Nations Unies

CCPR/C/98/D/1520/2006

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

30 avril 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt- dix- huitième session

8-26 mars 2010

Constatations

Communication no 1520/2006

Présentée par:

Munguwambuto Kabwe Peter Mwamba(non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Zambie

Date de la communication:

29 juin 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 24 novembre 2006 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

10 mars 2010

Objet:

Condamnation à mort prononcée à l’issue d’un procès inéquitable, retard excessif dans l’examen de l’appel

Questions de procédure:

Néant

Questions de fond:

Droit à la vie/caractère obligatoire de la peine capitale; torture, traitement cruel, inhumain ou dégradant; mauvaises conditions de détention; méthode d’exécution (par pendaison); droit à une procédure régulière; présomption d’innocence; droit à un recours dans les meilleurs délais

Articles du Pacte:

6, 7, 10 (par. 1) et 14 (par. 2, 3 c) et 5)

Article du Protocole facultatif:

2

Le 10 mars 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1520/2006 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droit civilset politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)

concernant la

Communication no 1520/2006 **

Présentée par:

Munguwambuto Kabwe Peter Mwamba(non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Zambie

Date de la communication:

29 juin 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 10 mars 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1520/2006 présentée par Munguwambuto Kabwe Peter Mwamba en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Munguwambuto Kabwe Peter Mwamba, ressortissant zambien né en 1956, qui est actuellement détenu dans le quartier des condamnés à mort en attendant que son appel soit examiné par la Cour suprême de Zambie. Il se déclare victime de violations par l’État partie des droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Bien qu’il n’invoque aucun article précis du Pacte, la communication semble soulever des questions au regard des articles 6, 7, 10 (par. 1) et 14 du Pacte. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 24 mars 1999, l’auteur, qui était alors un cadre de la police (commissaire), a été arrêté et placé en détention parce qu’il était soupçonné d’avoir tué le conducteur d’un camion transportant 40 tonnes de cathodes de cuivre et d’avoir volé la marchandise. Il a été inculpé de meurtre, de tentative de meurtre et de vol qualifié. Il a été emmené au siège de la police, où il a été menotté, entravé et soumis à la torture et à des mauvais traitements; il a notamment été agressé par le fils de la victime avec l’acquiescement des policiers. Il a ensuite été transféré au commissariat de Chongwe, où il a été détenu secrètement, menotté, entravé et privé d’eau et de nourriture pendant trois jours.

2.2Le 28 mars 1999, l’auteur a été emmené au commissariat de Kabwata, où il a été détenu dans une cellule couverte d’urine et d’excréments. Il a été maintenu en détention provisoire jusqu’à son procès, le 1er septembre 1999. Il indique qu’à cette même date le juge s’est également prononcé sur la légalité de sa détention. Les policiers chargés d’enquêter sur le meurtre et le vol ont affirmé à plusieurs reprises dans les médias que c’était lui le coupable. Pendant sa détention, l’auteur a été menacé de mort par des policiers, et il a ainsi fini par faire de faux aveux, qui n’ont toutefois pas été utilisés par l’accusation. En outre, il a été informé par son neveu, membre d’une force paramilitaire, qu’il avait été prévu de le tuer dans la brousse. Grâce à l’aide de son avocat et du responsable de la prison dans laquelle il était détenu, l’auteur a pu éviter d’être tué. Il n’a pas soulevé ce point au procès, de peur que les policiers concernés ne cherchent à se venger sur son neveu.

2.3Le procès de l’auteur s’est ouvert le 1er septembre 1999. L’auteur était représenté par un avocat privé. Le 8 août 2001, la High Court de Zambie l’a reconnu coupable de meurtre et de tentative de meurtre et l’a condamné à la peine de mort par pendaison, qui est une peine obligatoire. L’auteur a été acquitté du chef de vol qualifié en raison de la négligence des policiers chargés de l’affaire, qui n’avaient pris aucune mesure contre les personnes trouvées en possession de la marchandise volée. Ces personnes n’ont été ni inculpées, ni appelées à témoigner au procès, car elles avaient soudoyé les policiers en question pour éviter d’être poursuivies en justice. Étant donné que les trois infractions ont été commises au même moment, le juge aurait également dû acquitter l’auteur des deux autres chefs d’accusation (meurtre et tentative de meurtre).

