Nations Unies

CCPR/C/98/D/1232/2003

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

10 mai 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

8-26 mars 2010

Constatations

Communication no 1232/2003

Présentée par:

Oleg Pustovalov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

5 novembre 2003 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 2 décembre 2003 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

23 mars 2010

Objet :

Violations de la procédure pénale et conditions carcérales

Questions de procédure :

Griefs non étayés; épuisement des recours internes

Questions de fond :

Allégations de mauvais traitements; droit à un procès équitable; droit à l’assistance d’un conseil; droit de faire interroger les témoins; droit d’être traité avec humanité et avec le respect inhérent à sa dignité

Articles du Pacte :

2 (par. 3), 7, 9 (par. 1 et 3), 10, 14 (par. 1, 2 et 3 b), d), e) et g))

Articles du Protocole facultatif :

2 et 5 (par. 2 b))

Le 23 mars 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations concernant la communication no 1232/2003 au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)

concernant la

Communication no 1232/2003 **

Présentée par:

Oleg Pustovalov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

5 novembre 2003 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 mars 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1232/2003 présentée par M. Oleg Pustovalov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Oleg Pustovalov, né en 1963, qui exécute actuellement une peine d’emprisonnement dans la Fédération de Russie. Il se déclare victime de violations par la Fédération de Russie du paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’article 7, des paragraphes 1 et 3 de l’article 9, de l’article 10, ainsi que des paragraphes 1, 2 et 3 b), d), e) et g) de l’article 14. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 1er janvier 1992. L’auteur n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1Le 23 décembre 2000, le tribunal municipal de Moscou a condamné l’auteur à une peine d’emprisonnement de vingt-quatre ans et trois mois pour tentative de meurtre, viol, vol qualifié et d’autres crimes commis entre novembre 1999 et février 2000. Le 27 mars 2001, la section judiciaire de la Cour suprême, siégeant en cassation, a confirmé la peine prononcée par le tribunal de jugement.

2.2L’auteur affirme qu’il y a eu plusieurs violations des règles de procédure pendant son arrestation (le 5 février 2000) et sa détention avant jugement. Selon lui, son arrestation était illégale et fondée uniquement sur «la gravité des faits reprochés et le danger qu’il représentait». Il n’a pas été informé des voies de recours qui lui étaient ouvertes contre les décisions ayant conduit à son arrestation et à sa détention. Des policiers l’auraient tabassé et torturé au siège de la police (Petrovka 38), pour le forcer à s’avouer coupable. Les policiers lui auraient mis la tête dans des sacs en plastique et lui auraient fait absorber des psychotropes. Il aurait perdu connaissance et il dit qu’il a failli mourir. Il avait la tête et tout le corps en sang. Il a donc été contraint de témoigner contre lui-même. La nature des coups reçus aurait été confirmée par un certificat médical délivré par un médecin du centre de détention provisoire (SIZO) no1. L’auteur affirme que la séance de torture a été enregistrée sur vidéo et que cet enregistrement a ensuite été détruit. Vu qu’il était en mauvais état physique à la suite des tortures subies, il n’a pas été présenté au procureur qui avait autorisé sa détention. Il affirme être resté sans l’assistance d’un avocat pendant trois jours après son arrestation. Dans tous les recours formés devant les juridictions supérieures, l’auteur aurait insisté sur le fait qu’il n’était pas impliqué dans les crimes pour lesquels il avait été condamné et qu’il avait avoué sous la torture.

2.3L’auteur affirme que les résultats de la séance d’identification ont été truqués et qu’il n’a pas été autorisé à voir un avocat pendant cet acte de procédure. Les caractéristiques physiques de l’auteur matériel des crimes qui avaient été décrites par les victimes et les témoins ne correspondaient pas aux siennes. Il affirme qu’il n’a pas pu voir son avocat et n’a donc pas bénéficié de l’assistance d’un conseil pendant la séance d’identification.

