C omité des droits de l’homme
Quatre-vingt-dix-huitième session
8-26 mars 2010
Décision
Communication no 1523/2006
Présentée par: |
Chelliah Tiyagarajah (non représenté par un conseil) |
Au nom de: |
L’auteur |
État partie: |
Sri Lanka |
Date de la communication: |
15 juin 2006 (date de la lettre initiale) |
Références: |
Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 27 novembre 2006 (non publiée sous forme de document) |
Date de la présente décision: |
19 mars 2010 |
Objet : |
Procédures judiciaires inéquitables, à la suite d’une plainte de l’auteur pour renvoi injuste |
Questions de procédure : |
Griefs non étayés; recours internes non épuisés |
Questions de fond : |
Procès inéquitable; discrimination |
Article s du Pacte : |
14 (par. 1), 26 |
Articles du Protocole facultatif : |
2, 5 (par. 2 b)) |
[Annexe]
Annexe
Décision du Comité des droits de l’homme en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (quatre-vingt-dix-huitième session)
concernant la
Communication no 1523/2006**
Présentée par: |
Chelliah Tiyagarajah (non représenté par un conseil) |
Au nom de: |
L’auteur |
État partie: |
Sri Lanka |
Date de la communication: |
15 juin 2006 (date de la lettre initiale) |
Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 19 mars 2010,
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1.L’auteur de la communication est M. Chelliah Tiyagarajah, de nationalité sri-lankaise, qui réside à Sri Lanka et appartient à la minorité ethnique tamoule. Il se déclare victime de violations par l’État partie des articles 14, paragraphe 1, et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 11 septembre 1980 et le 3 janvier 1998 respectivement.
Exposé des faits
2.1De 1967 à 1998, l’auteur a été employé par l’entreprise publique de radio et télévision Sri Lanka Broadcasting Corporation (ci-après «la SLBC»), qui a son siège à Colombo. En 1971, il a été nommé à un poste de trieur de courrier, en tant que travailleur de grade 5. Il n’a jamais obtenu de promotion par la suite, bien qu’il en ait demandé une à plusieurs reprises.
2.2L’auteur explique que dans le secteur public comme dans le secteur privé il est possible de prendre une retraite anticipée à partir de 55 ans, l’âge de la retraite obligatoire étant fixé à 60 ans. Le 31 juillet 1997, le conseil d’administration de la SLBC a décidé qu’à partir de cette date aucun membre du personnel ne pourrait être employé au-delà de l’âge de 55 ans. Cette décision a été communiquée au personnel par la circulaire no SLBC-2489 du 8 août 1997, qui indiquait que «la prolongation de fonctions des employés de l’entreprise ayant dépassé l’âge de 55 ans était limitée au 31 décembre 1997».
2.3Le 17 février 1998, l’auteur a atteint l’âge de 55 ans et a demandé une prolongation de fonctions, ce qui lui a été refusé par la SLBC. Il affirme que sa cessation de fonctions était injustifiée, injuste et abusive. Il ajoute que la SLBC employait plusieurs personnes ayant dépassé l’âge de 60 ans.
2.4L’auteur a engagé une action en justice devant la juridiction prud’homale, au titre de la loi sur les conflits du travail. Le 10 novembre 2003, le tribunal a conclu que la cessation de fonctions de l’auteur était injuste et a ordonné à l’employeur de verser à l’intéressé l’équivalent d’un an de salaire à titre d’indemnisation. La SLBC a fait appel du jugement prud’homal devant la haute cour de la Province de l’Ouest. Le 7 janvier 2005, la haute cour a infirmé la décision de la juridiction prud’homale, au motif que la Cour suprême avait rejeté une affaire similaire concernant d’autres employés de la SLBC. Dans l’affaire en question, les 14 requérants, employés de la SLBC, avaient introduit une requête pour violation des droits fondamentaux, en faisant valoir que la circulaire no SLBC-2489 du 8 août 1997 les privait du droit à une égale protection de la loi, garanti par la Constitution sri-lankaise. La Cour suprême avait estimé que les 14 requérants n’avaient pas démontré le bien-fondé de leur plainte et leur avait donc refusé l’autorisation de faire appel. Ayant estimé que les griefs de l’auteur étaient similaires, sur le fond, à ceux invoqués dans l’affaire jugée par la Cour suprême, la haute cour s’est sentie tenue de statuer en défaveur de l’auteur.
2.5L’auteur a contesté cette décision de la haute cour devant la Cour suprême, qui l’a débouté le 28 avril 2005, estimant qu’il n’y avait pas lieu de lui donner l’autorisation de faire appel.
