre le signalement des cas présumés de traite dans le cadre des mécanismes compétents ;
d) Encourager les entreprises à établir des mécanismes de plainte sûrs et anonymes pour tous les travailleurs, en coopération avec leurs représentants, qui tiennent compte des questions de genre, afin que leurs droits du travail soient respectés et qu ’ ils puissent les exercer sans crainte de représailles ;
e) Appliquer des sanctions légales adéquates aux employeurs qui se livrent à des pratiques abusives en matière d ’ emploi et de travail ;
f) Fournir une assistance et une formation aux entreprises afin de garantir le respect des droits humains et des normes du travail, en ciblant en particulier les industries connues pour être des plaques tournantes, des points d ’ entrée ou des circuits de la traite.
Fournir un soutien économique et social spécial aux groupes de femmes et de filles défavorisées, comme celles qui vivent dans l ’ extrême pauvreté tant dans les villes que dans les campagnes, celles qui appartiennent à des groupes victimes de stigmatisation et de racisme, celles qui ont subi des abus sexuels et les femmes handicapées.
2.Mettre en place un cadre sûr relatif aux migrations
Mettre en place un cadre relatif aux migrations qui soit sûr et qui tienne compte des questions de genre afin de protéger les femmes et les filles migrantes, y compris celles qui sont en situation irrégulière, contre les violations de leurs droits humains à chaque étape de la migration, au moyen des mesures suivantes :
a) Soutenir l ’ accès à des voies de migration sûre et régulière pour éviter l ’ exploitation, y compris l ’ exploitation sexuelle, en tenant compte des besoins particuliers des femmes et de leurs enfants, et en garantissant les droits des populations migrantes à des possibilités d ’ emploi formel protégé, à l ’ éducation et à la formation professionnelle, tant dans les pays d ’ origine que dans les pays de destination ;
b) Aider les femmes candidates à l ’ émigration à obtenir de façon indépendante des documents officiels d ’ identité et de voyage afin qu ’ elles puissent se déplacer en toute sécurité, sans avoir besoin de l ’ autorisation de leur conjoint ou d ’ un tuteur de sexe masculin ;
c) Procéder à une analyse approfondie sous l ’ angle du genre de toutes les politiques et tous les programmes relatifs aux migrations, y compris ceux qui concernent l ’ emploi, les droits du travail, la détention, la délivrance de passeports, de visas et de permis de séjour, et les accords bilatéraux et multilatéraux, tels que les accords de réadmission ;
d) Élargir l ’ accès au regroupement familial, en prêtant particulièrement attention à la question de la dépendance psychosociale et économique, et en tenant compte des différents types de familles ;
e) Défendre les droits des enfants, garantir leur droit d ’ être entendus et considérer les filles non accompagnées comme des personnes particulièrement vulnérables ayant encore plus besoin d ’ être protégées.
Conformément au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, le Comité engage les États parties à :
a) Participer aux initiatives régionales et signer des accords bilatéraux avec les pays de destination de la main - d ’ œuvre, afin d ’ assurer la coordination entre les États parties pour renforcer la coopération aux fins de la réglementation des conditions de travail, conformément aux normes internationales du travail et des droits de l ’ homme, qui garantissent la protection et la promotion des droits des travailleuses migrantes ;
b) Veiller à ce que les représentants des travailleurs prennent part à l ’ élaboration de ces accords ;
c) Établir dans les pays de destination des mécanismes qui permettent de remédier aux violations des droits des travailleuses migrantes en cours d ’ emploi, et en particulier de signaler les cas d ’ exploitation et de réclamer le paiement des salaires et prestations non perçus ;
d) Veiller à ce que les missions diplomatiques, les attachés économiques et ceux chargés des questions de travail, et les fonctionnaires consulaires reçoivent une formation pour pouvoir s ’ occuper des cas de traite des travailleuses migrantes.
Veiller à ce que les régimes de visa ne soient pas discriminatoires à l ’ égard des femmes et ne facilitent pas ou n ’ entraînent pas la traite des femmes, au moyen des mesures suivantes :
a) Supprimer toute restriction à l ’ emploi des femmes dans certaines branches d ’ activité ou toute exclusion de professions à prédominance féminine dans les régimes de visa ;
b) Abroger l ’ obligation pour les travailleuses de se soumettre à des tests obligatoires de grossesse et supprimer toute possibilité d ’ expulsion pour cause de grossesse ou de séropositivité au VIH ;
c) Réviser les conditions d ’ octroi de permis de séjour, afin d ’ atténuer les effets de la dépendance des femmes à l ’ égard de leur conjoint.
Encadrer et contrôler les recruteurs de main-d ’ œuvre, les intermédiaires et les agences de placement, en prenant les mesures suivantes :
a) Soutenir la transition vers des mesures de recrutement éthique, par exemple au moyen de l ’ Initiative pour un recrutement équitable de l ’ Organisation internationale du Travail et de la campagne « Know Before You Go » de l ’ Organisation internationale pour les migrations, et fournir des services aux travailleurs candidats à l ’ émigration, notamment en faisant participer les réseaux consulaires des pays d ’ origine ;
b) Mettre en place un mécanisme de contrôle pour s ’ assurer que les mêmes contrats sont utilisés dans les pays de destination et dans les pays d ’ origine des travailleurs ;
c) Annuler les contrats pour lesquels les travailleurs ont subi des pressions excessives durant la procédure d ’ embauche ;
d) Poursuivre et sanctionner ceux qui se livrent à des pratiques de recrutement fondées sur l ’ exploitation, y compris la violence, la coercition, l ’ abus de pouvoir, la tromperie ou l ’ exploitation, tels que la fourniture intentionnelle de renseignements et de documents trompeurs, la confiscation de passeports, d ’ autres documents d ’ identité ou de permis de travail par toute personne autre que le détenteur du document ou les autorités de maintien de l ’ ordre, la facturation de frais de recrutement illégaux, l ’ exigence d ’ une caution et la facturation de frais de délivrance de visas, de passeports ou de titres de transport ou de participation à des programmes de formation avant le départ.