2.4L’auteur affirme qu’un certain nombre d’irrégularités se sont produites pendant son procès. Il avait demandé la comparution d’autres experts et d’autres témoins mais toutes ses demandes ont été rejetées. Au moment où les crimes ont été commis, à Moscou, l’auteur se trouvait en fait à Oulianovsk. Pour prouver son alibi, il a demandé à faire comparaître un témoin d’Oulianovsk, ce qui a été refusé. Il y avait également des contradictions dans les conclusions des experts. Par exemple, un expert avait conclu que l’arme du crime était une arme à feu, alors que l’autre avait conclu que ce n’était pas le cas. L’auteur aurait été conduit hors de la salle d’audience à la demande d’un témoin, malgré ses objections, et un juge avait interrompu son intervention. L’une des victimes du viol s’étant retrouvée enceinte, l’auteur aurait demandé une expertise médicale pour prouver qu’il n’était pas apte à procréer, pour des raisons médicales. Cette demande a également été rejetée. Il s’est aussi plaint au tribunal des tortures subies pendant son interrogatoire, ce qui serait consigné dans le procès-verbal d’audience. Toutefois, le tribunal n’a pas tenu compte de ses griefs.

2.5Au début du procès, l’auteur a demandé au tribunal de lui commettre un autre avocat; celui qui le représentait était censé le défendre à titre gracieux mais lui avait demandé 5 000 dollars des États-Unis. Le tribunal a rejeté sa demande. L’auteur déclare qu’en vertu du paragraphe 7 de l’article 51 du Code de procédure pénale, le tribunal ne peut pas refuser qu’un accusé change d’avocat s’il n’est pas d’accord avec celui qui le représente. Par la suite, l’auteur a demandé à être défendu par sa sœur, conformément au paragraphe 6 a) de l’article 47 du Code de procédure pénale; cette demande a elle aussi été rejetée.

2.6L’auteur affirme que des journaux ont publié des informations personnelles le concernant, telles que son nom, son âge et son adresse, ainsi que les faits qui lui étaient reprochés avant même le début du procès. Il affirme que les informations le concernant ont été intentionnellement déformées: il aurait déjà été condamné pour viol, serait un maniaque sexuel et un ancien policier.

Teneur de la plainte

3.L’auteur fait valoir que les faits font apparaître des violations par la Fédération de Russie du paragraphe 3 de l’article 2, de l’article 7, des paragraphes 1 et 3 de l’article 9, de l’article 10, des paragraphes 1, 2 et 3 b), d), e) et g) de l’article 14 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Dans une réponse du 24 mars 2004, l’État partie a objecté que la communication devait être déclarée irrecevable parce que l’auteur n’avait pas épuisé tous les recours internes disponibles. D’après l’État partie, la Cour suprême a reçu de l’auteur une demande de réexamen qui présente les mêmes arguments que ceux qui sont avancés dans la communication. La Cour suprême envisage d’engager la procédure de réexamen et de transmettre la plainte au Présidium de la Cour suprême, en vertu de l’article 48 du Code de procédure pénale.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.Dans une note du 17 mai 2004, l’auteur a fait savoir que sa requête en réexamen avait été transmise à la Cour suprême après qu’il eut reçu notification du Comité l’informant que sa communication était enregistrée. Il a demandé à la Cour suprême de lui donner une réponse afin qu’il puisse la transmettre au Comité. Le 21 avril 2004, le Présidium de la Cour suprême a rendu une décision dans laquelle il rejetait la requête en réexamen mais réduisait dans le même temps sa peine à vingt-deux ans et trois mois d’emprisonnement, à la suite de l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal.

Observations complémentaires des parties

6.1Les observations complémentaires des parties ont été résumées et regroupées selon les thèmes suivants:

Allégations de mauvais traitements pendant l’interrogatoire

6.2L’auteur déclare que, dans sa décision du 21 avril 2004, le Présidium de la Cour suprême aurait reconnu l’existence de lésions corporelles, mais aurait conclu qu’elles avaient été causées pendant sa capture. L’auteur insiste sur le fait que ses blessures étaient dues aux tortures infligées par les policiers pendant l’interrogatoire. Les griefs de torture qu’il a formulés au tribunal et auprès du Bureau du Procureur n’auraient pas été pris en considération. L’auteur n’a pas de copies des réponses de ces organes, et affirme qu’elles ne lui ont pas été remises. On lui a simplement demandé de signer les copies des réponses en question. Au début il n’avait pas de copie de la lettre qu’il avait adressée à l’administration du Centre de détention (SIZO) no 1, où il a été conduit dix jours après avoir été passé à tabac par les policiers au poste de Petrovka 38. Dans cette lettre, il expliquait qu’il avait été torturé. Mais il en joint une copie dans une réponse ultérieure. Il affirme aussi qu’il n’a pas eu de copie du rapport médical confirmant la réalité des tortures.

