Nations Unies

CCPR/C/98/D/1754/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

21 mai 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Quatre ‑vingt ‑dix ‑huitième session

8‑26 mars 2010

Décision

Communication no 1754/2008

Présentée par:

Édith Loth − et ses héritiers (représentés par un conseil, M. Thorsten Purps)

Au nom de:

L’auteur/les auteurs

État partie:

Allemagne

Date de la communication:

29 mai 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 23 janvier 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

23 mars 2010

Objet:

Obligation de céder sans indemnité une parcelle de terrain aux autorités locales, dans le contexte de la réunification allemande

Questions de procédure:

Portée et validité de la réserve émise par l’État partie à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif

Questions de fond:

Discrimination à l’égard de certaines catégories de personnes fondée sur leur titre de propriété

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

5, par. 2 a)

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre‑vingt‑dix‑huitième session)

concernant la

Communication no 1754/2008**

Présentée par:

Édith Loth − et ses héritiers (représentés par un conseil, M. Thorsten Purps)

Au nom de:

L’auteur/les auteurs

État partie:

Allemagne

Date de la communication:

29 mai 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 mars 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur initial de la communication était Édith Loth, de nationalité allemande, décédée le 16 mars 2008. Les héritiers de l’auteur, à savoir ses trois enfants, Mme Suzanne Loth, Mme Ingrid Loth et M. Andreas Loth, ont décidé de soumettre la communication au Comité car la violation alléguée les affecte directement. Les auteurs affirment être victimes de violations par l’Allemagne de l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En 1946, l’oncle de la défunte a reçu une parcelle de terrain dans le cadre de la réforme agraire entreprise par l’ancienne République démocratique allemande (RDA). En vertu des ordonnances de 1945 sur la réforme agraire, les nouveaux propriétaires de ces terres ne pouvaient les transmettre à leurs héritiers que si ceux-ci continuaient à les exploiter à des fins agricoles. Dans le cas contraire, les terres étaient attribuées à des tiers ou rétrocédées au fonds agraire par les autorités de la RDA. Le 29 mars 1986, la défunte a hérité de la parcelle de terrain. Que ce soit pendant l’existence de la RDA ou ensuite, ce terrain n’a pas été utilisé à des fins agricoles mais comme centre de loisirs d’une coopérative avec laquelle la défunte avait signé un contrat.

2.2Le 6 mars 1990, le Parlement de la RDA a adopté une loi relative aux droits des propriétaires de terres redistribuées dans le cadre de la réforme agraire, qui est entrée en vigueur le 16 mars 1990. Cette loi levait toutes les restrictions de disposition des terrains acquis lors de la réforme agraire de 1945. Le 3 octobre 1990, au moment de la réunification allemande, la loi du 6 mars 1990 est devenue partie intégrante du droit de la République fédérale d’Allemagne (RFA). À la même date, un nouvel article 233, section 2, paragraphe 1, de la loi introductive au Code civil est entré en vigueur, confirmant le régime de propriété foncière découlant de la réforme agraire.

2.3Le 14 juillet 1992, le Parlement de la RFA a adopté un nouvel amendement à la même loi. Le nouvel article 233, section 12, paragraphe 3, dispose que seules les personnes qui, à la date du 15 mars 1990, exerçaient une activité dans les secteurs de l’agriculture, de l’exploitation forestière ou de l’industrie alimentaire, ou avaient exercé une activité dans l’un de ces secteurs au cours des dix années précédentes, pouvaient hériter d’un terrain acquis dans le cadre de la réforme agraire. Si tel n’était pas le cas, le droit de propriété sur le terrain en question était cédé sans indemnité aux autorités fiscales de la région allemande («Lander») dans laquelle le terrain était situé. L’idée des autorités de la RFA était de «rétablir» la situation qui «aurait dû exister» si les autorités de la RDA avaient correctement appliqué leur propre loi avant le 15 mars 1990.