2.4L’auteur n’a pas eu droit à un procès équitable. Le tribunal n’était ni indépendant, ni impartial, et le juge ainsi que le procureur avaient été soudoyés. Le principe de l’égalité des armes n’a pas été respecté, le juge n’ayant pas tenu compte des commentaires et des observations présentés par l’avocat de l’auteur. Des témoins de la défense et l’avocat de l’auteur ont fait l’objet d’actes d’intimidation et ont été frappés par des policiers. Le fait que le juge ait accédé à la requête de l’accusation tendant à ce que les personnes trouvées en possession de la marchandise volée ne puissent pas témoigner à la barre constitue un déni de justice. L’avocat de l’auteur n’a pas eu le temps d’examiner le rapport − faux − de l’expert en balistique et de préparer la défense de son client, car ce rapport n’a été produit qu’à l’audience. Les policiers et les juges chargés de l’affaire sont corrompus. L’inspecteur de la police a orchestré l’inculpation de l’auteur car celui-ci avait tenté de le faire révoquer pour corruption. En outre, des policiers ont été soudoyés pour produire de faux éléments de preuve et de faux témoignages, et les juges ont été fortement influencés par les déclarations répétées de la police dans les médias pendant l’enquête.

2.5Le 22 août 2001, l’auteur a interjeté appel devant la Cour suprême. Il attend toujours que son affaire soit examinée. Dans la prison où il se trouve, 170 autres condamnés attendent que leur appel soit examiné, ce qui peut prendre de deux à quinze ans. Les conditions de vie dans le quartier des condamnés à mort sont inhumaines; les détenus dorment dans des locaux comparables à des toilettes publiques sales: ils sont plusieurs dans une cellule de trois mètres sur trois sans toilettes, et doivent utiliser des boîtes en fer en guise de toilettes; la tuberculose, le paludisme et le VIH/sida sont trois infections répandues dans la prison.

2.6L’auteur a écrit à cinq reprises au Président de la Cour suprême pour savoir à quel stade de la procédure se trouvait son appel et lui demander d’envisager un nouveau procès devant la High Court, dans le cadre duquel les personnes trouvées en possession de la marchandise volée pourraient témoigner. Dans une réponse du Président de la Cour suprême, l’auteur a été informé que l’examen de l’appel avait été retardé du fait que les comptes rendus d’audience avaient été égarés; ils avaient toutefois été retrouvés, et son affaire serait examinée prochainement. L’auteur pense que ces comptes rendus ont été falsifiés ou qu’ils le seront; il informe en outre le Comité que des agents de l’État ont indiqué récemment à sa femme que sa condamnation serait confirmée parce qu’il avait déposé plusieurs plaintes, notamment des plaintes pour corruption visant le juge et les policiers chargés de l’affaire.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que le traitement auquel il a été soumis au cours de la détention provisoire équivaut à des actes de torture physique et psychologique ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (par. 2.1 et 2.2). Il affirme également que les conditions de détention dans le quartier des condamnés à mort, le stress et la dépression dont il souffre depuis qu’il y est détenu, la peur de mourir de la tuberculose, du paludisme ou du VIH/sida, qui, dit-il, sont trois infections répandues dans la prison, ainsi que le fait qu’il attend le réexamen de son affaire depuis maintenant plus de huit ans sont assimilables à des actes de torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (par. 2.5). Il fait également valoir que la méthode d’exécution − la pendaison − constitue un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Tous ces griefs semblent soulever des questions au regard de l’article 10 et/ou de l’article 7 du Pacte.

