NATIONS UNIES

CAT

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/MNE/16 octobre 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Rapports initiaux des États parties devant être soumis en 1999

MONTÉNÉGRO*, **, ***, ****

[3 mai 2006]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Cadre général1 − 43

Articles premier et 25 − 814

Article 382 − 8718

Article 488 − 8918

Article 6 et 790 − 9219

Article 8 et 99319

Article 1094 − 9820

Article 1199 − 12720

Article 1212823

Article 13129 − 13324

Article 14134 − 13724

Article 1513825

Article 16139 − 14425

Cadre général

1.Le cadre juridique général qui, dans la République du Monténégro, offre une protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants est défini par la Constitution de la République du Monténégro (Journal officiel de la République du Monténégro no 48/1992) et la Charte constitutionnelle de la Communauté étatique de Serbie‑et‑Monténégro (Journal officiel de la Serbie‑et‑Monténégro no 1/2003), laquelle comprend la Charte des droits de l’homme (Journal officiel de Serbie‑et‑Monténégro no 6/2003). Les deux derniers documents étant régulièrement visés dans la section relative à la République de Serbie comme «la Charte constitutionnelle» et «la Charte des droits de l’homme», il en sera de même dans la présente section.

2.La Constitution du Monténégro, dans son article 20, garantit l’intégrité physique et psychologique de toute personne, ainsi que l’inviolabilité de sa vie privée. Par ailleurs, en vertu de l’article 24 de la Constitution, le respect de la personnalité et de la dignité de la personne est garanti au cours de toute procédure pénale ou autres, en cas de privation ou de restriction de liberté et durant l’exécution d’une peine. Il est interdit et punissable de commettre un acte de violence contre une personne privée de liberté, plus exactement dont la liberté est restreinte, ainsi que d’extorquer des aveux et des déclarations. Nul ne peut être soumis à la torture ou à des peines ou traitements dégradants. Il est interdit de pratiquer des expériences médicales ou autres sur une personne sans son consentement préalable.

3.La Charte constitutionnelle, tout en prévoyant que les dispositions des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, aux droits des minorités et aux libertés civiles en vigueur sur le territoire de la Communauté de Serbie‑et‑Monténégro sont directement applicables (art. 10), établit la primauté des accords internationaux ratifiés et des règles du droit international universellement admises sur le droit interne de la Serbie‑et‑Monténégro. En outre, l’article premier de la Charte des droits de l’homme pose le principe de l’inviolabilité de la dignité humaine ainsi que l’obligation de la protéger; il établit de même le droit de toute personne de développer librement sa personnalité sous réserve qu’il n’en résulte pas une violation des droits d’autrui reconnus par cette charte. L’article 12 de la même charte garantit le droit au respect de l’intégrité physique et psychologique. Nul ne peut être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ni subir des expériences médicales ou scientifiques sans son libre consentement.

4.Compte tenu de ces normes et des mesures judiciaires et administratives ci‑après mentionnées dans le domaine de la protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, il faut néanmoins souligner l’absence de données suffisantes permettant de dresser un tableau complet de l’application de cette interdiction universelle. En effet, ce n’est que s’il existe des données appropriées alignées sur les normes que l’on peut procéder à une analyse pertinente, relever les problèmes et définir d’autres actions systématiques visant à faire cadrer la pratique avec les instruments normatifs et les normes des institutions chargées d’harmoniser les processus d’intégration aux niveaux mondial et régional.

Articles premier et 2

Mesures législatives

Législation pénale

5.Jusqu’à l’adoption du Code pénal de la République du Monténégro (adopté à la séance du 17 décembre 2003 de l’Assemblée de la République du Monténégro, publié au Journal officiel de la République du Monténégro, no 70/3 du 25 décembre 2003, et entré en vigueur le 2 avril 2004), la loi en vigueur dans la République du Monténégro était le Code pénal de la République fédérale de Yougoslavie (Journal officiel de la République fédérative de Yougoslavie nos 44/76, 36/77, 34/84, 37/84, 74/87, 57/89, 3/90, 45/90 et 54/90 et Journal officiel de la République fédérale de Yougoslavie nos 35/92, 16/93 et 24/94) et la loi pénale de la République du Monténégro (nos 42/93, 14/94, 27/94 et 30/02).

6.Pour la plupart des infractions pénales considérées, la définition du fait constitutif (par exemple agression, etc.) revient à interdire une conduite pouvant se traduire par une torture ou d’autres formes de comportement cruel ou inhumain. La gravité d’un tel traitement est déterminée par le degré de souffrance enduré par la victime et peut définir une infraction pénale; par ailleurs, les circonstances aggravantes ont une influence directe sur la décision du tribunal quant à la nature et au niveau de la peine.

Code pénal de la République fédérale de Yougoslavie

7.Le Code pénal de la République fédérale de Yougoslavie traite des questions ci‑après:

Infractions pénales et responsabilité pénale;

Peines;

Sursis et admonestation judiciaire;

Mesures de sûreté;

Règles générales concernant les mesures de redressement et la punition des mineurs;

Conséquences juridiques des peines;

Réhabilitation, annulation de peine et conditions de délivrance d’extraits du casier judiciaire;

Prescription;

Amnistie et grâce;

Validité de la législation pénale yougoslave quant au lieu de commission de l’infraction pénale;

Validité de la législation pénale de la République et de la province quant au lieu de commission de l’infraction pénale;

Définition des termes de la loi;

Délits d’atteinte à l’ordre constitutionnel et à la sûreté de la République fédérale de Yougoslavie;

Infractions pénales au droit humanitaire et au droit international;

Délits d’atteinte à la réputation de la République fédérale de Yougoslavie, d’un État étranger ou d’une organisation internationale;

Délits d’atteinte à l’unité du marché yougoslave;

Infractions pénales à l’encontre de responsables officiels d’institutions ou d’organismes fédéraux;

Délits d’atteinte à la sécurité du trafic aérien;

Délits d’atteinte à d’autres valeurs sociales;

Entente et association en vue de commettre des infractions pénales de droit fédéral.

8.L’interdiction de la torture dans ce code figure dans les articles ci‑après.

9.Dans le groupe des atteintes à l’ordre constitutionnel et à la sûreté de la République fédérale de Yougoslavie (chap. 15, art. 114 à 139) dans l’article 139, paragraphe 1, réprimant les infractions pénales les plus graves:

Article 114 − Atteinte à l’ordre constitutionnel;

Article 116 − Menace contre l’intégrité du territoire;

Article 120 − Atteinte au pouvoir militaire et de défense;

Article 124 − Insurrection armée;

Article 125 − Terrorisme;

Article 126 − Détournement;

Article 127 − Sabotage, lorsqu’il est accompagné de violence grave, notamment de torture;

Délit d’atteinte aux droits électoraux;

Délit d’atteinte aux relations du travail;

Délit d’atteinte à l’honneur et à la réputation;

Délit d’atteinte à la dignité de la personne et à la moralité;

Délit d’atteinte au mariage et à la famille;

Délit d’atteinte à la santé publique et à l’environnement;

Infractions économiques;

Infractions aux biens;

Délit d’atteinte à la sûreté générale et au domaine public;

Infraction contre les transports publics;

Délit d’atteinte à l’autorité judiciaire;

Délit de trouble à l’ordre public et d’entrave à la circulation;

Délit d’atteinte aux services publics;

Délit de corruption;

Le Code interdit aussi la torture ou toute autre forme de comportement cruel ou inhumain dans les articles ci‑après.

