Nations Unies

CCPR/C/GNQ/CO/1

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2019

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant la Guinée équatorialeen l’absence de rapport initial *

1.En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité des droits de l’homme a examiné la situation des droits civils et politiques en Guinée équatoriale au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à ses 3623e et 3624e séances publiques (voir CCPR/C/SR.3623 et 3624), les 10 et 11 juillet 2019. Conformément au paragraphe 1 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, si un État partie n’a pas soumis de rapport en vertu de l’article 40 du Pacte, le Comité peut examiner en séance publique les mesures prises par l’État partie pour donner effet aux droits reconnus dans le Pacte, et adopter des observations finales.

2.À ses 3638e et 3641e séances, les 22 et 23 juillet 2019, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

3.Le Pacte est entré en vigueur à l’égard de la Guinée équatoriale le 25 septembre 1987. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial en vertu du paragraphe 1 a) de l’article 40 du Pacte au plus tard le 25 octobre 1988. Le Comité regrette que l’État partie ait manqué à ses obligations découlant de l’article 40 du Pacte et que, malgré de nombreux rappels, il n’ait pas soumis son rapport initial.

4.Le Comité apprécie cependant l’occasion qui lui a été offerte d’engager un dialogue constructif sur la mise en œuvre du Pacte avec la délégation de haut niveau de l’État partie. Il remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/GNQ/Q/1/Add.1) apportées à la liste de points (CCPR/C/GNQ/Q/1), qui ont été complétées oralement par la délégation.

5.Compte tenu des réponses écrites à la liste de points que l’État partie a fournies et du dialogue constructif que le Comité a eu avec la délégation de l’État partie, le Comité considère les réponses écrites comme le rapport initial de l’État partie et demande à ce dernier de soumettre un document de base commun afin de faciliter les discussions à venir.

B.Aspects positifs

6.Le Comité accueille avec satisfaction les nombreuses mesures législatives et institutionnelles qui ont été adoptées par l’État partie pendant la période à l’examen dans le domaine des droits civils et politiques, notamment :

a)Le décret no 75/2018 du 18 avril 2018, qui établit un Comité national de coordination des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

b)La création, le 5 août 2016, d’une commission chargée de vérifier que les fonctionnaires ne cumulent ni les emplois ni les salaires publics et d’examiner les incompatibilités des fonctions des agents et serviteurs de l’État ;

c)Le décret no 426/2014 du 13 février 2014, qui établit un moratoire sur la peine de mort ;

d)Le Plan national d’action multisectorielle pour la promotion de la femme et l’égalité des sexes (2005-2015) ;

e)La campagne « Non à la violence contre les femmes en Guinée équatoriale » (2008) ;

f)La loi no 3/2005 de prévention et de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida ;

g)La loi no 1/2004 sur le trafic illicite de migrants et la traite des personnes.

7.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré :

a)La Convention des Nations Unies contre la corruption, le 30 mai 2019 ;

b)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 16 octobre 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et juridique de la mise en œuvre du Pacte

8.Le Comité observe que les traités internationaux ont le même rang et produisent les mêmes effets que les dispositions de la Constitution et qu’ils font partie du bloc de constitutionnalité dans l’État partie. Cependant, malgré les informations transmises par la délégation de l’État partie selon lesquelles les dispositions du Pacte sont invoquées devant les tribunaux, qui les appliquent, le Comité regrette le manque d’informations quant à des cas concrets et des exemples d’application du Pacte par les juridictions nationales. De même, le Comité regrette le manque d’informations quant à l’existence d’un recours effectif en cas de violation du Pacte (art. 2).

9. L ’ État partie devrait : garantir, en pratique, la primauté du Pacte sur le droit national, ainsi qu ’ un recours utile aux justiciables en cas de violation du Pacte ; il devrait également former l ’ ensemble des professionnels de la justice et du droit, y compris les juges, les procureurs et les avocats, ainsi que les agents de la fonction publique et le grand public, aux droits consacrés par le Pacte et le Protocole facultatif et à leur application.