3.2L’auteur affirme qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable pour les raisons exposées au paragraphe 2.4 ci-dessus. Il soutient en outre que la présomption d’innocence (art. 14, par. 2) n’a pas été respectée par les autorités de police, comme en témoigne le fait qu’elles aient déclaré dans les médias qu’il était coupable. Selon l’auteur, les articles de la presse écrite le décrivant comme un criminel ont pesé dans la décision du tribunal le condamnant.

3.3L’auteur se plaint que ses droits ont été violés du fait que la police l’a forcé à témoigner contre lui-même en le menaçant de mort [art. 14, par. 3 g)].

3.4L’auteur affirme que la peine de mort qui lui a été imposée est une peine obligatoire pour le crime de meurtre, ce qui semble soulever des questions au regard de l’article 6 du Pacte.

3.5Enfin, l’auteur affirme qu’on lui a refusé le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, l’examen de son appel ayant été délibérément différé pendant cinq ans (à la date de la soumission de la lettre initiale), ce qui semble soulever des questions au regard des paragraphes 3 g) et 5 de l’article 14 du Pacte. En outre, l’auteur ne peut pas solliciter la grâce ou la commutation de sa peine tant que l’appel n’a pas été examiné, et il ne pourra pas le faire faire non plus s’il est débouté (art. 6, par. 4).

Observations de l’État partie

4.Le 9 février 2007, l’État partie a informé le Comité que la Cour suprême n’avait pas encore pu examiner l’affaire «pour des raisons techniques», et il a fourni copie d’une lettre du Directeur des poursuites datée du 2 février 2007, où il était dit que l’appel n’avait pas pu être examiné parce que «les comptes rendus d’audience n’avaient pas été dactylographiés», mais que «le greffier de la Cour suprême avait indiqué [au Directeur des poursuites] que la Cour le tiendrait informé des progrès accomplis pour que l’affaire puisse être examinée dans les prochaines semaines». Malgré les rappels qui ont été adressés à l’État partie le 24 juillet 2007, le 23 juin 2008 et le 2 mars 2009 pour qu’il soumette ses observations sur la recevabilité et sur le fond, le Comité n’a reçu aucune autre information de l’État partie.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

5.2Le Comité note que les seules observations de l’État partie dans cette affaire datent de 2007, soit plus de cinq ans après le pourvoi en appel, et que le retard important est uniquement dû au fait que les comptes rendus d’audience n’ont pas été dactylographiés. Au moment de l’examen de la communication, plus de huit ans après la condamnation de l’auteur, celui-ci était toujours détenu dans le quartier des condamnés à mort et attendait que son appel soit examiné. L’État partie n’a donné aucune autre explication pour ce retard. En conséquence, le Comité considère que le retard enregistré dans l’examen de l’appel de l’auteur a excédé des délais raisonnables au sens du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif et déclare donc la communication recevable.

5.3Le Comité note que les griefs de l’auteur exposés au paragraphe 2.4 ont trait en grande partie à l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux de l’État partie, qui semble soulever des problèmes au regard de l’article 14 du Pacte. Il renvoie à sa jurisprudence et réaffirme qu’il appartient généralement aux juridictions des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans un cas d’espèce, sauf s’il peut être établi que cette appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Les éléments dont le Comité est saisi ne montrent pas suffisamment que le procès ait été entaché de telles irrégularités. Par conséquent, l’auteur n’a pas étayé cette partie de la communication aux fins de la recevabilité et ces griefs sont donc considérés comme irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

5.4En ce qui concerne le grief tiré de ce que l’auteur a été contraint de s’avouer coupable, le Comité relève que l’auteur lui-même affirme que l’accusation n’a pas utilisé ses aveux. Il considère donc également que ce grief est irrecevable faute d’avoir été suffisamment étayé, conformément à l’article 2 du Protocole facultatif.

