Nations Unies

CAT/C/MNE/CO/1/Add.1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

2 août 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Réponses du Gouvernement monténégrin aux conclusions et recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/MNE/CO/1) *

[6 avril 2009]

1.À sa réunion du 15 janvier 2009, le Gouvernement monténégrin a fait le bilan des activités menées au titre de ses obligations découlant de la ratification de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et il a adopté un certain nombre de conclusions. Parmi celles-ci, il a pris une décision faisant obligation au Ministère de la justice d’établir, en coopération avec le Ministère des affaires étrangères, puis de soumettre au Gouvernement, des renseignements sur les activités menées au dernier trimestre 2008.

2.Compte tenu du paragraphe 28 des observations finales du Comité (CAT/C/MNE/CO/1), l’accent a été mis essentiellement sur les activités correspondant aux recommandations formulées par le Comité au paragraphe 12.

3.Pour mémoire, au paragraphe 28 susmentionné, le Comité priait le Gouvernement monténégrin de lui faire parvenir, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 6, 11, 12 et 17 de ses observations finales. Compte tenu du fait que les procès pour crimes de guerre avancent très vite et de façon très positive, il a été décidé que des informations sur ce sujet seraient envoyées au Comité au premier trimestre 2009. L’intention était d’y joindre aussi des renseignements concernant la ratification du Protocole facultatif à la Convention et les autres activités tendant à renforcer la prévention de la torture (par. 24 des observations finales du Comité).

4.Dans le cadre du dialogue en cours entre le Monténégro et le Comité, des informations additionnelles complètes sur l’ensemble des activités déployées pour donner suite aux recommandations du paragraphe 28 seront communiquées au Comité en temps voulu.

5.Concernant ce qui précède et à propos des déclarations qui vont suivre, l’attention du Comité est appelée sur les activités menées dans la droite ligne des observations finales du Comité relatives au rapport initial du Monténégro sur la mise en œuvre de la Convention, examiné les 11 et 12 novembre 2008.

6.C’est en octobre 2008 que le Ministère de la justice a lancé les activités requises pour la ratification du Protocole facultatif, en vue de créer un mécanisme national de prévention de la torture, conformément aux dispositions du Protocole facultatif. Toutes ces actions s’inscrivaient dans le cadre d’un projet précédemment lancé par l’OSCE en coopération avec les autorités compétentes. Ce projet a débouché sur la mise au point du projet de loi relative à la ratification du Protocole facultatif, adoptée par le Gouvernement le 13 novembre 2008, et promulguée par le Parlement à la fin de l’année 2008 (Journal officiel du Monténégro − Traités internationaux n o 9/2008).

7.Ainsi était remplie la première condition de la création du mécanisme national de prévention de la torture, puisqu’il était en premier lieu indispensable d’incorporer le Protocole facultatif dans l’ordre juridique interne, de sorte qu’il en fasse partie intégrante. Cette mesure a permis d’adopter par la suite les mesures et décisions juridiques requises aux fins de permettre au Médiateur (institution chargée de la protection des droits de l’homme) d’agir conformément aux prescriptions du Protocole facultatif, et eu égard à la décision de doter cette institution de la capacité d’assumer les fonctions du mécanisme national de prévention de la torture.

8.Parallèlement à la rédaction de la loi relative à la ratification et en application de l’article 3 de celle-ci (établissant une déclaration concernant l’article 24 du Protocole facultatif), le Gouvernement monténégrin a exercé la faculté d’ajourner la mise en œuvre des obligations découlant de la Quatrième partie du Protocole facultatif (Mécanismes nationaux de prévention). Cet ajournement devrait valoir pour une durée de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du Protocole. Cette décision a été prise au vu du fait que le délai prévu (l’article 17 du Protocole facultatif dispose: «au plus tard un an après la ratification») n’était pas suffisant pour mettre en place toutes les garanties légales et institutionnelles prévues par le Protocole facultatif pour la création du mécanisme national de prévention de la torture.

