Nations Unies

CCPR/C/98/D/1079/2002

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

12 mai 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Quatre-vingt-dix-huitième session

8-26 mars 2010

Décision

Communication no 1079/2002

Présentée par:

A. et consorts (non représentés par un conseil)

Au nom de:

L’auteur; son père, B.; son frère, C.; et son oncle, D.

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

29 avril 2002 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 16 mai 2002 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

19 mars 2010

Objet:

Disparition forcée; procès inéquitable; discrimination fondée sur des motifs politiques

Questions de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Persécution d’un haut fonctionnaire et de sa famille pour des raisons politiques

Articles du Pacte:

2, 7, 9, 10, 11, 14, 19 et 26

Article du Protocole facultatif:

2

[Annexe]

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)

concernant la

Communication no1079/2002**

Présentée par:

A. et consorts (non représentés par un conseil)

Au nom de:

L’auteur; son père, B.; son frère, C.; et son oncle, D.

État partie:

Ouzbékistan

Date de la communication:

29 avril 2002 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 19 mars 2010,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est A., de nationalité ouzbèke, née en 1968. Elle soumet la communication en son nom et au nom de B. (son père), de nationalité ouzbèke, né en 1948, de C. (son frère), de nationalité ouzbèke, né en 1977, et de D. (son oncle), également de nationalité ouzbèke, né en 1961. Elle affirme que tous sont victimes de violations par l’Ouzbékistan des droits garantis par les articles 2, 7, 9, 10, 11, 19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les griefs de l’auteur soulèvent également des questions au regard de l’article 14 du Pacte, bien qu’elle n’invoque pas expressément cette disposition dans sa lettre initiale. L’auteur n’est pas représentée par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 28 décembre 1995.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1B., le père de l’auteur, a été le Président de l’entreprise publique par actions Uzbkhlebprodukt d’avril 1997 à avril 2000. L’entreprise, qui employait quelque 44 000 personnes, était composée d’environ 400 sociétés actives dans les domaines de l’entreposage et du traitement des céréales et de la farine, ainsi que dans celui de la production de pain. L’auteur affirme que son père était un bon gestionnaire, ce qui dérangeait certaines personnes. Il a commencé à faire l’objet de menaces ainsi que de tentatives de chantage, et des pots-de-vin lui ont été proposés en échange de services. En 2000, son père a été sommé de payer un demi-million de dollars des États-Unis d’Amérique s’il voulait conserver son poste. Peu après, l’auteur a été contactée par une personne qui s’est présentée comme un parent du Vice-Premier Ministre de l’époque et qui lui a dit que son père devrait payer 1 million de dollars s’il voulait éviter d’avoir des problèmes.

2.2L’auteur affirme que son père lui a dit qu’en son absence, ses adjoints avaient signé différents documents et qu’en conséquence, l’autorisation avait été donnée de sortir des entrepôts de l’État plusieurs milliers de tonnes de farine, lesquels avaient ensuite disparu, ce qui avait créé de graves problèmes. Tous les efforts de son père pour appeler l’attention du Président sur ce problème avaient été vains. L’auteur affirme que quelque temps plus tard, elle a découvert que le Vice-Premier Ministre avait donné au Président de fausses informations sur ce sujet.

2.3En mars 2000, une enquête officielle a été ouverte concernant la disparition de plusieurs centaines de tonnes de farine et les conditions dans lesquelles leur sortie des entrepôts de l’État avait été autorisée. Des fonctionnaires de la société Uzbkhlebprodukt ont fait l’objet d’une enquête; ils ont été accusés de détournement de biens publics, d’abus de pouvoir et d’autres infractions. À la suite de quoi, 22 procédures pénales impliquant plus de 300 personnes ont été ouvertes. Dans ce contexte, le 27 mars 2000, l’oncle de l’auteur, D., a été arrêté et inculpé pour la privatisation, présumée illégale, de la société Uch Kakhramon non. Le même jour, les autorités ont arrêté le Vice-Président d’Uzbkhlebprodukt chargé des affaires économiques et l’ont inculpé de distribution illégale de farine et d’octroi illicite de prêts à des conditions spéciales.

2.4Le matin du 31 mars 2000, le père de l’auteur s’est rendu dans la ville de Dzhizak pour y assister à une réunion du Cabinet des ministres. Quelques heures plus tard, l’auteur a été informée que son père avait été arrêté; par la suite, la police lui a dit que l’on ignorait en fait où se trouvait son père et qu’un mandat d’arrêt avait été émis contre lui. Le même jour, sur l’insistance de sa mère, l’auteur a quitté l’Ouzbékistan. Toutes les demandes que la famille a soumises par la suite auprès de différentes institutions pour connaître l’endroit où se trouvait B. sont restées sans réponse.