Droit coutumier et application du Pacte au niveau national

10.Malgré les explications de la délégation sur l’importance du droit coutumier dans la société équato-guinéenne, le Comité est préoccupé par les quelques dispositions du droit interne, notamment du droit coutumier, qui demeurent incompatibles avec les dispositions du Pacte et par les divergences qui persistent entre les différentes sources du droit applicable dans l’État partie. En particulier, le Comité prend note avec préoccupation des articles 70 et 71 de la loi no 5/2009, qui déterminent l’application du droit coutumier en cas de nullité ou de dissolution de mariages traditionnels ou de séparation des époux mariés dans ce même cadre, ainsi que la garde des enfants mineurs nés de telles unions et la répartition de l’héritage. À cet égard, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, dans la pratique, il existe des divergences quant à la protection dont bénéficient les femmes mariées, qui n’ont pas toujours accès aux tribunaux civils pour défendre leurs droits ou faire appel de décisions des tribunaux traditionnels (art. 2 et 3).

11. Conformément à l ’ observation générale n o  31 (2004) du Comité sur la nature de l ’ obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, l ’ État partie devrait garantir à toutes les personnes se trouvant sur son territoire les droits consacrés par le Pacte et devrait prendre toutes les mesures possibles pour harmoniser les normes traditionnelles et coutumières avec les dispositions du Pacte et en garantir systématiquement la compatibilité. En ce sens, l ’ État partie devrait éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes de tout ce qui est en lien avec le mariage, la tutelle et la succession et garantir que les dispositions appliquées par les tribunaux traditionnels sont conformes au Pacte. Il devrait également veiller à ce que les acteurs traditionnels reçoivent une formation sur la primauté des dispositions du Pacte et du droit positif sur le droit coutumier.

Réforme de la législation nationale

12.Malgré l’explication donnée par la délégation de l’État partie, le Comité prend note avec préoccupation de l’information portée à sa connaissance, selon laquelle la Commission chargée de la réforme de la Constitution en 2011 manque d’indépendance et la réforme n’a pas fait l’objet d’un débat public. Le Comité prend acte des efforts déployés par l’État partie en vue de réformer sa législation nationale, non conforme au Pacte et devenue obsolète, y compris de l’adoption imminente de la réforme du Code pénal. Cependant, le Comité déplore l’absence de clarté quant aux modalités arrêtées pour la rédaction et la réforme du Code de procédure pénale et du Code civil, et au calendrier y afférent (art. 2).

13.L ’ État partie devrait accélérer la révision du Code de procédure pénale et du Code civil, et procéder en suivant un calendrier clairement établi, et il devrait mener à bonne fin cette révision dans la transparence et de façon participative. De même, il devrait suivre le plan établi pour l ’ adoption du Code pénal et l ’ approuver dans les meilleurs délais, de manière transparente et en faisant participer la société civile. De la même manière, l ’ État partie devrait veiller à ce que les droits consacrés dans le Pacte soient pleinement intégrés dans les lois nationales pertinentes, et devrait adopter toutes les mesures propres à garantir que tous les préceptes de la loi s ’ interprètent et s ’ appliquent de manière pleinement conforme au Pacte.

Institution nationale des droits de l’homme

14.Le Comité prend note de l’intention de l’État partie de transformer le Centre pour la promotion des droits de l’homme et de la démocratie en une institution nationale pour la promotion et la protection des droits de l’homme, conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), mais regrette le peu d’informations fournies quant aux mesures concrètes prises par l’État partie à cet égard (art. 2).

15. L ’ État partie doit créer une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante, dotée d ’ un mandat étendu de protection de ces droits et de ressources humaines et financières suffisantes, conformément aux Principes de Paris.

Présentation des rapports périodiques et données statistiques relatives à l’exercice des droits de l’homme

16.Le Comité se félicite que la délégation de l’État partie ait fait part de son intention de présenter les rapports périodiques au Comité à l’avenir, mais il est préoccupé par les retards répétés de l’État partie lorsqu’il s’agit de s’acquitter des obligations de présentation de rapports et de donner suite aux recommandations et aux avis du Comité. Il est également préoccupé par l’absence de données et de statistiques relatives à l’exercice des droits de l’homme, qui nuit au suivi de l’application effective du Pacte (art. 2).

17. L ’ État partie devrait redoubler d ’ efforts pour assurer le respect de ses obligations de présentation de rapports et donner suite aux recommandations et aux avis du Comité. De même, il devrait améliorer la collecte de données statistiques afin d ’ assurer un meilleur suivi de l ’ application du Pacte, en plus de bénéficier, en tant que de besoin, de l ’ assistance technique et d ’ une assistance au renforcement des capacités.