5.5Le Comité estime que les autres griefs de l’auteur concernant l’imposition de la peine de mort et les questions qui y sont liées, les conditions de détention de l’auteur, le droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie et le droit à ce que sa cause soit réexaminée dans les plus brefs délais ont tous été étayés aux fins de la recevabilité.

Examen au fond

6.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

6.2Le Comité note qu’à ce jour la seule réponse reçue de l’État partie concernant les griefs de l’auteur est que l’appel n’avait pas encore été examiné «pour des raisons techniques» et que l’État partie n’a présenté aucun argument concernant le fond de la plainte. Le Comité réaffirme que la charge de la preuve ne peut pas incomber uniquement à l’auteur d’une communication, d’autant plus que l’auteur et l’État partie n’ont pas toujours accès aux éléments de preuve dans des conditions d’égalité et que souvent seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. Il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie est tenu d’enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte portées contre lui et ses représentants, et de communiquer au Comité les renseignements dont il dispose. En l’absence de coopération de l’État partie dans l’affaire dont il est saisi, le Comité doit accorder le crédit voulu aux griefs formulés par l’auteur, pour autant que ceux-ci aient été étayés.

6.3Le Comité note que l’auteur a été reconnu coupable de meurtre et de tentative de meurtre, et qu’il a été de ce fait condamné obligatoirement à la peine de mort. L’État partie ne conteste pas que la peine capitale s’applique de façon obligatoire aux infractions dont l’auteur a été reconnu coupable. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que l’imposition automatique et obligatoire de la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, incompatible avec le paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, dès lors que la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances particulières du crime. Le Comité considère que l’imposition de la peine de mort elle-même, compte tenu des circonstances, constitue une violation du droit garanti au paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte. Ayant constaté que la peine de mort prononcée dans le cas de l’auteur constitue une violation de l’article 6, le Comité estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la méthode d’exécution.

6.4Le Comité note que l’État partie n’a pas contesté les informations données par l’auteur concernant les conditions déplorables de sa détention avant jugement et de sa détention actuelle dans le quartier des condamnés à mort, notamment le fait qu’il a été détenu secrètement dans un premier temps, qu’il a été agressé, menotté et entravé, privé d’eau et de nourriture pendant trois jours et est actuellement détenu dans une cellule exiguë, sale et sans sanitaires. Le Comité réaffirme que les personnes privées de liberté ne doivent pas subir de privations ou de contraintes autres que celles qui sont inhérentes à la privation de liberté et doivent être traitées dans le respect de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, notamment. Il considère, comme il l’a indiqué à maintes reprises au sujet de plaintes similaires dûment étayées, que les conditions de détention telles qu’elles sont décrites constituent une violation du droit de l’auteur d’être traité avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à l’être humain, et sont par conséquent contraires au paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. Il découle de cette conclusion relative à l’article 10 du Pacte, qui traite expressément de la situation des personnes privées de liberté et englobe, s’agissant de ces personnes, les éléments généraux énoncés à l’article 7, qu’il n’est pas nécessaire d’examiner séparément les éventuels griefs relevant de l’article 7. Pour ces raisons, le Comité considère que l’État partie a commis une violation du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

6.5En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que les déclarations faites dans les médias par des policiers, qui le désignaient comme le coupable, ont porté atteinte à son droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie, le Comité rappelle sa jurisprudence telle que consignée dans son Observation générale no 32, aux termes de laquelle «du fait de la présomption d’innocence, qui est indispensable à la protection des droits de l’homme, la charge de la preuve incombe à l’accusation, nul ne peut être présumé coupable tant que l’accusation n’a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable, l’accusé a le bénéfice du doute et les personnes accusées d’avoir commis une infraction pénale ont le droit d’être traitées selon ce principe». L’Observation générale aussi bien que la jurisprudence du Comité font référence au devoir qu’ont toutes les autorités publiques de s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès, notamment de s’abstenir de faire des déclarations publiques affirmant la culpabilité de l’accusé. Les médias devraient éviter de rendre compte des procès d’une façon qui porte atteinte à la présomption d’innocence. Étant donné que l’auteur affirme que de telles déclarations publiques ont été faites dans son cas, ce que l’État partie n’a pas contesté, le Comité considère que l’État partie a commis une violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte à cet égard.