2.5Le 5 avril 2000, le Président a émis une ordonnance destituant B. du poste de président d’Uzbkhlebprodukt. L’auteur affirme que, peu après, les autorités ont commencé à faire des déclarations publiques dans lesquelles elles dénonçaient son père comme étant un dangereux criminel qui se serait enfui pour éviter d’avoir à répondre de ses actes. L’auteur affirme que sa mère et d’autres membres de sa famille ont été interrogés et ont fait l’objet d’une pression constante de la part des autorités.

2.6L’auteur affirme qu’avant son départ de l’Ouzbékistan elle occupait le poste de responsable des relations internationales dans une société privée appelée NZI. La Directrice de la compagnie a été interrogée par des policiers qui l’auraient battue pour la forcer à donner des informations sur l’endroit où se trouvait l’auteur ainsi que sur le fonctionnement de la société. Les biens et les tampons de la société ont été saisis. Les enquêteurs cherchaient supposément à établir la responsabilité de l’auteur dans le détournement d’une importante somme d’argent. Un mandat d’arrestation a été émis contre elle pour ce motif.

2.7L’auteur affirme que les enquêteurs ont également «fabriqué» des chefs d’accusation contre son père et son frère. Son père a notamment été accusé de violation des règles de distribution de la farine des réserves de l’État, de vol de biens publics et d’abus de pouvoir. L’auteur explique que son frère et elle-même ont fui l’Ouzbékistan parce qu’ils ne faisaient pas confiance aux autorités.

2.8Le 7 mars 2001, le tribunal municipal de Tachkent a condamné l’oncle de l’auteur à une peine d’emprisonnement de neuf ans. Selon l’auteur, la condamnation de son oncle était infondée et sa culpabilité n’a pas été prouvée. La condamnation reposait en partie sur des déclarations de témoins obtenues illégalement, notamment sous la contrainte. L’auteur affirme que le tribunal a rejeté tous les griefs présentés au procès sans justifier suffisamment ce rejet, ou les a tout simplement ignorés. Elle ajoute qu’aucune expertise économique n’a été réalisée par un spécialiste. En outre, son oncle n’a reçu une copie du jugement que quarante jours après le prononcé alors que, selon la loi, il aurait dû la recevoir dans les dix jours. L’auteur affirme qu’en raison de ce retard son oncle n’a pas pu faire appel dans les délais prescrits.

2.9L’auteur affirme que son père a fait l’objet d’enquêtes dans le cadre de 22 affaires pénales impliquant 300 autres personnes, toutes accusées de vol aggravé et d’autres infractions. Ni les enquêteurs, ni les tribunaux n’ont ordonné la réalisation par un spécialiste d’une expertise économique pour justifier ou expliquer la disparition du blé manquant et évaluer l’exactitude du système de distribution des céréales provenant des réserves de l’État. L’auteur affirme que son père et sa famille ont tous été victimes d’une machination organisée par de hauts fonctionnaires soucieux de ne pas voir leur propre responsabilité engagée dans les irrégularités de gestion commises dans le secteur du pain en Ouzbékistan. L’auteur affirme que les poursuites pénales engagées contre sa famille étaient arbitraires et reposaient sur des preuves insuffisantes.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que les faits présentés constituent une violation des droits qu’elle-même, son père, son frère et son oncle tiennent des articles 2, 7, 9, 10, 11, 19 et 26 du Pacte. Les griefs relatifs au parti pris des autorités dans les enquêtes pénales concernant les membres de sa famille et dans le procès de son oncle soulèvent également des questions au regard de l’article 14, bien que l’auteur n’invoque pas explicitement cette disposition dans sa lettre initiale.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1L’État partie a présenté ses observations dans une note verbale datée du 31 juillet 2007. Il explique que B., qui était alors Président du conseil d’administration de l’entreprise publique par actions Uzdonmahsulot, a formé une association de malfaiteurs avec son fils et d’autres personnes. D., falsifiant la signature de membres du personnel de la filiale Uch Qahramon, a privatisé celle-ci, causant à l’État, selon l’estimation du Comité d’administration des biens publics, un dommage équivalent à 34 235 459 soms. D. et C. sont ainsi devenus les nouveaux propriétaires officiels de la société qui a été renommée Uch Qahramon Ltd.