Lutte contre la corruption et gestion des ressources naturelles

18.Le Comité prend note des mesures prises par l’État partie en vue de lutter contre la corruption, parmi lesquelles la ratification de la Convention des Nations Unies contre la corruption, la création du parquet de la Cour des comptes et le décret no 75/2018 portant création d’un comité de coordination des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cela étant, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles la corruption demeure généralisée dans l’État partie, en particulier au plus haut niveau du Gouvernement, et les mesures préventives sont insuffisantes, et par le fait que l’État partie n’a pas fourni de précisions sur les poursuites et condamnations relatives à des actes de corruption. Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles une partie des bénéfices tirés des industries extractives sont investis dans les domaines sociaux. Il est toutefois préoccupé par les allégations d’absence de participation de la société civile et de transparence dans la gestion des ressources naturelles (art. 1er, 2, 14 et 25).

19. L ’ État partie devrait :

a) Redoubler d ’ efforts dans sa lutte contre la corruption, y compris le blanchiment de capitaux, réviser le cadre juridique de façon qu ’ il soit plus complet et qu ’ il garantisse une meilleure protection des plaignants, et renforcer les bonnes pratiques en matière de gouvernance en surveillant l ’ application de la stratégie adoptée pour lutter contre la corruption ;

b) Renforcer la capacité du ministère public et des organismes chargés de faire respecter la loi à lutter contre la corruption, notamment au moyen de la formation continue et d ’ un financement suffisant ;

c) Veiller à ce que des enquêtes indépendantes et impartiales soient menées sur tous les actes de corruption et à ce que les responsables soient traduits devant la justice et soient dûment sanctionnés s ’ ils sont reconnus coupables ;

d) Continuer de mener des campagnes visant à sensibiliser les responsables politiques, les agents de l ’ État, les entreprises et la population en général aux coûts économiques et sociaux de la corruption  ;

e) Prendre les mesures nécessaires, y compris concernant l ’ application effective du décret n o  42/2007 qui régit la participation de la société civile à la mise en œuvre de l ’ Initiative pour la transparence dans les industries extractives, pour garantir la transparence dans la gestion des ressources naturelles, avec la participation de la société civile.

État d’exception

20.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie et rappelées par sa délégation selon lesquelles il n’a pas, pour le moment, déclaré officiellement d’état d’exception. Toutefois, le Comité s’inquiète des informations portées à sa connaissance selon lesquelles, dans le cadre des élections de 2016 et pendant la tentative de coup d’État en 2017, l’État partie a appliqué des mesures équivalentes à un état d’exception, sans respecter les garanties de base prévues à l’article 4 du Pacte. Il est également préoccupé par l’absence de réglementation d’application de la loi no 4/2010 qui fait allusion aux cas de déclaration de l’état d’urgence, d’exception ou de siège (art. 4).

21. L ’ État partie devrait rapidement prendre des mesures pour mettre fin à l ’ application de facto de l ’ état d ’ exception et veiller à ce que tout état d ’ exception appliqué sur son territoire et toutes mesures prises en application de celui-ci soient conformes aux dispositions de l ’ article 4 du Pacte. Conformément à l ’ observation générale n o  29 (2001) sur les états d ’ urgence, l ’ État partie devrait élaborer une législation comprenant des dispositions claires sur les états d ’ exception, de sorte que les droits protégés par le paragraphe 2 de l ’ article 4 du Pacte ne puissent être suspendus en aucun cas, et devrait veiller à ce que les conditions requises pour une dérogation soient conformes au Pacte.

Mesures de lutte contre le terrorisme

22.Le Comité est préoccupé de ce que la définition du terrorisme figurant dans la législation nationale puisse s’appliquer, de par son imprécision et son ambiguïté, à un groupe déterminé de personnes, en particulier la société civile et des membres de partis politiques, et à des activités pacifiques menées conformément aux droits à la liberté d’expression, à la liberté d’association et à la liberté de réunion (art. 2, 9, 14, 18, 19, 21 et 22).

23. L ’ État partie devrait veiller à ce que les mesures qu ’ il prend pour lutter contre le terrorisme soient pleinement compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte et visent uniquement les auteurs présumés d ’ actes terroristes.