2.6L’auteur fait valoir que sa demande concernait le fait que sa cessation de service était illégale au regard de la loi sur les conflits du travail, alors que la décision de la Cour suprême, sur laquelle s’était fondée la haute cour pour rejeter ses griefs, concernait une requête pour violation des droits fondamentaux du fait d’un traitement supposé inégal. Il ajoute que le refus de la Cour suprême de l’autoriser à faire appel l’a privé de toute autre voie de recours judiciaire ou administrative.
2.7L’auteur fait valoir également que le refus de la Cour suprême de l’autoriser à faire appel lui a fait comprendre qu’il était victime de discrimination en raison de son appartenance à la minorité tamoule. Il indique que son nom de famille révèle très clairement cette appartenance, et que la haute cour et la Cour suprême sont toutes deux situées dans le sud de Sri Lanka, où les Tamouls sont minoritaires. Il affirme qu’il a donc été victime de discrimination fondée sur la race.
Teneur de la plainte
3.L’auteur estime que la haute cour, en s’alignant sur une décision de la Cour suprême relative à une requête dont l’objet différait de ses propres griefs, l’a privé du droit à un procès équitable, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Il ajoute que la haute cour et la Cour suprême l’ont privé de recours pour des considérations discriminatoires fondées sur son appartenance à la minorité ethnique tamoule, en violation de l’article 26 du Pacte.
Absence de coopération de l’État partie
4.Par des notes verbales datées du 27 novembre 2006, du 29 juillet 2008, du 26 février 2009 et du 12 octobre 2009, l’État partie a été prié de communiquer au Comité des informations sur la recevabilité et le fond de la communication. Le Comité constate qu’il n’a pas reçu les informations demandées, et regrette que l’État partie n’ait fourni aucun éclaircissement sur la recevabilité ou le fond des griefs de l’auteur. Il rappelle que, conformément au Protocole facultatif, l’État partie concerné est tenu de lui soumettre par écrit des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises pour remédier à la situation. En l’absence de réponse de la part de l’État partie, il y a lieu d’accorder le crédit voulu aux allégations de l’auteur, pour autant que celles-ci aient été suffisamment étayées.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
5.1Avant d’examiner une plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.
5.2Le Comité prend note du grief de l’auteur, qui estime que la haute cour, en s’alignant sur une décision de la Cour suprême relative à une requête dont l’objet différait de ses propres griefs, l’a privé du droit à un procès équitable, en violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Il relève que la Cour suprême de l’État partie a examiné une affaire qui était similaire, sur le fond, à celle de l’auteur. Dans l’affaire en question, 14 employés de la SLBC avaient introduit une requête pour violation des droits fondamentaux, dans laquelle ils mettaient en cause plusieurs défendeurs et dénonçaient la mise en application de la circulaire no SLBC-2489 adressée au personnel de l’entreprise. La Cour suprême avait considéré que le refus de la SLBC d’accorder à ses employés une prolongation de fonctions au-delà de l’âge de 55 ans ne constituait pas une violation du droit à une égale protection de la loi, et avait donc rejeté la demande d’autorisation de faire appel des requérants. Dans la présente affaire, la haute cour a appliqué à l’auteur les conclusions de la Cour suprême, considérant qu’elles constituaient un précédent contraignant. Le Comité constate que l’auteur s’est limité à dire que l’objet de sa plainte différait des griefs des autres employés, sans montrer plus en détail à quoi tenait cette différence. Il renvoie à sa jurisprudence et rappelle que c’est généralement aux tribunaux des États parties au Pacte qu’il appartient d’apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée, ou la manière dont la législation interne a été appliquée, à moins qu’il ne soit établi que cette appréciation, ou cette application, a été clairement arbitraire ou a constitué un déni de justice, ou que le tribunal a manqué d’une quelconque autre façon à son obligation d’indépendance et d’impartialité. En l’espèce, l’auteur n’a pas démontré que l’application, par la haute cour de la Province de l’Ouest, d’un précédent de la Cour suprême, selon le principe de l’autorité de la chose jugée, ait été arbitraire ou ait constitué un déni de justice à son égard. En conséquence, ce grief est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.
5.3En ce qui concerne le grief que l’auteur tire de l’article 26, affirmant avoir été victime de discrimination fondée sur la race en raison de son appartenance à la minorité ethnique tamoule, le Comité note que l’auteur ne lui a pas fourni d’informations suffisantes sur des cas comparables, de façon à démontrer que sa cessation de fonctions, ou le refus de la Cour suprême de lui accorder l’autorisation de faire appel, a constitué une discrimination ou un traitement inégal fondé sur des considérations de race au sens de cet article. Le Comité considère donc que l’auteur n’a pas suffisamment étayé, aux fins de la recevabilité, une quelconque violation de l’article 26 dont il aurait été victime en raison de sa race. En conséquence, cette partie de la communication est également irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.
5.4En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:
a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;
b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]