4.2L’État partie affirme que, par la suite, A. agissant d’entente avec son adjoint, a indûment autorisé la livraison d’importantes quantités de farine à Uch Qahramon Ltd. au détriment des autres producteurs de pain ouzbeks.

4.3L’État partie affirme que sous la pression et sous la supervision de son père, l’auteur de la communication, qui travaillait pour la société NZI, a conclu plusieurs contrats avec des sociétés de l’entreprise publique Uzdonmahsulot concernant l’achat par paiement anticipé de sacs en polypropylène, ce qui a engendré d’importantes pertes (150 780 300 soms).

4.4L’État partie affirme en outre qu’en 1997 le père de l’auteur a créé sous le nom d’une amie une coentreprise appelée Yangi zamon. Entre 1997 et 2000, B. a formé une entente criminelle avec des amis proches et a transféré à cette coentreprise la propriété de 10 sociétés appartenant à l’entreprise d’État Uzdonmahsulot (pour une valeur de 13 499 300 dollars). Il a donc commis une fraude et a illégalement acquis des biens publics.

4.5Entre 1998 et 2000, A. a également transféré sur différents comptes bancaires le revenu provenant de la vente des produits de 10 boulangeries appartenant à la coentreprise Yangi zamon et ces fonds ont été utilisés pour acquérir des matières premières qui ont été revendues par la suite; l’argent a été détourné au moyen de faux documents.

4.6L’État partie affirme que les activités criminelles menées par B. et le groupe qu’il dirigeait ont causé un dommage (à l’intérêt public) s’élevant au total à 732 712 710 soms et 13 499 300 dollars. En conséquence de quoi, le 7 avril 2000, B., sa fille et son fils, tous absents, ont été inculpés par défaut et des mandats d’arrêt ont été émis contre eux. En 2001, comme on ignorait où ils se trouvaient, l’enquête a été suspendue, conformément à l’article 364 du Code de procédure pénale (Suspension de l’enquête préliminaire).

4.7D. a été poursuivi pour détournement de biens publics en quantités particulièrement importantes, commis en réunion avec son frère, B., et le groupe criminel dirigé par celui-ci. Le 7 mars 2001, le tribunal municipal de Tachkent a condamné D. à une peine d’emprisonnement de neuf ans. En vertu du paragraphe 9 a) de la loi du 28 août 2000 relative à la grâce collective, la durée de la peine a été réduite à six ans.

4.8Le tribunal a établi que D. avait été le Directeur de la société Uch Qahramon non de 1995 à 1999. En octobre 1999, il a conclu une entente criminelle avec son frère, B., et un vice-président de la même société, et a commis des infractions liées au détournement de biens, en quantités particulièrement importantes, causant un grave dommage matériel à l’intérêt public.

4.9L’État partie explique en particulier que D., en association avec B. et C., a modifié le statut de la filiale Uch Qahramon non sans demander l’assentiment du personnel et des travailleurs pour en faire une société à responsabilité limitée, qu’il a falsifié des documents et qu’il a privatisé la société (mise à son nom et à celui de son neveu, C.), dont la valeur s’élevait au total à 34 235 459 soms, par des moyens illégaux et sans investir aucun capital.

4.10En outre, D., agissant toujours en association avec son frère et l’adjoint de celui-ci, a obtenu par l’intermédiaire d’Uzdonmahsulot de la farine et d’autres produits à prix cassés pour la société Uch Qahramon Ltd. L’État partie affirme que D. a donc utilisé les fonds à des fins personnelles et qu’il a contribué à réduire la quantité de farine distribuée par le Gouvernement dans les autres régions du pays.

4.11L’État partie affirme en outre que les griefs exposés dans la communication sont dénués de fondement.

4.12L’État partie indique que pendant l’enquête préliminaire et au procès D. a affirmé que son mandat de Directeur de la société Uch Qahramon non avait débuté en 1995 et s’était achevé en mars 1999, qu’il n’avait pas enregistré la société illégalement, qu’il n’avait pas détourné des biens d’autrui et qu’il n’avait pas prélevé des réserves d’Uzdonmahsulot de la farine financée par l’État; il a également affirmé que les charges retenues contre lui constituaient une atteinte à son honneur. Le tribunal l’a néanmoins reconnu coupable sur la base des preuves existantes qui ont été dûment appréciées au procès. Plusieurs fonctionnaires ont confirmé à l’audience que l’entreprise publique Uzdonmahsulot avait fourni à la société Uch Qahramon non plusieurs centaines de tonnes de farine. Un des coaccusés de D. a également confirmé les faits susmentionnés et expliqué qu’à l’insistance de son chef, B., il avait attribué la farine à Uch Qahramon non.

