Nations Unies

CAT/C/LTU/CO/4

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

21 décembre 2021

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de la Lituanie *

1.Le Comité contre la torture a examiné le quatrième rapport périodique de la Lituanie à ses 1854e et 1857e séances, les 17 et 18 novembre 2021, et a adopté les présentes observations finales à sa 1871e séance, le 29 novembre 2021.

A.Introduction

2.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir accepté la procédure simplifiée d’établissement des rapports et d’avoir soumis son rapport périodique conformément à celle‑ci, qui permet d’améliorer la coopération entre l’État partie et le Comité et d’orienter l’examen du rapport ainsi que le dialogue avec la délégation.

3.Le Comité se félicite d’avoir pu mener un dialogue avec la délégation de l’État partie et accueille avec intérêt les réponses apportées oralement et par écrit aux questions et aux préoccupations soulevées pendant l’examen du rapport périodique.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les mesures que l’État partie a prises pour réviser sa législation, ses politiques et ses dispositions administratives et institutionnelles dans les domaines intéressant la Convention, notamment :

a)Le modifications apportées en 2019 au Code pénal, au Code de procédure pénale et au Code de l’application des peines afin de donner aux détenus condamnés à perpétuité la possibilité de demander une commutation de leur peine et la libération conditionnelle ;

b)Les modifications apportées en 2019 à la loi relative aux soins de santé mentale, par lesquelles ont été instaurées des garanties juridiques concernant l’hospitalisation et le traitement médical sans consentement des personnes ayant un handicap mental ou psychosocial dans un établissement psychiatrique ;

c)Les modifications apportées en 2017 au Code de procédure pénale, à la loi relative à l’ordre des avocats et à la loi relative à l’application des mesures de détention afin d’étendre les droits et les garanties procédurales dont bénéficient les personnes prenant part à une procédure pénale qui ne parlent pas la langue officielle de l’État de manière à ce qu’elles puissent communiquer avec leur défenseur et participer effectivement à la procédure, dans une langue qu’elles comprennent, de garantir le droit de toute personne d’avoir accès à un avocat dès le moment où elle a été placée en détention ou avant le premier interrogatoire, de renforcer les garanties de confidentialité des communications entre les personnes prenant part à une procédure pénale et leur défenseur et de lever les restrictions sur les échanges téléphoniques avec le défenseur ;

d)La suppression du placement en détention pour infraction administrative en tant que sanction suite à l’adoption, en 2017, du nouveau Code des infractions administratives ;

e)Les modifications apportées en 2017 à la loi relative aux fondements de la protection des droits de l’enfant, afin d’interdire toute forme de violence à l’égard des enfants, y compris les châtiments corporels, dans tous les contextes ;

f)Les modifications apportées en 2017 à la loi relative au Médiateur du Seimas, qui habilitent le mécanisme national de prévention à mener des activités visant à prévenir les actes de torture dans les lieux de privation de liberté, conformément au Protocole facultatif à la Convention, ainsi que les mesures qui ont abouti à l’accréditation du Médiateur du Seimas en tant qu’institution nationale des droits de l’homme pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) ;

g)La suppression, à partir de 2016, des « salles de relaxation » dans tous les « centres de socialisation » pour mineurs et la fermeture des centres de socialisation pour enfants de Kaunas et de Vilnius ;

h)Les modifications apportées en 2015 au Code de procédure pénale afin de réduire la durée maximale de la détention provisoire ;

i)Les modifications apportées en 2015 à la loi relative à l’application des mesures de détention afin de limiter les motifs de transfert provisoire des personnes placées dans un centre de détention provisoire vers un centre de détention de la police.