Atténuer les risques de dépendance et de vulnérabilité des travailleuses migrantes par rapport à leurs employeurs, en prenant les mesures suivantes :
a) Mettre fin aux conditions discriminatoires de recrutement, y compris la pratique consistant à subordonner le statut migratoire des travailleurs au parrainage ou à la tutelle d ’ un employeur, comme c ’ est le cas pour les visas dits « liés » ;
b) Faire respecter le droit des migrants de chercher d ’ autres employeurs ou d ’ autres secteurs d ’ activité sans avoir besoin de l ’ autorisation de leur employeur actuel ou de quitter le pays ;
c) Mettre fin à la pratique des conditions de cautionnement imposées aux employeurs de travailleurs migrants afin qu ’ ils « contrôlent et supervisent » leurs employés étrangers ;
d) Veiller à ce que le logement et la nourriture soient fournis par l ’ employeur à un prix raisonnable et que les frais y afférents ne soient pas automatiquement déduits de la rémunération du travailleur ;
e) Faciliter l ’ inclusion des travailleuses migrantes sur le marché du travail et leur proposer des programmes de formation pour améliorer leurs compétences.
3.Une demande qui favorise l’exploitation et aboutit à la traite
Décourager la demande qui favorise l ’ exploitation de la prostitution et aboutit à la traite des personnes.
Mettre en œuvre des mesures éducatives, sociales ou culturelles à destination des utilisateurs potentiels.
Prévenir et combattre la traite dans le cadre de toutes les opérations commerciales, des marchés publics et des chaînes d ’ approvisionnement, en prenant les mesures suivantes :
a) Enquêter sur toutes les personnes impliquées dans la traite, y compris celles qui sont du côté de la demande, les traduire en justice et les faire condamner ;
b) Prévoir dans la législation la possibilité d ’ engager une action au civil, tant dans le pays d ’ exploitation que dans le pays du siège de l ’ entreprise, pour les travailleurs des chaînes d ’ approvisionnement mondiales qui subissent un préjudice en raison du non-respect des lois relatives à l ’ obligation de diligence raisonnable ;
c) Encourager les entreprises et les organismes publics à veiller à ce qu ’ un organisme de réglementation spécialisé, dans lequel les travailleurs et leurs représentants sont représentés, soit doté des compétences et des ressources nécessaires pour enquêter de manière proactive sur le respect des lois relatives à l ’ obligation de diligence raisonnable et pour sanctionner les entités qui ne s ’ y conforment pas ;
d) Mener et/ou financer des campagnes de sensibilisation pour fournir aux consommateurs et aux clients des informations sur les produits et services qui auraient pu faire intervenir des activités d ’ exploitation par le travail, notamment des pratiques de recrutement non éthiques et de travail servile, et sur les lieux où signaler des soupçons d ’ activités criminelles.
Décourager la demande de trafic d ’ organes en encadrant efficacement les organisations altruistes de transplantation d ’ organes, en réduisant autant que possible les délais d ’ attente pour les donneurs, en surveillant les hôpitaux pour repérer les transplantations illégales et les salles d ’ opération clandestines et improvisées et en faisant connaître les risques sanitaires liés au trafic d ’ organes.
4.Les situations de conflit et d’urgence humanitaire
Intégrer dans les plans de réduction des risques de conflits et de catastrophes, de préparation et de secours, les facteurs existants ou nouveaux qui font que les femmes et les filles risquent d ’ être victimes de la traite, y compris de l ’ exploitation sexuelle, en veillant à ce qu ’ elles bénéficient d ’ une protection et d ’ une assistance complètes.
Examiner les problèmes de vulnérabilité des membres des familles déplacées, notamment l ’ insécurité économique, les difficultés d ’ accès à une éducation de qualité, à des moyens de subsistance et à des documents d ’ identité, les stéréotypes liés au genre, les masculinités toxiques, l ’ inégalité des rapports de pouvoir et les conceptions de l ’ honneur familial, ainsi que la vulnérabilité particulière des filles déplacées face à la traite à des fins sexuelles.
Prévenir la traite et l ’ exploitation sexuelle dans toutes les structures d ’ hébergement des femmes et des filles déplacées, notamment en formant le personnel à repérer les victimes potentielles, et garantir la sécurité des femmes et des filles en créant des logements et des installations non mixtes, en veillant à ce que des patrouilles de police comprenant des femmes surveillent les lieux, en éclairant suffisamment les installations sanitaires et en les rendant facilement accessibles, et en établissant des centres d ’ information et d ’ assistance pour les femmes et les filles à proximité.
Adopter, en se fondant sur les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, une politique de tolérance zéro à l ’ égard de la traite, de l ’ exploitation sexuelle, du travail forcé, de l ’ esclavage et des pratiques analogues à l ’ esclavage, qui s ’ adresse à des groupes tels que les forces armées nationales, les forces de maintien de la paix, la police des frontières, les services de l ’ immigration, les acteurs humanitaires et les autres membres du personnel des organisations internationales et des organisations de la société civile internationale.
