Recommandation générale no 36 (2017) sur le droit des filles et des femmes à l’éducation

I.Introduction

L’éducation est un facteur de changement et d’autonomisation d’une importance cruciale pour la défense des valeurs que représentent les droits de l’homme, et apparaît en cela comme la voie qui conduit à l’égalité des sexes et au renforcement du pouvoir d’action des femmes. Outil essentiel pour favoriser l’épanouissement personnel, c’est sur elle aussi que l’on compte pour former des travailleurs et des citoyens qui aient la capacité de contribuer au développement du sens civique et à l’essor de leur pays. Au moment d’entériner la Déclaration du Millénaire, l’Assemblée générale a décidé « de veiller à ce que, d’ici à 2015, les enfants partout dans le monde, garçons et filles, soient en mesure d’achever un cycle complet d’études primaires et que les filles et les garçons aient à égalité accès à tous les niveaux d’éducation » (résolution 55/2).

En dépit de notables avancées, cet objectif n’a toujours pas été atteint. L’éducation des filles et des femmes est considérée comme l’un des investissements les plus efficaces qui soit pour parvenir à un développement durable qui profite à tous ; pourtant, en 2012, on dénombrait dans le monde quelque 32 millions de filles en âge de fréquenter l’école primaire qui n’étaient pas scolarisées, soit 53 % de l’ensemble des enfants d’âge scolaire, et il en allait de même pour 31,6 millions d’adolescentes (50,2 %) en âge de suivre les cours du premier cycle de l’enseignement secondaire. Même dans les pays où les femmes et les filles ont accès à l’éducation, les inégalités subsistent, ce qui les empêche de tirer pleinement profit des possibilités qui leur sont offertes. En septembre 2013, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’analphabétisme touchait, au niveau planétaire, 773,5 millions d’adultes (15 ans et plus), dont 61,3 % de femmes et 125,2 millions de jeunes (15 à 24 ans), dont 61,3 % de femmes et de filles. Les femmes et les filles sont davantage discriminées au cours du processus de scolarisation en termes d’accès à l’éducation, de poursuite et d’achèvement des études, de traitement, d’apprentissage, ainsi que dans les choix de carrière, ce qui les désavantage par-delà leur scolarité et en dehors de l’environnement scolaire.

La nécessité d’assurer à tous une éducation inclusive et de qualité et des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie est une priorité inscrite dans l’objectif 4 du programme de développement durable figurant dans la résolution 70/1 de l’Assemblée générale adoptée en vue de changer le monde d’ici à 2030. Les deux cibles jugées cruciales à atteindre en matière d’éducation sont de faire en sorte que toutes les filles et tous les garçons suivent, sur un pied d’égalité, un cycle complet d’enseignement primaire et secondaire gratuit et de qualité qui puisse les doter d’acquis véritablement utiles (objectif 4.1) et d’éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l’éducation et assurer l’égalité d’accès des personnes vulnérables, y compris les personnes handicapées, les autochtones et les enfants en situation vulnérable, à tous les niveaux d’enseignement et de formation professionnelle (objectif 4.5). Le Cadre d’action Éducation 2030, approuvé le 4 novembre 2015 par la Conférence générale de l’UNESCO et examiné par les spécialistes de l’éducation du monde entier pour accompagner les objectifs de développement durable, consacre l’idée que « l’égalité des sexes est inséparable du droit à l’éducation pour tous » et que, pour que cela devienne réalité, il faut « adopter une démarche fondée sur les droits, qui garantisse aux filles et aux garçons, aux femmes et aux hommes, non seulement le même accès aux différents cycles d’enseignement, jusqu’à leur terme, mais aussi les mêmes possibilités de s’épanouir grâce à l’éducation ».

Toutefois, certains facteurs empêchent de façon disproportionnée les filles et les femmes de revendiquer et d’exercer leur droit fondamental à l’éducation : difficultés d’accès à l’éducation pour celles qui évoluent dans des milieux défavorisés et marginalisés et dont la situation est encore aggravée par la pauvreté et les crises économiques, stéréotypes sexistes dans les programmes d’études, les manuels scolaires et les méthodes d’enseignement, violences faites aux femmes et aux filles à l’école et en dehors du milieu scolaire, ou encore contraintes d’ordre idéologique et structurel qui restreignent les possibilités de s’engager dans des disciplines universitaires et professionnelles à dominance masculine.

Le fossé qui existe entre la reconnaissance juridique et la mise en œuvre effective du droit des filles et des femmes à l’éducation exige d’envisager, en prenant appui sur l’article 10 de la Convention, énoncée ci-dessous. Ces recommandations s’inspirent de la jurisprudence issue de la Convention et ont été établis à partir des observations finales du Comité et des recommandations générales existantes, ainsi que d’informations tirées de communications et exposés que les États parties et des interlocuteurs divers et variés, notamment des organisations non gouvernementales, des représentants de la société civile et des chercheurs universitaires, ont présentés lors d’une consultation préliminaire d’une demi-journée organisée par le Comité en juillet 2014.

II.Opposabilité du droit à l’éducation

Depuis l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme par l’Assemblée générale en décembre 1948, l’éducation a été considérée comme un droit fondamental. Par la suite, plusieurs instruments internationaux, régionaux et nationaux, de même que de nombreuses décisions de justice, ont établi que ce droit était opposable et, partant, avait force exécutoire. C’est pourquoi ces textes prévoient que la protection contre la discrimination dans le domaine de l’éducation est un principe de base du droit international des droits de l’homme.

Conformément à la recommandation générale no 33 (2015) du Comité sur l’accès des femmes à la justice, les États parties ont l’obligation de protéger les femmes et les filles contre toute forme de discrimination qui les empêcherait d’accéder à tous les niveaux d’enseignement et de veiller à ce que, lorsque cela se produit, des voies de recours judiciaires leur soient offertes.

III.Droit à l’éducation : cadre normatif existant

Outre la Déclaration universelle des droits de l’homme, le droit à l’éducation est inscrit dans un certain nombre d’instruments internationaux et régionaux juridiquement contraignants. Les États parties ont donc l’obligation de respecter le droit à l’éducation, de le protéger, de le mettre en œuvre et de veiller à ce qu’il soit opposable dans leur ordre juridique interne.

L’éducation, qui fait partie des droits de l’homme, favorise en tant que tel l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux, joue en faveur du développement, encourage l’égalité entre les hommes et les femmes et contribue à la paix. Elle permet également de lutter contre la pauvreté, stimule la croissance économique et augmente les revenus, accroît les possibilités de mener une vie saine, fait régresser les mariages d’enfants et les décès maternels, et donne aux personnes les moyens de combattre des maladies.

Même s’il est admis au plan international, notamment par l’UNESCO, que le droit à l’éducation puisse être réalisé de manière progressive, en fonction des moyens disponibles, les aspects des législations nationales qui sont au cœur de ce droit doivent être immédiatement mis en œuvre, notamment assurer l’accès, sans discrimination, aux établissements d’enseignement et aux programmes éducatifs publics, veiller à ce que l’éducation dispensée soit conforme aux objectifs exposés dans les normes internationales, assurer un enseignement primaire à tous, adopter et mettre en œuvre une stratégie nationale en matière d’éducation qui englobe l’enseignement secondaire et supérieur et l’éducation de base, et garantir le libre choix de l’éducation, sans ingérence de l’État ou de tiers, sous réserve qu’elle soit conforme aux « normes minimales en matière d’éducation ».

Parmi les instruments internationaux juridiquement contraignants relatifs au droit à l’éducation figurent le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 13), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (article 5), la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (article 30), la Convention relative aux droits des personnes handicapées (article 24), la Convention relative aux droits de l’enfant (article 28), la Charte internationale de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport de l’UNESCO (article 1), ainsi que la Convention sur l’enseignement technique et professionnel.

Les engagements politiques et autres stratégies d’envergure mondiale qui ne revêtent pas de caractère contraignant réaffirment qu’il incombe aux gouvernements de faire en sorte que l’éducation soit perçue comme un moyen d’accélérer le développement d’un pays et la transformation de la société. Ils appellent les États à se doter de plans d’action pour lutter contre les inégalités et les lacunes en termes d’accès des femmes et des filles à l’éducation et à la formation. Au nombre de ces dispositifs figurent, notamment : le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire (1994), le Programme d’action de Beijing (1995), la Déclaration mondiale sur l’Éducation pour tous (1990) ; le Cadre d’action de Dakar (2000), les objectifs du Millénaire pour le développement définis (2000) et les objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (2015), qui comprend des objectifs et cibles de développement durable visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’encontre des femmes et des filles.

IV.Champ d’application de la recommandation générale : le cadre tridimensionnel des droits fondamentaux

L’éducation, qui renforce l’autonomie des filles et des femmes, leur donne la capacité de revendiquer et d’exercer au sein de leur société des droits socioéconomiques, culturels et politiques plus étendus, sur un pied d’égalité avec les garçons et les hommes. Pour parvenir à l’égalité hommes-femmes, tous les aspects du système éducatif – les lois et les politiques, le contenu éducatif, les pédagogies et les milieux d’apprentissage – doivent tenir compte des disparités entre les sexes, répondre aux besoins des femmes et des filles et être porteurs de changement pour tous.

La présente recommandation générale s’inscrit dans un cadre fondé sur les droits fondamentaux en faveur de l’éducation, qui revêt essentiellement trois dimensions : le droit d’accès à l’éducation, l’éducation en tant qu’espace de droits et l’éducation en tant que vecteur de droits. Ce cadre tridimensionnel reprend en grande partie les droits énoncés par la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation dans le cadre des obligations incombant aux gouvernements, à savoir les dotations, l’accessibilité, l’acceptabilité et l’adaptabilité, auxquels il est également fait référence dans les paragraphes ci-après.