5.Le Comité se félicite de l’utilisation des nouvelles technologies pour promouvoir l’éducation aux droits de l’homme et diffuser des informations sur les lois et sur les droits, ainsi que de l’utilisation de moyens de surveillance et de contrôle électroniques pour l’exécution des peines, qui permet de réduire le nombre de personnes détenues et de recourir davantage aux mesures non privatives de liberté.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Questions en suspens issues du cycle précédent

6.Dans ses précédentes observations finales, le Comité avait demandé à l’État partie de lui communiquer, au titre du suivi, des renseignements sur les mesures qu’il aurait prises pour mettre en œuvre ses recommandations concernant le renforcement des garanties juridiques dont bénéficient les personnes privées de liberté, la durée de la détention préventive et administrative et le grand nombre de personnes qui en font l’objet ainsi que les conditions de détention dans les centres de détention de la police. Le Comité prend note avec intérêt des réponses envoyées par l’État partie le 9 juin 2015 au titre de la procédure de suivi, mais, renvoyant à la lettre que son rapporteur chargé du suivi des observations finales a adressée à l’État partie le 29 août 2016, il estime que les recommandations formulées aux paragraphes 10 et 11 c) de ses observations finales n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre (voir par. 8 et 9 du présent document).

Définition et incrimination de la torture

7.Le Comité se félicite des modifications apportées en 2019 au Code pénal de l’État partie, par lesquelles la torture a été érigée en infraction distincte et imprescriptible. Le Comité considère que la nouvelle définition de l’infraction de torture figurant à l’article 100 (par. 3) du Code pénal est globalement conforme aux dispositions de l’article premier de la Convention. Il est néanmoins préoccupé par le fait que cette définition ne vise pas explicitement tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, comme l’exige la Convention. Le Comité est également préoccupé par le fait que le Code pénal ne prévoit pas de peines appropriées pour les actes de torture, la peine maximale fixée pour de tels actes étant de cinq ans d’emprisonnement, ce qui n’est pas proportionné à la gravité de cette infraction (art. 1er et 4).

8. Le Comité engage instamment l ’ État partie à modifier la définition de l ’ infraction de torture énoncée à l ’ article 100 (par. 3) de son Code pénal afin qu ’ elle recouvre expressément les actes de torture commis pour les motifs prévus par la Convention, notamment aux fins d ’ intimider une tierce personne, de faire pression sur elle ou d ’ obtenir d ’ elle des renseignements ou des aveux. L ’ État partie devrait également faire en sorte que les peines prévues par sa législation pour les actes de torture soient proportionnées à la gravité de cette infraction, conformément à l ’ article 4 (par. 2) de la Convention.

Garanties juridiques fondamentales

9.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les résultats des mesures de contrôle qui avaient été prises pour s’assurer que les garanties juridiques fondamentales contre la torture applicables aux détenus sont respectées dans la pratique, et n’ait rien dit des éventuelles sanctions qui avaient été appliquées en cas de non-respect de ces garanties. Il reste également préoccupé par le fait que la durée de la détention provisoire dans les locaux de détention de la police n’est pas réduite au minimum et qu’elle peut durer jusqu’à quinze jours en cas de détention initiale et jusqu’à sept jours en cas de transfert provisoire d’un centre de détention provisoire à des locaux de détention de la police (art. 2, 11 et 16).

10. Rappelant ses précédentes recommandations , le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De garantir que toutes les personnes arrêtées ou détenues bénéficient dans la pratique, dès le début de leur privation de liberté, de toutes les garanties fondamentales contre la torture, y compris du droit d ’ être informées de leurs droits et de les comprendre, de consulter rapidement un avocat et, si nécessaire, de bénéficier d ’ une aide juridique gratuite ; du droit d ’ informer un membre de leur famille ou une autre personne de leur choix de leur situation ; du droit de se faire examiner par un médecin indépendant, si possible de leur choix, conformément aux normes internationales ;

b) De veiller à ce que la durée de la détention provisoire dans les locaux de détention de la police soit réduite au minimum, et à ce que les personnes placées en détention provisoire soient toujours transférées rapidement dans un centre de détention provisoire ;

c) De veiller à ce que le retour des détenus dans les locaux de détention de la police soit exceptionnel et dure le moins longtemps possible .