Garantir l ’ accès à des procédures de plainte et à des mécanismes de recours en cas de violation des droits humains.
Remédier aux effets sur les femmes et les hommes des transferts internationaux d ’ armes, en particulier des armes légères et illicites, notamment par la ratification et la mise en œuvre du Traité sur le commerce des armes.
5.L’utilisation des technologies numériques aux fins de la traite
Demander aux entreprises de médias sociaux et de plateformes de messagerie d ’ assumer leur responsabilité lorsque des femmes et des filles s ’ exposent à la traite et à l ’ exploitation sexuelle en utilisant leurs services. Exiger que ces entreprises élaborent les contrôles utiles pour atténuer les risques et mettent en place la structure et les procédures de gouvernance appropriées qui leur permettront de réagir avec efficacité et de fournir les informations nécessaires aux autorités compétentes. Exiger que ces entreprises utilisent également leurs capacités en matière de mégadonnées, d ’ intelligence artificielle et d ’ analyse pour repérer toute situation susceptible de conduire à la traite et pour identifier les parties concernées, y compris du côté de la demande.
Les États parties devraient exiger plus de transparence des entreprises de technologie numérique. Dans le même temps, ils devraient s ’ efforcer de créer et de mettre en place, par exemple dans le cadre des systèmes de banque centrale, des plateformes d ’ utilisation des monnaies électroniques fondées sur des informations divulguées par les utilisateurs, notamment le propriétaire réel, le client à l ’ origine de la commande et les services ou biens concernés par la transaction. Veiller à ce que les lois contre le blanchiment d ’ argent soient effectivement appliquées afin de décourager l ’ utilisation de monnaies électroniques fondées sur l ’ anonymat des utilisateurs.
Prendre l ’ initiative de recenser les contenus en ligne montrant des violences sexuelles qui ont été produits pendant la pandémie de COVID- 19 et après, coopérer avec les entreprises de technologie pour créer des outils automatisés permettant de repérer tout recrutement en ligne et d ’ identifier les trafiquants, et renforcer les partenariats entre les secteurs public et privé afin de contrer l ’ augmentation de ce type d ’ infractions liée à la pandémie.
Préconiser l ’ échange d ’ informations entre les plateformes numériques interactives afin de faciliter la coopération internationale dans la lutte contre la traite et l ’ exploitation sexuelle et de contribuer aux actions de répression. Améliorer la collecte des données, veiller à ce que les données soient à jour et prévoir un partage fiable des informations.
6.Sensibiliser l’opinion
Fournir à la population en général et en particulier aux femmes et filles qui sont défavorisées, à celles qui vivent dans des zones éloignées et frontalières, et aux femmes et filles migrantes qui sont en transit ou dans des pays de destination, des informations précises sur leurs droits, sur les raisons pour lesquelles il faut éviter les trafiquants et sur les moyens de le faire, notamment dans le cadre de campagnes de communication accessibles, reposant sur des données probantes et fondées sur une compréhension claire des facteurs de risque et des obstacles auxquels se heurtent les membres de la communauté pour se protéger et protéger les autres de la traite, en particulier dans le contexte des migrations, afin qu ’ ils puissent repérer et signaler les trafiquants potentiels et avoir accès à des prestataires de services lorsqu ’ ils se sentent vulnérables face à la traite ou à l ’ exploitation.
B.Défendre les droits des victimes
1.L’identification des victimes
S ’ attaquer aux effets collatéraux négatifs des initiatives de lutte contre la traite en veillant à ce que des femmes et des filles innocentes ne soient pas arrêtées arbitrairement, maltraitées ni inculpées à tort, en particulier les femmes qui appartiennent à des groupes marginalisés et celles qui se prostituent, notamment dans le cadre des descentes que les forces de l ’ ordre effectuent en vue de démanteler des réseaux de traite.
Établir des lignes directrices nationales concernant l ’ identification rapide et l ’ orientation des victimes ou présumées victimes et la fourniture de services à leur intention ; ces lignes directrices doivent être régulièrement mises à jour, comparées aux normes internationales et fondées sur une approche qui est axée sur les droits, centrée sur les victimes, adaptée à l ’ âge et au genre, qui tient compte des différents traumatismes, et qui peut s ’ appliquer de manière uniforme aux frontières internationales et sur l ’ ensemble du territoire de l ’ État partie par tous les acteurs étatiques et non étatiques concernés.
L ’ identification des victimes ou présumées victimes et leur orientation vers des services d ’ assistance doivent être confiées à des équipes multidisciplinaires, composées de professionnels de tous les domaines concernés, cette composition pouvant être adaptée à la situation, et ne devraient pas relever exclusivement de la compétence des forces de l ’ ordre ou des services de l ’ immigration ni être liées à l ’ ouverture ou à l ’ issue d ’ une procédure pénale, mais être fondées sur les vulnérabilités personnelles et sociales des victimes réelles ou potentielles.
Dispenser une formation actualisée et cohérente aux professionnels de tous les domaines concernés sur les causes, les conséquences et l ’ ampleur de la traite et des diverses formes d ’ exploitation des femmes et des filles, ainsi que sur la teneur et l ’ application effective des lignes directrices nationales concernant l ’ identification des victimes, la fourniture de services à leur intention et les systèmes d ’ orientation afin de faciliter le repérage et l ’ orientation sûrs, confidentiels et non discriminatoires des victimes, y compris des non-ressortissantes, après qu ’ elles ont donné leur consentement en connaissance de cause.