Le droit d’accès à l’éducation concerne la participation au système éducatif. Deux facteurs sont ici révélateurs : le degré d’égalité de représentation entre, d’une part, les filles et les garçons et, d’autre part, entre les femmes et les hommes, et l’existence d’infrastructures adéquates, à tous les niveaux, pour accueillir les différentes cohortes d’âge. La fréquentation scolaire, la rétention des élèves et le passage d’un niveau d’enseignement à l’autre indiquent dans quelle mesure le droit d’accès à l’éducation est respecté.

L’éducation en tant qu’espace de droitsva au-delà de l’égalité numérique et vise à promouvoir une véritable égalité des sexes dans l’éducation. Ces droits concernent l’égalité de traitement et de chances, ainsi que la nature des relations entre les étudiants et enseignants masculins et féminins au sein des établissements d’enseignement. Cet aspect de l’égalité est particulièrement important, car la société façonne et reproduit les inégalités fondées sur le sexe par le truchement des institutions sociales, et les établissements d’enseignement jouent à cet égard un rôle crucial. Au lieu de s’attaquer aux normes et pratiques discriminatoires sexistes bien enracinées, l’école, dans de nombreuses sociétés, renforce les stéréotypes sexistes et maintient l’ordre sexospécifique en reproduisant les hiérarchies hommes-femmes et les liens de domination et subordination, ainsi que les dichotomies reproduction-production et privé-public.

L’éducation en tant que vecteur de droitss’intéresse à la manière dont l’école forge les droits et l’égalité des sexes dans les aspects de la vie qui se situent en dehors de la sphère de l’éducation. L’absence de tels droits est particulièrement criante lorsque l’éducation, qui devrait être porteuse de changement, ne permet pas d’obtenir des avancées significatives concernant la condition des femmes au plan social, culturel, politique et économique, ce qui les prive de la pleine jouissance des droits qui sont les leurs dans ces domaines. L’une des questions majeures est ici de savoir si les diplômes ont la même valeur et la même utilité sociale pour les femmes que pour les hommes. Lorsque l’on examine la situation à l’échelon mondial, il apparaît que, bien souvent, les hommes occupent de meilleurs postes que les femmes même lorsque leur niveau d’instruction est inférieur.

Le but de la présente recommandation générale est de faire en sorte que les disparités régionales et les inégalités au sein d’un même pays, qui reposent sur les formes multiples et croisées de discrimination empêchant les filles et les femmes d’exercer leur droit d’accès à l’éducation, leurs droits dans l’espace éducatif et les droits que leur confère l’éducation, soient prises en considération et, in fine, éliminées. Elle étend l’article 10 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le relie à tous les autres articles et aux recommandations générales existantes afin d’établir une corrélation entre le droit à l’éducation et l’exercice d’autres droits consacrés dans la Convention.

Cette recommandation générale s’adresse à tous les représentants de l’État chargés d’élaborer et mettre en œuvre des décisions juridiques et politiques relatives à l’enseignement public et privé, à tous les niveaux : professeurs universitaires et chercheurs, étudiants, enseignants et associations de parents, organismes administratifs et organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de l’éducation des femmes et des filles, organisations traditionnelles et confessionnelles, médias, entreprises et syndicats.

V.Lutte contre la discrimination fondée sur le sexe dans l’éducation

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes constitue la déclaration internationale des droits des femmes et tient lieu d’instrument international contraignant pour les 189 États qui, en juin 2017, l’ont ratifiée. Son article 10 porte sur le droit des femmes et des filles à l’éducation ; les États parties sont invités à « prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’éducation » et, ainsi, à mettre fin à la discrimination exercée à l’encontre des femmes dans le domaine de l’éducation tout au long de la vie et à tous les niveaux de l’enseignement. Pour satisfaire au critère de non-discrimination, l’éducation doit être accessible, en droit et en pratique, à toutes les filles et femmes, y compris celles appartenant à des catégories défavorisées et marginalisées, sans discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs proscrits.

L’article premierde la Convention définit la discrimination comme « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Les États parties sont donc tenus non seulement de veiller à ce que l’éducation soitreconnuecomme un droit fondamental, mais également que les conditions appropriées soient mises en place pour permettre aux femmes et aux filles de jouir et d’exercer pleinement et librement ce droit.

L’article 2 de la Convention, qui précise les situations dans lesquelles les États parties doivent garantir la réalisation du droit à l’égalité entre les hommes et les femmes et la jouissance de ce droit, ainsi que les devoirs qui sont les leurs à cet égard, réaffirme des obligations, négatives pour certaines, positives pour d’autres. L’élément central de cette disposition étant l’interdiction de la discrimination, les États parties doivent s’abstenir d’entraver, directement ou indirectement, la pleine jouissance du droit des filles et des femmes à l’éducation (obligation de respect). De même, ils doivent prendre des mesures positives pour s’acquitter de leur obligation de mettre en œuvre ce droit – en garantissant le droit d’accès à l’éducation, les droits dans l’espace éducatif et les droits conférés par l’éducation – et contribuer ce faisant à la pleine réalisation du potentiel des filles et des femmes, à égalité avec les hommes.

Les progrès enregistrés, en termes quantitatifs, par les filles et les femmes dans le domaine de l’éducation dans certaines régions du monde ne doivent pas faire oublier la discrimination dont elles continuent de faire l’objet, en dépit de cadres juridiques et politiques formels destinés à favoriser une égalité de fait. Les garanties figurant dans les instruments formels ne sont efficaces qu’à la condition que ces instruments soient utilisés, conformément aux dispositions des articles premier et 2 de la Convention.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes afin de respecter, protéger et mettre en œuvre le droit d’accès des filles et des femmes à l’éducation, leurs droits dans l’espace éducatif et les droits que leur confère l’éducation  :

a) Mieux respecter les dispositions de l’article 10 de la Convention et sensibiliser le public à l’importance de l’éducation, droit fondamental et condition première de l’autonomisation des femmes  ;

b) Incorporer dans les programmes scolaires, à tous les niveaux, une éducation adaptée à l’âge des élèves sur les droits fondamentaux des femmes et sur la Convention  ;

c) Prévoir des amendements constitutionnels et/ou des mesures législatives pour assurer la protection et le respect du droit des filles et des femmes d’accéder à l’éducation, de leurs droits dans l’espace éducatif et des droits que leur confère l’éducation  ;

d) Promulguer des textes de loi qui consacrent le droit à l’éducation, tout au long de la vie, pour toutes les filles et les femmes, y compris celles issues des différentes catégories défavorisées de la population  ;

e) Supprimer et/ou revoir les politiques, directives et pratiques institutionnelles, administratives et réglementaires qui, directement ou indirectement, entrainent une discrimination à l’encontre des filles ou des femmes dans le secteur de l’éducation  ;

f) Adopter un texte de loi fixant à 18 ans l’âge minimum du mariage des filles et, conformément aux normes internationales, faire correspondre la fin de la scolarité obligatoire avec l’âge minimum d’admission à l’emploi  ;

g) Revoir et/ou supprimer les lois et politiques qui autorisent d’exclure d’un établissement scolaire des élèves et enseignantes pour cause de grossesse, et veiller à ce que leur retour après la naissance de l’enfant ne soit soumis à aucune restriction  ;

h) Reconnaître que les droits à l’éducation ont force exécutoire et de ce fait que les filles et les femmes, en cas de manquement, peuvent saisir la justice de manière efficace et dans les mêmes conditions que les hommes, en leur conférant en outre un droit de recours, y compris celui d’obtenir réparation  ;

i) Surveiller la mise en œuvre des dispositions nationales, régionales et internationales régissant le droit des filles et des femmes à l’éducation et garantissant le droit à réparation en cas de manquement  ;

j) Œuvrer avec la communauté internationale et la société civile à l’amélioration et au renforcement du droit des femmes et des filles à l’éducation.

VI.Lutte contre les stéréotypes sexistes

La discrimination dont sont victimes les filles et les femmes dans l’éducation est à la fois idéologique et structurelle. L’aspect idéologique est abordé dans les articles 5 et10 c) de la Convention ; les États parties sont priés de modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme qui sont fondés sur un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. Ce point est particulièrement important si l’on veut assurer aux femmes et aux filles l’exercice du droit d’accès à l’éducation, des droits dans l’espace éducatif et des droits conférés par l’éducation, d’autant que ces pratiques discriminatoires sont non seulement le fait d’individus, mais sont également inscrites dans les textes de loi, politiques et programmes et sont donc perpétuées et mises en œuvre par les autorités.

Dans, l’article 5 a), la dimension structurelle de la discrimination est décrite comme étant ancrée dans des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l’idée de l’infériorité ou de la supériorité de l’un ou l’autre sexe ou d’un rôle stéréotypé des hommes et des femmes. Les États parties sont tenus d’adopter des mesures susceptibles de favoriser une réelle mutation des perspectives d’avenir, des institutions et des systèmes pour que les femmes puissent se libérer des paradigmes masculins du pouvoir et des modes de vie historiquement déterminés. Le système éducatif est l’un de ceux qui se prête à une mutation qui, une fois opérée, permettra d’accélérer les changements positifs dans d’autres domaines.