Lutte contre la discrimination

24.Le Comité prend note du cadre législatif, y compris des dispositions constitutionnelles qui interdisent la discrimination, mais regrette l’absence de législation qui définisse et interdise la discrimination directe et indirecte et qui englobe tous les motifs interdits énoncés aux articles 2 et 26 du Pacte, en particulier l’orientation sexuelle, l’identité de genre et le handicap. Le Comité regrette également l’absence d’informations sur un cadre législatif qui offre aux victimes de discrimination des recours utiles. Il s’inquiète des informations portées à sa connaissance concernant des actes de discrimination et de la stigmatisation visant des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes et des personnes infectées par le VIH/sida, ainsi que du faible nombre de mesures prises en vue de garantir que, dans la pratique, les personnes handicapées ne font pas l’objet d’une discrimination (art. 2 et 26).

25. L ’ État partie devrait prendre les mesures qui s ’ imposent pour :

a)Adopter une législation complète qui protège pleinement et efficacement contre les formes multiples de discrimination, tant directe qu ’ indirecte, dans tous les contextes et pour tous les motifs énumérés dans le Pacte ;

b) Faire en sorte que toutes les victimes de discrimination aient accès à des voies de recours efficaces et appropriées ;

c) Protéger de manière efficace les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les transgenres, les intersexes, les personnes infectées par le VIH/sida et les personnes handicapées, et protéger leurs droits fondamentaux, tout en veillant à ce que tous les cas de discrimination soient dûment traités ;

d) Mener de vastes campagnes d ’ éducation et de sensibilisation visant à promouvoir l ’ égalité, la tolérance et le respect de la diversité.

Droits des minorités

26.Le Comité reste préoccupé (CCPR/CO/79/GNQ, par. 14) par les allégations de discrimination et de persécutions dont seraient victimes les groupes ethniques minoritaires. À cet égard, malgré l’explication de la délégation de l’État partie quant aux normes relatives aux questions foncières, le Comité est préoccupé par les allégations d’expropriation du peuple bubi, sans droit à indemnisation (art. 2, 26 et 27).

27. L ’ État partie devrait prendre des mesures efficaces pour combattre la discrimination à l ’ endroit des groupes ethniques minoritaires. Il devrait également veiller à ce que les expropriations foncières, le cas échéant, soient conformes aux principes légaux, qu ’ elles ne soient pas discriminatoires, qu ’ elles fassent l ’ objet d ’ une indemnisation adéquate et que les personnes concernées disposent d ’ un recours effectif et approprié.

Non-discrimination et égalité entre hommes et femmes

28.Le Comité se félicite de l’adoption du Plan national d’action multisectorielle de promotion de la femme et de l’égalité des sexes (2005-2015). Il s’inquiète cependant de la persistance de certains stéréotypes sexistes traditionnels concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui empêchent les femmes d’exercer réellement leurs droits civils et politiques. Le Comité est préoccupé par la faible représentation des femmes dans la vie politique et publique, en particulier aux plus hauts niveaux de l’administration. Concrètement, le Comité note avec préoccupation que les femmes ne représentent actuellement que 20 % des députés et 10 % des sénateurs et que ces chiffres n’ont pas évolué ces dix dernières années. Le Comité prend note de l’explication donnée par l’État partie quant à la pratique courante de la polygamie dans le pays (art. 2, 3, 25 et 26).

29. L ’ État partie devrait :

a) Renforcer les actions de sensibilisation de la population en matière de lutte contre les stéréotypes sexistes dans la famille et au sein de la société  ;

b) Abroger toutes les dispositions de sa législation qui sont discriminatoires à l ’ égard des femmes ;

c) Prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir la participation équitable des femmes à tous les aspects de la vie publique, en particulier leur représentation aux plus hauts niveaux dans l ’ administration et dans les organes législatifs et judiciaires ;

d) Prendre des mesures adéquates pour réduire la pratique de la polygamie, en vue de son abolition, y compris par des efforts de sensibilisation de la population quant au caractère discriminatoire de cette pratique.