Renforcer les capacités des systèmes de soins de santé aux fins de l ’ identification rapide et de la prise en charge des femmes et des filles victimes de la traite et de celles qui risquent d ’ en être victimes, quel que soit leur statut migratoire, en garantissant l ’ accès confidentiel et sûr à des soins de santé gratuits, tenant compte des différents traumatismes et axés sur les rescapées, conformément aux normes internationales.
Collaborer avec les organisations de la société civile, notamment en renforçant leurs ressources humaines, techniques et financières, pour faire en sorte que les victimes de la traite soient identifiées, aidées et protégées à un stade précoce, notamment grâce à la mise en place d ’ unités mobiles et à l ’ établissement de procédures de divulgation et d ’ espaces sûrs, en accordant la priorité aux sites où des femmes et des filles déplacées et migrantes sont hébergées, enregistrées ou détenues.
Évaluer les effets du cadre juridique et stratégique national, en particulier en ce qui concerne l ’ application aux victimes de la traite des cadres relatifs à l ’ immigration, à l ’ asile, au travail, à la santé, à l ’ éducation et à la protection sociale, afin de s ’ assurer qu ’ ils ne nuisent pas à l ’ identification, à la protection, à l ’ insertion sociale et à la réintégration des victimes ni à la fourniture d ’ une assistance, et qu ’ ils ne rendent pas les femmes et les filles encore plus vulnérables à la traite, à une nouvelle traite, à la détention, au retour forcé ou à d ’ autres situations préjudiciables.
S ’ attaquer aux facteurs qui dissuadent les victimes de demander de l ’ aide, notamment en établissant un cloisonnement entre les services de l ’ immigration, le système de justice pénale et tous les services de prise en charge et d ’ appui, et en veillant à ce que les victimes de la traite et les personnes vulnérables à la traite puissent se rendre en toute sécurité auprès des autorités compétentes, sans crainte de conséquences négatives, telles que des poursuites, des sanctions, un placement en détention ou une expulsion pour des atteintes à la législation relative à l ’ immigration ou au travail ou d ’ autres infractions liées au fait d ’ être victime de la traite.
2.Application d’autres cadres de protection
Améliorer la collaboration, la coordination et l ’ échange de connaissances au niveau transfrontalier entre les autorités chargées du contrôle des frontières, du maintien de l ’ ordre public, de la protection de l ’ enfance et de la protection sociale et les organisations non gouvernementales, afin de mettre à la disposition des femmes et des filles déplacées et migrantes un nombre suffisant d ’ installations et de services d ’ accueil appropriés, en tenant compte des questions de genre et des traumatismes dans les modalités relatives aux arrivées aux frontières terrestres, aériennes et maritimes, y compris la fourniture d ’ un hébergement sûr et d ’ un traitement approprié, étant entendu qu ’ il faut un personnel qualifié pour repérer et identifier correctement les victimes potentielles de la traite et veiller à ce que les mesures nécessaires soient en place pour répondre aux besoins de protection des victimes de la traite, y compris l ’ accès à la protection consulaire.
Veiller à ce que toutes les mesures de gouvernance prises aux frontières internationales, y compris celles qui visent à s ’ attaquer aux migrations irrégulières et à combattre la criminalité transnationale organisée, respectent le principe de non-refoulement et l ’ interdiction des expulsions arbitraires et collectives.
Donner aux membres des forces de l ’ ordre, y compris les services de police, de l ’ immigration et du contrôle des frontières et les professionnels travaillant dans et autour de zones où se trouvent des femmes et des filles qui migrent ou se déplacent pour échapper à une situation de détresse ou risquent de devoir le faire, les moyens de protéger correctement ces femmes et ces filles, et contribuer à la mise à jour périodique de la formation dispensée à cette fin, en établissant des procédures pour identifier les victimes potentielles de la traite, y compris celles qui sont soupçonnées d ’ être associées à un territoire sous le contrôle de groupes armés non étatiques ou d ’ en revenir.
Appliquer un cadre de diligence raisonnable à l ’ évaluation des risques menée par des équipes multidisciplinaires afin d ’ identifier les femmes et les filles victimes de la traite et de les protéger contre de nouvelles violations de leurs droits, en prenant notamment les mesures suivantes :
a) Donner accès aux procédures de détermination du statut d ’ apatride et accorder un statut juridique et une protection aux femmes et aux filles apatrides, y compris une protection contre le retour forcé dans leur pays d ’ origine ;
b) Mettre en place une coordination régulière entre les procédures d ’ asile et les systèmes de protection contre la traite, de sorte que lorsque les deux motifs sont reconnus, les femmes et les filles aient accès à la fois au statut de réfugié et à la protection en tant que victimes réelles ou potentielles de la traite ;
c) Procéder à des activités de repérage parmi les femmes et les filles déplacées et migrantes soupçonnées d ’ infractions aux lois nationales sur le travail ou l ’ immigration ou d ’ infractions pénales, ainsi que parmi celles placées dans des lieux de privation de liberté, notamment dans des centres de détention pour migrants sans papiers ;
d) Établir des indicateurs aux fins de l ’ identification des femmes et des filles victimes de la traite, en particulier celles qui sont sexuellement exploitées, dans les zones touchées par des conflits armés, afin de s ’ assurer que les victimes de la traite ne soient pas placées par inadvertance en détention ou soumises à une procédure d ’ expulsion ;
e) Offrir aux réfugiés, y compris aux victimes de la traite dans des conflits armés, la possibilité de fournir des informations utiles sur leur situation en vue de traduire les trafiquants devant la justice.
