CCPR/C/98/D/1572/2007

Distr. restreinte*

10 mai 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

8-26 mars 2010

Décision

Communication no 1572/2007

Présentée par:

Panteleimon Mathioudakis (représenté par deux conseils, M. Yatagantzidis et MmeMetaxaki)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Grèce

Date de la communication:

12 janvier et 12 novembre 2006 (dates des lettres initiales)

Date de la présente décision:

19 mars 2010

Objet:

Annulation du diplôme universitaire de l’auteur pour falsification de documents

Questions de procédure:

Incompatibilité des griefs avec les dispositions du Pacte; non-épuisement des recours internes

Questions de fond:

Présomption d’innocence; droit au réexamen d’une décision par une juridiction supérieure, conformément à la loi

Article du Pacte:

14 (par. 2 et 5)

Articles du Protocole facultatif:

3 et 5 (par. 2 b))

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)

concernant la

Communication no 1572/2007**

Présentée par:

Panteleimon Mathioudakis (représenté par deux conseils, M. Yatagantzidis et Mme Metaxaki)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Grèce

Date de la communication:

12 janvier et 12 novembre 2006 (dates des lettres initiales)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 19 mars 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication, datée du 12 janvier et du 12 novembre 2006, est Panteleimon Mathioudakis, de nationalité grecque, né en 1968. Il se déclare victime d’une violation par la Grèce du droit d’être présumé innocent et du droit de faire réexaminer une décision par une juridiction supérieure, garantis respectivement aux paragraphes 2 et 5 de l’article 14 du Pacte. L’auteur est représenté par deux conseils, M. Panayotis Yatagantzidis et Mme Eleni Metaxaki.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 15 mai 1998, le Sénat de l’Université technique nationale d’Athènes a annulé le diplôme en ingénierie électrique et informatique décerné à l’auteur en 1995, au motif qu’il n’avait pas obtenu les notes nécessaires pour huit matières et que les notes de neuf autres matières avaient été falsifiées (augmentées), sans faire référence à la participation de l’auteur dans la falsification. Il a en outre décidé l’ouverture d’une enquête administrative pour déterminer s’il y avait lieu de prendre d’autres mesures. Pour pouvoir postuler à un emploi, l’auteur avait demandé à l’Université technique nationale une attestation des notes obtenues pendant ses études. Le 14 novembre 2000, la cour administrative d’appel d’Athènes a annulé la décision du Sénat de l’Université au motif que l’auteur n’avait pas été entendu. Le 26 janvier 2001, après avoir entendu l’auteur, le Sénat de l’Université a annulé son diplôme pour les raisons qui avaient justifié la première annulation. Le 1er février 2002, la cour administrative d’appel a débouté l’appel de l’auteur. Elle a pris sa décision en se fondant en partie sur le jugement rendu le 1er septembre 2000 par le tribunal correctionnel d’Athènes qui, siégeant à juge unique, avait condamné l’auteur à deux peines d’emprisonnement, l’une de dix-huit mois et l’autre de douze mois, pour les infractions de falsification de certificats et d’obtention frauduleuse d’un faux certificat (voir par. 2.2). L’auteur affirme qu’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État n’aurait été d’aucune utilité parce que cette juridiction ne tranche que les questions de droit et ne statue pas sur les faits.

2.2Ainsi qu’il a été indiqué, le 1er septembre 2000 le tribunal correctionnel d’Athènes, siégeant à juge unique, a condamné l’auteur à deux peines d’emprisonnement, de dix-huit mois et de douze mois, pour les infractions de falsification de certificats et d’obtention frauduleuse d’un faux certificat. Le tribunal a établi que l’auteur avait falsifié le certificat qui lui avait été décerné par l’Institut technologique et qui lui avait permis d’entrer à l’Université, et qu’il avait obtenu son diplôme en ingénierie électrique et en informatique par des moyens frauduleux. Le 14 janvier 2003, le tribunal correctionnel d’Athènes, siégeant à trois juges en tant que juridiction d’appel, a confirmé la condamnation. L’auteur a formé recours devant la Cour suprême en faisant valoir que la décision du tribunal correctionnel n’était pas fondée, étant donné que celui-ci n’avait pas procédé à un nouvel examen des faits, et que le jugement n’était pas motivé. Le recours a été rejeté en date du 16 juillet 2003.