10.Dans le groupe des infractions pénales résultant d’atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle (chap. 5, art. 30 à 42):

Article 30, paragraphes 2t et 7: crime d’assassinat (en particulier «assorti de cruauté»);

Article 34, paragraphe 4: incitation et assistance au suicide, ou actes cruels et inhumains sur une personne en état de subordination ou de dépendance par rapport à l’auteur provoquant ainsi involontairement un suicide. En vertu du paragraphe 5, la tentative est également punissable;

Article 36 − Coups et blessures graves.

11.Dans le groupe des délits d’atteinte aux libertés de la personne et aux droits des citoyens (chap. 6, art. 43 à 59):

Article 48 − Délit de traitement abusif sur le lieu de travail («Quiconque, dans l’exercice de ses fonctions, maltraite, insulte ou de manière générale se comporte d’une manière portant atteinte à la dignité humaine»). Pour cette infraction pénale, la peine prévue est de trois mois à trois ans d’emprisonnement, et l’action publique est engagée d’office par le parquet.

12.Aux termes d’amendements et d’adjonctions apportés à ce code à partir de 2002 (Journal officiel de la République du Monténégro no 30/02), la peine de mort a été supprimée de la législation pénale du Monténégro, ce qui est revenu à abolir la peine de mort dans la République du Monténégro.

Code pénal de la République du Monténégro

13.La législation pénale de la République du Monténégro interdit la torture et les autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les articles ci‑après.

14.Dans le groupe des infractions pénales résultant d’atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle (chap. 14, art. 143 à 157):

Article 144, paragraphe 1 − Meurtre aggravé;

Article 149, paragraphe 5 − Incitation et assistance au suicide, par des actes cruels et inhumains envers une personne en position de subordination ou de dépendance par rapport à l’auteur, ces actions ayant conduit au suicide ou à une tentative de suicide imputable à la faute de l’auteur.

15.La protection la plus large contre les actes prohibés se trouve dans le groupe des atteintes aux libertés et droits de l’homme et des citoyens (chap. 15, art. 158/183):

Article 167 − Mauvais traitements et torture. Aux termes du paragraphe 2, quiconque inflige de graves souffrances à une personne dans le but d’obtenir des informations ou des aveux, ou d’effrayer cette personne ou une tierce personne, ou d’exercer des pressions sur elle, ou pour tout autre motif fondé sur une forme quelconque de discrimination, sera puni d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Si cet acte est commis par un agent officiel dans l’exercice de ses fonctions, la peine encourue sera de un à cinq ans de prison (par. 3).

16.Dans le groupe des crimes contre l’humanité et des violations des garanties prévues par le droit international (chap. 35, art. 426 à 449), notamment:

Article 426 − Crime de génocide;

Article 427 − Crimes contre l’humanité;

Article 428 − Crimes de guerre contre la population civile;

Article 429 − Crimes de guerre contre les blessés ou les malades;

Article 430 − Crimes de guerre contre les prisonniers de guerre;

Article 431 − Organisation et incitation à la perpétration d’un génocide et de crimes de guerre.

17.Cette législation ne prévoit pas la peine de mort parmi les peines applicables.

Code de procédure pénale

18.Le Code de procédure pénale (Journal officiel de la RSFY no 4/77, 14/85, 74/87, 57/89 et 30/90 et Journal officiel de la RFY no 27/92 et 24/94), qui est entré en vigueur avec l’application du Code de procédure pénale de la République du Monténégro, ne comporte pas de dispositions déniant toute force juridique aux moyens de preuve obtenus par la torture. Ce code ne comporte pas les conditions juridiques préalables nécessaires à la prévention de la torture.

Code de procédure pénale (République du Monténégro)

19.Le Code de procédure pénale (Journal officiel de la République du Monténégro no 72/03 en date du 23 décembre 2003) a été adopté, mais son application ayant été reportée de trois mois, il est entré en vigueur en avril 2004. Parallèlement aux articles précités qui définissent les dispositions de fond de la législation pénale, le Code de procédure pénale vise à protéger les droits des prévenus par l’application de normes juridiques relatives à la preuve et au prononcé de peines appropriées. C’est pourquoi il comporte des normes qui interdisent la torture et la rendent sans objet en frappant de nullité les aveux et moyens de preuve obtenus par la torture. En vertu de ces règles, conformément à l’article 15 de la Convention, les faits ci‑après sont interdits ou punissables: violence contre des personnes privées de liberté ou dont la liberté est restreinte, et obtention par des moyens insidieux d’aveux ou de toute autre déclaration d’un prévenu ou de toute autre personne participant au procès (art. 12, par. 1). Les décisions judiciaires ne peuvent être fondées sur des aveux ou toute autre déclaration obtenus par la torture ou des traitements inhumains (art. 12, par. 2). Cette règle s’applique aussi aux témoins et aux experts judiciaires et elle est reprise dans une disposition distincte qui souligne tout particulièrement que les décisions judiciaires ne peuvent être fondées sur des aveux obtenus par la torture ou toute autre forme de mauvais traitement (art. 98), étant entendu que par toute autre forme de mauvais traitement on entend aussi l’usage de la force à l’encontre de suspects, prévenus ou témoins, une intervention médicale ou l’usage de moyens pouvant influencer leur état de conscience et leur volonté lors de leurs dispositions (art. 134, par. 4).

Loi sur les affaires intérieures

20.La loi sur les affaires intérieures actuellement en vigueur a été adoptée en 1994 (Journal officiel de la République du Monténégro no 24/94). Les affaires intérieures, aux termes de cette loi, sont les affaires relatives à la sûreté de la République, la sécurité des citoyens, la protection des libertés et des droits de l’homme et les droits des citoyens garantis par la Constitution. Il s’agit d’assurer à toute personne et tout citoyen la même protection et de garantir les droits et libertés constitutionnels (art. 2).

21.Les agents officiels autorisés ne peuvent recourir à la force, aux termes des dispositions de l’article 17 de la loi sur les affaires intérieures, que si cela est nécessaire:

a)Pour empêcher une personne privée de liberté ou interpellée en train de commettre un délit poursuivi d’office de s’échapper;

b)Pour mater la résistance de personnes qui contreviennent à l’ordre public ou qui doivent être privées de liberté conformément à la loi; et

c)Pour repousser une attaque contre eux-mêmes, une autre personne ou un lieu dont ils assurent la garde.

22.Les moyens de contrainte, aux termes du paragraphe 1 de cet article sont notamment les suivants: force physique, matraques, pistolets à eau, dispositifs d’immobilisation de véhicules, chiens spécialement dressés, procédés chimiques, armes à feu et autres moyens de coercition prévus par la loi.

23.Aux termes du paragraphe 2 de cet article, les procédés chimiques consistent dans la brève utilisation de gaz lacrymogènes, n’entraînant aucune conséquence sur l’état psychophysiologique et l’état de santé général.

24.Avant toute utilisation de l’un de ces dispositifs, l’agent officiel autorisé est tenu d’avertir les personnes visées. Il n’est pas tenu d’agir conformément au paragraphe 4 de cet article si cela est de nature à compromettre l’exécution d’une fonction officielle.