2.4En vertu de la loi introductive au Code civil modifiée, le 28 juillet 1995, et faisant valoir que la défunte n’avait pas utilisé le terrain à des fins agricoles, les autorités ont demandé à celle-ci de transférer la propriété sans indemnité. Le 16 juillet 1997, le tribunal de district de Francfort-sur-l’Oder a ordonné à la défunte de rétrocéder son bien. Le 10 juin 1998, la cour d’appel de Brandebourg a rejeté le recours formé par la défunte contre la décision du 16 juillet 1997. Le 15 juillet 1999, la Cour suprême fédérale a rejeté son recours contre la décision du 10 juin 1998. Enfin, le 25 octobre 2000, la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté le recours de la défunte au motif qu’il n’y avait pas eu atteinte à ses droits fondamentaux.

2.5La défunte a porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme, faisant valoir que l’obligation de rétrocéder son terrain aux autorités fiscales sans indemnité portait atteinte à son droit à la jouissance pacifique de ses biens garanti par l’article premier du Protocole no 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne), ainsi qu’à son droit de ne pas subir de discrimination garanti par l’article 14 de la Convention européenne lu conjointement avec l’article premier du Protocole no 1.

2.6La défunte a notamment soutenu qu’elle avait subi une discrimination par rapport à trois catégories de personnes: les propriétaires de terrains visés par la réforme agraire qui avaient acquis leur bien en tant que nouveaux paysans, et qui étaient encore en vie au 15 mars 1990; les propriétaires de ces terrains qui avaient acquis leur bien par transmission entre vivants avant le 15 mars 1990; et, enfin, les personnes qui avaient hérité de leur terrain entre le 16 mars 1990 et le 2 octobre 1990.

2.7Dans son arrêt du 22 janvier 2004, la Cour européenne a considéré à l’unanimité qu’il y avait eu violation de l’article premier du Protocole no 1 et qu’il n’était donc pas nécessaire d’examiner le grief que les requérants tiraient de l’article 14 de la Convention lu conjointement avec l’article premier du Protocole no 1.

2.8Le 14 juin 2004, à la demande du Gouvernement allemand et conformément à l’article 43 de la Convention européenne et à l’article 73 du règlement de la Cour, l’affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre. Le 30 juin 2005, la Grande Chambre a considéré qu’il n’y avait pas eu violation de l’article premier du Protocole no 1, ni de l’article 14 de la Convention lu conjointement avec l’article premier du Protocole no 1. La Cour a conclu que, dans le contexte unique de la réunification allemande, et étant donné en particulier l’incertitude de la situation juridique des héritiers eu égard à la loi du 6 mars 1990 et les motifs de justice sociale invoqués par les autorités allemandes, l’absence de toute indemnisation ne rompait pas le «juste équilibre» aménagé entre la protection de la propriété et les exigences de l’intérêt général.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment qu’il y a eu violation des droits de la défunte en vertu de l’article 26 du Pacte, en ce que, comme pour 70 000 autres personnes − les «héritiers des nouveaux colons» − ses biens ont été confisqués sans aucune indemnisation par l’État partie. Ils soutiennent qu’en tant que l’un de ces «héritiers des nouveaux colons» la défunte a subi une discrimination par rapport aux personnes appartenant à un groupe similaire, les «acquéreurs Modrow». Ils font valoir que, tandis que la défunte a été contrainte de restituer ses biens sans indemnisation, les droits des «acquéreurs Modrow» sur leurs biens ont été intégralement protégés par les différentes lois promulguées à la même époque. Ils fondent leur comparaison de ces deux groupes de personnes, les «héritiers des nouveaux colons» et les «acquéreurs Modrow», sur le fait que les lois affectant leurs droits fonciers ont été adoptées à un jour d’intervalle, à savoir les 6 et 7 mars 1990, respectivement.