9.Afin de préserver la continuité des activités touchant à la création du mécanisme national de prévention de la torture, certaines mesures, d’ordre juridique, ont été définies par le biais du plan d’action de prévention de la torture, adopté antérieurement (et dont la mise en œuvre est prévue pour 2009). Ces actions ont été définies dans le souci de contribuer à la pleine mise en œuvre de toutes les conditions prévues dans le Protocole facultatif, aussi bien que dans la Convention (tout État est tenu de prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction). Le plan d’action envisage des mesures liées au travail consistant à modifier et à compléter la loi relative à l’institution chargée de la protection des droits de l’homme et des libertés (Médiateur), à promulguer les règlements nécessaires à la bonne mise en œuvre des modifications et mises à jour de cette loi ainsi qu’à modifier la loi relative à l’organisation interne et à la classification des postes du Bureau du Médiateur.

10.L’intention était de renforcer la fonction du Médiateur, dont l’indépendance et l’autonomie sont garanties par la Constitution. Parallèlement, il s’agissait de donner suite à une observation du Comité concernant la nécessité d’adopter les mesures juridiques propres à garantir la totale indépendance du Médiateur et de lui fournir des ressources humaines et financières suffisantes. C’est dans ce sens que va la visite effectuée à la fin du mois de décembre 2008 par le Médiateur (ainsi que par le Directeur de la Direction de la police et des représentants d’ONG) dans l’ensemble des locaux de détention rénovés des unités administratives de la Direction de la police.

11.Au sujet des enquêtes sur les crimes de guerre, le Ministère de la justice a demandé les informations en possession du Procureur suprême de l’État quant à l’avancement des affaires: «Kaluderski laz», «Morinj», «Déportation de musulmans» et «Bukovica». Le Ministère a reçu de ce dernier les informations ci-après:

a)Dans l’affaire dite de Kaluderski laz, le Procureur suprême de l’État du Monténégro (Département chargé de la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, le terrorisme et les crimes de guerre) avait établi, le 30 juillet 2007, des actes d’accusation devant la juridiction supérieure de Bijelo Polje à l’encontre de huit personnes pour crime de guerre contre la population civile (art. 142, par. 1, de la loi pénale de la République fédérale de Yougoslavie), assortis d’une demande de placement en détention (Cis. no 6/08). À la suite de cette mise en accusation et de cette demande, le tribunal de Bijelo Polje a ordonné la mise en détention de tous les accusés, en application de quoi sept d’entre eux se trouvent actuellement en détention; le huitième est en fuite. Le procès est prévu pour le 19 mars 2009;

b)Dans l’affaire dite de Morinj, le Procureur suprême de l’État du Monténégro (Département de la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, le terrorisme et les crimes de guerre) avait établi, le 15 août 2008, des actes d’accusation devant le tribunal de Podgorica à l’encontre de six personnes pour crime de guerre contre la population civile (art. 142, par. 1, de la loi pénale de la République fédérale de Yougoslavie) et crime de guerre contre des prisonniers de guerre (art. 144, par. 1, de la loi pénale de la République fédérale de Yougoslavie), assortis de demandes de placement en détention (Cis. no 7/08). À la suite de cette mise en accusation et de cette demande, le tribunal de Podgorica a ordonné la mise en détention de tous les accusés, en application de quoi cinq des accusés se trouvent aujourd’hui en détention; le sixième est en fuite. Suite à la requête du Procureur, la chambre criminelle du tribunal de Podgorica a rendu la décision d’ouvrir le procès en l’absence du fugitif et le procès a été prévu pour le 26 janvier 2008. Ce dernier a ensuite été ajourné sine die en attendant que la juridiction compétente statue sur la demande de récusation du juge présentée dans cette affaire par l’avocat de la défense.

c)Dans l’affaire dite de Déportation de musulmans, le Procureur suprême de l’État du Monténégro (Département chargé de la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, le terrorisme et les crimes de guerre) avait établi, le 19 janvier 2009, des actes d’accusation devant la juridiction supérieure de Podgorica à l’encontre de neuf personnes pour crime de guerre contre la population civile (art. 142, par. 1, de la loi pénale de la République fédérale de Yougoslavie), assortis d’une demande de placement en détention (Cis. no 17/08). À la suite de cette mise en accusation et de cette demande, la juridiction supérieure de Podgorica a ordonné l’incarcération de tous les accusés, en application de quoi quatre d’entre eux se trouvent actuellement en détention; les autres sont en fuite. À ce jour, le tribunal examine les objections à la mise en accusation soumises par les avocats de la défense;

d)Dans l’affaire dite de Bukovica, le Procureur d’État de rang supérieur de Bijelo Polje a présenté, le 11 décembre 2007, au tribunal de Bijelo Polje, une demande d’ouverture d’une instruction (Ci. no 107/08) concernant sept personnes qu’il y avait des motifs raisonnables de soupçonner d’avoir commis un crime de guerre contre l’humanité (art. 427 du Code pénal du Monténégro, en liaison avec l’article 7, par. 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales). Cette affaire est en cours d’instruction conformément à la demande de complément d’information déposée par le Département de la lutte contre la criminalité organisée, la corruption, le terrorisme et les crimes de guerre.