25.Dans l’exercice d’une fonction officielle (art. 18), un fonctionnaire autorisé ne peut utiliser d’armes à feu que si, par l’utilisation d’autres moyens, il ne peut:

a)Protéger des vies humaines;

b)Prévenir la fuite d’une personne arrêtée en flagrant délit, pour avoir porté atteinte à l’ordre constitutionnel, menacé l’intégrité territoriale, sapé les pouvoirs militaire et de défense, commis des actes de violence contre des représentants des institutions suprêmes de l’État, en cas d’insurrection armée, de violation de l’intégrité territoriale, de piraterie aérienne, de menace contre la sécurité aérienne, de meurtre, de viol, de vol qualifié, de vol à main armée, et dans les cas graves, de vol et de vol à main armée;

c)Prévenir la fuite d’une personne appréhendée en train de commettre un délit poursuivi d’office s’il y a des motifs de soupçonner qu’elle possède des armes à feu et les utilisera;

d)Prévenir la fuite d’une personne qui a été privée de liberté pour avoir commis des infractions pénales visées aux alinéas 2 et 3 de ce paragraphe;

e)Riposter à une agression qui menace directement sa vie;

f)Riposter à une agression contre un lieu ou une personne sous sa protection.

26.Un fonctionnaire autorisé (art. 19) ne peut utiliser d’armes à feu que si, par l’emploi de la force physique, d’une matraque ou d’un autre moyen de contrainte, il ne peut exercer ses fonctions officielles.

27.Avant d’utiliser une arme à feu, le fonctionnaire autorisé est tenu d’avertir les citoyens par des sommations, sous réserve qu’il en ait la possibilité eu égard aux circonstances.

28.Lorsqu’il fait usage d’armes à feu, le fonctionnaire autorisé est tenu de protéger la vie des autres personnes.

29.Si le ministre considère qu’il a été fait un usage illégal de moyens coercitifs, il doit, dans les trois jours, prendre des mesures en vue d’établir la responsabilité de l’agent officiel autorisé qui a fait usage, ou a ordonné l’usage, de ces moyens (art. 21).

30.En 2000, la police a fait usage de moyens coercitifs dans 53 cas (force physique dans 37 cas, matraques dans 12 cas et force physique et matraques dans 4 cas); dans 47 cas, le recours à la force a été considéré comme justifié et dans 6 cas, il a été jugé injustifié.

31.En 2001, des moyens coercitifs ont été employés dans 36 cas, considérés comme justifiés dans 30 d’entre eux et injustifiés dans les 6 autres cas.

32.En 2002, des moyens coercitifs ont été employés dans 48 cas (force physique dans 34 cas, force physique et matraques dans 6 cas, matraques dans 6 cas et armes à feu dans 2 cas); dans 43 d’entre eux, cet usage a été jugé justifié et dans les 5 autres il a été jugé injustifié (force physique dans 2 cas, matraques dans 1 cas et usage d’armes à feu dans 2 cas).

33.En 2003, des moyens coercitifs ont été employés dans 59 cas (force physique dans 44 cas, force physique et matraques dans 5 cas, matraques dans 7 cas et armes à feu dans 3 cas); dans 54 d’entre eux, cet usage a été jugé justifié et dans les 5 autres cas, il a été jugé injustifié (force physique dans 3 cas, matraques dans 2 cas).

34.À l’encontre des fonctionnaires ayant excédé leurs pouvoirs en utilisant des moyens coercitifs, les mesures juridiques appropriées ont été prises.

Loi sur l’exécution des sanctions pénales

35.Cette loi remonte à 1994 (Journal officiel de la République du Monténégro no 25/94). En vertu de son article 15, tout acte commis sur une personne condamnée qui ne respecte pas sa dignité individuelle et porte atteinte à son intégrité physique et mentale est interdit. Des mesures sont prises au plus haut niveau possible pour tenir compte de la personnalité de tout condamné et pour obtenir les meilleurs résultats en matière de resocialisation.

36.Il ne peut être fait usage de moyens coercitifs sur des personnes condamnées que dans les conditions et de la manière prescrite par cette loi et ses règlements d’application. La même loi interdit dans son article 61 l’emploi des moyens suivants: force physique, entraves, matraques en caoutchouc, tuyaux d’arrosage, chiens spécialement dressés, procédés chimiques et armes à feu, si ce n’est la manière qu’elle prescrit et seulement lorsque cela est nécessaire pour empêcher la fuite d’un condamné, une agression physique contre un agent officiel ou un condamné, des blessures à autrui, une automutilation ou des dommages, et aussi lorsque cela est nécessaire en cas de résistance à l’ordre juridique ou à un agent officiel.

37.Le recours aux moyens les plus coercitifs, les armes à feu, est régi par l’article 180 de la même loi. En vertu de cette disposition, un agent officiel autorisé ne peut faire usage d’armes à feu que si l’emploi d’autres moyens de contrainte ne lui permet pas d’exercer ses fonctions officielles et seulement s’il ne peut s’en acquitter d’une autre manière. Il s’agit notamment:

a)De résister à des actes d’agression qui menacent sa vie ou celle d’une autre personne;

b)De résister à des actes d’agression sur le lieu dont il assure la sécurité;

c)D’empêcher la fuite d’un condamné qui purge une peine d’emprisonnement dans un quartier ouvert ou semi‑ouvert;

d)D’empêcher la fuite d’un condamné dont il assure l’escorte ou la garde, et seulement si cette personne a été condamnée pour un délit emportant une peine minimum de dix ans d’emprisonnement.

38.Lors de la préparation à l’exercice de leurs fonctions, les agents officiels autorisés reçoivent une formation particulière pour le maniement d’armes à feu et d’autres moyens coercitifs. S’agissant des armes à feu, les agents affectés à la sécurité extérieure peuvent être équipés de fusils et, lorsqu’ils assurent une escorte, de pistolets qu’ils ne peuvent porter lorsqu’ils se trouvent parmi des détenus en quartier fermé.

39.Toute allégation d’abus dans l’emploi autorisé de moyens coercitifs donne lieu à l’établissement d’un rapport, qui doit être remis dans les trois jours au Ministre de la justice.

40.Les règles d’utilisation d’autres moyens coercitifs figurent dans le Règlement concernant l’application de mesures de sécurité et les armes et équipements des fonctionnaires de sécurité (Journal officiel de la République du Monténégro, no 6/97). L’utilisation de moyens coercitifs est strictement limitée par l’article 55 qui impose à l’agent officiel d’y mettre fin dès que sa nécessité immédiate a disparu.

41.Il peut être fait usage de la force physique ou de matraques contre des personnes condamnées ou arrêtées pour mater leur résistance, prévenir leur fuite, riposter à une agression physique contre un fonctionnaire ou une autre personne, les empêcher d’infliger des blessures à autrui ou de s’automutiler ou de causer des dommages matériels.

42.La résistance peut être active ou passive:

a)Il y a résistance active lorsqu’une personne condamnée ou arrêtée oppose une résistance en utilisant des armes à feu, des outils ou autres objets, ou la force physique, et empêche ainsi un agent officiel d’exécuter ses fonctions officielles. Inciter quelqu’un à résister est considéré comme une résistance active;

b)Il y a résistance passive lorsqu’une personne arrêtée n’obéit pas à l’injonction d’un agent officiel autorisé ou se met dans une position qui interdit à cet agent de s’acquitter de ses fonctions. En cas de résistance d’une personne condamnée, il peut être fait usage d’une matraque s’il n’y a pas d’autres moyens de s’y opposer ou si l’emploi d’autres moyens moins rigoureux se révèle inefficace.