Violence à l’égard des femmes et violence familiale

30.Le Comité prend note de l’explication donnée par la délégation de l’État partie quant aux actes qui sont considérés comme pouvant constituer de la violence à l’égard des femmes selon la législation nationale, laquelle ne concorde pas toujours avec les dispositions du Pacte. Le Comité rappelle à l’État partie que les obligations qu’il a contractées en ratifiant le Pacte lui imposent de prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre des droits garantis par le Pacte, et qu’il ne peut invoquer les dispositions de son droit constitutionnel ou d’autres éléments de son droit interne pour justifier le non‑respect ou la non-application des engagements pris au titre du Pacte (observation générale no 31). À cet égard, le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)Malgré la proposition de loi sur la violence sexiste et le Code de la famille, aucune précision n’est donnée quant au calendrier pour l’adoption de ces textes, et l’État partie n’est toujours pas doté d’un cadre juridique pour la protection intégrale contre la violence à l’égard des femmes, y compris la violence dans la famille, et pour la prévention, la répression et l’élimination de cette violence ;

b)Les cas de violence sexiste à l’égard des femmes et des filles ne sont pas tous dénoncés, en raison de la stigmatisation des victimes, de la crainte de représailles et du manque de confiance dans les autorités chargées de faire respecter la loi ;

c)Aucune information n’a été donnée sur la conduite d’enquêtes ou le nombre de poursuites engagées ;

d)La définition qui est donnée des violences sexuelles est par trop restrictive et ne prévoit de présomption de violence sexuelle que si la victime est âgée de moins de 12 ans (art. 429 du Code pénal), et l’extinction de l’action pénale est toujours prévue lorsque, dans une affaire de viol, la victime pardonne, expressément ou tacitement, à l’auteur des faits (art. 443 du Code pénal) (art. 3, 6, 7, 14 et 26).

31. L ’ État partie devrait :

a) Adopter une loi globale, en consultation avec la société civile, pour prévenir, combattre et sanctionner toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles, y compris la violence familiale, dans la sphère publique comme dans la sphère privée ;

b) Encourager les femmes et les filles qui ont été victimes de violences à signaler ces violences à la police, en veillant à ce que tous les actes de violence contre les femmes et les filles donnent lieu à des poursuites et en imposant aux auteurs de tels actes des peines appropriées ;

c) Mener, à l ’ échelle nationale, des actions de sensibilisation et des activités de formation à l ’ intention des agents de l ’ État, en particulier les juges, les procureurs, les policiers et le personnel médical et paramédical, de sorte qu ’ ils soient à même d ’ intervenir avec efficacité dans toutes les affaires de violence dans la famille et de violence sexiste ;

d) Veiller à ce que les victimes bénéficient d ’ un soutien matériel et psychologique et aient accès à des services juridiques.

Interruption volontaire de grossesse et droits liés à la procréation

32.Le Comité prend note de l’explication de l’État partie selon laquelle les articles 411 et suivants du Code pénal qui pénalisent l’interruption volontaire de grossesse ne sont pas appliqués, mais il est préoccupé par le fait même que ces dispositions sont en vigueur et qu’elles puissent être appliquées à l’avenir. Le Comité prend note des informations fournies selon lesquelles l’interruption de grossesse est actuellement autorisée en cas de viol ou de risque pour la vie de la mère, sous réserve de l’autorisation de l’époux, et demeure préoccupé de ce que les restrictions en vigueur puissent obliger les femmes et les filles qui souhaitent avorter à le faire dans des conditions de risque qui mettent en danger leur vie et leur santé. Le Comité est préoccupé par les taux élevés de grossesses adolescentes et par les informations faisant état de l’absence de services adéquats de santé procréative et d’une éducation sexuelle très limitée. Il est également préoccupé par le fait que, malgré les importants progrès enregistrés, la mortalité maternelle reste encore très élevée, en particulier dans les zones rurales (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26).

33. L ’ État partie devrait :

a) Modifier sa législation afin de garantir l ’ accès légal, sûr et effectif à l ’ interruption volontaire de grossesse lorsque la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est en danger et lorsque la conduite de la grossesse jusqu ’ à son terme pourrait causer une souffrance ou un préjudice grave à la femme ou à la fille enceinte, en particulier dans les cas où la grossesse est le résultat d ’ un viol ou d ’ un inceste ou lorsque la grossesse n ’ est pas viable ;

b) Veiller à ce que les femmes et les filles qui ont recours à l ’ avortement et les médecins qui leur prêtent assistance ne fassent pas l ’ objet de sanctions pénales, étant donné que de telles sanctions contraignent les femmes et les filles à recourir à l ’ avortement non médicalisé ;

c) Garantir le plein accès aux services de santé sexuelle et procréative et à une éducation sexuelle complète pour sensibiliser les hommes, les femmes, les filles et les garçons dans l ’ ensemble du pays, y compris dans les zones rurales et isolées.