4.13Un autre témoin a confirmé que le personnel de la société Uch Qahramon non n’avait jamais signé les formulaires relatifs à la privatisation de la société. D’autres témoins ont affirmé au cours de l’enquête et à l’audience que D. et C. auraient dû soumettre à l’entreprise d’État Uzdonmahsulot les documents relatifs à la privatisation de la société, ce qu’ils n’ont jamais fait.

4.14D’autres témoins ont mentionné au cours de l’enquête et au tribunal la Société de l’amitié entre l’Ouzbékistan et l’Ukraine créée en 1998 et présidée par B. Ils ont affirmé que B. avait secrètement donné l’ordre d’ouvrir un compte bancaire au nom de cette société, sur lequel différentes sociétés appartenant à l’entreprise Uzdonmahsulot avaient effectué des versements de fonds.

4.15Un inspecteur de l’Inspection fiscale a confirmé à l’audience qu’un audit officiel de la société Uch Qahramon non avait révélé un certain nombre d’irrégularités dans la comptabilité et que le bénéfice réel de l’entreprise excédait le montant qu’elle avait déclaré.

4.16L’État partie ajoute que, selon les conclusions d’un audit officiel réalisé en juillet 2000, la société Uch Qahramon non avait été illégalement privatisée; par la suite, différentes quantités de farine lui avaient été livrées à crédit (sans intérêts); de la farine lui avait également été livrée sans paiement en contrepartie; et en 1998 et 1999 l’entreprise Uzdonmahsulot lui avait accordé des prêts préférentiels pour un montant de plusieurs dizaines de millions de soms.

4.17Selon l’État partie, il a été établi qu’en 1999 et en 2000 la société Uch Qahramon non avait indûment reçu plusieurs centaines de tonnes de farine financée par l’État provenant des réserves non utilisées destinées à d’autres régions du pays.

4.18L’État partie relève en outre que par une décision en date du 27 juin 2000 la chambre économique du tribunal municipal de Tachkent a déclaré nulle et non avenue la décision rendue en octobre 1997 par le Gouverneur du district de Yunusobod concernant l’établissement de la société Uch Qahramon Ltd.

4.19Selon l’État partie, les faits susmentionnés ont également été confirmés par les témoignages des coaccusés de D., qui ont également été condamnés, et par d’autres éléments de preuve.

4.20Enfin, l’État partie affirme que l’enquête initiale et la procédure judiciaire ont été menées conformément au Code de procédure pénale ouzbek, que toutes les plaintes ont fait l’objet d’un examen approfondi, que les éléments de preuve ont été appréciés correctement, que la culpabilité de D. a été pleinement établie et que la peine imposée était proportionnée aux infractions commises.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Les commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie ont été reçus le 6 juillet 2009. Tout d’abord, l’auteur affirme que la réponse de l’État partie tend à présenter l’action intentée contre sa famille comme étant de nature purement économique. Elle affirme toutefois que son père a été persécuté parce qu’il avait refusé de se laisser corrompre et d’obéir à des ordres illicites de ses supérieurs. B. a occupé des postes à responsabilité dans le domaine de la production de pain en Ouzbékistan pendant vingt-deux ans et son professionnalisme est reconnu. Selon l’auteur, la persécution de son père n’a débuté que lorsqu’il avait essayé d’informer le Président des irrégularités et des problèmes qui régnaient dans l’industrie nationale du pain.

5.2L’auteur ajoute que les membres de sa famille ont été contraints de quitter l’Ouzbékistan pour la Russie, où ils ont passé deux ans et demi. Ils se sont ensuite installés dans un pays de l’Union européenne, où ils ont reçu l’asile politique.

5.3L’auteur affirme que sa famille est victime de violations par l’Ouzbékistan des droits garantis à l’article 7 du Pacte. Les forces de l’ordre ont exercé une pression psychologique sur sa mère pour la contraindre à donner des informations sur les activités de l’auteur et de son père. La police a humilié sa grand-mère lorsqu’elle a perquisitionné chez elle, apparemment pour y chercher les «millions» que B. y aurait cachés. L’auteur affirme qu’on a soumis son oncle à des violences au cours de l’enquête préliminaire et après sa condamnation pour le forcer à témoigner contre elle-même et son père.