Crise des réfugiés et des migrants

11.Le Comité prend note des difficultés considérables et sans précédent auxquelles l’État partie fait face dans le contexte de la crise actuelle des réfugiés et des migrants et est préoccupé par :

a)Les restrictions imposées à la liberté de circulation des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants sans papiers, en particulier la détention de fait obligatoire et prolongée de ces personnes, y compris des familles avec enfants et de personnes vulnérables, dans le cadre de la procédure appliquée aux points de passage frontaliers, dans les zones de transit et dans d’autres lieux prévus à cet effet, sans que ces personnes bénéficient de garanties procédurales et aient accès une aide juridique et à des recours judiciaires pour contester leur détention de fait ;

b)Les informations signalant les mauvaises conditions d’accueil, notamment le surpeuplement, le manque de chauffage, d’eau chaude et d’eau potable, la mauvaise qualité de la nourriture, l’accès limité aux services médicaux, la promiscuité, l’insuffisance des installations sanitaires et le manque d’hygiène dans les lieux d’hébergement des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants sans papiers, notamment le Centre d’enregistrement des étrangers, les installations du Service national des gardes frontière et les lieux d’hébergement ponctuels ;

c)L’absence signalée d’un mécanisme adéquat permettant de repérer les personnes vulnérables, notamment les victimes de torture et d’autres mauvais traitements, qui compromet la fourniture en temps utile à ces personnes d’un hébergement, d’un soutien et de services appropriés et adaptés à leurs besoins particuliers ;

d)Les informations signalant un usage disproportionné de la force et le recours à la torture et aux mauvais traitements par des agents de sécurité dans des lieux d’hébergement des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants sans papiers, notamment dans le camp de Verebiejai, ainsi que l’absence de mesures visant à prévenir et à combattre les violences sexistes dans ces lieux ;

e)Le manque d’informations sur la procédure d’asile et sur l’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile à une aide juridique et à des services d’interprétation ;

f)Les cas signalés d’expulsion collective de demandeurs d’asile par l’État partie, sans qu’il ait été procédé à un examen individuel de la situation des intéressés, ainsi que la pratique des opérations de refoulement, dans le cadre desquelles des demandeurs d’asile arrivants, y compris des enfants, ont été empêchés de traverser la frontière de l’État partie et laissés à proximité de celle-ci dans des conditions déplorables, sans possibilité d’engager la procédure d’asile ni accès à de la nourriture, à de l’eau et à un abri ;

g)La qualité et l’équité des appréciations factuelles et juridiques et des entretiens auxquels il est procédé dans le cadre de la procédure d’asile de l’État partie, laquelle serait menée de manière expéditive et axée sur le refus d’accorder l’asile plutôt que sur un examen objectif et équitable des demandes d’asile ;

h)Les modifications apportées à la loi relative au statut juridique des étrangers afin de restreindre le droit des demandeurs d’asile, en particulier ceux qui sont entrés illégalement dans l’État partie ou qui tentent d’en franchir la frontière illégalement, de demander l’asile en cas d’urgence, ainsi que le délai déraisonnablement court de sept jours prévu pour former un recours contre une décision concernant une demande d’asile et le fait que les recours introduits devant un mécanisme indépendant n’ont pas d’effet suspensif automatique ;

i)Les restrictions, signalées pendant l’état d’urgence, apportées à la surveillance par les institutions nationales des droits de l’homme, les ONG et les journalistes de la situation des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants dans les zones frontalières de l’État partie (art. 2, 3, 12, 13 et 16).