Peine de mort

34.Le Comité note qu’aucune exécution n’a eu lieu depuis 2010 et se félicite du moratoire établi par le décret no 426/2014, mais regrette que la législation prévoie encore la peine de mort pour certaines infractions et que cette peine soit encore prononcée par les tribunaux. Le Comité est préoccupé par des informations portées à sa connaissance selon lesquelles toutes les personnes condamnées à la peine de mort dans l’État partie ont été exécutées avant l’adoption du moratoire (art. 6).

35. Conformément à l ’ observation générale n o  36 (2018) sur le droit à la vie, l ’ État partie devrait envisager d ’ abolir officiellement la peine de mort dans la législation et d ’ abroger les dispositions du Code pénal qui prévoient son application. Il doit également prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer le processus de ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Usage excessif de la force et comportement des membres des forces de l’ordre

36.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fourni d’informations sur l’existence de normes spécifiques relatives à l’utilisation de la force et des armes à feu par les forces de l’ordre et les corps de sécurité. Il est également préoccupé par les informations indiquant que les membres des forces de l’ordre font une utilisation excessive de la force et des armes à feu et qu’ils tueraient ou blesseraient les personnes qui ne s’arrêtent pas aux points de contrôle militaires sur le territoire de l’État partie. Bien que l’État partie ait indiqué que les agents de l’État qui outrepassent leurs fonctions font l’objet d’enquêtes et de sanctions, le Comité est préoccupé par les informations indiquant qu’il existe dans l’État partie un climat d’impunité et par le fait que l’État partie n’ait pas fourni de détails sur le nombre effectif d’enquêtes menées, de fonctionnaires démis de leurs fonctions, de jugements et de condamnations, ni sur les ressources allouées au traitement des affaires en question (art. 6, 7, 9, 17 et 21).

37. L ’ État partie devrait adopter des mesures visant à prévenir et éliminer effectivement toutes les formes d ’ utilisation excessive de la force par les membres de la police et des corps de sécurité, et en particulier :

a)  Adopter des lois et politiques appropriées pour contrôler l ’ emploi de la force meurtrière par les membres des forces de l ’ ordre, en application de l ’ observation générale n o 36 du Comité et des Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois ;

b) Intensifier la formation relative aux normes internationales en matière d ’ emploi de la force dispensée aux membres des forces de l ’ ordre et faire mieux connaître ces normes aux juges, aux procureurs et aux avocats ;

c) Établir des procédures qui garantissent une planification adéquate des opérations de maintien de l ’ ordre compte tenu de la nécessité de réduire le risque de perte en vies humaines ;

d) Veiller à ce que tous les cas d ’ utilisation excessive de la force donnent lieu à une enquête indépendante, que les auteurs soient jugés et reçoivent des sanctions proportionnées à la gravité des faits et que les victimes reçoivent pleine réparation.

Interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

38.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les forces de police utiliseraient systématiquement la torture contre les personnes qui refusent de « coopérer », qu’elles soient soupçonnées d’avoir commis des infractions de droit commun ou des infractions politiques, en particulier dans les commissariats. Bien que l’État partie se soit engagé à sanctionner les responsables, ce qu’a confirmé sa délégation, le Comité est préoccupé par les informations faisant état du faible nombre d’enquêtes menées et de condamnations prononcées pour actes de torture et constate avec inquiétude que l’État partie n’a pas fourni de renseignements détaillés à ce sujet. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les allégations de torture ne seraient pas dûment examinées par les autorités compétentes, y compris le pouvoir judiciaire (art. 7 et 10).

39. L ’ État partie devrait mettre fin de toute urgence à la pratique de la torture et des mauvais traitements. Il devrait en particulier :

a) Veiller à ce que toutes les allégations de torture ou de mauvais traitements donnent lieu sans délai à une enquête approfondie et efficace et, s ’ il y a lieu, que les auteurs soient jugés et condamnés à des peines proportionnées à la gravité des faits commis et que les victimes aient accès à des recours utiles et bénéficient de mesures de réadaptation ;

b) Adopter toutes les mesures nécessaires pour prévenir la torture, et en particulier renforcer la formation dispensée aux juges, aux procureurs et aux policiers ainsi qu ’ aux membres de l ’ armée et des forces de sécurité ;

c) Collecter des données précises sur les cas de torture et de mauvais traitements, les poursuites engagées, les verdicts prononcés et les peines imposées, et rendre ces informations publiques ;

d) Établir un mécanisme indépendant chargé d ’ enquêter sur les allégations de torture ou mauvais traitements visant des membres des forces de l ’ ordre.