5.4En ce qui concerne l’article 14 du Pacte, l’auteur affirme que sa mère a dû changer d’avocat à plusieurs reprises pendant l’enquête préliminaire en raison de la pression exercée par les autorités. Au procès de son oncle, l’auteur a formulé plusieurs griefs qui ont été portés au dossier mais qui, soit n’ont jamais été examinés, soit ont été simplement rejetés. Le Médiateur, comme d’autres institutions, a ignoré les plaintes déposées par les victimes.

5.5L’auteur affirme également que son oncle a été débouté de son appel. En outre, en raison des pressions qui auraient été exercées, personne n’a accepté de témoigner à sa décharge.

5.6Concernant l’article 17 du Pacte, l’auteur fait valoir que les policiers, lorsqu’ils ont interrogé sa mère, se sont immiscés de façon arbitraire dans sa vie familiale du fait qu’ils ont affirmé que B. avait eu des relations extraconjugales et des enfants hors mariage. L’auteur pense que les policiers cherchaient ainsi à déstabiliser sa mère pour obtenir des preuves contre son père.

5.7L’auteur invoque l’article 19 du Pacte et relève que la persécution de sa famille a commencé lorsque son père a officiellement écrit à de hauts fonctionnaires pour les informer des problèmes qui existaient dans le secteur du pain en Ouzbékistan.

5.8L’auteur prend note de l’argument de l’État partie qui affirme que son frère et son oncle ont commis un vol en quantités particulièrement importantes en privatisant illégalement une société, en acquérant de la farine des réserves de l’État par des moyens illicites et en obtenant illégalement des crédits. Elle donne des détails concernant l’historique de l’acquisition de la société par son oncle et son frère ainsi que des renseignements sur le fonctionnement de la société. Elle affirme que l’enquête et le procès ont été entachés de partialité, étant donné que la société en question a été acquise légalement, non pas au moyen d’une privatisation mais par une transaction financée par un prêt, que la farine a également été acquise légalement et qu’il n’y a eu aucune irrégularité ni dans l’obtention ni dans l’utilisation des prêts en question.

5.9L’auteur conteste en outre l’affirmation de l’État partie qui prétend que son père a fondé une coentreprise ouzbéko-américaine et qu’il a abusé de sa position officielle pour acquérir illégalement 10 miniboulangeries. Elle affirme que lorsque les autorités ont accusé son père de s’être approprié ces boulangeries celles-ci figuraient toujours dans les livres de comptes du Comité chargé des biens publics. Par la suite, le Comité avait vendu les boulangeries à la coentreprise à la suite d’un appel d’offres officiel lancé sur décision du Cabinet des ministres.

5.10L’auteur conteste également l’affirmation de l’État partie concernant l’implication de son père dans des irrégularités financières commises par l’intermédiaire de la Société de l’amitié entre l’Ouzbékistan et l’Ukraine. D’après elle, toutes les décisions relatives aux prêts, aux salaires et à diverses autres questions étaient prises exclusivement par le Directeur exécutif de la société et non par son père (qui en était le Président). Elle affirme donc que les irrégularités relevées dans le fonctionnement de cette société ne peuvent être imputées à son père. Elle ajoute que les charges retenues contre son père à cet égard n’étaient fondées que sur les déclarations de deux témoins obtenues par des moyens illégaux.

5.11L’auteur dément également qu’elle aurait obtenu un prêt préférentiel lorsqu’elle travaillait pour la société NZI et qu’elle aurait transféré les fonds sur son compte personnel, causant ainsi une perte de plus de 150 millions de soms. Elle admet que la société a contracté un prêt qui a permis de payer un partenaire à l’avance. Par la suite, celui-ci a failli à ses obligations, comme cela a été confirmé par une décision judiciaire. Toutefois, du fait que les autorités ont commencé à persécuter l’auteur, que tous les comptes bancaires de la société NZI ont été bloqués et que ses tampons et d’autres biens ont été saisis, il n’a jamais été possible de récupérer cet argent. Par la suite, les biens de la société NZI ont été vendus par les autorités.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son Règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité a pris note du grief de violation des droits que l’auteur et les autres victimes présumées tiennent des articles 2, 7, 9, 10, 11, 14, 19 et 26 du Pacte. Il note que les allégations de l’auteur n’ont pas été directement réfutées par l’État partie, même si celui-ci a affirmé que l’ensemble des griefs soumis étaient infondés. Toutefois, à la lumière des éléments dont il est saisi et en l’absence de toute autre information utile, détaillée et étayée à ce sujet, le Comité considère que ces griefs n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare donc irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur de la communication et à l’État partie, pour information.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]