Dans le droit fil des articles 5 et 10 c) de la Convention, le Comité recommande aux États parties de redoubler d’efforts et de prendre des mesures volontaristes pour éliminer les stéréotypes sexistes dans l’éducation qui perpétuent une discrimination directe et indirecte envers les filles et les femmes et, pour ce faire  :

a) De récuser et faire évoluer les idéologies et structures patriarcales qui empêchent les filles et les femmes d’exercer librement et pleinement leur droit d’accéder à l’éducation, leurs droits dans l’espace éducatif et leurs droits conférés par l’éducation, et d’en jouir  ;

b) D’élaborer et mettre en œuvre des politiques et programmes, notamment des campagnes d’information et de sensibilisation, axées sur la Convention, les relations entre les sexes et l’égalité hommes-femmes, à tous les niveaux de l’enseignement et dans la société au sens large, afin de « modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières », conformément à l’article 5 a) de la Convention  ;

c) D’encourager les médias à diffuser des images positives et non sexualisées des femmes, y compris des femmes et filles appartenant à des minorités ethniques, des femmes âgées et des femmes et filles handicapées, et à présenter l’égalité des sexes comme une valeur pour la société dans son ensemble  ;

d) De concevoir des programmes éducatifs, manuels et supports pédagogiques non stéréotypés – ou de revoir ceux qui existent - afin de faire disparaître les clichés sexistes traditionnels qui reproduisent et renforcent la discrimination fondée sur le sexe envers les filles et les femmes, et de privilégier une image plus équilibrée, exacte, saine et positive des femmes et des filles  ;

e) D’instaurer, à tous les niveaux de l’éducation, une formation obligatoire du personnel enseignant qui mette l’accent sur l’égalité des sexes et la prise en compte de la problématique hommes-femmes, ainsi que sur l’impact des comportements sexistes sur les processus d’enseignement et d’apprentissage.

VII.Droit d’accès à l’éducation

L’accès des filles et des femmes à une éducation de qualité dépend de l’existence d’infrastructures adéquates qui puissent répondre à leurs besoins, sous peine de compromettre leur droit à l’éducation. Lorsque les filles et les femmes n’ont pas accès à une éducation de qualité, elles se heurtent, in fine, à de graves difficultés qui se traduisent notamment par un manque d’autonomie personnelle et de choix : absence de maîtrise dans les décisions les concernant en matière de santé, de sexualité et de procréation, moindre qualité des soins de santé pour elles-mêmes et leurs enfants, pauvreté intergénérationnelle, manque de partage des responsabilités et absence de participation, sur un pied d’égalité avec les garçons et les hommes, à la prise de décisions dans la sphère privée comme dans la vie publique. Pour garantir ce droit, il faut s’intéresser aux problèmes que pose l’accès à l’éducation sur le plan physique, économique et technologique, en particulier pour les groupes défavorisés et les personnes en situation de précarité.

Accès physique : disponibilité d’infrastructures adéquates

Par dotation, on entend le fait d’assurer l’existence d’établissements d’enseignement et de programmes éducatifs en nombre suffisant pour répondre aux besoins des femmes et des filles, à l’intérieur de la juridiction de l’État partie, où qu’elles se trouvent (article 14) ou tout autre facteur. Il faut faire en sorte que l’accèsà ces établissements ne présente aucun danger pour les filles et les femmes, soit en veillant à ce qu’ils soient situés en un lieu raisonnablement accessible, soit en utilisant les technologies modernes. La proximité des établissements scolaires, en particulier dans les zones rurales, est un facteur crucial étant donné la prévalence des violences sexistes dont font l’objet les filles et les femmes dans les espaces publics et les dangers qu’elles courent sur le chemin de l’école. L’éloignement de l’école peut constituer un obstacle majeur à la fréquentation scolaire, en particulier en milieu rural, où vivent plus de 80 % des enfants non scolarisés.

Des aspects essentiels doivent être pris en considération s’agissant de la mise à disposition d’infrastructures adéquates dans les établissements d’enseignement afin d’éliminer les obstacles que pose l’apparition des premières règles, qui peuvent entraver la réussite scolaire des filles. Un environnement scolaire défavorable, caractérisé par exemple par l’insuffisance d’installations sanitaires séparées pour les filles et les garçons, l’absence de formation ou d’empathie du personnel, le manque de produits d’hygiène appropriés et le défaut d’information sur les questions de puberté et de menstruation, contribue à l’exclusion sociale des filles, les amène à moins participer et moins s’intéresser à l’apprentissage, et fait baisser leur fréquentation scolaire.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes pour garantir la disponibilité d’installations physiques propres à assurer l’éducation des filles et des femmes  :

a) Prévoir des ressources budgétaires, humaines et administratives suffisantes afin que des dispositions appropriées puissent être mises en place dans l’enseignement primaire et secondaire pour accueillir toutes les filles des différentes cohortes d’âge  ;

b) Corriger les déséquilibres budgétaires en termes de crédits alloués aux groupes de filles et femmes défavorisés et marginalisés, fondés sur la situation socioéconomique, le lieu de résidence, l’origine ethnique, l’identité sexuelle et les convictions religieuses  ;

c) Adopter des mesures temporaires spéciales allant dans le sens de l’article 4 de la Convention, afin d’accroître le nombre d’enseignants qualifiés, en particulier de sexe féminin, dans les établissements où le corps enseignant est majoritairement masculin, y compris par l’organisation d’une formation appropriée et continue  ;

d) Surveiller la mise en œuvre du droit des filles et des femmes à l’éducation en recueillant périodiquement, à tous les niveaux de l’enseignement, des données ventilées selon le sexe, le lieu de résidence, l’âge, le type d’établissement scolaire et le groupe ethnique sur l’accès à l’éducation, notamment les indicateurs suivants  : nombre de femmes et d’hommes inscrits dans les différents niveaux d’enseignement par rapport à la population d’âge scolaire  ; taux de rétention, d’abandon, de fréquentation et de redoublement  ; nombre moyen d’années de scolarisation pour les filles et les garçons  ; passage d’un niveau à l’autre (du préscolaire au primaire, du primaire au secondaire et du secondaire au supérieur ou au professionnel), nombre d’enseignants masculins et féminins (parité) et taux d’alphabétisation des femmes et des hommes dans différentes tranches d’âge. Ces informations doivent être mises à profit pour éclairer les décisions à prendre, les politiques à définir et les rapports périodiques à présenter au Comité concernant les obstacles que rencontrent les filles et les femmes dans l’accès à l’éducation  ;

e) Adopter des stratégies visant à encourager et suivre les inscriptions dans les écoles, la fréquentation scolaire, la poursuite des études et la réinsertion après un décrochage scolaire, sur la base de données ventilées  ;

f) Améliorer les installations sanitaires en prévoyant des toilettes et sanitaires séparés pour les garçons et les filles dans tous les établissements scolaires, ainsi qu’un accès à l’eau potable.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes pour garantir l’accès des filles et des femmes à l’éducation  :

a) Veiller à ce que les filles et les femmes qui vivent dans les zones rurales et reculées aient accès à l’éducation, conformément aux articles 4 et 14 d) de la Convention et, le cas échéant, adopter des mesures temporaires spéciales pour défendre leur droit à l’éducation  ;

b) Faire en sorte que les établissements scolaires soient physiquement accessibles et situées à des distances raisonnables , en particulier dans les zones rurales et reculées  ;

c) Prévoir des possibilités d’accès aux programmes d’éducation permanents, y compris aux programmes d’alphabétisation pour adultes et d’alphabétisation fonctionnelle, en vue notamment de réduire tout écart d’instruction existant entre les hommes et les femmes (art. 10 e)  ;

d) Déployer un certain nombre d’initiatives, notamment des programmes de protection sociale et de repas scolaire, ou encore la fourniture de produits d’hygiène, afin d’encourager la fréquentation scolaire, en particulier dans les zones rurales et reculées  ;

e) Proposer aux filles des formules de scolarisation en internat ou prévoir des moyens de transport lorsque l’éloignement de l’établissement scolaire ne leur permet pas d’accéder à l’éducation et veiller à ce que, dans ces structures, les filles soient protégées contre les violences sexuelles et autres formes de maltraitance  ;

f) Former les enseignants pour qu’ils puissent offrir un environnement et une culture sur lesquels les filles qui atteignent l’âge pubère puissent compter pour pouvoir participer en toute confiance à des activités d’apprentissage, sans peur ni honte et en toute sécurité.

Accessibilité technologique

Lorsque les ressources financières sont limitées, une solution de rechange pour pallier les difficultés que pose l’accès physique aux établissements scolaires peut consister à recourir à un enseignement ouvert et à distance, grâce aux technologies de l’information et des communications. Elle offre des avantages spécifiques aux filles et aux femmes qui n’ont qu’un accès limité aux formes traditionnelles d’éducation et de formation, y compris celles qui en sont exclues du fait de l’éloignement de la structure scolaire en milieu rural, en raison de tâches domestiques ou de responsabilités parentales, en particulier en cas de mariages d’enfants et de grossesses précoces, ou pour d’autres obstacles d’ordre social et culturel. Les femmes qui souhaitent poursuivre des études supérieures en conjuguant activités professionnelles et vie familiale trouvent également un intérêt dans cette possibilité d’enseignement.

Les technologies permettant un enseignement ouvert présentent d’autres aspects bénéfiques : mise en place de nouveaux modèles d’enseignement et d’apprentissage et promotion d’une nouvelle culture de l’apprentissage, flexibilité accrue pour les apprenants adultes, possibilité pour les employeurs de proposer des formations continues à moindre coût sur le lieu de travail et, pour les pouvoirs publics, d’augmenter la rentabilité de l’éducation et de la formation ainsi que les perspectives dans ce domaine.

Le Comité recommande aux États parties, lorsque rien n’est prévu pour permettre aux filles et aux femmes d’accéder à l’éducation par l’enseignement ouvert et à distance, de prendre les mesures suivantes  :

a) Étudier la possibilité de recourir à de telles formules, au niveau secondaire et supérieur, en mettant en place des filières diplômantes s’appuyant sur l’enseignement ouvert  ;

b) Relever le niveau des connaissances et compétences des enseignants en matière d’utilisation des technologies de l’information et des communications et prévoir la formation requise pour leur permettre d’exercer leur métier dans un système d’enseignement ouvert  ;

c) Veiller à ce que les filles et les femmes appartenant à des groupes défavorisés, issues de communautés rurales ou ayant un faible niveau d’alphabétisation ne soient pas exclues de ces dispositifs faute d’avoir accès aux outils et compétences nécessaires pour y participer valablement.