3.2Les auteurs soutiennent que la réserve allemande à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif ne s’applique pas en l’espèce, car dans sa décision du 30 juin 2005, la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas examiné la «même question» au sens de la réserve en question. Ils font valoir que l’affaire portée devant la Cour européenne portait principalement sur la violation du droit à la propriété de la défunte en vertu de l’article premier du Protocole no 1. La défunte affirmait en outre avoir été victime de discrimination, au sens de l’article 14 de la Convention lu conjointement avec l’article premier du Protocole no 1, par rapport à trois catégories d’héritiers de nouveaux colons mentionnées à l’article 233 (12) de la loi introductive au Code civil. Or, dans la présente communication adressée au Comité, les auteurs soulignent qu’ils ne dénoncent pas une violation du droit de la défunte à la propriété mais une atteinte au droit qui lui est garanti par l’article 26 du Pacte. À la différence de l’article 14 de la Convention européenne, l’article 26 est une disposition autonome qui peut être invoquée indépendamment des autres droits consacrés par le Pacte, et il offre une protection plus étendue que l’article 14 de la Convention. Les auteurs affirment que la Cour européenne a seulement examiné le traitement discriminatoire présumé qu’aurait subi la défunte par rapport à d’autres «héritiers des nouveaux colons» et non le grief de discrimination par rapport aux «acquéreurs Modrow».

3.3Les auteurs affirment également que la réserve allemande à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5, concernant la compétence du Comité ratione temporis, n’entre pas en ligne de compte car les événements pertinents se sont produits après le 25 novembre 1993, date de l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Il s’agit des dispositions contenues dans la loi relative aux propriétés divisées du 21 septembre 1994 et de la loi préservant la modernisation des espaces de vie du 23 juin 1997, sur lesquelles repose le traitement préférentiel réservé aux «acquéreurs Modrow».

3.4Les auteurs affirment en outre que la réserve allemande à l’égard de l’article 26 du Pacte n’est pas valide car sa portée est particulièrement vaste et elle limite la compétence du Comité de manière disproportionnée. Cette réserve est incompatible avec l’objet et le but du Protocole facultatif, voire du Pacte lui-même, car elle vise à limiter les obligations de l’État partie en vertu de l’article 26 d’une manière non conforme à l’interprétation que le Comité fait de cette disposition, à savoir qu’elle énonce un droit autonome. Les auteurs avancent qu’aucune réserve ne peut être formulée à l’égard d’une obligation de fond découlant du Pacte par l’intermédiaire du Protocole facultatif. Ils rappellent que, dans ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Allemagne, le Comité a exprimé des regrets quant à la réserve émise par l’État partie. Ils déclarent en outre que l’État partie n’a aucun intérêt légitime à maintenir sa réserve après avoir signé le Protocole no 12 à la Convention européenne, qui contient une interdiction générale de la discrimination. Les auteurs concluent que, la réserve n’étant pas valide, rien ne s’oppose à ce que le Comité examine le grief qu’ils tirent de l’article 26.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 27 mars 2008, l’État partie a communiqué ses observations sur la recevabilité de la communication, déclarant qu’elle était irrecevable ratione materiae eu égard à la réserve allemande puisque la Cour européenne des droits de l’homme avait auparavant examiné la «même question».

4.2L’État partie note que la Cour européenne a examiné la «même question» puisqu’il s’agissait de la même plainte fondée sur des faits similaires. Comme dans la présente communication, la défunte a demandé à la Cour européenne de considérer qu’elle avait subi une discrimination car le groupe de personnes auquel elle appartenait avait été privé de ses biens sans indemnité et pour des raisons non objectives, à la différence d’autres groupes de propriétaires. L’État partie note que la plainte de la défunte a été examinée de manière exhaustive et approfondie par la Cour européenne. Il rappelle que la Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu de discrimination car les dispositions de la loi en question étaient en fait correctement et raisonnablement fondées. L’État partie soutient que l’examen de la communication par le Comité en vertu de l’article 26 du Pacte aboutirait à la même conclusion car, compte tenu de la réserve allemande, la protection conférée par l’article 26 n’est pas plus étendue que celle conférée par l’article 14 de la Convention européenne. À cet égard, se référant à la décision d’irrecevabilité dans Rogls c. Allemagne, l’État partie fait observer que les auteurs n’ont pas étayé leur allégation relative à la différence entre l’article 26 et l’article 14 de la Convention pour ce qui est de l’étendue de la protection conférée.