Conditions de détention

40.Malgré les données fournies par la délégation de l’État partie, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les prisons demeurent surpeuplées et les conditions d’incarcération sont difficiles, en particulier s’agissant de l’accès à la nourriture, à l’hygiène et aux soins de santé. Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles les prisons ne disposent pas de quartiers distincts pour les femmes, les hommes, les mineurs ou permettant de séparer les personnes détenues sous le régime de la détention provisoire et les personnes condamnées. Le Comité se dit préoccupé par l’absence de données statistiques quant au nombre de personnes détenues dans l’État partie et à l’absence d’informations concernant l’existence d’un système centralisé d’enregistrement des détenus précisant le lieu de privation de liberté (art. 7, 9 et 10).

41. L ’ État partie devrait :

a) Appliquer efficacement des mesures pour réduire la surpopulation carcérale, en particulier par la promotion de mesures de substitution à la détention telles que la mise en liberté sous caution ou l ’ assignation à résidence ;

b) Garantir le droit de toutes les personnes privées de liberté à être traitées avec humanité et dignité et veiller à ce que les conditions de détention dans tous les établissements accueillant des personnes privées de liberté soient conformes à l ’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), notamment aux règles concernant l ’ accès aux soins de santé, à l ’ hygiène et à l ’ alimentation ;

c) Prendre les mesures nécessaires pour séparer les détenus selon l ’ âge, le sexe et les motifs de détention ;

d) Tenir un registre officiel centralisé sur lequel sont inscrits les noms des détenus, les lieux de détention, les dates d ’ entrée et de sortie des détenus ainsi que les noms des responsables de la détention, qui soit aisément disponible et accessible à tous les intéressés, notamment aux proches.

Traite des personnes et travail forcé

42.Le Comité prend note des efforts engagés par l’État partie pour lutter contre la traite des personnes, mais il est préoccupé par son importance, en particulier concernant les femmes, les filles et les garçons, à des fins d’exploitation économique et sexuelle. Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des ressources allouées au titre de la protection des victimes de la traite, notamment s’agissant des centres d’accueil et des services juridiques, médicaux et psychologiques. De même, en dépit des déclarations de la délégation de l’État partie, le Comité est préoccupé par les efforts insuffisants engagés pour lutter contre le travail forcé, notamment par la situation des garçons, des filles et des femmes soumis à la servitude domestique (art. 7, 8 et 24).

43. L ’ État partie devrait :

a) Appliquer la législation de lutte contre la traite des personnes par la conduite d ’ enquêtes qui tiennent compte du sexe et de l ’ âge des victimes et en veillant à ce que les auteurs, y compris les fonctionnaires publics qui seraient complices de traite, soient poursuivis et condamnés à des peines adéquates ;

b) Former les membres des forces de l ’ ordre aux normes concernant l ’ identification précoce des victimes de la traite et leur orientation vers des services appropriés d ’ assistance et de réadaptation ;

c) Affecter des ressources suffisantes à la création de centres d ’ accueil facilement accessibles dans toutes les provinces du pays et à la fourniture d ’ une assistance juridique, médicale et psychosociale adéquate dans ces centres ;

d) Prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer le travail forcé et toutes les formes de travail des enfants, en particulier dans le secteur domestique.

Détention arbitraire et détention provisoire

44.Le Comité est préoccupé par les allégations d’arrestation et de détention arbitraires pendant plus de quarante-huit heures sans inculpation, ainsi que par la détention au secret et l’usage de la détention comme méthode d’intimidation. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des personnes ont été détenues pendant de longues périodes sans garanties juridiques, parmi lesquelles la comparution devant un juge, l’accès à un avocat et le droit d’informer sa famille. Le Comité est également préoccupé par le grand nombre de personnes se trouvant en détention provisoire et par l’absence d’informations claires quant à la durée maximale de la détention provisoire (art. 9, 10 et 14).