Accessibilité économique

L’éducation doit être d’un coût abordable pour tous, sans discrimination fondée sur le sexe ou tout autre motif proscrit ; elle doit reposer sur un enseignement obligatoire et gratuit de la maternelle au secondaire, puis progressivement jusqu’à l’université. Dans de nombreux États parties, pourtant dotés d’une législation prévoyant la gratuité de l’enseignement jusqu’à un âge ou un niveau d’études déterminé, les élèves scolarisés dans l’enseignement public se voient réclamer des frais supplémentaires qui viennent compléter les subventions des pouvoirs publics. En outre, les parents doivent faire face à un certain nombre de coûts cachés (uniformes, transports, manuels et autres matériels pédagogiques, repas, ainsi que taxes et participations diverses aux frais), les étudiants les plus pauvres étant les plus durement touchés et souvent en butte à la stigmatisation.

Le fait de rendre payant l’accès à l’éducation en instituant des droits de scolarité, oblige les parents aux revenus modestes à choisir lequel de leurs enfants pourra aller à l’école, le choix se portant dans bien des cas sur les garçons plutôt que sur les filles. Ils décident en fonction de ce que leur investissement éducatif leur paraît devoir être le plus rentable, à long terme, pour la famille. En raison de la persistance des inégalités entre les sexes, les marchés du travail favorisent généralement les hommes. Les parents en concluent qu’il vaut mieux donner une instruction aux garçons, qui auront, à la fin de leur scolarité, plus de chances de trouver un emploi. Le choix des parents est également influencé par les stéréotypes qui relèguent les filles aux tâches domestiques.

En temps de crise économique, nombreux sont les États parties qui procèdent à des coupes dans les services sociaux et confient le secteur de l’éducation à des entités privées ainsi qu’à des structures non étatiques comme des communautés religieuses ou des associations locales ou des organisations non gouvernementales. Il est établi que cette privatisation a des conséquences négatives pour les filles et les femmes, en particulier celles issues des familles les plus pauvres, qui se trouvent ainsi privées d’éducation.

Le Comité recommande aux États parties de tout faire pour veiller à ce que les frais de scolarité et les coûts cachés n’aient pas d’incident négatif sur l’accès des filles et des femmes à l’éducation, en adoptant les mesures suivantes  :

a) Dispenser une éducation reposant sur le principe d’un enseignement universel, gratuit et obligatoire, de la maternelle au secondaire, indépendamment de la situation socioéconomique des citoyens de l’État partie, ainsi qu’aux filles et femmes ayant un statut de migrantes ou de réfugiées  ;

b) Proposer des études universitaires à un coût abordable, en réduisant les droits réclamés aux étudiants ainsi que les coûts indirects et coûts d’opportunité  ;

c) Mettre en place des filets de sécurité et autres mesures afin que les filles et femmes issues des couches socioéconomiques inférieures ne se voient refuser l’accès à aucun des niveaux d’enseignement en raison de leur incapacité à payer les frais de scolarité et/ou les coûts cachés  ;

d) Exiger des acteurs privés désireux de gérer des établissements universitaires qu’ils respectent les mêmes normes relatives à la non- discrimination envers les filles et les femmes que celles applicables aux établissements publics  ;

e) Mener des campagnes ciblées sur les parents et la société au sens large afin de les amener à renoncer à la préférence accordée aux hommes en matière d’éducation et reconnaître la valeur de l’éducation des filles.

Groupes de filles et de femmes défavorisées

De nombreuses filles et femmes sont exclues de l’éducation et marginalisées parce qu’elles sont simultanément exposées à plusieurs formes croisées de discrimination et rencontrent divers problèmes – manque de pertinence des programmes scolaires, enseignement dispensé seulement dans la langue de la majorité, risques de violences, de stigmatisation et de pauvreté. Figurent notamment parmi ces groupes défavorisés ou vulnérables :

Étudiantes issues de minorités ethniques et autochtones

Les filles non scolarisées dans l’enseignement primaire appartiennent pour la plupart à des minorités ethniques et à d’autres groupes de la population victimes d’exclusion. Les principaux facteurs qui ont une incidence sur l’accès de ces groupes à l’éducation sont la pauvreté, la discrimination, la non-prise en compte de la diversité culturelle et le fait que l’enseignement soit souvent dispensé dans la langue dominante du pays, ce qui se traduit par un moins bon niveau d’instruction, des taux d’abandon scolaire plus élevés, la perte de la langue d’origine et un manque de confiance en soi.

Étudiantes réfugiées, demandeuses d’asile, apatrides, clandestines, déplacées et migrantes

Les filles et femmes déracinées de force finissent généralement dans des camps dépourvus d’infrastructures scolaires ou ne disposant que d’une école de fortune offrant une capacité d’accueil limitée, sans programmes éducatifs ni enseignement dans leur langue. Les déplacements de population posent des obstacles particuliers à l’apprentissage : il s’avère parfois impossible de retrouver du personnel enseignant ; il arrive aussi que les infrastructures matérielles soient détruites, et les enfants risquent de perdre, dans leur fuite, les documents exigés par l’État pour pouvoir s’inscrire à l’école. Ces déplacements peuvent affecter plus particulièrement les filles car l’insécurité accrue dont ils s’accompagnent amène certains parents à les garder à la maison.

Étudiantes handicapées

Des millions de filles et femmes handicapées sont privées du droit à l’éducation en raison des formes intersectorielles de discrimination – sexe et handicap – dont elles sont victimes. Selon l’UNESCO, un tiers des enfants non scolarisés dans le monde sont des enfants handicapés.

De nombreux gouvernements encouragent officiellement l’éducation inclusive ; toutefois, dans la pratique, les enfants handicapés – et plus encore les filles – sont exclus de l’école ou cantonnés dans des établissements d’enseignement spécial. Le faible taux de fréquentation scolaire des enfants handicapés, surtout des filles, a des causes similaires dans le monde entier : manque d’accessibilité physique, refus des enseignants ou des directeurs d’établissements d’accepter ces enfants, non-prise en compte de leurs besoins dans les programmes scolaires et matériels pédagogiques et, plus généralement, stigmatisation et manque d’information des parents et des communautés, avec pour conséquence une image négative quant aux capacités d’apprentissage des femmes et filles handicapées. En outre, le nombre d’enseignants formés pour s’occuper d’élèves ayant des besoins particuliers est souvent insuffisant.

Les étudiantes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées

L’intimidation, le harcèlement et les menaces exercés à l’encontre de ces étudiantes par d’autres élèves ou par des enseignants constituent autant d’obstacles au droit à l’éducation. Les écoles perpétuent et renforcent les préjugés sociaux, soit parce que les instances dirigeantes des établissements ne mettent pas concrètement en œuvre les politiques arrêtées en la matière, soit parce que les enseignants, chefs d’établissement et autres autorités scolaires ne font pas suffisamment respecter les mesures de lutte contre la discrimination. Un niveau d’instruction limité et des tabous culturels sont parmi les facteurs qui empêchent les étudiantes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées de s’élever dans l’échelle sociale et les exposent davantage à la violence.

Le Comité recommande aux États parties de tout faire pour garantir le droit à l’éducation de toutes les catégories défavorisées et marginalisées en éliminant les stéréotypes et la discrimination, en levant les obstacles qui entravent l’accès à l’éducation et en déployant les mesures suivantes  :

a) Lutter contre les stéréotypes, en particulier ceux qui visent les filles et femmes autochtones et celles issues des minorités et, en ce qu’ils peuvent compromettre leur accès à l’éducation et les exposent à des violences au sein de leur établissement scolaire, dans leur communauté et sur le chemin de l’école, spécialement dans les zones reculées  ;

b) S’attaquer aux difficultés socioéconomiques et aux mauvaises conditions de vie que connaissent plus particulièrement les filles et les femmes autochtones et celles issues des minorités et, qui entravent leur accès à l’éducation, compte tenu aussi de la préférence accordée aux garçons en matière d’éducation dans les familles aux revenus modestes  ;

c) Veiller, le cas échéant, en collaboration avec les donateurs et les agences humanitaires, à ce que des dispositions appropriées soient prises pour l’éducation et la sécurité de tous les groupes de filles et femmes défavorisées  ;

d) S’assurer que l’application d’un code vestimentaire obligatoire et l’interdiction de certains vêtements ne constituent pas un obstacle à l’admission dans les établissements scolaires ordinaires, en particulier pour les élèves issus de l’immigration  ;

e) Éliminer toutes les formes de discrimination dirigées contre les filles et femmes handicapées en recensant et en supprimant les barrières juridiques, physiques, sociales, financières, comportementales et linguistiques, ainsi que celles liées aux problèmes de communication au sein des établissements d’enseignement et des communautés  ;

f) Prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les filles et femmes handicapées ne fassent l’objet d’aucune discrimination à aucun niveau d’enseignement, en proposant une éducation inclusive dans un cadre d’apprentissage bénéficiant d’aménagements raisonnables  ;

g) Garantir que les établissements scolaires soient physiquement accessibles et empêcher les chefs d’établissements de s’opposer à l’inscription d’élèves handicapés, en particulier lorsqu’il s’agit de filles  ; s’assurer que les programmes scolaires ainsi que les supports et stratégies pédagogiques soient adaptés aux besoins particuliers des personnes touchées par diverses formes de handicap  ;

h) Prévoir, dans l’esprit de l’article 4 relatif aux mesures temporaires spéciales, des incitations propres à attirer et former des éducateurs spécialisés à tous les niveaux de l’enseignement  ;

i) Lutter contre la discrimination exercée à l’encontre des femmes et filles lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées en veillant à ce que des initiatives soient mises en place pour lever les obstacles entravant leur accès à l’éducation.