Ne pas perdre de vue que, dans certains cas, la traite des femmes et des filles peut être considérée comme une persécution liée au genre et, partant, faire en sorte que les victimes réelles ou potentielles soient informées du droit d ’ accès à des procédures d ’ asile équitables, efficaces, claires et tenant compte des traumatismes, sans discrimination ni condition préalable, indépendamment de leur pays d ’ origine ou du mode d ’ entrée dans l ’ État partie ou de leur participation à une procédure pénale, et puissent effectivement exercer ce droit. Déterminer comment repérer les victimes de persécutions au sens de la Convention relative au statut des réfugiés, en tenant compte des Principes directeurs sur la protection internationale du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés : n o ° 1 , sur la persécution liée au genre, n o 7 , sur les victimes de la traite et les personnes risquant d ’ être victimes de la traite, n o ° 8 , sur les demandes d ’ asile d ’ enfants, et n o ° 9 , sur l ’ orientation sexuelle et l ’ identité de genre.
Les États parties sont tenus de protéger les victimes de la traite, en particulier les femmes et les filles, contre une nouvelle victimisation, notamment au moyen des mesures suivantes :
a) Garantir aux victimes de la traite une protection contre le retour forcé vers leur lieu d ’ origine dans les cas où :
i) Il ne s ’ agit pas d ’ une solution satisfaisante et durable, les victimes craignant de faire à nouveau l ’ objet de traite ou de subir des actes de stigmatisation, des menaces, des intimidations, des actes de violence ou des représailles ;
ii) Les victimes risquent de subir des persécutions, des actes de torture ou des violations du droit à la vie ;
b) Protéger les enfants nés de la traite contre une nouvelle victimisation et contre la stigmatisation, notamment en établissant et en précisant le statut des enfants sans papiers au regard de la loi, en apportant un soutien complet à ces enfants et en veillant à ce qu ’ ils ne soient pas séparés de leur mère.
Les filles qui risquent d ’ être à nouveau victimes de la traite ne devraient pas être renvoyées dans leur pays d ’ origine, sauf si cela est conforme à leur intérêt supérieur et si des mesures appropriées sont prises pour assurer leur protection, notamment une évaluation des risques et des conditions de sécurité pour garantir un retour sûr, la fourniture d ’ une aide à la réintégration à long terme dans le pays de retour, y compris l ’ accès aux soins de santé, à l ’ éducation et/ou à la formation professionnelle, et la protection contre toute discrimination et toute nouvelle traite.
Améliorer la coopération avec les États d ’ accueil pour assurer le rapatriement volontaire des citoyens et des résidents permanents qui ont été victimes de la traite à l ’ étranger dans les cas où ils souhaitent rentrer chez eux, et cela au moyen de procédures normalisées et d ’ une communication efficace entre les autorités et les services compétents, en veillant à ce que les pays d ’ accueil respectent les normes internationales relatives à l ’ assistance et la protection pour les victimes de la traite.
3.Absence d’incrimination et de conditionnalité
Compte tenu des droits humains et pour des motifs humanitaires, fournir une aide juridictionnelle gratuite, accorder si possible, et en attendant leur identification officielle, un délai de réflexion, un temps de récupération et un permis de séjour aux femmes victimes de la traite et aux personnes à leur charge afin qu ’ elles puissent prendre part à des mesures de réadaptation et de réinsertion, qui doivent être inclusives et accessibles, et ne pas être subordonnées à leur participation à une procédure pénale ou à l ’ obtention d ’ une condamnation contre les trafiquants, y compris un accès approprié, individualisé, adapté aux enfants et tenant compte des questions de genre et des traumatismes, en cas d ’ urgence et à plus long terme, à un logement, à des prestations sociales, à des possibilités d ’ éducation et d ’ emploi, à des soins médicaux de qualité, y compris des services et des conseils en matière de santé sexuelle et procréative, à des documents d ’ identité officiels gratuits, à des mesures de regroupement familial et à des procédures d ’ asile, le cas échéant. Accorder aux filles victimes un permis de séjour d ’ une durée indéterminée, en fonction de leur intérêt supérieur, afin qu ’ elles puissent bénéficier d ’ une solution durable et sûre à long terme.
Fournir aux victimes de violence sexuelle et de prostitution forcée un accès immédiat à un nombre suffisant de logements séparés, bien équipés et suffisamment financés, dans des refuges et des centres de crise, qui sont sûrs, accessibles et adaptés aux femmes et aux filles victimes de la traite, y compris les femmes accompagnées d ’ enfants, avec du personnel spécialement formé pour proposer une assistance sur mesure aux victimes, conformément à des procédures opérationnelles normalisées, en veillant à ce qu ’ elles soient traitées avec dignité et dans le respect de leur vie privée.
Veiller à ce que les services d ’ assistance et les programmes d ’ insertion sociale destinés à toutes les femmes touchées par la traite soient volontaires et que celles-ci y aient accès en toute connaissance de cause ; faire en sorte que ni les victimes ni leurs enfants ne soient maintenus ou détenus de force dans des foyers ou des programmes de « réadaptation » contre leur volonté ou à des fins de protection obligatoire, notamment pour recueillir leurs témoignages. Dans le cas exceptionnel où la liberté de circulation des femmes est restreinte pour des raisons de sécurité, la durée de ces restrictions doit être aussi courte que possible.