43.S’agissant de l’emploi de matraques en caoutchouc, les agents officiels autorisés ont pour instruction d’éviter de frapper la tête et d’autres parties sensibles du corps. Il ne peut être fait usage de telles matraques sur:

a)Une personne qui est manifestement malade, âgée, épuisée ou gravement handicapée;

b)Une femme manifestement enceinte, sauf si celle‑ci menace la vie d’un agent officiel ou s’il n’est pas possible de la neutraliser d’une autre manière pour rétablir l’ordre public.

44.Les entraves consistent normalement dans le port de menottes durant un transfert. Une telle mesure doit être ordonnée par écrit par le responsable officiel du service de sécurité. Elle peut être appliquée sans ordre écrit s’il y a des raisons de penser qu’un condamné pourrait prendre la fuite et tenter d’attaquer un agent officiel autorisé ou d’autres personnes, ou si le condamné tente de se suicider ou de s’automutiler. À l’intérieur des établissements de détention, il peut être recouru aux menottes lorsqu’il n’y a pas d’autre moyen de mater la résistance d’une personne, lorsque celle‑ci se livre à une agression physique contre d’autres personnes arrêtées ou condamnées ou contre des agents publics, ou lorsqu’elle s’inflige des blessures ou cause des dommages matériels.

45.Des chiens spécialement dressés peuvent être utilisés pour:

a)Retrouver des personnes en fuite;

b)Empêcher des personnes de s’enfuir;

c)Assurer la garde d’établissements;

d)Prévenir une résistance et riposter à une agression contre des agents publics, d’autres personnes ou des lieux protégés.

46.Des tuyaux d’arrosage et procédés chimiques peuvent, sur ordre du directeur, être employés lorsqu’un groupe de condamnés ou de détenus oppose une résistance, trouble considérablement l’ordre public, ou dresse des barrages.

Responsabilité disciplinaire des détenus condamnés

47.En cas de violation des règles de la vie en détention, les détenus condamnés peuvent, aux termes de l’article 19, paragraphe 3, de la loi et sur ordre du directeur de l’établissement, être sanctionnés par les mesures disciplinaires ci‑après:

a)Avertissement;

b)Interdiction de recevoir jusqu’à trois colis;

c)Réclusion cellulaire pour une durée maximale de trente jours après exécution de l’obligation;

d)Placement à l’isolement pour une période maximale de trente jours.

48.Pour ce qui est des sanctions disciplinaires b), c) et d), leur exécution peut faire l’objet d’un sursis conditionnel de trois mois. Celui-ci peut être révoqué si durant les trois mois, le condamné fait de nouveau l’objet d’une sanction disciplinaire (art. 55).

49.Dès le prononcé d’une sanction disciplinaire, le condamné est entendu, ses moyens de défense sont vérifiés, il est obtenu un rapport sur son travail/comportement antérieur ainsi que, si nécessaire, une expertise médicale. La sanction disciplinaire fait l’objet d’une décision, contre laquelle le condamné peut se pourvoir devant le supérieur responsable. La décision relative à la sanction est publiée sur un tableau d’affichage (art. 56).

50.Le régime disciplinaire de réclusion cellulaire consiste dans le transfert du condamné dans une cellule distincte, assorti du droit à une promenade quotidienne à l’air libre d’une heure au moins. Dans ce régime, le condamné reçoit au moins une fois par jour la visite d’un médecin et d’un tuteur qui est chargé de travailler avec lui. Cette mesure disciplinaire ne peut être appliquée si elle met en danger la santé du condamné (art. 57) et elle peut être interrompue si l’objectif de la sanction a déjà été atteint ou en cas de maladie du condamné (art. 58).

51.Le régime disciplinaire particulier de l’isolement peut être appliqué à un détenu condamné en cas d’échec de précédentes sanctions disciplinaires et si le condamné persiste à troubler le travail et la vie au sein de l’établissement et, pour ces motifs, représente une grave menace pour les autres détenus et la sécurité. Cette mesure doit être décidée par le chef de l’établissement. La mesure d’isolement peut être interrompue si le médecin estime que la poursuite de son exécution serait préjudiciable à la santé physique et mentale du condamné ou si les motifs de cette mesure n’existent plus.

52.La loi prévoit, à l’article 5, la possibilité d’un recours administratif contre des actes spécifiques, fondé sur les dispositions relatives aux droits et obligations des personnes condamnées.

Loi portant amendement de la loi sur l’exécution des sanctions pénales

53.Cette loi a été adoptée le 17 décembre 2003 (Journal officiel de la République du Monténégro no 69/03). Elle a pour effet de modifier l’article 5 de la loi sur l’exécution des sanctions pénales, aux termes duquel les personnes faisant l’objet de sanctions ont droit à un recours effectif devant un tribunal contre des actes spécifiques affectant leurs droits et obligations. Conformément à la section relative à l’accès au tribunal concernant d’autres droits, les personnes condamnées jouissent des mêmes droits que les autres citoyens.

Responsabilité disciplinaire des fonctionnaires

54.En vertu du chapitre 5 de la loi sur les agents publics (Journal officiel de la République du Monténégro, no 45/91), concernant la responsabilité des fonctionnaires (art. 33 à 43) un fonctionnaire ne peut être tenu personnellement responsable de l’exécution des fonctions dont il est chargé. Les fonctionnaires sont responsables de la violation d’une obligation officielle et peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires. Ce type de responsabilité existe si un fonctionnaire enfreint ses obligations officielles de telle manière que sa responsabilité pénale ou autre n’exclut pas sa responsabilité disciplinaire si le fait commis constitue une infraction disciplinaire. Lorsqu’ils enfreignent leurs obligations officielles, les fonctionnaires peuvent faire l’objet des mesures disciplinaires ci‑après:

a)Réprimande publique;

b)Amende représentant 10 à 50 % du traitement du mois au cours duquel l’amende est prononcée;

c)Retard dans la promotion pour une période de deux ans, ou licenciement.

55.Les infractions disciplinaires peuvent être constituées, entre autres, par:

a)L’inexécution ou la mauvaise exécution, ou l’exécution tardive ou fautive, de tâches officielles;

b)L’abus d’une position officielle ou l’excès de pouvoir;

c)Des actes empêchant des citoyens, des personnes morales ou d’autres parties de faire valoir leurs droits et intérêts devant des institutions publiques;

d)L’absence de mise en œuvre ou la mise en œuvre insatisfaisante de mesures prescrites en vue d’assurer la sécurité d’objets ou de personnes.

Protection des droits des personnes purgeant une peine

56.La protection des droits des personnes condamnées est fondée sur le même chapitre de la loi portant amendement de la loi sur l’exécution des sanctions pénales (art. 64a relatif à l’article 28). Aux termes de ces dispositions, les condamnés ont droit, durant l’exécution d’une peine, à une protection judiciaire contre les actes du chef (directeur) de l’établissement dans lequel ils purgent leur peine, si ces actes restreignent certains de leurs droits reconnus par la loi. Cette protection est assurée dans le cadre de la compétence des juridictions administratives et ne concerne que des droits spécifiques liés aux conditions pénitentiaires et dont l’exercice est garanti par la loi spéciale (lex specialis) − l’exécution des sanctions pénales (droit aux soins de santé, droit de recevoir de la correspondance, des visites, des colis, droit à la vie maritale, à la vie religieuse, droits fondés sur le travail des détenus, droit d’être informé, et droit à une assistance juridique). Ces règles ont été adoptées à la fin de 2003. À la date du présent rapport, il n’y a eu aucun recours juridictionnel fondé sur ces dispositions.

57.S’agissant de certains des droits généralement reconnus dont jouissent les citoyens en liberté, les personnes condamnées peuvent en demander la protection devant le tribunal en exerçant les mêmes actions que tout autre citoyen.