12. Le Comité engage l ’ État partie à :

a) Prendre des mesures pour que le placement en détention de demandeurs d ’ asile, de réfugiés et de migrants sans papiers, y compris dans le cadre de la procédure à la frontière, soit assorti des garanties nécessaires contre la détention illégale ou arbitraire, et que cette mesure ne soit appliquée qu ’ après avoir été validée par voie de décision judiciaire, en dernier recours et lorsqu ’ elle est nécessaire et proportionnée ; cette détention doit intervenir pour une période, définie par la loi, aussi brève que possible et les conditions de détention doivent être adéquates ;

b) S ’ abstenir de placer en détention des familles avec enfants et des demandeurs d ’ asile vulnérables ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour garantir des conditions d ’ accueil adéquates dans les lieux d ’ hébergement des demandeurs d ’ asile et des réfugiés, notamment des locaux adaptés, une alimentation adéquate et suffisante et la fourniture de vêtements, d ’ autres articles non alimentaires et de services psychosociaux et de soins de santé, en tenant compte des besoins particuliers des personnes vulnérables ;

d) Mettre en place d ’ autres dispositifs d ’ accueil dans les collectivités locales, notamment à l ’ intention des demandeurs d ’ asile et des réfugiés vulnérables, et développer plus avant le système d ’ accueil, en se fondant sur une planification coordonnée des interventions d ’ urgence, afin de garantir que la capacité d ’ hébergement, l ’ assistance et les services soient suffisants et adaptés aux besoins et de pouvoir réagir efficacement lorsqu ’ un grand nombre de demandeurs d ’ asile et de réfugiés arrivent en un court laps de temps ;

e) Mener une enquête approfondie, rapide et indépendante sur tous les cas présumés de torture et de mauvais traitements dans les lieux de détention d ’ immigrants et les lieux d ’ hébergement de demandeurs d ’ asile, de réfugiés et de migrants sans papiers ;

f) Garantir l ’ accès sans discrimination aux informations sur les procédures d ’ asile et à l ’ aide juridique et informer les demandeurs d ’ asile des décisions relatives à leurs demandes d ’ asile dans une langue qu ’ ils comprennent, y compris en période d ’ état d ’ urgence ;

g) Veiller à ce que tous les demandeurs d ’ asile, y compris ceux qui arrivent de manière irrégulière et en période d ’ état d ’ urgence, aient le droit, en droit et dans la pratique, de demander l ’ asile et de rester sur le territoire en attendant l ’ issue de la procédure d ’ asile ;

h) Veiller à ce que les demandes d ’ asile fassent l ’ objet d ’ un examen approprié par les autorités compétentes et à ce qu ’ un traitement équitable soit garanti à tous les stades de la procédure d ’ asile, notamment à ce qu ’ il soit possible de demander un réexamen effectif et impartial de la décision, qui soit conduit par un mécanisme indépendant et ait un effet suspensif automatique ;

i) Assurer aux institutions nationales des droits de l ’ homme, aux ONG et aux journalistes un accès sans entrave aux zones frontalières concernées par le régime d ’ état d ’ urgence.

Mécanisme national de prévention

13.Le Comité accueille avec satisfaction la désignation du Médiateur du Seimas comme mécanisme national de prévention en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Toutefois, il est préoccupé par l’insuffisance du personnel du Bureau des droits de l’homme du Médiateur du Seimas affecté aux tâches et activités liées au mécanisme (art. 2).

14. L ’ État partie devrait garantir l ’ autonomie opérationnelle du mécanisme national de prévention et lui réserver les ressources financières et humaines dont il a besoin pour s ’ acquitter de ses tâches, conformément à l ’ article 18 (par. 1 et 3) du Protocole facultatif.