6.3L’État partie fait valoir à ce sujet qu’en vertu du Règlement intérieur no 205 du Ministère de la justice, daté du 3 novembre 2005, les condamnés ne peuvent pas demander à l’administration pénitentiaire de copie des documents figurant dans leur dossier personnel. Seuls les suspects et les inculpés ont ce droit, en vertu du Règlement no 189 du Ministère de la justice, daté du 14 octobre 2005. Toutefois, dans une réponse ultérieure, l’État partie a reconnu qu’il était contraire à la loi de ne pas fournir à l’auteur une copie de la lettre qu’il avait envoyée et a ajouté que le Procureur d’Oulianovsk avait reçu l’ordre de prendre des mesures. L’État partie a aussi joint une copie d’un rapport médical confirmant que l’auteur présentait des blessures quand il est arrivé au Centre de détention, le 12 février 2000. Il affirme que l’auteur n’a jamais demandé une copie de ce rapport médical.

Allégations d’irrégularités de procédure

6.4L’auteur affirme que, dans sa décision, le Présidium de la Cour suprême a pris acte de la plainte dans laquelle il signalait qu’au début du procès, il avait demandé à changer d’avocat mais que la demande avait été rejetée au motif qu’elle était injustifiée. Il fait valoir qu’il avait voulu un autre avocat parce que le sien avait exigé une avance d’honoraires que sa famille ne pouvait pas financer. L’auteur affirme que dans cette décision le Présidium relevait que l’auteur, effectivement, n’avait pas été assisté d’un avocat pendant la séance d’identification, mais en précisant qu’il n’en avait pas demandé. L’auteur note qu’en réalité il avait demandé un avocat pour toute la durée de la procédure, dès son arrestation. Aucun avocat n’était présent pendant le premier examen médical concernant son aptitude à avoir des relations sexuelles. Les plaintes qu’il a adressées au Bureau du Président ont été transmises au Bureau du Procureur général, qui a simplement répondu par une lettre type. Il note qu’au procès, on lui a demandé de quitter la salle d’audience pendant le témoignage de l’une des victimes. Lorsqu’il est revenu dans la salle, il n’a pas été informé de la teneur du témoignage et n’a pas pu interroger la victime.

6.5L’auteur ajoute que dans sa décision le Présidium de la Cour suprême n’a pas évoqué la question de son incapacité à procréer; la question n’a pas non plus été évoquée dans les autres décisions judiciaires. La Cour suprême n’a pas davantage mentionné le refus qui lui avait été opposé toutes les nombreuses fois où il avait demandé la comparution d’un témoin pouvant confirmer qu’il ne se trouvait pas à Moscou le jour des crimes. Dans sa décision, la Cour suprême n’a pas tenu compte non plus de ses déclarations selon lesquelles il avait été contraint de s’avouer coupable et avait bien demandé au tribunal l’assistance d’un conseil. L’auteur ajoute qu’il ne s’est pas déclaré coupable du chef d’accusation de viol, qu’il n’existait aucune preuve matérielle de sa culpabilité et qu’aucune arme du crime n’avait été trouvée sur lui. L’une des victimes de viol aurait déclaré que son agresseur était plus petit qu’elle, alors que l’auteur mesure huit centimètres de plus que la victime. L’auteur donne des détails sur les caractéristiques physiques et les circonstances ayant entouré chaque agression selon les indications des victimes et des témoins. Il fait valoir que la séance d’identification n’était pas équitable parce que les témoins et les victimes avaient pu voir sa photo à l’avance.