Mesures judiciaires

58.Les mesures judiciaires prises dans le cadre de procédures pénales sont indiquées ci‑après, sur la base de données reçues de la Cour suprême de la République du Monténégro (rapport Su. V. no 1/04 en date du 24 février 2004).

1994

59.Condamnation d’un fonctionnaire à une peine avec sursis pour le délit de mauvais traitements dans l’exercice des fonctions en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro.

1996

60.Condamnation de deux personnes à des peines avec sursis, dont une pour le délit de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48, en relation avec le délit de blessures légères en vertu de l’article 37, paragraphe 2, du Code pénal de la République du Monténégro.

1997

61.Condamnation d’un fonctionnaire à une peine avec sursis pour le délit de coups et blessures graves, en relation avec le délit de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro.

62.Condamnation d’un fonctionnaire à une peine de douze ans de prison pour meurtre en vertu de l’article 39, paragraphe 1, et concernant le délit de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro, condamnation d’une personne à dix ans de prison et d’une autre à huit ans.

1999

63.Trois membres de la garde de sécurité du KPD (maison d’arrêt) ont, après avoir repris un condamné en fuite, employé une force excessive et inappropriée contre lui.

64.Ils ont en conséquence fait l’objet de poursuites pénales. Tous trois ont été condamnés à des peines fermes pour le délit de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro. Deux d’entre eux ont été condamnés à huit mois de prison et le troisième à six mois.

65.Par voie de conséquence, une mesure disciplinaire a été prise qui a abouti à leur licenciement de l’établissement.

66.Condamnation de trois personnes à des peines avec sursis pour le délit de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro, et d’une personne à deux mois de prison.

2000

67.Pour le délit de prêt d’objet autre que monétaire prévu à l’article 219 du Code pénal de la République du Monténégro, lié à celui de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du même Code, une personne a été condamnée à deux mois de prison et une autre à une peine avec sursis.

68.Pour le délit de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro, une personne a été condamnée à une peine avec sursis.

69.En outre, le tribunal correctionnel de Pljevlja a eu à juger pour des délits de mauvais traitements dans l’exercice de fonctions officielles en vertu de l’article 48 du Code pénal de la République du Monténégro quatre personnes qui ont été condamnées aux peines suivantes: trois mois de prison (une personne), quarante‑cinq jours de prison (une personne), et peines avec sursis (deux personnes). Dans deux affaires engagées contre cinq personnes, la procédure est en cours.

70.Selon des données obtenues du Procureur général (document Ktr. no 21/04 en date du 1er mars 2004), au cours de la période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2003, des poursuites pénales pour des délits se rapportant à l’article premier de la Convention ont été engagées contre 307 personnes, par des procureurs ayant compétence ratione loci et des procureurs individuellement et spécifiquement saisis:

a)Après examen des moyens de preuve, le tribunal a rejeté les allégations contre 139 personnes;

b)Pour 69 personnes, un complément d’instruction a été demandé. L’enquête concernant six personnes a été suspendue;

c)Soixante-quatorze personnes ont fait l’objet d’une proposition d’inculpation;

d)Après instruction, des charges pénales ont été retenues contre 63 personnes;

e)Suite aux réquisitions des procureurs, les tribunaux compétents ont jugé 105 personnes, avec les résultats suivants:

i)Les chefs d’accusation contre six personnes ont été rejetés et 14 personnes ont été acquittées;

ii)Quatre-vingt-cinq personnes ont été reconnues coupables et, au terme des procédures, les peines ont été exécutées contre 59 personnes. Les procédures à l’encontre de 34 personnes sont en cours.

Mesures administratives et autres

Formation des fonctionnaires

71.S’agissant de la formation des fonctionnaires pénitentiaires, l’enseignement des droits de l’homme, y compris en ce qui concerne l’interdiction de la torture et la Convention, fait partie de l’éducation permanente du personnel. Celle‑ci est dispensée dans des locaux destinés exclusivement à cette fin. À cet effet, un centre de formation des fonctionnaires doté d’effectifs permanents a été établi.

Procédures disciplinaires contre des fonctionnaires

72.Selon des données obtenues du Service pénitentiaire (document no 05‑466/1 en date du 10 février 2004, où il est indiqué qu’en raison du fréquent déplacement des archives, il n’a pas été possible de fournir des données antérieures à 1998), des procédures disciplinaires ont été menées contre des fonctionnaires en raison de traitements cruels et inhumains infligés à des condamnés.

1999

73.Dans la prison de Bijelo Polje, un gardien a placé deux condamnés, sans motif légal, justifiant une peine disciplinaire, dans la cellule d’isolement. Une procédure disciplinaire a été ouverte puis suspendue en raison du départ à la retraite du gardien.

2000

74.Deux gardiens se sont vu infliger une amende disciplinaire s’élevant à 20 % de leur traitement mensuel pour avoir employé la force contre un détenu de manière inappropriée.

2002

75.Six gardiens se sont vu infliger une amende disciplinaire s’élevant à 50 % de leur traitement mensuel pour avoir fait usage de matraques de manière excessive contre un détenu.

2003

76.Un gardien s’est vu infliger un avertissement public pour avoir utilisé sa matraque contre un détenu sans respecter les conditions légales.

Traitement humiliant de détenus condamnés

1998

77.Un officier de sécurité de la maison d’arrêt (KPD) ayant plusieurs fois renvoyé sans raison son plat de nourriture au détenu chargé du service dans la cantine des officiers au motif qu’il n’était pas assez salé, ce fait a été considéré comme une infraction disciplinaire, et l’agent en question s’est vu infliger une amende s’élevant à 30 % de son traitement mensuel.

2001

78.Une gardienne s’est vu infliger un avertissement public à titre de sanction disciplinaire pour avoir frappé un condamné qui tentait de l’empêcher de se battre avec un autre gardien. Un autre fonctionnaire a été sanctionné d’une amende s’élevant à 50 % de son traitement mensuel pour ne pas avoir appliqué toutes les mesures prescrites pour empêcher une rixe entre deux détenus, alors qu’il pouvait, et aurait dû le faire.

Sanctions infligées à des fonctionnaires du Ministère de l’intérieur

79.Durant la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003, le Ministère de l’intérieur de la République du Monténégro a engagé des actions pénales contre 75 fonctionnaires.

80.Durant la même période, en raison d’infractions graves à leurs fonctions officielles en vertu de l’article 57 de la loi sur les affaires intérieures, des procédures disciplinaires ont été engagées contre 646 agents, y compris pour des contraventions mineures aux fonctions officielles en vertu de l’article 56 de la loi sur les affaires intérieures. Des procédures disciplinaires ont été engagées contre 3 579 agents.

81.Il convient de signaler que toutes les affaires concernaient un abus ou un excès de pouvoir quant à l’utilisation de moyens coercitifs.

Article 3

82.Dans les cas où il existe des motifs de croire qu’une personne risquerait d’être soumise à la torture si elle était expulsée vers un autre État, il n’est procédé à aucune poursuite, expulsion ou extradition vers ces États tiers. Dans un contexte de guerre et de violations massives des droits de l’homme, plusieurs milliers de réfugiés et de personnes déplacées ont trouvé refuge au Monténégro. Certains d’entre eux, avec l’aide des institutions internationales compétentes, sont rentrés dans leur pays, mais une partie vit encore au Monténégro.