4.3L’État partie déclare que la réserve allemande a pour objectif d’éviter le chevauchement des procédures de contrôle internationales, les conflits entre décisions qui pourraient en découler et la recherche du for le plus favorable par les plaignants.

4.4L’État partie fait observer que le nouvel élément de comparaison cité par les auteurs dans la présente communication, à savoir le groupe des «acquéreurs Modrow», n’a jamais été mentionné auparavant. Vu que les auteurs n’ont pas avancé cet argument devant les juridictions nationales, il considère que la communication est également irrecevable pour non-épuisement des recours internes.

4.5L’État partie déclare que la communication est irrecevable ratione temporis en vertu de la réserve qu’il a émise à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. L’origine de la violation alléguée est la loi du 14 juillet 1992, en vertu de laquelle le nouvel article 233, section 12, paragraphe 3, a été ajouté à la loi introductive au Code civil de 1992. L’État partie soutient que l’affirmation des auteurs, pour lesquels la discrimination résulte des lois de 1994 et 1997, est mal fondée et a pour unique objectif de contourner la réserve.

4.6Enfin, l’État partie fait remarquer que sa réserve à l’égard de l’article 26 est valide, qu’elle doit être respectée en droit international, et que le Comité l’a reconnue comme telle. Le Comité ne peut donc examiner ce grief puisqu’il est fondé uniquement sur l’article 26.

Commentaires de l’auteur

5.1Le 14 mai 2008, les auteurs ont formulé les mêmes griefs qu’auparavant.

5.2Concernant le fait que la «même question» avait déjà été examinée par la Cour européenne, les auteurs font valoir que l’étendue de la protection conférée par l’article 14 de la Convention européenne et par l’article 26 du Pacte n’est pas la même et que la jurisprudence des deux organes est différente. Ils soulignent que leur grief distinct de discrimination n’a pas été, et n’aurait pas pu être, examiné par la Cour européenne, conformément à la jurisprudence établie du Comité. La réserve émise par l’État partie ne s’oppose donc pas à l’examen du grief en question par le Comité.

5.3Les auteurs affirment que la question de la discrimination a été soulevée devant les autorités judiciaires de l’État partie et que les recours internes ont donc été épuisés. La plainte constitutionnelle de la défunte incluait l’allégation de violation de l’article 14 (protection des biens) et de l’article 3 (droit fondamental à l’égalité et à la non-discrimination) de la Constitution de l’État partie, y compris par rapport au groupe des «acquéreurs Modrow».

5.4Au sujet de l’argument de l’État partie, qui avance que la violation alléguée a pour origine la loi de 1992, les auteurs font observer qu’il n’y a pas atteinte aux droits tant que la base légale générale n’est pas étayée et individualisée pour une personne donnée par un acte administratif ou judiciaire. Ils affirment que ce n’est qu’au moment de la réclamation de 1995 à l’encontre de la défunte, des décisions de justice qui ont suivi et des autres actes légaux constituant le fondement du traitement discriminatoire (lois de 1994 et 1997) que leurs droits ont été violés.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité note que l’État partie a invoqué sa réserve à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, aux termes de laquelle le Comité n’a pas compétence pour les communications «qui ont déjà été examinées par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement». Le Comité doit déterminer si la «même question» a bien été examinée au cours de la procédure devant la Cour européenne.

6.3Le Comité renvoie à sa jurisprudence selon laquelle la «même question» au sens du paragraphe 2 a) de l’article 5 concerne les mêmes auteurs, les mêmes faits et les mêmes droits substantiels. Il constate que la requête no 72552/01 a été déposée devant la Cour européenne par le même auteur, qu’elle reposait sur les mêmes faits et qu’elle portait sur le droit à la non-discrimination pour les mêmes motifs.