6.6L’État partie se contente de répondre que les griefs de l’auteur qui invoque des violations de la procédure pénale pendant le procès et en appel, notamment une violation du droit à l’assistance d’un avocat, ne sont pas fondés.

Allégations de traitement inhumain en prison

i)Droit de recevoir de la nourriture

6.7L’auteur affirme que les colis de nourriture et l’argent envoyés par sa famille le 24 août 2004 ne lui ont jamais été remis à la prison, et que le colis de nourriture envoyé par sa famille le 18 janvier 2005 pour son anniversaire lui a été remis le 27 janvier 2005 seulement. Il affirme que l’administration pénitentiaire a fait cela intentionnellement et que ce retard a causé un préjudice moral à lui-même et un préjudice matériel à sa famille. Il donne les noms et les fonctions des agents qui auraient été impliqués dans le retard de la livraison de ses colis.

6.8L’État partie conteste l’allégation de l’auteur et déclare que le colis de nourriture envoyé en août 2004 a été reçu alors que l’auteur se trouvait dans un établissement pénitentiaire de la région d’Irkoutsk. Le colis a donc été retourné à l’expéditeur. En ce qui concerne la livraison retardée du colis de janvier 2005, cela s’expliquait par le grand nombre de colis reçus à Noël. L’État partie reconnaît que l’argent envoyé par virement sur le compte de l’auteur a été transféré illégalement sur un compte de l’administration pénitentiaire. Le Procureur adjoint de la région de Vladimir a pris les mesures nécessaires à cet égard.

ii)Droit à la promenade et à des vêtements adéquats

6.9L’auteur affirme que sa santé s’est détériorée du fait qu’il ne peut pas se promener et qu’il est continuellement enfermé dans sa cellule, parce que l’administration pénitentiaire a refusé de lui donner des chaussures d’hiver ou de lui permettre de porter ses propres chaussures pour remplacer celles qu’on lui a données et qui sont hors d’usage. Il aurait reçu des chaussures de l’administration cinq mois seulement après les avoir demandées. Il a contracté une pneumonie et une sinusite. Il affirme qu’il a fait de nombreuses demandes pour obtenir de se faire soigner mais que l’administration pénitentiaire les a purement et simplement ignorées en prétendant ne pas les avoir reçues. Il dit qu’il n’a pas vu un médecin entre 2004 et 2005.

6.10L’État partie note que l’auteur a reçu des chaussures neuves en mars 2005. Selon le règlement de la prison, les chaussures sont fournies une fois par an. L’État partie note aussi que l’auteur n’a pas demandé à être vu par un médecin pendant la période 2004-2005. Il affirme que, lorsque l’auteur était à la prison T-2 à Vladimir, il a été soigné convenablement. Sa santé ne s’est pas détériorée et il ne s’est pas plaint de pneumonie ni de sinusite.

iii)Droit à une nourriture suffisante

6.11L’auteur se plaint de la mauvaise qualité de la nourriture de la prison, qui est, selon lui, totalement insipide. La viande serait avariée, le pain à moitié cuit. La nourriture est convenable seulement lorsqu’il y a une visite d’une commission du Ministère de la justice.

6.12L’État partie rejette les allégations de l’auteur et affirme que le menu est composé en suivant les instructions du Ministère de la justice dans l’arrêté no136 du 4 mai 2001. Le menu a encore été amélioré par l’arrêté no 125 du 2 août 2005. Le service médical de l’établissement contrôle régulièrement le menu. Il vérifie la qualité des repas, les conditions de stockage ainsi que les dates de péremption. De surcroît, les détenus ont le droit d’acheter des produits alimentaires à la «cantine» de la prison T-2, ou de se faire envoyer des colis ou de recevoir de la nourriture par d’autres moyens. L’État partie ajoute que l’auteur a acheté des produits alimentaires à la «cantine», comme l’indiquent ses relevés de compte personnel.

iv)Droit de vivre dans des locaux décents

6.13L’auteur affirme qu’il a été transféré à la cellule no12, située au 1er étage de la prison, qui est réservée aux condamnés ayant des problèmes psychiatriques. Sa cellule était en mauvais état, selon lui, froide et infestée d’insectes et de rats. Il a demandé maintes fois à être transféré dans une autre cellule mais il n’a jamais été entendu, le résultat étant qu’il est tombé malade. L’auteur s’est soigné avec des médicaments envoyés par sa famille. Il ajoute qu’il n’a jamais demandé à voir un psychiatre, ce que les médecins pourraient confirmer en consultant son dossier médical.