Conditions de détention

15.Le Comité accueille avec intérêts les renseignements fournis sur les mesures que l’État partie a prises pour améliorer les conditions de détention dans les lieux de privation de liberté, en particulier dans les centres de détention de la police, et pour réduire la population carcérale, notamment par l’introduction de mesures de substitution à la détention et un recours accru au sursis à l’exécution des peines et à la libération conditionnelle. Il prend également note avec satisfaction des informations concernant la fermeture du centre de détention provisoire de Lukiškės et de l’établissement pénitentiaire de Kybartai, ainsi que la fermeture prévue du centre de détention provisoire de Šiauliai. Toutefois, le Comité est préoccupé par le fait que les conditions de détention dans certains établissements carcéraux ne répondent toujours pas aux normes internationales, notamment en ce qui concerne la qualité et la quantité de la nourriture, l’hygiène, la ventilation et l’accès à la lumière du jour. Il est également préoccupé par le faible niveau des effectifs dans les établissements carcéraux, tant en ce qui concerne le personnel de surveillance que le personnel de santé. Il est préoccupé en outre par les informations faisant état d’un usage excessif de la force par les membres du personnel pénitentiaire, notamment de leur utilisation d’armes à impulsion électrique (Tasers), de violences généralisées entre détenus échelle, de trafic de drogues, de propagation du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de l’hépatite C et de l’absence d’accès en temps voulu à un traitement médical pour ces maladies. Enfin, le Comité est préoccupé par le fait que les détenus condamnés à perpétuité continuent d’être faiblement intégrés dans la population carcérale générale (art. 2, 11 et 16).

16. L ’ État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour rendre les conditions de détention conformes aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme et, en particulier :

a) Continuer de prendre des mesures pour améliorer les conditions matérielles de détention dans tous les établissements carcéraux, notamment en ce qui concerne l ’ hygiène, l ’ assainissement, l ’ aération et la qualité de la nourriture, et ainsi les mettre en conformité avec l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ;

b) Accroître le recours aux mesures non privatives de liberté au sein du système pénal en tant que solution de substitution à la détention, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) et aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) ;

c) Continuer d ’ adapter et de rénover les infrastructures pénitentiaires obsolètes afin de réduire le nombre de cellules pouvant accueillir un grand nombre de détenus, prévenir la violence entre détenus et éradiquer la sous-culture criminelle ;

d) Renforcer l ’ efficacité des mécanismes de plainte permettant de signaler les cas de violence ; examiner et consigner toutes les blessures, tous les suicides et tous les décès résultant de violences entre détenus ou d ’ autres types de violence et ouvrir des enquêtes sur les faits, en poursuivre les responsables et empêcher que de tels faits ne se reproduisent en prenant des mesures appropriées fondées sur le principe de sécurité dynamique ;

e) Renforcer le contrôle indépendant et régulier de tous les lieux de privation de liberté par le Médiateur du Seimas agissant en tant que mécanisme national de prévention en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, ainsi que par d ’ autres mécanismes indépendants et impartiaux, notamment au moyen de visites inopinées de ces lieux ;

f) Améliorer encore la rémunération et les conditions de travail du personnel pénitentiaire, augmenter les effectifs du personnel de surveillance et du personnel de santé, notamment des psychiatres, continuer de dispenser des formations, entre autres sur les dispositions de la Convention, la gestion des établissements pénitentiaires et la prévention de la violence entre détenus ;

g) Veiller à ce que l ’ utilisation des armes à impulsion électrique ( Tasers ) réponde strictement aux principes de nécessité, de subsidiarité, de proportionnalité et de précaution, ainsi qu ’ à celui de l ’ avertissement préalable (lorsque c ’ est possible), et à ce que ces armes ne fassent pas partie de l ’ équipement ordinaire du personnel de surveillance dans les établissements pénitentiaires et autres lieux de privation de liberté ;

h) Renforcer ses efforts de lutte contre le trafic de drogues dans les établissements carcéraux ; continuer de lutter contre la propagation du VIH et de l ’ hépatite C, prendre de nouvelles mesures pour dispenser en temps voulu un traitement adéquat aux détenus infectés et veiller à ce que tous les prisonniers et détenus continuent à se voir proposer la vaccination contre la maladie à coronavirus (COVID-19) ;

i) Continuer de prendre des mesures pour assurer l ’ intégration des détenus condamnés à perpétuité dans la population carcérale générale.