83.Conformément à la réglementation relative à la prise en charge des personnes déplacées (Journal officiel de la République du Monténégro no 37/92), qui est encore en vigueur, le Ministère de l’intérieur est chargé de la procédure de reconnaissance du statut de personne déplacée. Selon les données du Ministère, 34 000 personnes déplacées (de l’ex‑République socialiste fédérative de Yougoslavie) sont enregistrées. Ce chiffre n’est cependant pas réaliste, vu que les personnes déplacées sont tenues de signaler tout changement pour pouvoir établir leurs droits.

84.Le HCR et le Commissariat pour les personnes déplacées ont effectué un recensement des personnes déplacées; à cette occasion, 13 000 personnes ont été enregistrées. Nous tenons à indiquer que le Ministère ne collecte pas de données sur l’origine ethnique de ces personnes.

85.Durant la période allant du 1er juin 2004 au 3 juillet 2004, un recensement des personnes déplacées a été organisé et conduit par le Ministère de l’intérieur, le HCR et le Commissariat. Cependant, compte tenu de l’imminence de la prochaine phase, à savoir la procédure de révision, et à la suite du recours de personnes mécontentes des décisions, lesquelles peuvent être contestées devant la Cour Suprême de la République du Monténégro, nous n’avons pas pu présenter la situation réelle ni les données définitives sur les personnes déplacées.

86.La République du Monténégro a signé l’Accord de réadmission avec 14 États européens. Le Ministère a établi le statut des citoyens et l’identité des personnes et a conclu un accord pour la remise de ces personnes.

87.Conformément aux accords de réadmission, au cours de l’année 2003, la remise de 2 661 personnes a été acceptée. Sur ce nombre, selon les données disponibles, 672 personnes ont été renvoyées au Monténégro.

Article 4

88.Un préambule juridique aux mesures prises conformément à cet article figure dans les observations relatives à l’article 2 de la Convention.

89.En vertu de l’article 134 du Code pénal de la République du Monténégro, les dispositions de celui‑ci sont applicables à quiconque commet une infraction pénale sur le territoire du Monténégro. Il vaut donc pour les citoyens et pour les étrangers. Le Code pénal s’applique aussi à toute personne qui commet une infraction pénale sur un navire battant pavillon national, quel que soit le lieu où se trouve le navire lors de la perpétration de l’infraction. Il s’applique également à toute personne qui commet une infraction pénale sur un aéronef civil national durant le vol ou sur tout aéronef militaire, quel que soit le lieu où celui‑ci se trouve lors de la perpétration de l’infraction, si l’auteur est un citoyen du Monténégro. Le Code pénal s’applique aussi à tout citoyen monténégrin qui commet une infraction pénale à l’étranger ou est appréhendé au Monténégro ou extradé.

Articles 6 et 7

90.Conformément au Code de procédure pénale (chap. VIII, art. 136 à 153), le traitement d’un prévenu et la conduite régulière de la procédure pénale comportent les mesures suivantes:

a)Citation à comparaître;

b)Comparution devant le tribunal;

c)Mesures de surveillance (assignation à résidence; interdiction de se rendre dans certains lieux ou zones; obligation du prévenu de se présenter périodiquement à certaines autorités publiques; interdiction de rencontrer certaines personnes; confiscation temporaire du permis de conduire);

d)Garantie;

e)Incarcération.

91.Le tribunal compétent doit respecter les conditions définies pour appliquer des mesures particulières, en prenant soin de ne pas recourir à des mesures sévères si le même but peut être obtenu par des mesures plus légères. Ces mesures doivent être révoquées d’office lorsque les raisons justifiant leur application cessent d’exister, en d’autres termes être remplacées par d’autres mesures moins graves lorsque les conditions l’exigent.

92.Conformément aux dispositions propres du Code de procédure pénale (art. 528 et 529 − dispositions applicables après l’entrée en vigueur du Code de procédure pénale jusqu’à l’adoption de la nouvelle loi régissant les questions relatives à l’entraide judiciaire et à l’extradition), à la demande d’un organisme international compétent, la police est autorisée, en cas d’urgence lorsqu’il existe un risque qu’un étranger puisse prendre la fuite ou disparaître, à priver cette personne de liberté en vue de la traduire devant un juge d’instruction. Celui-ci ouvre immédiatement une enquête sur les faits et informe l’État étranger concerné par la voie diplomatique. La suite de la procédure dépend de l’établissement des preuves sous l’angle de la compétence des institutions nationales, et également de la demande de l’État étranger. Lorsque les motifs d’incarcération cessent d’exister ou lorsque l’État étranger ne demande pas l’extradition dans le délai fixé par le juge d’instruction, celui-ci remet le prévenu en liberté. Ce délai ne peut être supérieur à trois mois à compter du jour de l’incarcération. À la demande de l’État étranger, un collège de juges peut prolonger le délai de deux mois supplémentaires.

Articles 8 et 9

93.Il n’y a eu aucune demande d’extradition sur cette base.

Article 10

94.L’enseignement des droits de l’homme fait partie de la formation des gardiens de prison et des membres de la police. Il concerne non seulement les nouveaux agents mais aussi ceux déjà en fonction dans des établissements. Dans ce domaine, une coopération avec des institutions internationales (OSCE et autres) a été établie et il est fait appel à l’expérience d’experts étrangers, qui jouent le rôle de consultants et formateurs.

95.En coopération avec l’OSCE, le Ministère de l’intérieur a organisé un cours à l’intention des «instructeurs pour la formation de la police» au Centre international de formation approfondie de la police de l’OSCE à Zemun (six semaines), tandis que des stages complémentaires de formation de la police ont eu lieu à Danilovgrad, intitulés «programme de développement de la police monténégrine».

96.Des représentants du Ministère de l’intérieur ont participé aux ateliers ci‑après:

a)«Droits de l’homme et police» organisé conjointement par l’ONU et le CICR à Vienne (cinq jours);

b)«Éthique de la police et méthodes de formation» organisé par l’Association des collèges de police en Croatie (quatre jours);

c)«Méthode de formation» organisé par l’Association des collèges de police en Croatie (quatre jours);

d)«Les droits de l’homme, objectif de la réforme de la police» organisé par le Centre pour la démocratie et les droits de l’homme avec l’appui de l’Institut danois des droits de l’homme à Igalo-Herceg Novi.

97.Le «Code d’éthique de la police» fait partie de la loi sur la police qui est en cours d’adoption.

98.Le programme des cours dispensés aux élèves de l’école secondaire des affaires intérieures (2003/04), plus exactement aux candidats au diplôme, a été mis à jour pour intégrer les règles de procédure pénale, à savoir «Droits de l’homme et police» (premier semestre) et «Code et éthique professionnelle» (deuxième semestre).

Article 11

Arrestation et garde à vue

99.La loi sur les affaires intérieures (Journal officiel de la République du Monténégro no 24/94) régit la question de l’arrestation et de la garde à vue. En vertu de l’article 15 de la loi, un agent autorisé peut conduire au commissariat ou placer en garde à vue une personne qui trouble l’ordre public ou compromet la sécurité de la circulation ou si l’ordre public ou la sécurité de la circulation ne peuvent être assurés d’une autre manière.

100.En vertu du paragraphe 1 de cet article, la privation de liberté ne peut durer plus de douze heures.

101.À titre exceptionnel, la privation de liberté peut être portée à vingt-quatre heures, dans les cas suivants:

102.S’il est nécessaire d’établir l’identité de la personne et que cela requiert nécessairement sa garde à vue;

103.Si la personne est extradée par une autorité étrangère pour être traduite devant l’autorité compétente;

104.Si la personne constitue une menace pour une autre personne en ce qu’il existe un risque grave qu’elle attente à sa vie ou à son intégrité physique.