12.Compte tenu de la volonté du Gouvernement monténégrin de traiter les actions en justice en engageant les parties à s’entendre sur un règlement extrajudiciaire dans les affaires soulevées par les victimes, ou par leur famille, de privation de liberté et d’extradition illégales vers la Bosnie-Herzégovine en 1992, et dans le contexte de l’amélioration continue des relations bilatérales entre le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, grâce à de bonnes relations entre les hauts fonctionnaires monténégrins et les parties prenantes en Bosnie-Herzégovine, un dispositif a été établi pour la conclusion d’accords extrajudiciaires dans les procédures susmentionnées. Dans ce dispositif, c’est essentiellement sur la base du degré de parenté qu’est déterminée l’indemnisation des préjudices subis. Le Ministre de la justice et son équipe ont été autorisés ensuite à conduire des négociations avec les avocats des parties lésées dans ces affaires extrêmement sensibles.

13.Par conséquent, entre le 9 et le 23 décembre 2008, cinq réunions ont été organisées entre des représentants du Ministère de la justice et les avocats des parties lésées en vue de définir les conditions de la conclusion d’accords et il a été noté à cette occasion que 202 plaignants avaient engagé une action contre le Monténégro pour des préjudices matériels ou non pécuniaires. Ces actions avaient trait à l’extradition de 44 individus, dont 9 avaient survécu. Ces 9 survivants figuraient parmi les plaignants, aux côtés de membres de leur famille ainsi que de membres de la famille des personnes ayant péri sur le territoire de Bosnie-Herzégovine.

14.Ces négociations ont permis d’aboutir à un accord, en vertu duquel la détermination du montant des dommages-intérêts devrait s’appuyer sur les dispositions de la loi sur les obligations, qui définit les personnes fondées à demander réparation. Il a également été entendu que le montant de la réparation devait être fonction du degré de parenté avec les victimes, que le montant accordé aux survivants devait être fonction de la durée de la captivité pour chacun des plaignants et que les décisions déjà rendues par les tribunaux devaient être suivies, encore que, dans certains cas, les dommages-intérêts accordés devaient être sensiblement plus élevés au vu de la sensibilité des affaires et de leurs modalités de règlement.

15.En procédant de cette façon, les parties sont convenues que la réparation accordée aux familles des victimes serait fixée comme suit:

a)Pour les enfants: 30 000 euros chacun;

b)Pour les conjoints et les parents: 25 000 euros chacun;

c)Pour les frères et sœurs: 10 000 euros chacun.

16.Pour les plaignants survivants, les dommages-intérêts ont été calculés en fonction du temps passé en détention et varient de 10 000 à 170 000 euros; pour leurs plus proches parents (enfants, conjoints et parents) une indemnité de 10 000 euros a été accordée. C’est ainsi qu’ont été remplies les conditions pour que 42 affaires soient réglées de manière extrajudiciaire; le Gouvernement a autorisé le Procureur suprême de l’État, en tant que représentant légal de l’État dans ce type de litige, à réaliser ces règlements extrajudiciaires conformément aux conditions convenues. Le montant total des dommages-intérêts versés à l’ensemble des plaignants et pour tous les chefs d’accusation est de 4 135 000 euros.

17.Les avocats des parties lésées se sont engagés à abandonner les poursuites pour six frères et sœurs de survivants dans la mesure où ceux-ci ne sont pas fondés à recevoir réparation au titre de la loi sur les obligations. Dans une affaire, les avocats ont fait savoir que les parties lésées n’avaient pas donné leur accord pour le règlement extrajudiciaire. Les plaignants sont au nombre de trois − époux et enfants de la victime − et la procédure poursuivra son cours.

18.En dernière analyse il a été reconnu par les deux parties que les accords trouvés représentaient à la fois un règlement équitable envers les plaignants et l’expression d’une compréhension responsable et humaine des douleurs ou souffrances endurées par eux.