Réalisation sans délai d’enquêtes indépendantes, approfondies et impartiales

17.Eu égard aux informations fournies par l’État partie dans son rapport périodique et au cours de son dialogue avec lui, le Comité relève le faible nombre de plaintes, de poursuites et de déclarations de culpabilité auxquelles ont donné lieu des cas d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre dans les lieux de privation de liberté ainsi qu’au sein des forces armées par des militaires. À cet égard, le Comité est préoccupé par le fait qu’en pareils cas, l’enquête peut être menée au moyen de mécanismes d’enquête internes, tels que les unités de lutte contre la corruption (unités d’immunité) au sein des structures pénitentiaires et policières, qui relèvent directement du responsable de l’institution concernée, ou peut constituer en une enquête interne menée au sein du système de défense nationale, ce qui suscite des interrogations quant à l’impartialité et l’efficacité de l’enquête (art. 12 et 13).

18. L ’ État partie devrait :

a) Garantir que toutes les allégations de recours excessif à la force contre des personnes en détention par des agents des forces de l ’ ordre, ainsi qu ’ au sein des forces armées par des militaires, donnent rapidement lieu à une enquête efficace et impartiale menée au moyen des mécanismes qui soient structurellement et opérationnellement indépendants, et qu ’ il n ’ y ait pas de liens hiérarchiques entre les enquêteurs et les auteurs présumés des actes, et veiller à ce que ceux-ci, s ’ ils sont reconnus coupables, soient condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes ;

b) Garantir que toutes les personnes visées par une enquête pour acte de torture ou mauvais traitements soient immédiatement suspendues de leurs fonctions et le restent pendant toute la durée de l ’ enquête, tout en veillant au respect du principe de la présomption d ’ innocence ;

c) Fournir au Comité des renseignements sur le nombre de cas de recours excessif à la force par des agents des forces de l ’ ordre et des militaires qui ont fait l ’ objet d ’ une enquête, sur le nombre de personnes qui ont été poursuivies pour acte de torture et mauvais traitements et sur les peines infligées à celles qui ont été reconnues coupables.

Enquête dans le cadre de la participation au programme de transfert extraordinaire et de détention secrète

19.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales, ainsi que les préoccupations exprimées par le Comité des droits de l’homme et le Comité des disparitions forcées dans leurs observations finales respectives et, à cet égard, regrette l’absence de progrès appréciables dans l’enquête sur les cas allégués de transfert extrajudiciaire, de détention secrète, de torture et de mauvais traitements liés au programme de transfert extrajudiciaire et de détention secrète mené par la Central Intelligence Agency (CIA) des États-Unis dans l’État partie, en particulier les cas d’Abu Zubaydah et de Mustafa Ahmed al-Hawsawi. Le Comité constate que, indépendamment des conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Abu Zubaydah c. Lituanie et du processus d’exécution de l’arrêt en cours, aucun résultat concret n’a été obtenu à ce jour pour ce qui est d’identifier les responsables et de les traduire en justice (art. 2, 3, 12 à 14 et 16).

20.Le Comité demande instamment à l ’ État partie de mener à bien l ’ enquête dans un délai raisonnable et de faire répondre de leurs actes les auteurs des faits, en garantissant la transparence et un contrôle public suffisant du processus, ainsi que des recours utiles et une réparation adéquate aux victimes. Il demande à l ’ État partie de lui fournir des renseignements à jour sur les conclusions de cette enquête et, le cas échéant, sur les sanctions infligées aux responsables.

Formation

21.Le Comité accueille avec intérêt les informations fournies par l’État partie sur les programmes de formation aux droits de l’homme destinés aux policiers, aux gardes frontière, au personnel pénitentiaire, aux procureurs et aux juges, ainsi que sur la formation fondée sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) dispensée aux professionnels de la santé qui s’occupent de détenus. Toutefois, il regrette de n’avoir reçu aucune information sur des programmes de formation précis portant sur les aspects de la lutte contre le terrorisme touchant aux droits de l’homme et fondés sur la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur l’évaluation de l’incidence des programmes de formation pour ce qui est de la prévention de la torture et des mauvais traitements et du respect de l’interdiction absolue de ceux-ci (art. 10).