105.Les agents officiels du Ministère sont tenus d’informer sans délai la personne privée de liberté des motifs de son arrestation. En vertu du paragraphe 1 de cet article, toute personne peut demander à pouvoir informer sans délai de celle‑ci les membres de sa famille.

106.Durant la garde à vue, la personne privée de liberté est officiellement interrogée quant aux circonstances et aux motifs de celle‑ci afin d’établir si, eu égard aux paragraphes 2 et 3 de cet article, elle a le droit d’obtenir réparation d’un préjudice.

107.En vertu de l’article 16, la privation de liberté doit faire l’objet d’une décision énonçant les coordonnées de la personne privée de liberté, la durée de sa garde à vue, le début et les motifs de celle-ci ainsi que les dispositions relatives au droit de recours.

108.La décision relative à la privation de liberté est prise par le chef du service compétent.

109.La décision relative à la privation de liberté doit être communiquée à l’intéressé dans un délai de trois ans.

110.S’agissant de la décision relative à la privation de liberté, toute personne privée de liberté, dans les cas visés à l’article 15, paragraphe 1, peut exercer un recours devant le Ministre dans un délai de six heures et, dans les cas visés à l’article 15, paragraphe 3, dans un délai de douze heures à compter de la décision.

111.Un recours contre la décision de privation de liberté d’une personne n’a pas d’effet suspensif.

112.Le Ministre est tenu de se prononcer sur le recours de la personne privée de liberté dans un délai de six heures à compter de la réception de la décision, dans les cas visés à l’article 15, paragraphe 3, alinéa 1, et dans un délai de douze heures dans les cas visés à l’article 15, paragraphe 3, alinéa 3.

113.Si la décision entraîne de nouveaux recours, il ne peut être conduit de procédure administrative contentieuse.

114.Le Code de procédure pénale de la République du Monténégro, qui est entré en vigueur le 2 avril 2004, comporte aussi de nouvelles dispositions relatives au traitement des personnes arrêtées et provisoirement incarcérées, pour quelque motif que ce soit, conformément aux dispositions de l’article 11 de la Convention.

115.Les fonctionnaires de police autorisés peuvent placer une personne en garde à vue s’il existe un motif, prévu par le Code de procédure pénale, justifiant une telle mesure, mais ils sont tenus de traduire la personne sans délai devant le juge d’instruction. Le fonctionnaire de police autorisé informe le juge d’instruction des motifs et de la durée de la privation de liberté.

116.Toute personne privée de liberté doit être immédiatement informée, dans sa langue maternelle, des motifs de son arrestation; il doit aussi lui être indiqué qu’elle n’est tenue de faire aucune déclaration, qu’elle a droit à l’assistance d’un avocat de son choix et qu’elle peut demander que sa famille soit informée de son arrestation.

117.Si le transfert d’une personne privée de liberté dure plus de huit heures, le fonctionnaire de police autorisé est tenu d’expliquer ce délai au juge d’instruction, lequel consigne cette information au dossier.

118.Les fonctionnaires de police peuvent détenir une personne à titre exceptionnel, en vue de recueillir des informations ou des éléments de preuve, pendant une durée maximum de quarante‑huit heures à compter de son arrestation, ou plus exactement de sa convocation. Dans un délai maximum de deux heures, la police doit remettre à l’intéressé et à l’avocat de la défense une décision écrite, dans laquelle doivent être mentionnés l’infraction pénale en cause, le jour et l’heure de la privation de liberté et du début de la détention.

119.Le suspect ou son avocat a le droit de déposer une plainte, laquelle est immédiatement transmise au juge d’instruction avec le dossier de l’affaire. Le juge d’instruction est tenu de statuer sur la plainte dans un délai de quatre heures à compter de la réception de celle‑ci. La plainte n’a pas d’effet suspensif sur l’exécution de la décision.

120.La police est tenue d’informer le juge d’instruction de la privation de liberté et celui‑ci peut exiger que la personne détenue lui soit immédiatement présentée. Si, dans un délai de quarante‑huit heures, la police n’informe pas le juge d’instruction de l’arrestation et ne lui présente pas la personne détenue, elle doit remettre celle‑ci en liberté. La même personne ne peut être de nouveau placée en détention pour le même délit.

121.Dès que la police prend la décision de mise en détention, le suspect doit disposer d’un avocat. S’il ne désigne pas un avocat de son choix, la police commet un avocat d’office sur la liste établie par le barreau compétent.

122.Une analyse de la pratique du Ministère de l’intérieur sur une longue période a permis de conclure à l’absence de torture, mais a fait ressortir certains cas seulement d’excès de pouvoir. Dans ces cas, les mesures juridiques appropriées, de nature pénale ou disciplinaire, ont été prises contre les fonctionnaires concernés.

123.En 2002, le Ministère a privé de liberté ou placé en détention 5 549 personnes:

a)3 437 personnes soupçonnées d’infractions pénales ou recherchées pour commerce illégal;

b)1 627 personnes pour trouble à l’ordre public ou violation de la loi sur les armes;

c)311 personnes pour défaut de présentation aux autorités;

d)174 personnes pour violation du régime frontalier.

124.Durant l’année 2003, 6 340 personnes ont été privées de liberté ou placées en détention, dont:

a)127 personnes soupçonnées d’infractions pénales ou recherchées pour commerce illégal;

b)1 580 personnes pour trouble à l’ordre public ou violation de la loi sur les armes;

c)377 personnes pour défaut de présentation aux autorités;

d)256 personnes pour violation du régime frontalier.

Contrôle

125.Le contrôle des mesures de placement provisoire en détention, sur la base d’une décision du tribunal compétent, incombe au Président du tribunal conformément à l’article 158 du Code de procédure pénale. Les institutions chargées d’exécuter les décisions d’incarcération provisoire sont indépendantes de la police et sont notamment des fonctionnaires indépendants ainsi que des institutions publiques chargées de l’exécution des peines d’emprisonnement.

126.Le contrôle des peines d’emprisonnement, sur la base de l’article 21 de la loi relative à l’exécution des sanctions pénales, et de l’article 174b de la loi portant amendement de la loi relative à l’exécution des sanctions pénales, relève des fonctionnaires autorisés du Ministère de la justice. Dans l’exercice de cette fonction, ceux‑ci peuvent:

a)Inspecter les locaux où sont placés les détenus;

b)S’entretenir avec les détenus;

c)Examiner les éléments de faits, dossiers et autres documents de caractère général et spécifique se rapportant aux détenus;

d)Établir les faits et éléments de preuve nécessaires concernant les griefs des détenus.

127.Ces inspections peuvent être conduites régulièrement, par des visites mensuelles et hebdomadaires, mais aussi selon les besoins et à la demande des personnes condamnées (par exemple après entretien, vérification des déclarations contenues dans la demande).

Article 12

128.Des enquêtes impartiales sont menées par le juge d’instruction, qui agit conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et à la demande du procureur compétent. Des précisions sont données dans la section relative à l’article 2.

Article 13

129.S’agissant du droit de toute personne de porter plainte et du droit de faire examiner sa cause, la situation au Ministère de l’intérieur est favorable. En fait, chaque demande ou plainte soumise au Ministère est examinée et des mesures disciplinaires sont prises contre les fonctionnaires ayant excédé leur autorité. La police est tenue de protéger physiquement les citoyens, en particulier dans les cas où il est manifeste que les personnes ayant porté plainte font l’objet de menaces de violence.