6.4Le Comité rappelle en outre que le droit principal à l’égalité et à la non-discrimination consacré par l’article 26 du Pacte fournit une plus grande protection que le droit accessoire à la non-discrimination énoncé à l’article 14 de la Convention européenne, qui doit être invoqué conjointement avec un autre droit protégé par la Convention ou les protocoles pertinents s’y rapportant. Cela étant, le Comité note que les auteurs affirment avoir subi une discrimination fondée pour l’essentiel sur le titre de propriété de la défunte. Il note aussi que la Cour européenne a examiné la question de savoir si la défunte avait subi une discrimination en lien avec la jouissance de son bien. Pour ce faire, la Cour a examiné et évalué le traitement prévu par le législateur eu égard à son titre de propriété et l’a comparé à celui réservé à d’autres catégories d’«héritiers des nouveaux colons». Le fait que la Cour n’ait pas examiné la question de savoir si la défunte avait subi une discrimination par rapport à une catégorie de propriétaires fonciers totalement distincte, à savoir les «acquéreurs Modrow», qui n’avaient aucun lien avec la défunte, n’enlève rien au fait que la Cour a examiné la même question de fond. Par conséquent, le Comité conclut que la «même question» a été examinée par la Cour européenne, au sens de la réserve émise par l’État partie. Il s’ensuit que le Comité ne peut examiner la présente communication du fait de la réserve de l’État partie à l’égard du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

6.5Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire que le Comité se penche sur la recevabilité et l’applicabilité des autres dispositions contenues dans la réserve de l’État partie à l’égard du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 a) du paragraphe 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et aux auteurs de la communication, pour information.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion dissidente de M. Rafael Rivas Posadaet de M. Fabián Omar Salvioli

Le Comité, après examen de la communication Loth c. Allemagne, l’a déclarée irrecevable en vertu de l’article 2 a) du paragraphe 5 du Protocole facultatif. Il a justifié cette décision par une interprétation à notre sens erronée de la disposition citée, rappelant sa jurisprudence constante selon laquelle une communication est irrecevable lorsqu’une autre instance internationale a déjà examiné la même question et a déclaré la requête irrecevable. Dans le cas d’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné la même question et a conclu à son irrecevabilité, ce qui a été invoqué par l’État partie pour demander l’application de sa réserve au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, aux termes de laquelle le Comité n’a pas compétence pour les communications qui ont déjà été examinées par une autre instance internationale.

Nous estimons que l’esprit et la lettre du paragraphe mentionné sont clairs et que seul est motif d’irrecevabilité le fait que la question soit en cours d’examen devant une autre instance internationale au moment où le Comité commence son examen, c’est-à-dire le fait que la question soit actuellement à l’étude devant une instance internationale autre que le Comité, et qu’aucune décision n’ait encore été prise. Les versions anglaise et française du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole ne laissent pas de place au doute. Le texte anglais indique que le Comité doit s’assurer que «the same matter is not being examined under another procedure of international investigation or settlement» (souligné par nos soins), et le texte français dit «la même question n ’ est pas déjà en cours d ’ examen devant une autre instance internationale d ’ enquête ou de règlement» (souligné par nos soins). Il est clair qu’il y a une erreur de traduction dans la version espagnole; elle indique qu’il y a irrecevabilité quand la même question a déjà été soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement ([e]l mismo asunto no ha sido sometido ya a otro procedimiento … internacional), ce qui ouvre la possibilité, déjà utilisée par quelques États, d’interpréter le motif d’irrecevabilité comme s’il s’agissait seulement de la soumission par le passé de la même question et non, comme il se devrait, de l’examen actuel de la question par une autre instance internationale. Devant cette erreur de traduction, le Comité a, à plusieurs reprises, décidé que les versions anglaise et française devaient primer le texte espagnol qui prête à confusion mais il a accepté [comme motif d’irrecevabilité] que l’examen par une autre instance internationale ait déjà eu lieu, contrairement au texte sans équivoque du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

Pour les raisons susmentionnées, nous estimons que le Comité devait déclarer recevable la communication Loth c. Allemagne, sans préjuger de la violation alléguée de l’article 26 du Pacte par l’État partie.

(Signé) M. Rafael Rivas Posada

(Signé) M. Fabián Omar Salvioli

[Fait en anglais, en espagnol (version originale) et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]