22. L ’ État partie devrait :

a) Développer plus avant les programmes de formation obligatoires afin que tous les agents de l ’ État, en particulier les membres des forces de l ’ ordre, le personnel pénitentiaire et les personnes qui s ’ occupent des demandeurs d ’ asile, des réfugiés et des migrants en situation irrégulière, notamment le personnel médical, connaissent bien les normes consacrées par la Convention et soient pleinement conscients que les violations ne seront pas tolérées, qu ’ elles donneront lieu à une enquête et que ceux qui en sont responsables seront poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés ;

b) Veiller à ce que tous les intervenants concernés, notamment les membres du corps judiciaire et du corps médical, soient spécifiquement formés à déceler et attester les cas de torture et de mauvais traitements et à les signaler aux autorités chargées des enquêtes, conformément au Protocole d ’ Istanbul ;

c) Veiller à ce que le pilier « droits de l ’ homme » de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies soit intégré dans la planification et l ’ organisation des programmes de formation portant sur la lutte contre le terrorisme ;

d) Évaluer l ’ efficacité et l ’ incidence de cette formation pour ce qui est de la prévention de la torture et des mauvais traitements et du respect de l ’ interdiction absolue de ceux-ci, en se fondant sur des méthodes spécialement conçues à cet effet.

Violence familiale

23.Le Comité se félicite des mesures positives prises par l’État partie pour lutter contre la violence familiale, notamment la suppression en 2017 des poursuites judiciaires privées et les projets d’amendements à la loi relative à la protection contre la violence familiale prévoyant la possibilité d’ordonner une mesure d’éloignement d’un auteur présumé de violences et la fourniture d’une assistance à la victime. Cependant, il est préoccupé par le fait que la violence familiale reste un problème persistant dans l’État partie et n’est pas inscrite dans le Code pénal en tant qu’infraction distincte. Il est également préoccupé par l’absence de données détaillées, ventilées par sexe, âge et type d’infraction, sur le nombre de plaintes déposées, d’enquêtes ouvertes, de poursuites engagées et de peines prononcées pour des actes de violence familiale, ainsi que sur les réparations accordées aux victimes, qui sont insuffisantes (art. 2 et 16).

24. L ’ État partie devrait prendre de nouvelles mesures pour lutter contre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, y compris la violence familiale et le viol, en particulier dans les cas où les autorités publiques ou d ’ autres entités auraient commis des actes ou des omissions pouvant engager la responsabilité internationale de l ’ État partie au titre de la Convention. Le Comité recommande en particulier à l ’ État partie :

a) De définir et d ’ inscrire la violence familiale, y compris la violence sexuelle et le viol conjugal, dans son Code pénal en tant qu ’ infraction distincte, en prévoyant des peines appropriées ;

b) De faire en sorte que toutes les allégations de violence familiale, notamment de violence sexuelle et de violence contre les enfants, soient enregistrées par la police, qu ’ elles donnent rapidement lieu à des enquêtes impartiales et efficaces et que les auteurs présumés des faits soient poursuivis et, s ’ ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées ;

c) De veiller à ce que les victimes de violence familiale bénéficient d ’ une protection, aient accès à des services médicaux et juridiques, notamment à des services de soutien psychologique et à des foyers d ’ accueil sûrs et dotés de moyens financiers suffisants, et puissent obtenir réparation, y compris une aide à la réadaptation  ;

d) D ’ améliorer la collecte de données ventilées par âge, sexe et type d ’ infraction sur le nombre de plaintes déposées, d ’ enquêtes ouvertes et de déclarations de culpabilité et de peines prononcées pour des actes de violence familiale, et sur les mesures de protection prises en faveur des victimes, notamment sur les foyers d ’ accueil et les services juridiques et médicaux mis à leur disposition, ainsi que sur les réparations qui leur sont accordées.