Accès à l’éducation dans les situations de conflit et de catastrophe naturelle

Il est un autre facteur qui limite l’accès des filles et des femmes à l’éducation, à savoir l’effondrement total des infrastructures fournissant des services publics en raison de conflits armés, ce qui empêche la population de bénéficier de services essentiels. Dans les zones touchées par un conflit, les écoles sont fermées à cause de l’insécurité, occupées par les forces armées ou des groupes armés non étatiques, ou détruites, empêchant les filles d’aller à l’école. Dans sa recommandation générale no 30 sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, le Comité a noté que parmi les autres facteurs empêchant les filles de recevoir une éducation figurent les attaques ciblées et les menaces dont elles et leurs enseignants font l’objet de la part d’acteurs non étatiques, ainsi que le fait qu’elles soient obligées de s’occuper de leur famille et de travaux domestiques.

Selon la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques, les établissements d’enseignement ont été utilisés dans des conflits dans au moins 24 pays sur quatre continents entre 2005 et 2012. Outre les risques de décès ou de blessures graves en cas d’attaque, les étudiants qui fréquentent des écoles occupées par des troupes ou des forces armées peuvent être exposés à des violences physiques ou sexuelles, les filles étant plus vulnérables que les garçons à cet égard. La présence d’hommes en armes dissuade souvent les familles d’envoyer leurs filles à l’école, de crainte qu’elles ne soient victimes de violences sexuelles ou ne fassent l’objet de harcèlement sexuel. Aussi, décident-elles souvent de les marier à un âge précoce, pensant que cela leur assurera une certaine protection. Globalement, les attaques dirigées contre des lieux d’enseignement et l’utilisation d’écoles et d’universités par des militaires ou des groupes armés ont des incidences disproportionnées ou discriminatoires sur les filles et les femmes.

Les femmes et les enfants constituent les groupes les plus vulnérables en cas de catastrophe naturelle. La destruction ou l’utilisation d’écoles comme refuges pour les familles affectées a de graves conséquences en termes d’accès à l’éducation, qui se traduisent notamment par la perte de temps d’instruction et des taux élevés de décrochage scolaire.

Le Comité recommande aux États parties de mettre en œuvre les mesures suivantes dans les situations de conflit et de catastrophe naturelle, afin de minimiser leurs répercussions sur l’accès des femmes et des filles à l’éducation et de protéger leur droit à l’éducation et à la sécurité  :

a) Adopter des textes de loi, revoir les pratiques et politiques militaires et organiser des formations en vue d’interdire aux forces armées et groupes armés nationaux d’utiliser ou d’occuper des écoles, des enceintes scolaires ou tout autre structure et établissement d’enseignement d’une manière contraire au droit international humanitaire et/ou au droit à l’éducation inscrit dans le droit international des droits de l’homme  ;

b) Prendre des dispositions pour mettre les étudiantes et enseignantes à l’abri des violences physiques et sexuelles que pourraient exercer des acteurs étatiques et non étatiques occupant des établissements d’enseignement  ;

c) Évaluer et atténuer l’impact des conflits armés sur l’accès des filles et des femmes  à l’éducation  ;

d) Ayant à l’esprit la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ainsi que des résolutions ultérieures sur ce même sujet, faire preuve d’une réelle détermination à faire en sorte de prévenir les attaques ciblées sur des établissements d’enseignement et de protéger les femmes et les filles  ;

e) Veiller à associer réellement les femmes, y compris celles issues de catégories défavorisées, à la surveillance des attaques visant des établissements scolaires et à l’élaboration de mesures de prévention, de protection et de consolidation de la paix  ;

f) Mettre au point des mesures d’intervention efficaces, coordonnées, reconstructives et rapides, y compris en matière de responsabilité juridique et non juridique, afin d’amener les auteurs de telles attaques à répondre de leurs actes  ;

g) Mener systématiquement des enquêtes et engager des poursuites judiciaires, dans le respect des normes internationales, à l’encontre d’individus coupables d’avoir ordonné l’une des diverses violations des droits de l’homme, du droit humanitaire et du droit pénal que constituent les attaques visant des établissements d’enseignement, d’y avoir pris part ou d’en avoir assumé le commandement  ;

h) Faire en sorte que, lorsque des écoles sont détruites ou utilisées comme refuges en cas de catastrophe naturelle, la scolarisation des femmes et des filles n’en soit pas indûment entravée  ;

i) Accorder la priorité à la remise en état des établissements scolaires touchés par des catastrophes naturelles, en particulier ceux qui accueillent des filles et femmes défavorisées  ;

j) S’assurer que tous les nouveaux bâtiments scolaires soient conformes aux normes de construction int é gr a nt les principes de résistance aux catastrophes, et mener régulièrement des audits sur les établissements scolaires en fonctionnement.

Barrières culturelles

Même lorsque les infrastructures sont en nombre suffisant et que leur accessibilité ne pose pas problème, la persistance des systèmes patriarcaux et des normes et pratiques culturelles qu’ils sous-tendent ainsi que les rôles traditionnellement dévolus aux filles et aux femmes, peuvent s’avérer de puissants obstacles à l’exercice de leur droit à l’éducation.

Les filles non scolarisées sont plus susceptibles que les autres d’être mariées de force. Les pratiques discriminatoires et préjudiciables que constituent les mariages d’’enfants et/ou les mariages forcés, associées aux pratiques religieuses ou culturelles de certaines sociétés, ont des répercussions négatives sur le droit à l’éducation. Lorsque les filles ne sont pas en mesure de terminer leurs études en raison d’un mariage précoce et/ou forcé suivi d’une grossesse, elles se heurtent à des obstacles concrets, à savoir une déscolarisation forcée, le poids des normes sociales qui les cantonnent à la maison, et une stigmatisation. Le mariage d’enfants accroît également les risques de violences conjugales, augmente les problèmes de santé potentiels liés à la procréation, et limite le droit de circuler librement. En ne luttant pas contre le mariage des enfants, les gouvernements manquent à leur obligation de garantir l’accès des filles à l’éducation, sur un pied d’égalité avec les garçons.

Dans certaines régions du monde, la pratique culturelle généralisée des mutilations génitales féminines constitue un frein à l’éducation des filles, et va parfois jusqu’à entraîner l’arrêt définitif de leur scolarité. Les complications dues à ces interventions peuvent amener les filles à être moins concentrées à l’école ou à ne pas s’y rendre, d’où de mauvais résultats scolaires et un abandon prématuré des études. Dans certains pays, le coût élevé de ces interventions a également des incidences sur la capacité des parents à s’acquitter par la suite des frais de scolarité, ce qui se traduit également par des décrochages scolaires. Le mariage forcé qui suit ce type d’intervention, marquant l’entrée dans la vie adulte, peut également conduire les filles à arrêter leurs études en raison d’une grossesse ou de responsabilités familiales.

La pauvreté – et les pratiques culturelles – poussent les enfants à exercer un travail, qu’il soit rémunéré ou non. Dans un rapport de 2015 sur le travail des enfants et l’éducation, l’Organisation internationale du Travail indique que 168 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans restent pris au piège du travail des enfants. Les filles sont surreprésentées dans le secteur de l’économie domestique, travaillant soit dans leur propre foyer, soit pour des tiers, et assumant une double charge de travail à l’intérieur et à l’extérieur du foyer, ce qui, dans bien des cas, ne leur laisse guère de temps pour s’instruire. Chez celles et ceux qui arrivent à combiner école et travail, les résultats scolaires s’en ressentent, de sorte qu’ils arrêtent prématurément leurs études. Dans de nombreuses régions, le travail des enfants est aussi une pratique dictée par la culture, les enfants participant aux travaux de la famille, en particulier les travaux saisonniers ou ceux effectués certains jours de la semaine.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes pour atténuer les répercussions des pratiques culturelles et religieuses sur l’accès des filles et des femmes à l’éducation  :

a) S’assurer que les filles et les femmes ne soient pas privées de leur droit à l’éducation pour des raisons liées à des normes et pratiques patriarcales, religieuses ou culturelles, conformément à la recommandation générale conjointe n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et l’observation générale n o  18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables (2014)  ;

b) Faciliter le dialogue avec les chefs religieux et traditionnels sur la valeur de l’éducation des filles et l’importance de lutter contre les pratiques et coutumes qui entravent leur participation à l’éducation, à tous les niveaux  ;

c)Veiller à ce que l’âge minimum de mariage pour les filles soit fixé, avec ou sans consentement parental, à 18 ans, conformément à la recommandation générale conjointe n o  31 et à l’observation générale no 18  ;

d) Aborder la question des mutilations génitales féminines aussi bien dans le système éducatif formel qu’informel, afin qu’elle soit ouvertement débattue, sans stigmatisation, et que les filles et femmes puissent recevoir des informations exactes sur les effets préjudiciables et néfastes de cette pratique, conformément à la recommandation générale n o  14 du Comité sur l’excision (1990)  ;

e) Former les enseignants, animateurs et éducateurs pour jeunes afin qu’ils puissent donner aux filles des informations sur les mutilations génitales féminines et apporter un soutien à celles qui risquent de subir ou ont subi de telles interventions  ;

f) Encourager les chefs religieux et responsables locaux à s’opposer à la pratique des mutilations génitales féminines, et les inciter à informer et sensibiliser leurs communautés quant aux dangers qu’elle présente  ;

g) Concevoir une politique d’éducation inclusive permettant aux filles enceintes, aux jeunes mères et aux filles mariées, de moins de 18 ans, de continuer leurs études ou de retourner à l’école et de veiller à ce que ces politiques soient diffusées à tous les établissements d’enseignement, ainsi qu’aux parents et aux communautés  ;

h) S’attaquer aux pratiques qui pourraient entraver l’accès à l’éducation, comme celles qui amènent les filles à travailler à la maison sans être rémunérées  ;

i) Veiller à ce que tous les enfants, en particulier les filles, qui n’ont pas atteint l’âge minimum d’admission à l’emploi suivent une scolarité à temps plein, y compris, le cas échéant et conformément aux normes internationales du travail, un enseignement professionnel ou technique.