Soutenir les programmes communautaires aux fins de la réintégration et de l ’ insertion sociale des femmes et des filles victimes de la traite, y compris l ’ accès à un logement indépendant, sûr et abordable, la création d ’ un quota pour l ’ emploi de victimes dans des organismes publics et l ’ inscription des victimes sur la liste des groupes prioritaires pour l ’ accès aux programmes sociaux et au remboursement d ’ impôts.
Veiller à ce que le principe de l ’ intérêt supérieur de l ’ enfant soit une considération primordiale dans la prise de décision concernant toutes les filles victimes de la traite, y compris les non-ressortissantes, à ce que leur droit d ’ être entendues soit respecté, à ce qu ’ on leur garantisse l ’ accès à des services de protection et de soutien intégrés et interdisciplinaires, adaptés à leur développement et à leur âge, y compris une gestion individualisée des cas, à la recherche des familles et au regroupement des enfants non accompagnés et séparés, et à ce que les enfants ne fassent jamais l ’ objet de poursuites ni de placements en détention. Ne procéder à une évaluation de l ’ âge qu ’ en dernier recours et d ’ une manière pluridisciplinaire, scientifiquement et culturellement appropriée, adaptée à l ’ enfant et au genre et, pour toutes les filles non accompagnées ou séparées, en veillant à ce qu ’ elle soit supervisée par un tuteur qualifié.
Lutter contre les attitudes stéréotypées et la discrimination à l ’ égard des femmes et des filles victimes de la traite et de l ’ exploitation sexuelle, en particulier les migrantes, en dispensant une formation axée sur les enfants et tenant compte des traumatismes et des questions de genre aux personnes chargées de fournir des services d ’ assistance et de protection, notamment aux autorités compétentes aux niveaux local et national, aux organismes de protection de l ’ enfance, au personnel des ambassades et des consulats, aux employeurs et aux agences de recrutement publiques et privées, ainsi qu ’ aux policiers, aux agents de contrôle des frontières, au personnel des services de l ’ immigration, aux inspecteurs du travail, aux travailleurs sociaux et aux prestataires de soins de santé.
Veiller à ce que toutes les femmes et les filles victimes de la traite, sans exception, ne fassent pas l ’ objet d ’ une arrestation, d ’ une mise en examen, d ’ une détention, de poursuites ou de sanctions ou ne soient pas punies d ’ une autre manière pour être entrées ou avoir séjourné de façon irrégulière, sans papiers d ’ identité, dans des pays de transit et de destination ou pour avoir participé à des activités illégales, dans la mesure où cette participation est une conséquence directe de leur situation de victimes de la traite. Le principe de non-punition doit :
a) Être consacré par la loi et mis en œuvre au moyen d ’ une formation appropriée, les intervenants devant être en mesure d ’ identifier les victimes de la traite afin de leur venir en aide ;
b) Ne pas obliger les victimes à fournir des preuves ou des témoignages en échange d ’ une immunité contre des poursuites, une réparation ou des services ;
c) Offrir aux victimes de la traite la possibilité de faire effacer leur casier judiciaire dans les cas où elles ont été condamnées pour des infractions qui ont été commises en conséquence directe du fait d ’ être victime.
4.Droit d’être informé de ses droits et d’être représenté par un avocat
Fournir à toutes les femmes et les filles des informations accessibles, dans un format qu ’ elles peuvent comprendre, sur les droits que leur reconnaissent la Convention et le Protocole facultatif qui s ’ y rapporte, les dispositions juridiques qui les protègent de la traite et de l ’ exploitation et les recours correspondants pour porter plainte en cas de violation de leurs droits, la manière d ’ y accéder, leurs droits à une assistance et à une protection permanentes, notamment au moyen de lignes téléphoniques d ’ urgence opérationnelles 24 heures sur 24 , d ’ une aide juridictionnelle gratuite, de conseils et d ’ une représentation dans les procédures judiciaires et quasi judiciaires dans tous les domaines du droit.
5.Droit à un recours
Faciliter l ’ accès à des mécanismes de plainte et de justice inclusifs, adaptés à l ’ âge et au genre, y compris par la mise en place d ’ aménagements procéduraux et d ’ aménagements en fonction de l ’ âge, pour toutes les femmes et les filles victimes de la traite, y compris les non-ressortissantes, en leur ouvrant des voies de recours utiles pour demander protection et réparation en cas de violation de leurs droits grâce à la création de conditions adéquates pour porter plainte sans crainte de représailles, d ’ arrestation, de détention ou d ’ expulsion.
Veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite aient un droit juridiquement exécutoire à des recours abordables, accessibles et rapides devant les tribunaux pénaux et civils et les tribunaux du travail et dans le cadre de procédures administratives, y compris un droit à une indemnisation, au paiement des salaires non perçus et à d ’ autres réparations adaptées, et veiller à ce que ces recours ne soient pas subordonnés à la confiscation des biens des trafiquants et soient garantis dans les conditions prévues par la législation nationale pour les victimes. L ’ indemnisation de la victime d ’ une infraction ne doit pas avoir d ’ incidence sur l ’ aide sociale qu ’ elle perçoit ni sur l ’ aide fournie dans le cadre d ’ un autre programme de l ’ État.
C.Des procédures judiciaires tenant compte des questions de genre
Garantir à toutes les femmes et les filles victimes de la traite le droit à un procès équitable et le respect de la légalité dans le cadre des procédures administratives et judiciaires, y compris des procédures de détention et d ’ expulsion, en veillant à ce qu ’ elles soient entendues, informées et consultées tout au long des audiences et qu ’ elles aient accès à un hébergement, un soutien et une protection adéquats, tenant compte des traumatismes, de la culture, du genre et de l ’ âge, afin de pouvoir témoigner contre leurs trafiquants.