6.14L’État partie fait valoir que, d’après le registre du service psychiatrique, l’auteur ne figurait pas du tout sur la liste du service entre 2001 et 2005. L’auteur a pris contact avec le psychiatre, qui a diagnostiqué des difficultés d’adaptation psychologique à son environnement et a conclu qu’il n’avait pas besoin de suivi psychiatrique. L’État partie déclare que, selon les documents officiels ainsi que les déclarations des fonctionnaires, la cellule no 12 du 1er étage, où l’auteur était détenu, ne fait pas partie du service psychiatrique. En fait, on y a transféré l’auteur afin d’améliorer ses conditions de détention. La cellule répond aux critères fixés par l’article 80 du Code d’application des peines. L’État partie ajoute que la cellule est équipée conformément à l’arrêté no 161 du 28 mai 2001 du Ministère de la justice et qu’elle répond aux normes sanitaire et épidémiologique. L’État partie déclare que, conformément à la loi fédérale no 52 du 30 mars 1999 relative à «La situation sanitaire et épidémiologique de la population», et conformément aux normes sanitaires émises par le médecin chef du Ministère de la santé et du développement social, dans le règlement no 24 du 18 juillet 2002, des mesures de désinfection et de dératisation ont été prises afin d’empêcher la présence d’insectes et de rats dans les cellules. Il n’y avait pas d’insectes ni de rats dans la prison T-2 de Vladimir.

v)Droit d’envoyer et de recevoir du courrier

6.15L’auteur se plaint aussi des retards, parfois de quarante à quarante-cinq jours, enregistrés au départ et à la réception du courrier, et de ne pas pouvoir utiliser un téléphone. L’auteur fait valoir qu’il n’a pas pu envoyer la lettre datée du 29 septembre 2005 le 31 octobre 2005, soit plus d’un mois plus tard, comme l’affirme l’État partie. Les plaintes qu’il a adressées au Procureur de la région d’Oulianovsk pour signaler que l’administration pénitentiaire bloquait sa correspondance avec le Comité n’ont pas reçu de réponse. L’auteur fait observer que la plupart des documents produits par l’État partie ne portent pas sa signature.

6.16L’État partie fait valoir à son tour que le courrier de l’auteur lui était distribué et était expédié à temps, ce qui a été confirmé par les témoignages du personnel pénitentiaire. L’État partie fournit une liste du courrier reçu et expédié par l’auteur, avec les numéros d’enregistrement et les dates de chaque pli. Il note que de 2002 au 25 août 2005, l’auteur a adressé 19 plaintes à diverses institutions. La lettre de l’auteur datée du 29 septembre 2005 qui était adressée au Comité, a été reçue le 31 octobre 2005 et envoyée au destinataire le 1er novembre 2005. Aucune plainte ni lettre adressées au Comité n’ont été reçues avant cette date. L’État partie conteste l’allégation de l’auteur qui se plaint de ne pas avoir eu le droit d’utiliser un téléphone. Il fait valoir que si l’auteur n’a pas pu téléphoner c’est parce qu’il utilisait tout l’argent qu’il avait sur son compte pour acheter des produits alimentaires à la «cantine» et qu’il ne lui restait rien pour les appels téléphoniques. Il a pourtant utilisé son droit de téléphoner en vertu de l’article 92 du Code d’application des peines. L’État partie présente des extraits du registre où sont consignés les appels téléphoniques des détenus.

vi)Droit à un travail

6.17L’auteur fait valoir que le droit à un travail a été violé. Il affirme que ses demandes de travail et ses candidatures n’ont pas été enregistrées.