VIII.Droits dans l’espace éducatif

Les droits des femmes et des filles dans l’espace éducatif sont liés à l’obligation des gouvernements de faire en sorte que l’instruction soit acceptable. L’acceptabilité porte sur les questions relatives à la forme (contenu) et au fond (qualité) de l’éducation qui se posent dans l’environnement éducatif, ainsi que sur le contenu et les méthodes d’enseignement. Pour que ces droits puissent être mis en œuvre, l’État doit dégager des fonds, mettre en place les infrastructures nécessaires et offrir aux élèves et enseignants l’aide et le matériel dont ils ont besoin. Il faut également que les filles aient accès à une instruction comparable à celle prodiguée aux garçons, en termes de qualité des enseignants et des infrastructures, ainsi qu’à un environnement qui leur permette d’aller de l’avant sur la voie de l’autodétermination et de l’épanouissement. Par conséquent, les droits dans l’espace éducatif englobent le respect et la promotion des droits fondamentaux des filles et des femmes durant tout le cycle d’instruction.

Le manque de respect et de dignité auquel doivent faire face les femmes et filles dans les établissements d’enseignement, selon la façon dont ceux-ci gèrent la question d’égalité des sexes, est le reflet de l’ordre social au sens large. Un environnement où le respect et la dignité des filles et des femmes sont bafoués est souvent marqué par des idéologies, pratiques et structures patriarcales profondément enracinées, qui façonnent le vécu au quotidien des enseignants et des élèves. Pouvant être exposées des années, jusqu’à dix ans voire plus, à un tel environnement, caractérisé par les violences physiques, psychologiques et sexuelles, les filles sont privées de leurs droits dans le domaine de l’éducation. Diverses questions doivent être réglées pour veiller à ce que les filles et les femmes, y compris le personnel enseignant féminin, puisse jouir d’une égalité de traitement et de chances.

Hiérarchisation des établissements scolaires et des connaissances [article 10 a) et b)]

D’une manière générale, les systèmes éducatifs présentent d’importantes différences quant à la façon dont les élèves sont orientés, en particulier lors du passage du primaire au secondaire, et dirigés vers des écoles et/ou filières qui privilégient soit un enseignement général soit une formation professionnelle. Dans certains systèmes, une fois le choix fait, il est difficile de passer d’une filière professionnelle à une filière universitaire. La situation socioéconomique des familles a une grande influence sur l’orientation des élèves vers tel ou tel type d’établissement. Ceux qui appartiennent aux classes sociales supérieures ont plutôt tendance à fréquenter des établissements d’enseignement général offrant un niveau élevé d’instruction qui leur donnera directement accès aux études supérieures. Cette différenciation au sein des systèmes éducatifs a pour conséquence d’entretenir très tôt les inégalités socioéconomiques, bien avant que les élèves n’achèvent leurs études et n’entrent dans la vie active.

Ce système d’éducation différencié se distingue aussi par des écarts notables en termes de ressources matérielles allouées aux établissements scolaires pour les aider à dispenser leurs programmes. Les établissements situés dans des communautés qui se situent plus bas sur l’échelle socioéconomique sont généralement moins bien lotis en ce qui concerne les ressources matérielles et la qualité des enseignants que ceux implantés dans les communautés plus aisées, qui sont davantage en mesure de demander une participation financière aux parents pour compenser l’insuffisance des fonds publics.

Un autre facteur de différence entre ces établissements est l’enseignement des disciplines en fonction du sexe des étudiants. Dans les établissements d’enseignement général, les filles sont souvent regroupées dans les sections littéraires et sous-représentées dans celles consacrées aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie et aux mathématiques ; dans les établissements d’enseignement professionnel, elles sont majoritaires dans des filières telles que l’alimentation et la nutrition, la cosmétologie ou le secrétariat. La hiérarchisation des étudiants et des connaissances conduit, à terme, à pousser les filles vers des professions socialement déconsidérées. Cette situation peut être plus marquée encore dans les établissements non mixtes, où souvent seules les matières jugées appropriées à un sexe déterminé sont enseignées. Ainsi, une école de filles ne proposera pas l’apprentissage des métiers de la menuiserie, du bâtiment et de la construction. Pour contribuer à ce que les filles et les femmes aient effectivement droit à une éducation de même qualité que celle dispensée aux garçons et aux hommes, il faut que les établissements scolaires proposent tout l’éventail des qualifications générales et professionnelles et évitent de renforcer la ségrégation sexiste des programmes scolaires.

L’un des volets majeurs de l’enseignement technique et professionnel dans lequel le sexe féminin est sous-représenté est l’informatique. Soixante pour cent de la population mondiale, dont une majorité de filles et de femmes, sont privées du droit d’accéder au pouvoir de transformation de l’Internet. Pour surmonter la fracture numérique entre les hommes et les femmes en termes d’utilisation des nouvelles technologies et donner aux femmes l’égalité d’accès à l’information et aux possibilités d’emploi dans ces secteurs d’activité, il faut que les établissements scolaires s’attaquent aux obstacles à l’origine de leur exclusion.

L’article 10 g) de la Convention prévoit que les filles et les femmes ont les mêmes possibilités de participer activement aux sports et à l’éducation physique. Mais les stéréotypes couramment véhiculés font que les progrès obtenus sur le terrain de l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes dans ce domaine butent sur les discriminations observées dans tout ce qui touche au sport et à l’activité physique. La ségrégation entre les hommes et les femmes persiste et la participation des femmes au processus décisionnel est limitée, tant au niveau national qu’au plan international. En outre, la valeur attachée au sport féminin est souvent moindre, de sorte que les moyens dégagés pour encourager la participation des femmes sont insuffisants, comme l’est la rémunération des femmes athlètes. L’image des femmes dans le sport que projettent les médias influe également sur les stéréotypes les concernant. Les violences, l’exploitation et le harcèlement dont sont victimes les femmes dans le sport reflètent aussi la domination masculine traditionnelle dans ce domaine.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes afin de faire en sorte que les systèmes éducatifs offrent aux hommes comme aux femmes une égalité des chances, et leur laisse le choix des études et de la profession  :

a) Réformer et normaliser, selon que de besoin, le système éducatif pour garantir une répartition équitable des ressources allouées à l’éducation entre tous les établissements scolaires, où qu’ils soient et quel que soit le type d’étudiants auxquels ils s’adressent  ;

b) Lever les obstacles idéologiques et structurels qui subsistent dans les écoles mixtes, en particulier au niveau secondaire, comme la mise en place de calendriers scolaires prévoyant des cours uniquement dispensés à des garçons ou à des filles, ce qui oblige les étudiants à suivre ces cours séparément et empêche l’interaction et la discussion entre filles et garçons en ce qui concerne les matières concernées, ou encore l’attitude d’enseignants qui empêchent les filles de décider librement des matières et options qu’elles souhaitent suivre  ;

c) Aider les stagiaires et enseignants à conseiller les élèves et les parents en matière d’orientation professionnelle, afin de changer les idées reçues sur les sujets ou les carrières réservés à l’un ou l’autre sexe  ;

d) Prendre des initiatives pour accroître la participation des femmes et des filles dans les filières des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques, à tous les niveaux de l’enseignement, en prévoyant des formules incitatives à cet effet, telles que des bourses, et en adoptant des dispositions temporaires spéciales, conformément à l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales  ;

e) Veiller à proposer aux filles, dans les établissements non mixtes, l’ensemble des matières, en particulier dans l’enseignement technique et professionnel, afin qu’elles puissent ensuite intégrer des filières majoritairement masculines, et inversement, et élargir ainsi leurs possibilités de carrière  ;

f) Mettre en place, à l’échelon national, des plans ou stratégies dans le secteur informatique, qui soient assortis d’objectifs précis de parité dans les écoles et établissements d’enseignement supérieur, et veiller à ce que ces plans ou stratégies soient adossés à des programmes spécifiques susceptibles de mise à exécution dans les écoles et dotés d’un budget suffisant à cette fin et pour la collecte régulière de données ventilées par sexe permettant de suivre la réalisation des objectifs  ;

g) Adopter des mesures législatives et politiques claires qui fassent en sorte que, lorsque les filles et les femmes participent à des activités et disciplines à prédominance masculine dans les établissements d’enseignement, elles soient protégées contre le harcèlement et les violences à caractère sexuel  ;

h) Donner aux filles et aux femmes les mêmes chances de pouvoir choisir, dans les établissements d’enseignement scolaires, des disciplines liées à l’activité physique et au sport et de tirer profit des bienfaits physiques et psychologiques qu’ils procurent  ;

i) Combattre les stéréotypes traditionnels et prévoir des installations permettant aux filles et aux femmes de participer à des activités physiques et sportives à dominante masculine, aussi bien dans les établissements mixtes que dans ceux réservés aux filles  ;

j) Prendre des mesures positives, prévoir un traitement préférentiel ou mettre en place un système de quotas dans les domaines du sport, de la culture et des loisirs, conformément à la recommandation générale n o  25 et, le cas échéan t, cibler directement les filles et les femmes soumises à divers types de discrimination, notamment les femmes vivant en milieu rural, dans le droit fil de la recommandation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales.

Inégalité entre les sexes, maltraitance et violences sexuelles en milieu scolaire

Dans le domaine de l’éducation, l’inégalité entre les sexes se traduit notamment par des différences de traitement consistant à favoriser les personnes d’un sexe déterminé ou à leur réserver de manière préférentielle des gratifications diverses – attention accrue, meilleures notes, choix plus ouverts, louanges ou punitions plus légères en cas de mauvaise conduite. Elle se manifeste également par un déséquilibre dans les rapports de force entre enseignants et élèves. Dans les structures éducatives, la façon dont les filles ressentent cette inégalité est influencée par plusieurs éléments, tels que le fait qu’elles soient de sexe féminin, leur situation socioéconomique, leur race ou origine ethnique, leur appartenance à des minorités ou encore leur apparence et leur langue.