Protéger le droit à la vie privée des filles victimes de la traite, en veillant à ce qu ’ elles soient tenues constamment informées et puissent exercer leur droit d ’ être entendues. Garantir le droit des victimes à une protection spéciale dans le cadre des procédures judiciaires en leur fournissant une assistance juridique spécialisée et adaptée aux enfants afin de simplifier les procédures de témoignage et de prévenir tout traumatisme supplémentaire, y compris en nommant des défenseurs, des travailleurs sociaux ou des tuteurs légaux auprès des victimes.
Financer et soutenir la mise en œuvre effective de systèmes de protection pour les femmes et les filles victimes de la traite, les membres de leur famille, les témoins et les informateurs, afin de les protéger contre les menaces et les représailles des réseaux de traite, tant pendant qu ’ après les procédures judiciaires, notamment par la mise en place de programmes de protection des témoins, l ’ adaptation des procédures judiciaires aux besoins et l ’ octroi de permis de séjour temporaires aux non-ressortissants et aux personnes à leur charge, indépendamment de leur coopération avec les autorités de poursuite.
Enquêter rapidement sur les personnes directement impliquées dans la traite et sur celles qui ont négligé de prévenir ou de combattre ce phénomène, notamment sur la corruption présumée de fonctionnaires et de membres du secteur privé, traduire ces personnes en justice et les sanctionner comme il se doit, en veillant à ce que les sanctions imposées soient proportionnelles à la gravité de l ’ infraction et au degré de responsabilité de l ’ auteur.
Veiller à ce que les trafiquants de femmes et de filles soient effectivement poursuivis et sanctionnés comme il se doit, au moyen de l ’ élaboration, de l ’ exécution et de l ’ évaluation périodique de programmes multisectoriels de renforcement des capacités de tous les fonctionnaires des tribunaux et du personnel d ’ appui concernant l ’ application de la législation anti - traite et le traitement des victimes, en tenant compte des traumatismes subis, de l ’ âge, du genre, de la culture et des droits humains.
Les États parties sont engagés à systématiser leur coopération dans le domaine judiciaire et de la justice pénale, notamment en harmonisant les procédures d ’ entraide judiciaire, d ’ extradition, de confiscation et de restitution du produit du crime, avec les pays d ’ origine, de transit et de destination de la traite des femmes et des filles.
Mettre en place des équipes d ’ enquête interinstitutions et les doter de ressources suffisantes pour suivre les flux financiers générés par la traite des femmes et des filles et redistribuer aux victimes les produits confisqués de ces agissements criminels en compensation de la violation de leurs droits humains.
D.Collecte de données et cadres législatif, stratégiqueet institutionnel
Établir des partenariats entre les praticiens de la lutte contre la traite, des migrations et du développement, les organisations internationales et les entités de la société civile qui s ’ occupent en particulier des femmes et des filles, y compris les organisations communautaires de groupes touchés par la traite ou les mesures anti-traite, afin de recueillir, d ’ échanger, d ’ analyser et de publier systématiquement des données, l ’ objectif étant de mieux comprendre les tendances de la traite des femmes et des filles et de mettre en œuvre des stratégies ciblées et fondées sur des données probantes pour prévenir le phénomène, fournir plus rapidement aux victimes une assistance fondée sur leurs droits humains et leurs besoins, assurer leur protection et leur accorder réparation.
Ventiler les données recueillies sur les victimes et les trafiquants en fonction de tous les paramètres jugés pertinents, notamment le sexe, l ’ âge, le handicap, l ’ origine ethnique, la nationalité, le statut migratoire, l ’ emplacement géographique, la situation socioéconomique et la forme d ’ exploitation, conformément à l ’ indicateur 16 . 2 . 2 relatif aux objectifs de développement durable, lorsque la législation nationale le permet.
Toutes les mesures de collecte, de stockage, de partage ou de diffusion des données doivent être mises en œuvre de manière légale et éthique, conformément aux normes internationales relatives au respect de la vie privée et de la confidentialité.
Adopter et mettre en œuvre une législation anti-traite complète, centrée sur les victimes, adaptée aux enfants et tenant compte des questions de genre, qui offre une approche harmonisée de l ’ incrimination de la traite à tous les niveaux de juridiction, en veillant à ce qu ’ elle :
a) Respecte pleinement les normes internationales relatives aux droits de l ’ homme, notamment la Convention, la présente recommandation générale, le Protocole relatif à la traite des personnes et les instruments régionaux applicables ;
b) Dispose que le consentement de la victime n ’ est pas un moyen de défense valable pour justifier la traite ;
c) Si cela n ’ est pas déjà sanctionné par d ’ autres lois nationales, vise à lutter contre la traite à des fins, entre autres, de mariage d ’ enfants, de mariage forcé et de mariage servile, de servitude domestique, de servitude pour dettes, de servage, de mendicité, de travail forcé ou obligatoire, de traite des esclaves, d ’ esclavage, d ’ exploitation sexuelle et d ’ exploitation sexuelle à des fins commerciales, de pratiques abusives de gestation pour autrui et de vente d ’ enfants, de trafic d ’ organes, de tissus et de cellules, y compris le trafic d ’ ovules humains, et de criminalité forcée ;
d) Examine les méthodes contemporaines de traite, telles que celles utilisant les technologies de l ’ information et de la communication, y compris les médias sociaux ;
e) Fasse de l ’ enquête sur les avoirs un outil essentiel pour lutter contre la traite ;
f) Soit élaborée, mise en œuvre, suivie et évaluée afin d ’ en étudier les effets, avec la participation active des femmes et des filles touchées par la traite.