6.6Le Comité rappelle sa jurisprudence telle qu’exposée dans son Observation générale no 32, selon laquelle les dispositions des paragraphes 3 c) et 5 de l’article 14, lues conjointement, confèrent le droit à ce qu’une décision judiciaire soit réexaminée dans les meilleurs délais, et le droit de recours revêt une importance particulière dans les affaires de condamnation à mort. Il note que, près de six ans après la condamnation, l’unique réponse reçue de l’État partie est que l’appel formé par l’auteur n’avait pas pu être examiné pour des raisons techniques, les comptes rendus d’audience n’ayant pas été dactylographiés. Étant donné qu’à la date de l’examen de la communication, c’est-à-dire plus de huit ans après la condamnation de l’auteur, son appel n’a toujours pas été examiné, ce que l’État partie n’a pas contesté, le Comité considère que le retard dans l’espèce constitue une violation du droit de l’auteur de faire réexaminer son affaire dans les plus brefs délais, et il conclut donc à une violation des paragraphes 3 c) et 5 de l’article 14 du Pacte. Le Comité ayant conclu que le réexamen de l’affaire de l’auteur faisait l’objet d’un retard excessif, il considère qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le grief de l’auteur concernant l’impossibilité dans laquelle il est de demander la grâce ou la commutation de sa peine.

6.7Le Comité rappelle que la condamnation à la peine capitale à l’issue d’un procès au cours duquel les dispositions du Pacte n’ont pas été respectées constitue une violation de l’article 6 du Pacte. En l’espèce, la condamnation à mort a été prononcée en violation du droit à un procès équitable garanti à l’article 14 du Pacte, entraînant également une violation de l’article 6.

6.8Le Comité considère que le grief de l’auteur qui affirme que sa détention dans le quartier des condamnés à mort, où à la date de l’examen de la communication il attendait depuis plus de huit ans que son appel soit examiné, a altéré sa santé physique et mentale soulève des questions au regard de l’article 7 du Pacte. À ce sujet, le Comité prend note de la description par l’auteur des conditions de détention qui figure au paragraphe 2.5 ci-dessus. Il rappelle également sa jurisprudence selon laquelle la personne qui est condamnée à la peine de mort à l’issue d’un procès inéquitable est injustement plongée dans la hantise d’être exécutée. Lorsque la possibilité que la sentence soit exécutée est réelle, cette peur ne peut qu’être la source d’une angoisse profonde, liée indissociablement à l’iniquité du procès. De fait, comme le Comité a déjà eu l’occasion de le souligner, une condamnation à mort qui ne peut être justifiée au regard de l’article 6 entraîne automatiquement une violation de l’article 7. En conséquence, le Comité considère que la condamnation de l’auteur à la peine de mort à l’issue d’un procès au cours duquel les garanties énoncées à l’article 14 du Pacte n’ont pas été respectées constitue un traitement inhumain, en violation de l’article 7 du Pacte.

7.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que l’État partie a commis des violations du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte étant donné le caractère obligatoire de la peine de mort, ainsi que du paragraphe 1 de l’article 10, des paragraphes 2, 3 c) et 5 de l’article 14, de l’article 6, étant donné que la peine de mort a été prononcée en violation du droit à un procès équitable, et de l’article 7, en raison du traitement inhumain découlant du non-respect des garanties d’une procédure équitable énoncées par le Pacte.

8.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, sous la forme notamment du réexamen de sa condamnation dans le respect des garanties énoncées dans le Pacte, ainsi que d’une réparation appropriée, notamment sous forme d’indemnisation. Il est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]