Par ailleurs, les filles et les femmes souffrent du climat de sexualisation qui règne à l’école, ce qui est le cas lorsque les relations entre filles et garçons ont une connotation sexuelle non souhaitée comme le harcèlement sexuel dont sont victimes les filles à l’école ou sur le chemin de l’école. Les filles peuvent être confrontées à des actes de harcèlement sexuel et à des violences à caractère sexuel de la part d’étudiants, d’enseignants ou d’autres membres de leur communauté, ou être injustement traitées à l’école. Les agressions sexuelles et autres formes de violences fondées sur le sexe commises dans les établissements scolaires entrainent également d’autres conséquences pour les victimes : piètre estime d’elles-mêmes, mauvais résultats scolaires et effets négatifs à long terme sur leur santé et leur bien-être. La violence tient les filles à l’écart de l’école, les amène à abandonner prématurément leurs études ou à ne pas participer pleinement à la vie scolaire. Elle commence souvent par des insultes verbales et des gestes menaçants qui, si ceux qui représentent l’autorité ne réagissent pas, dégénèrent en actes de violence.

Les filles appartenant à des groupes défavorisés sont plus exposées à la violence en milieu scolaire en raison des multiples formes de discrimination auxquelles elles doivent faire face. La séropositivité, l’appartenance à une caste ou une ethnie donnée, la race et la religion aggravent plus particulièrement le risque de subir des actes de violence et influent sur la nature de ces derniers. Les filles handicapées se heurtent à une discrimination fondée à la fois sur le sexe et le handicap, tandis que les lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées sont en butte aussi bien au sexisme qu’à l’homophobie.

Bien que les actes de harcèlement et de violence à caractère sexuel exercés à l’encontre des filles soient très répandus dans les établissements d’enseignement et constituent un obstacle majeur à leur droit d’accès à l’éducation et à leurs droits dans l’espace éducatif, ce problème n’est pas toujours pris en compte dans les politiques et programmes relatifs à l’éducation. Très souvent, il n’existe pas de mécanisme rigoureux de responsabilisation et, dans les écoles, la question est passée sous silence ou la faute est rejetée sur la victime et les agresseurs restent impunis.

Les violences sexuelles dont les filles sont l’objet peuvent se solder par des grossesses non désirées, en particulier à l’adolescence, et il est donc nécessaire de les sensibiliser à ce problème et à ses conséquences. Face à l’ampleur du phénomène, qui touche aussi bien la sphère familiale que le milieu scolaire et la collectivité, il faut mettre en place un programme adapté à chaque âge, obligatoire à tous les niveaux d’enseignement, visant à dispenser une éducation sexuelle digne de ce nom, notamment sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, sur les comportements sexuels responsables et sur la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles, conformément aux articles 10 h) et 12 de la Convention et aux recommandations générales no 24 (1999) du Comité sur les femmes et la santé et no 35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes, qui met à jour la recommandation no 19. Les enseignants doivent suivre une formation spécifique pour pouvoir adapter leurs cours en fonction de l’âge des enfants et du niveau d’enseignement. Dans les établissements d’enseignement secondaire qui s’appuient sur un personnel majoritairement masculin, il faut s’efforcer de recruter, former et embaucher des enseignantes qui pourront donner l’exemple et rendre les salles de classe plus sûres et plus accueillantes pour les filles et les jeunes femmes.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes pour lutter contre les violences faites aux filles et aux femmes dans les établissements d’enseignement et pendant la scolarité, afin de protéger leur droit au respect et à la dignité  :

a) Promulguer et faire appliquer des lois, politiques et procédures appropriées pour interdire et combattre les violences faites aux filles et femmes dans et autour des établissements scolaires, y compris les agressions verbales et psychologiques, le harcèlement, notamment sexuel, les violences sexuelles et physiques, ainsi que l’exploitation  ;

b) Recruter, former et embaucher davantage de femmes dans les établissements éducatifs où le corps enseignant est en majorité masculin  ;

c) Veiller à ce que les filles et les femmes touchées par les violences en milieu scolaire aient un accès effectif à la justice et puissent demander réparation  ;

d) Réagir aux actes de violence commis contre des filles et des femmes dans les établissements d’enseignement en mettant en place des mécanismes de signalement confidentiels et indépendants, en menant de véritables enquêtes, en engageant des poursuites pénales le cas échéant, en prononçant des sanctions adéquates contre leurs auteurs et en proposant des services destinés à venir en aide aux victimes ou aux survivantes  ;

e) Veiller à ce que tous les actes de violence que subissent les filles et les femmes dans des établissements d’enseignement soient signalés et consignés, vérifier le casier judiciaire du personnel éducatif avant leur embauche, et élaborer et appliquer des codes de conduite à l’intention de l’ensemble du personnel scolaire et des étudiants  ;

f) Adopter des plans d’action nationaux pour lutter contre les violences faites aux filles en milieu scolaire, comportant notamment des directives destinées aux établissements scolaires, et obliger les enseignants et les élèves à suivre une formation dans le cadre de stratégies d’intervention rapide permettant de faire face aux actes de harcèlement et de violence à caractère sexuel dont elles sont l’objet  ;

g) Mettre au point un mécanisme public de prévention et d’enquête en matière de violences en milieu scolaire et allouer des fonds publics suffisants pour s’attaquer à ce problème  ;

h) Offrir des services de soutien aux filles victimes de violences, sous la forme notamment de conseils, de traitements médicaux, d’informations sur le VIH/sida et de médicaments  ;

i) Élaborer et déployer, à tous les niveaux d’enseignement, des programmes obligatoires adaptés à chaque âge, fondés sur des données factuelles et scientifiquement exacts, qui donnent des informations complètes sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, les comportements sexuels responsables ainsi que la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles.

Harcèlement en ligne

Le harcèlement en ligne est une autre forme de violence que subissent les filles et qui consiste à les intimider, menacer ou harceler par des moyens informatiques et à travers les réseaux sociaux. Si le harcèlement en ligne concerne autant les garçons que les filles, les études montrent que les secondes sont presque deux fois plus susceptibles que les premiers d’être à la fois victimes et auteurs de telles pratiques, surtout les adolescentes. Le harcèlement en ligne des adolescentes prend multiples formes : injures, propagation de rumeurs, menaces, divulgation d’informations confidentielles, images ou vidéos, vengeance à caractère pornographique, harcèlement sexuel et avances sexuelles, souvent de la part d’inconnus.

Le harcèlement en ligne peut entraîner des effets divers et variés sur les adolescentes, notamment des conséquences psychologiques légères ou très graves, un sentiment d’insécurité et de peur et, dans certains cas, des pensées suicidaires ou des passages à l’acte.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes afin de protéger les filles  à l’école, même si celle-ci n’est pas toujours le lieu d’où provient le harcèlement en ligne –  :

a) Sensibiliser les parents à la propagation du harcèlement en ligne et aux répercussions qu’il peut avoir sur les filles  ;

b) Élaborer des programmes qui donnent aux enseignants, élèves et parents des informations très complètes sur les formes que peut prendre le harcèlement en ligne et sur ses effets potentiels, et apporter conseils et soutien aux élèves qui en sont victimes  ;

c) Mettre en place des politiques qui fassent en sorte que les technologies mise à disposition dans les établissements scolaires ne puissent servir à des fins de harcèlement en ligne, et en surveiller l’utilisation  ;

d) Établir plusieurs canaux que les élèves peuvent facilement utiliser pour signaler ces cas, comme la fourniture d’un soutien psychologique offert par d’autres élèves et des enseignants, la mise en place de lieux sûrs dans les établissements scolaires et de permanences téléphoniques permettant de faire des signalements anonymes  ;

e) Informer les filles des conséquences que ces comportements peuvent avoir sur la santé et le bien-être de leurs victimes, ainsi que des sanctions qui peuvent leur être infligées  ;

f) Adopter une législation définissant et réprimant le harcèlement faisant appel aux technologies de l’information et des communications et le harcèlement en ligne, sous toutes ses formes, dont sont victimes les femmes et les filles.

Participation équitable des femmes aux structures de gestion

La politique des établissements scolaires en matière d’égalité des sexes est manifestement défavorable au personnel féminin, en particulier dans l’enseignement secondaire et supérieur. Les difficultés auxquelles se heurtent les femmes en termes d’avancement et d’accès à des postes à responsabilité en est la preuve la plus évidente. Bien que l’enseignement soit considérée comme un métier de femme, on constate partout dans le monde une représentation anormalement faible des femmes aux postes de direction et d’encadrement, et ce, à tous les niveaux.

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène : accès limité à l’éducation, en particulier à l’enseignement supérieur pour celles qui enseignent dans les classes des cycles inférieurs, pratiques discriminatoires en matière de nominations et de promotions, attitudes familiales, interruptions de carrière, stéréotypes culturels, fossé qui les sépare de la culture masculine de réseautage et de clientélisme, ou encore la persistance de la résistance à leur nomination à des postes de direction.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes pour réduire l’écart entre les hommes et femmes en termes d’occupation de postes de direction, à tous les niveaux de l’enseignement, l’objectif étant de mettre un terme à la discrimination dont sont victimes les femmes à cet égard  :

a) Intensifier la mobilité professionnelle des femmes dans les établissements d’enseignement supérieur, grâce à l’octroi de subventions et/ou de bourses leur permettant d’acquérir des qualifications postuniversitaires, et mettre en place des mesures ou dispositifs d’incitation pour les retenir  ;

b) Redoubler d’efforts pour accroître le nombre de femmes occupant des postes à responsabilité à tous les niveaux de l’enseignement, en particulier des postes de professeurs d’université dans tous les domaines, et prévoir des mesures en ce sens, notamment des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25  ;

c) Revoir les procédures de nomination et de promotion en supprimant toutes les dispositions discriminatoires qui font obstacle à la participation des femmes, sur un pied d’égalité, aux postes de direction dans les établissements scolaires, et lutter contre les pratiques discriminatoires en la matière  ;

d) Faire barrage aux cultures institutionnelles dominantes défavorables à la promotion des femmes dans la profession enseignante  ;

e) Définir des cibles assorties de délais précis pour atteindre la parité dans l’enseignement supérieur, dans les postes à responsabilité, les chaires d’université et les fonctions de recteur et vice-recteur  ;

f) Mettre en place des politiques et des quotas en faveur de la représentation égale des femmes dans les instances dirigeantes des établissements d’enseignement supérieur, comme les conseils de gestion et d’administration des universités, ainsi que dans les instituts de recherche.