130.Le Ministère a établi des services de téléassistance et des numéros de téléphone spécifiques, lesquels sont régulièrement publiés dans la presse quotidienne de manière à ce que tout citoyen puisse les appeler et porter plainte en cas d’abus de pouvoir d’un agent public.

131.Durant la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003, le Ministère a reçu 511 demandes/plaintes de citoyens concernant le comportement de fonctionnaires du Ministère; 389 d’entre elles ont été jugées non fondées et 112 fondées, et les mesures juridiques appropriées ont été prises contre ces fonctionnaires.

132.La possibilité d’intenter une action pénale, entre autres, est ouverte aux personnes qui estiment avoir été victimes de torture ou de tout autre traitement constitutif des infractions pénales visées dans la section relative à l’article 2 de la Convention. Dans ces cas, le Procureur général engage d’office les poursuites.

Plaintes de personnes condamnées − informations sur les droits

133.S’agissant des mesures permettant de protéger une personne ayant porté plainte au titre de la protection des témoins, il n’existe actuellement que la protection générale offerte aux citoyens par le Ministère de l’intérieur (police). L’établissement d’un avant‑projet de loi sur la protection des témoins conformément au programme du Gouvernement de la République du Monténégro pour l’année 2004, a été mené à bien. Les étapes suivantes seront celles du débat public, de l’analyse, de l’établissement du projet définitif et de sa présentation au Parlement de la République du Monténégro.

Article 14

134.En vertu du Code des obligations (Journal officiel de la RSFY no 29/78; 39/85; 57/89 et Journal officiel de la RFYno 31/93, art. 188), les agents publics sont tenus de réparer les dommages causés, cette réparation prenant la forme d’une indemnisation en cas de décès, blessure ou atteinte à la santé. La victime a droit à indemnisation pour les préjudices simples ainsi que pour le manque à gagner. En outre, conformément à l’article 193 du Code des obligations, la personne qui cause un dommage est également tenue de rembourser les frais hospitaliers et le manque à gagner dû à l’incapacité de travail. Si la victime, en raison de ses blessures ou d’une grave atteinte à sa santé, se trouve dans l’incapacité totale ou partielle de travailler et, par voie de conséquence, subit un manque à gagner, doit faire face à des besoins accrus de manière permanente ou à la disparition ou la réduction de ses possibilités d’avancement, la personne responsable est tenue de lui verser une somme équivalente aux dommages causés.

135.En cas de décès, la personne ayant causé le dommage est également tenue à réparation pour les frais funéraires. Le droit à indemnisation s’étend aussi aux personnes à la charge du défunt, en vertu de l’article 194 du Code des obligations.

136.Outre les dommages matériels, la même loi prévoit aussi une indemnisation financière du préjudice immatériel (art. 199 à 205). Cette indemnisation peut être liée aux souffrances physiques endurées, aux souffrances mentales dues à une réduction d’activité, à un préjudice esthétique, à l’atteinte à la réputation, à l’honneur, à la liberté, et aux droits de la personne, ainsi qu’à la peur ressentie. Une indemnisation est accordée par le tribunal s’il estime que les circonstances de l’affaire, eu égard en particulier à l’intensité des souffrances et de la peur et de leur durée, le justifient. L’indemnisation d’un préjudice immatériel est accordée indépendamment de celle relative au préjudice matériel et même en l’absence de celui‑ci. L’indemnisation du préjudice immatériel entraîne aussi l’octroi d’une indemnité équitable aux membres de la famille proche (conjoint, enfants et parents) en cas de décès de la victime de même qu’aux frères et sœurs s’ils vivaient en permanence avec le défunt. En cas de handicap grave, un tribunal peut aussi accorder une indemnisation financière équitable à l’époux ou l’épouse de la victime, aux enfants et aux parents pour leur préjudice moral, ainsi qu’à un concubin justifiant d’une communauté de vie permanente avec la victime.

137.Sous l’angle de la procédure, ces droits peuvent être obtenus dans le cadre d’une action fondée sur les dispositions de la loi de procédure contentieuse.

Article 15

138.Les observations concernant cet article de la Convention figurent sous l’article 2, notamment dans la partie relative aux articles 12 et 98 du Code de procédure pénale.

Article 16

139.En signant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la République du Monténégro s’est engagée à interdire tous les actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention lorsque de tels actes sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite.

140.De fait, à propos de la demande présentée par 63 Roms citoyens de la République fédérale de Yougoslavie, aujourd’hui la République du Monténégro, au Comité contre la torture en raison de violations des dispositions de la Convention, plus exactement de l’incident survenu le 15 avril 1995 à Danilovgrad, le Comité, à sa séance du 21 novembre 2003, a décidé que la République du Monténégro avait violé des articles de la Convention (art. 12, 13 et 16, par. 1) et a obligé la République du Monténégro à ouvrir une enquête, poursuivre les responsables et verser une indemnisation équitable aux personnes lésées.

141.Conformément à la décision du Comité, le Gouvernement de la République du Monténégro a informé celui‑ci des mesures prises en réponse aux conclusions et recommandations énoncées dans la décision (19 mars 2003). Le Gouvernement a conclu que l’incident de Danilovgrad n’avait pas de connotation politique, aucun fait similaire n’ayant été enregistré au Monténégro, et cet incident étant dû pour partie aux conditions de vie et à la situation qui existait alors au Monténégro sous l’angle politique et de la sécurité, en raison de l’état de guerre et du degré élevé de polarisation politique. Il s’agissait d’une révolte spontanée en réaction au viol d’une jeune Monténégrine par deux adolescents roms.

142.Après avoir envisagé l’éventualité de nouvelles procédures, conformément aux recommandations du Comité, le Gouvernement de la République du Monténégro est parvenu aux conclusions suivantes:

Aucune procédure de constatation des faits et d’évaluation des responsabilités pour les actions de fonctionnaires de police ne peut être mise en œuvre de manière appropriée pour établir si toutes les mesures ont été prises, faute de temps et en raison de l’impossibilité de reconstituer tous les événements, eu égard aussi au grand nombre de citoyens. Il n’est donc pas possible d’engager une procédure pour d’éventuelles omissions, l’action publique étant prescrite pour l’établissement d’éventuelles infractions pénales − abus de position officielle et comportement professionnel sans scrupule;

Néanmoins, il serait juridiquement possible, compte tenu des dispositions en vigueur et de la position de la Cour suprême du Monténégro selon laquelle il s’agissait d’une forme qualifiée − infraction grave à la sécurité générale −, d’entamer une nouvelle procédure parce que la prescription relative de l’action publique ne jouerait pas. Cela serait subordonné à la production de nouveaux moyens de preuve ce qui, renseignements pris, n’est pas possible faute de temps et en raison de l’impossibilité de fournir de nouveaux éléments de preuve, ce qui est la condition requise par le Procureur pour une réouverture de l’affaire.

143.Afin de mettre en œuvre les recommandations du Comité, le Gouvernement a conclu que les personnes ayant subi un préjudice (représentants des Roms) avaient droit à un règlement extrajudiciaire; sur cette base, environ un million d’euros (985 474) leur ont été versés (au titre du préjudice matériel et moral).

144.Le Gouvernement de la République du Monténégro a également proposé à l’entreprise communale publique de Danilovgrad d’envisager la possibilité de réintégrer les travailleurs avant la fin de la procédure judiciaire (conflit du travail) actuellement en cours.

-----