Traite des personnes

25.Le Comité apprécie les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, notamment les modifications apportées au Code pénal qui élargissent le champ de la responsabilité pénale pour les faits de traite des personnes, le large éventail d’activités de formation proposées aux agents publics concernés et le Plan d’action interinstitutionnel 2020-2022 sur la lutte contre la traite des êtres humains dont il s’est doté. Le Comité regrette toutefois de ne pas avoir reçu suffisamment d’informations sur le nombre de cas de traite de personnes qui ont donné lieu à une enquête et à des sanctions, ainsi que sur les mesures concrètes de protection et de soutien prises en faveur des victimes (art. 2 et 16).

26. L ’ État partie devrait :

a) Continuer de prendre des mesures pour prévenir et éliminer la traite des personnes, notamment dispenser une formation spécialisée aux agents publics sur le repérage des victimes, la conduite d ’ enquêtes sur les faits de traite et la poursuite des auteurs de tels faits et les peines qui leur sont applicables ;

b) Mener promptement des enquêtes efficaces et impartiales sur les infractions de traite et les pratiques connexes, et traduire les auteurs des faits en justice et les condamner à des peines proportionnées à la gravité de l ’ infraction commise ;

c) Garantir aux victimes de traite une protection et leur fournir des moyens de réparation, notamment une aide juridictionnelle, un suivi médical et psychologique et des services de réadaptation, mettre à leur disposition des foyers d ’ accueil adaptés et les aider à signaler les cas de traite à la police ;

d) Fournir au Comité des données ventilées complètes sur le nombre d ’ enquêtes ouvertes sur des faits de traite de personnes et sur les peines imposées aux auteurs de ces faits, ainsi que sur les mesures de protection prises en faveur des victimes et sur les réparations accordées à celles-ci.

Collecte de données

27.Le Comité regrette l’absence de données statistiques complètes ventilées par âge, sexe et origine ethnique ou nationale et type d’infraction sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les déclarations de culpabilité auxquelles ont donné lieu des cas d’actes de torture et de mauvais traitements infligés par des membres des forces de l’ordre et des membres du personnel pénitentiaire, ou sur la traite et la violence familiale et sexuelle, et sur les voies de recours dont disposent les victimes pour demander réparation, notamment une indemnisation et des moyens de réadaptation (art. 2, 12 à 14 et 16).

28. L ’ État partie devrait recueillir des données statistiques utiles pour la surveillance de l ’ application de la Convention au niveau national, notamment des données ventilées par âge, sexe, origine ethnique ou nationale, statut de réfugié et type d ’ infraction sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les déclarations de culpabilité auxquelles ont donné lieu des cas de torture et de mauvais traitements, ainsi que sur les mesures de réparation, notamment les mesures d ’ indemnisation et de réadaptation, prises en faveur des victimes.

Procédure de suivi

29. Le Comité demande à l ’ État partie de lui faire parvenir le 3 décembre 2022 au plus tard des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée à ses recommandations concernant la crise des réfugiés et des migrants, les conditions de détention et la réalisation sans délai d ’ enquêtes approfondies et impartiales (voir les paragraphes 12, 16 et 18 ci-dessus). L ’ État partie est aussi invité à informer le Comité des mesures qu ’ il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d ’ ici la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

30. Le Comité encourage l ’ État partie à étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction.

31. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des ONG, et à informer le Comité des activités de diffusion qu ’ il aura menées.

32. Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera le cinquième, d ’ ici au 3 décembre 2025. À cette fin, et compte tenu du fait qu ’ il a accepté d ’ établir son rapport selon la procédure simplifiée, le Comité lui fera parvenir en temps utile une liste préalable de points à traiter. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront le cinquième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.