IX.L’éducation, vecteur de droits

Depuis 1985, plusieurs conférences internationales des Nations Unies ont consacré l’essentiel de leurs travaux aux droits fondamentaux, aux femmes, aux questions sociales et au développement durable, et ont mis en avant de nombreuses mesures visant à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Nombre de ces conférences ont souligné que la réalisation de ces objectifs et l’amélioration de la place des femmes dans la société passait par l’éducation. L’éducation donne aux individus les moyens nécessaires pour s’adapter aux besoins des sociétés en mutation ; elle a donc un effet de levier en permettant aux femmes de revendiquer des droits dans tous les domaines, au-delà de l’éducation. Toutefois, les droits conférés aux femmes par l’éducation sont loin d’être réalisés.

Nonobstant certaines disparités régionales, les données recueillies au niveau mondial indiquent que les femmes sont plus qualifiées et représentent donc la meilleure source de capital humain. Mais, les hommes, qui sont moins diplômés, sont cependant choisis pour certains emplois et postes de préférence à des femmes plus qualifiées, ce qui contribue à ce phénomène universel qu’est la ségrégation horizontale et verticale sexiste sur le marché du travail. Les diplômes n’ont donc pas la même utilité sociale pour les femmes et pour les hommes. Même à niveau égal d’instruction, les hommes sont souvent privilégiés par rapport aux femmes.

Ces tendances systémiques s’enracinent, en particulier dans le marché du travail, dont le modèle est l’homme soutien de famille, de sorte que les hommes occupent en majorité les emplois les mieux rémunérés. Il en résulte que, dans la plupart des sociétés, les femmes connaissent des taux d’emploi plus faibles et des niveaux de chômage et de pauvreté plus élevés, sont plus fortement représentées dans les emplois à temps partiel, gagnent en moyenne moins que les hommes, sont en nombre disproportionné dans les secteurs d’activités précaires et ont donc moins de possibilités d’obtenir des conditions de travail décentes. Elles sont sous-représentées aux postes de direction des organismes sociaux et des institutions politiques, à tous les niveaux, et n’ont pas de réelle autonomie personnelle. Si l’accès plus aisé à l’éducation a certes permis d’améliorer les conditions de vie des femmes et de leurs enfants, le potentiel qu’elle recèle aujourd’hui encore, à savoir celui de modifier l’équilibre des forces dans les sphères économique, politique et sociale et de faire la différence en termes d’autonomisation des femmes, n’a pas été exploité en raison de croyances et pratiques culturelles qui reproduisent des idéologies, structures et systèmes sexospécifiques profondément ancrés.

Ce schéma constant est principalement imputable aux processus de socialisation qui reproduisent et entretiennent une division sexuelle du travail qui définit ce qui est féminin et ce qui est masculin, processus eux-mêmes liés à une dichotomie public-privé. Dans ce système, les hommes dominent la sphère publique et les femmes la sphère privée. Il en résulte que, plutôt que d’être un agent de transformation, l’éducation devient un instrument utilisé par l’État pour reproduire l’ordre sexospécifique et maintenir les hiérarchies hommes-femmes, domination-subordination et public-privé.

Ce phénomène trouve son prolongement dans la participation des femmes aux processus politiques et décisionnels : les femmes y étant toujours peu représentées, elles ne peuvent véritablement influer sur les politiques les concernant. En 2017, la proportion de femmes élues ou nommées aux plus hautes fonctions de l’État était d’environ 1 pour 4 hommes. Dans les parlements, les femmes occupaient 23,4 % des sièges dans les chambres basses et 22,9 % dans les chambres hautes. La participation des femmes aux conseils d’administration dans les secteurs public et privé, que ce soit comme membres ou présidentes, reflète des tendances identiques. Les femmes restent largement absentes de la sphère politique et des conseils d’administration en raison de lois, pratiques et comportements discriminatoires et des stéréotypes sexistes.

Le Comité recommande aux États parties de prendre les mesures suivantes pour arriver à la parité hommes-femmes dans les sphères sociale, économique et politique ainsi qu’aux postes de direction dans tous les secteurs  :

a) Former les enseignants pour les amener à adopter des méthodes d’enseignement constructivistes qui donnent aux filles et aux femmes des capacités de raisonnement critique, leur permettant d’avoir une image positive d’elles-mêmes et leur insuffle la confiance nécessaire pour occuper, sur un pied d’égalité avec leurs homologues masculins, des postes de haut niveau et à responsabilité dans les sphères sociale, économique et politique  ;

b) Adapter les options et le contenu de l’enseignement dispensé aux filles et aux femmes, en particulier aux niveaux supérieurs, de façon qu’elles soient plus présentes dans les filières scientifiques, techniques et de gestion et puissent ainsi améliorer leurs qualifications afin d’accéder à des emplois de haut niveau et à des postes de direction, en particulier dans des professions et emplois dominés par les hommes  ;

c) Renforcer l’éducation civique dans les établissements scolaires et les programmes d’alphabétisation pour adultes tenant compte de la problématique hommes-femmes, afin d’améliorer la participation et le rôle des femmes dans la famille et dans la société  ;

d) Reconnaître qu’il est important que les femmes acquièrent une plus grande autonomie grâce à une éducation et à une formation portant sur la conduite des affaires, les politiques publiques, l’économie, l’informatique et les sciences afin d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour pouvoir apporter leur pleine contribution dans toutes les sphères de la vie publique  ;

e) Protéger le droit des femmes à un travail décent en remettant en cause la ségrégation horizontale bien établie des marchés du travail qui privilégient les hommes et leur attribuent une place prépondérante dans les secteurs professionnels les plus valorisants grâce au clientélisme plutôt que sur la base du mérite  ;

f) Améliorer et élargir l’accès des femmes aux technologies de l’information et des communications, y compris aux outils d’administration électronique, afin de leur permettre de participer à la vie politique et, plus généralement, de favoriser leur participation au processus démocratique, et faire en sorte que ces technologies prennent mieux en compte les besoins des femmes, notamment des femmes marginalisées  ;

g) Mettre au point, en consultation avec les femmes, des outils, compétences et programmes de formation appropriés, afin de leur donner les moyens et les capacités d’occuper des postes de direction et d’assumer des responsabilités dans la vie publique  ;

h) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer les préjugés et stéréotypes sexistes qui entravent l’accès et la pleine participation à la vie sociale, économique et politique des femmes.

X.Responsabilité de l’État : mise en œuvre et suivi

Il ressort de tout ce qui précède qu’en dépit de quelques progrès accomplis dans cette voie, le droit d’accès des filles et des femmes à l’éducation en tant que droit pour tous, espace de droits et vecteur de droits n’est pas tout à fait acquis. Les recommandations formulées dans le présent document définissent des critères pour l’adoption et la réforme des cadres politiques et législatifs, ainsi que pour l’attribution des ressources financières et humaines nécessaires pour garantir et protéger les droits des femmes et des filles dans les trois catégories de droits précitées. Si nous voulons que l’éducation serve au final à renforcer le pouvoir d’action personnel, social, économique et politique des femmes et soit un outil capable de les aider à saisir les occasions de contribuer directement aux processus de développement nationaux et régionaux, nous devons impérativement prendre des mesures. Toutefois, les systèmes et structures ne sauraient changer sans volonté politique. Les États parties doivent s’engager à s’acquitter de leurs obligations internationales qui leur incombent en vertu d’instruments tels que la Convention, que viennent appuyer les recommandations générales du Comité, et plus particulièrement la recommandation générale no 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties, relevant de l’article 2 de la Convention.

Le Comité invite instamment les États parties à prendre les mesures suivantes pour assurer la mise en œuvre et le suivi en temps opportun des recommandations figurant dans la présente recommandation générale visant à protéger le droit d’accès des femmes et des filles à l’éducation, leurs droits dans l’espace éducatif et les droits qui leur sont conférés par l’éducation, fondés sur l’article 10 et liés à d’autres articles de la Convention et à d’autres recommandations générales du Comité  :

a) S’attacher à diffuser largement la recommandation générale auprès de toutes les parties prenantes, y compris les autorités responsables du secteur de l’éducation et des secteurs d’appui, les personnels à tous les niveaux du système éducatif, les élèves, les parents, les médias et les organisations nationales et locales concernées  ;

b) Au besoin, faire traduire le présent document dans les langues nationales et dans celles utilisées par les groupes ethniques minoritaires des États parties  ;

c) Constituer une équipe multisectorielle nationale composée de représentants des principaux secteurs publics qui s’occupent de dispenser l’enseignement et de fournir des services éducatifs, et des principaux acteurs non gouvernementaux œuvrant dans l’éducation, afin de définir une stratégie globale de mise en œuvre et de suivi assortie d’un calendrier précis et d’indicateurs permettant de mesurer les résultats obtenus, et de désigner des responsables chargés de superviser certains aspects de la stratégie  ;

d) Veiller à ce que des données quantitatives et qualitatives suffisantes soient disponibles et accessibles pour étayer le suivi des résultats et tirer le meilleur parti des résultats obtenus en veillant à harmoniser l’application de la présente recommandation générale et les obligations contenues dans d’autres dispositifs internationaux, régionaux et nationaux qui traitent du droit d’accès des femmes et des filles à l’éducation, de leurs droits dans l’espace éducatif et des droits que leur confère l’éducation, et qui vont dans le même sens que le présent instrument .