2.3Le 5 novembre 2004, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevable la requête que l’auteur lui avait présentée.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur se déclare victime de violations par l’État partie des paragraphes 2 et 5 de l’article 14 du Pacte. Il affirme que la décision rendue par la cour administrative d’appel a violé le principe de la présomption d’innocence qui, selon lui, est examiné d’office par les juges, étant donné que cette décision reposait entièrement sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel siégeant à juge unique et que ce jugement faisait l’objet d’un appel qui n’avait pas encore été examiné. L’auteur affirme également que la décision de rejet de la Cour suprême en date du 16 juillet 2003 porte atteinte au paragraphe 2 de l’article 14 parce qu’elle n’est pas motivée. Il relève en outre que lorsqu’il a rendu sa décision, le 1er septembre 2000, le tribunal correctionnel s’est fondé entièrement sur l’enquête administrative qui avait été menée et qu’il n’a pas procédé à un examen approfondi de l’affaire. Enfin, il affirme que les juridictions nationales ont apprécié les faits et les éléments de preuve de façon arbitraire et qu’elles n’ont pas examiné la question de savoir s’il avait connaissance du fait que le relevé de notes avait été falsifié, ce qui constitue un déni de justice.

3.2L’auteur fait valoir en outre que la loi no 2944/2001, en vertu de laquelle les décisions de la cour administrative d’appel ne sont pas susceptibles de recours, est attentatoire au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Il affirme qu’un pourvoi en cassation ne pourrait pas être considéré comme un recours utile puisque le Conseil d’État ne statue pas sur les faits. Selon lui, bien que l’action engagée devant la cour administrative d’appel soit de nature administrative, les conséquences de l’annulation de son diplôme universitaire − qui a entraîné sa marginalisation sociale et a limité sa capacité financière − devraient être considérées comme une peine. L’auteur affirme que le fait qu’il n’y ait aucune possibilité de recours contre une décision de la cour administrative d’appel constitue une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

Délibérations du Comité

4.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.2Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que la cour administrative d’appel a rendu sa décision en se fondant sur le jugement de la juridiction du premier degré alors que son appel n’avait pas encore été examiné, que le tribunal correctionnel, siégeant à juge unique, a fondé sa décision sur l’enquête administrative menée par l’Université, et que la décision rendue par la Cour suprême n’était pas suffisamment motivée. Le Comité renvoie à son Observation générale no 32 et à sa jurisprudence et rappelle que la présomption d’innocence garantie au paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte ne s’applique qu’aux procédures pénales. Il considère donc que le grief de l’auteur en ce qui concerne la procédure administrative est incompatible avec les dispositions du Pacte et, par conséquent, déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

4.3En ce qui concerne l’argument de l’auteur qui affirme que l’État partie a violé le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, le Comité relève que l’auteur n’a pas étayé sa plainte et déclare donc cette partie de la communication irrecevable, en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.4Le Comité a pris note du grief de l’auteur qui affirme que, bien que l’action engagée devant la cour administrative d’appel soit de nature administrative, l’annulation de son diplôme universitaire devrait être considérée comme une peine. Il note également que l’affaire a été examinée par un tribunal administratif et par un tribunal pénal. Le Comité rappelle son Observation générale no 32 et souligne que le paragraphe 5 de l’article 14 ne s’applique pas aux procédures qui ne relèvent pas de la justice pénale. Par conséquent, il considère que le grief tiré du paragraphe 5 de l’article 14 est incompatible avec les dispositions du Pacte et déclare donc cette partie de la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

5.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]