6.18L’État partie répond que l’auteur s’est vu proposer maintes fois de travailler dans des unités de production de la prison mais qu’il a refusé les offres en disant qu’il ne voulait pas travailler.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité a pris note des arguments de l’État partie faisant valoir que l’auteur n’avait pas épuisé les recours internes quand il a soumis sa communication au Comité, et qu’il a continué par la suite à se prévaloir des recours internes disponibles. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que la question de l’épuisement des recours internes doit être tranchée au moment où il examine l’affaire, sauf dans des circonstances exceptionnelles, ce qui ne semble pas être le cas dans la présente communication.

7.4Le Comité relève le grief de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas été présenté au juge ni au Procureur qui a autorisé sa détention, en raison de son mauvais état de santé par suite des tortures subies, ce qui pourrait soulever des questions au regard des paragraphes 1 et 3 de l’article 9. Le Comité considère toutefois que l’auteur n’a pas apporté suffisamment d’informations pour étayer son grief, notamment sur le point de savoir s’il a porté plainte devant les autorités judiciaires. En conséquence, le Comité considère ce grief comme irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, faute d’être étayé.

7.5Le Comité considère que les autres griefs, qui semblent soulever des questions au regard de l’article 7, de l’article 10 et du paragraphe 3 b), d), e) et g) de l’article 14 du Pacte, ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité, et les déclare recevables.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

8.2Le Comité note que l’auteur affirme que la police l’a roué de coups et l’a soumis à de mauvais traitements pendant l’interrogatoire, le forçant par conséquent à s’avouer coupable. L’auteur donne des détails sur les méthodes utilisées et affirme que ces griefs ont été soulevés à l’audience, mais que le tribunal n’en a pas tenu compte. Le Comité prend également note du certificat médical délivré par le centre de détention provisoire (SIZO) no 1 et de la lettre que l’auteur a adressée à l’administration du centre, dont l’État partie a fait parvenir une copie. Les deux documents confirment ses allégations. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu’il est essentiel que les plaintes pour mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes rapides et impartiales des autorités compétentes. En l’absence de toute réfutation sur le fond émanant de l’État partie, le Comité conclut que le traitement auquel l’auteur a été soumis, tel qu’il le décrit, et qui est confirmé par le rapport médical et la lettre constitue une violation de l’article 7 et du paragraphe 3 g) de l’article 14 du Pacte.

8.3Au sujet des allégations de l’auteur relatives à la mauvaise qualité de la nourriture, aux mauvaises conditions dans la cellule, à son transfert dans le service psychiatrique de la prison ainsi qu’au fait qu’il ne pouvait recevoir de colis, envoyer et recevoir du courrier, utiliser le téléphone, se promener et prendre l’air, recevoir des vêtements adéquats et se faire soigner, le Comité note que l’État partie a apporté des informations détaillées pour réfuter chacun des griefs. Dans ces circonstances, le Comité ne peut pas conclure qu’il y a eu violation de l’article 10 du Pacte.

8.4Le Comité prend note du grief de l’auteur qui se plaint de ne pas avoir pu obtenir la présence de son avocat pendant la séance d’identification et de ce que le tribunal de jugement a refusé de l’autoriser à changer d’avocat et de faire comparaître d’autres experts et d’autres témoins comme il l’avait demandé. Le Comité note aussi que l’État partie s’est contenté de déclarer que les griefs de l’auteur concernant les irrégularités de la procédure et la violation du droit à un procès équitable étaient sans fondement et qu’il n’a fourni aucun argument pour réfuter les allégations. Dans ces circonstances, le Comité conclut qu’il convient d’accorder le crédit voulu à l’allégation de l’auteur et qu’il y a eu violation des droits consacrés au paragraphe 3 b), d) et e) de l’article 14.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif, est d’avis que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7 et des paragraphes 3 b), d), e) et g) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

10.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu de fournir à l’auteur un recours utile, sous la forme notamment d’une indemnisation appropriée, de l’ouverture d’une procédure pénale qui doit être menée à terme afin d’établir la responsabilité des mauvais traitements subis par M. Pustovalov, ainsi que d’un nouveau procès assorti des garanties consacrées dans le Pacte. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]