Adopter un plan national d ’ action global de lutte contre la traite qui soit axé sur les résultats, repose sur des données probantes, tienne compte des questions de genre, soit fondé sur les droits et centré sur les victimes, en veillant à ce qu ’ il soit :
a) Conforme aux Principes et directives du Haut-Commissariat des a ux droits de l ’ homme concernant les droits de l ’ homme et la traite des êtres humains, et en particulier les migrants en situation de vulnérabilité et les droits de l ’ homme aux frontières internationales ;
b) Harmonisé avec les plans nationaux d ’ action relatifs à l ’ égalité des genres, à la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes, aux femmes, à la paix et à la sécurité, à la gestion des migrations et de l ’ asile et au développement durable ;
c) Fasse l ’ objet d ’ un financement suffisant et d ’ une évaluation régulière.
Établir un mécanisme national d ’ orientation dont l ’ objectif est de coordonner l ’ alignement de toutes les politiques nationales pertinentes afin de garantir une approche efficace et fondée sur les droits humains de la lutte contre la traite des femmes et des filles, en veillant à ce qu ’ elle soit mise en œuvre par un secrétariat spécialisé et entièrement financé, chargé d ’ harmoniser des structures claires de gestion et de coordination de l ’ information entre les autorités locales et nationales compétentes, y compris les responsables des questions de migration, d ’ asile et de travail, les institutions nationales des droits de l ’ homme, le secteur privé et les organisations de la société civile qui luttent contre la traite des femmes et des filles, et d ’ élaborer une réponse commune, notamment des procédures opérationnelles normalisées complètes décrivant les obligations juridiques, les procédures d ’ orientation, les rôles et les responsabilités.
Créer un poste de rapporteur national indépendant sur la traite des personnes chargé de suivre les progrès réalisés dans le cadre de stratégies de lutte contre la traite porteuses de changement, tout en œuvrant pour la promotion de l ’ égalité des genres et l ’ autonomisation des femmes.
E.Diffusion et établissement de rapports
Le Comité est d ’ avis qu ’ il faut accélérer l ’ application de toutes les dispositions de la Convention, conformément au Programme de développement durable à l ’ horizon 2030 et aux recommandations issues de l ’ examen après vingt-cinq ans de la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, l ’ objectif étant de transformer radicalement la situation en ce qui concerne l ’ exercice par les femmes de leur autonomie et de leur autodétermination.
Le Comité recommande aux États parties de faire figurer dans leurs rapports périodiques au titre de la Convention des renseignements sur les stratégies qu ’ ils mettent en œuvre pour promouvoir et protéger les droits humains des femmes et des filles dans le cadre de la lutte contre la traite.
Les institutions spécialisées des Nations Unies et les procédures spéciales du Conseil des droits de l ’ homme sont invitées à fournir au Comité une contribution propre à chaque pays et à chaque région en ce qui concerne la traite et l ’ exploitation sexuelle des femmes et des filles dans le contexte des migrations internationales et les mesures de protection et de réadaptation prises, le cas échéant, dans le cadre de l ’ examen des rapports périodiques des États parties.
Les États parties sont invités à faire figurer dans les rapports qu ’ ils adressent aux autres mécanismes des renseignements sur leurs stratégies de lutte contre la traite porteuses de changement qui favorisent l ’ égalité des genres et l ’ autonomisation des femmes et des filles, notamment dans le cadre de l ’ Examen périodique universel du Conseil des droits de l ’ homme, du forum politique de haut niveau pour le développement durable, du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et du Mécanisme d ’ examen de l ’ application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s ’ y rapportant.
La présente recommandation générale devrait être traduite dans les langues locales et diffusée largement auprès de toutes les administrations publiques, de la société civile, des médias, des établissements universitaires, des organisations de défense des droits des femmes, des filles et des migrants, du secteur privé et des institutions financières.
F.Ratification des traités ou adhésion aux traités
Les États parties sont invités à ratifier les instruments ci-après ou à y adhérer :
a) le Protocole facultatif à la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes ;
b) le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ;
c) le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l ’ enfant, concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ;
d) la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ;
e) le cadre des droits du travail qui régit la migration de la main-d ’ œuvre et la protection des travailleurs migrants de l ’ Organisation internationale du Travail :
i) la Convention (n o ° 189 ) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 , et la Recommandation (n o ° 201 ) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 ;
ii) la Convention (n o ° 190 ) sur la violence et le harcèlement, 2019 ;
iii) la Convention (n o ° 29 ) sur le travail forcé, 1930 , et son protocole, la Convention (n o ° 105 ) sur l ’ abolition du travail forcé, 1957 , et la Recommandation (n o ° 203 ) sur le travail forcé (mesures complémentaires), 2014 ;
f) la Convention relative au statut des réfugiés et son protocole, la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d ’ apatridie ;
g) la Convention relative à l ’ esclavage et la Convention supplémentaire relative à l ’ abolition de l ’ esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l ’ esclavage ;
h) la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l ’ exploitation de la prostitution d ’ autrui.
Les États parties sont instamment invités à approuver la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières qui y est annexé et le pacte mondial pour les réfugiés.