45. Le Comité encourage l ’ État partie à  :

a) P rendre les mesures voulues pour qu ’ aucune personne relevant de sa juridiction ne fasse l ’ objet d ’ une arrestation ou d ’ une détention arbitraires ni d ’ une détention au secret, conformément aux dispositions pertinentes du Pacte ;

b) V eiller à ce que tous les cas d ’ arrestation arbitraire donnent lieu à une enquête, à des sanctions disciplinaires et/ou à des poursuites judiciaires contre leurs auteurs ;

c) G arantir que les détenus bénéficient de toutes les garanties légales, conformément aux articles 9 et 14 du Pacte ;

d)  R evoir sa législation dans le but de limiter la durée de la détention provisoire conformément aux critères établis à l ’ article 9 du Pacte et en tenant compte de l ’ observation générale n o 35 (2014) sur la liberté et sécurité de la personne (art. 37) ;

e) Prendre toutes les mesures visant à garantir que les juges n ’ aient recours à la détention provisoire qu ’ à titre exceptionnel et développer de préférence les mesures de substitution non privatives de liberté.

Liberté de circulation

46.Le Comité est préoccupé par les restrictions disproportionnées imposées dans l’État partie au droit à la liberté de circulation, et en particulier par le grand nombre de postes de sécurité mis en place sur le territoire. Malgré l’explication fournie par la délégation de l’État partie, il s’inquiète des allégations faisant état de restrictions arbitraires imposées à la liberté de circulation de certaines personnes, en particulier des membres de la société civile et de partis politiques d’opposition. Il est également préoccupé par le fait que, selon les informations fournies par la délégation de l’État partie, les membres des partis d’opposition doivent informer les autorités locales de leurs déplacements sur le territoire national (art. 12).

47.L ’ État partie devrait garantir la liberté de circulation en supprimant toutes les restrictions incompatibles avec l ’ article 12 du Pacte, en application de l ’ observation générale n o 27 (1999) sur la liberté de circulation. Il devrait faire en sorte que toute personne se trouvant légalement sur son territoire ait le droit d ’ y circuler librement, sans exigence de notification préalable et indépendamment de l ’ affiliation politique ou de tout autre motif. 

Indépendance du pouvoir judiciaire et administration de la justice

48.Le Comité est préoccupé par le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, en particulier l’absence de procédure transparente de nomination et de révocation des juges et procureurs, et par le fait que nombre de ces derniers n’ont pas de formation juridique adéquate. Il constate avec inquiétude que le pouvoir exécutif joue un rôle important dans l’organisation du pouvoir judiciaire. Le Comité prend note de l’explication de la délégation, mais s’inquiète des allégations de jugement de civils par des tribunaux militaires (art. 14).

49. L ’ État partie devrait poursuivre ses efforts visant à réformer le système de justice et veiller à ce que toutes les procédures judiciaires se déroulent dans le plein respect des garanties d ’ une procédure régulière stipulées à l ’ article 14 du Pacte. Il devrait en particulier :

a) Garantir la sécurité de fonction et l ’ indépendance des magistrats ainsi que l ’ autonomie des procureurs, en protégeant le fonctionnement du pouvoir judiciaire de toute ingérence ;

b) Intensifier ses efforts pour éliminer la corruption du pouvoir judiciaire, en particulier en jugeant et sanctionnant les auteurs de faits de cette nature, y compris les juges et les procureurs qui s ’ en rendent complices ;

c) Faire en sorte que les magistrats et les procureurs soient nommés de manière indépendante, sur la base de critères objectifs et transparents qui permettent d ’ évaluer les qualités des candidats, eu égard aux exigences d ’ aptitude, de compétence et de respectabilité ;

d) Garantir que les tribunaux militaires jugent uniquement des affaires concernant des militaires, comme le prévoit la législation nationale.

Droit au respect de la vie privée et surveillance

50.Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie. Il est toutefois préoccupé par les informations selon lesquelles des activistes de la société civile, des membres de l’opposition, des journalistes et des diplomates étrangers feraient l’objet de surveillance téléphonique et Internet (art. 17).

51.L ’ État partie devrait faire en sorte que : a) tous les types d ’ activités de surveillance et d ’ immixtion dans la vie privée, dont la surveillance en ligne aux fins de la sécurité de l ’ État, soient régis par une législation appropriée pleinement conforme au Pacte, en particulier à son article 17, et notamment aux principes de légalité, de proportionnalité et de nécessité, en veillant à ce que la pratique de l ’ État s ’ y conforme ; b) la surveillance et l ’ interception soient subordonnées à une autorisation judiciaire ainsi qu ’ à des mécanismes de contrôle efficaces et indépendants ; c) les personnes touchées aient un accès approprié à des recours effectifs en cas d ’ abus.

Liberté d’expression et protection des journalistes

52.Le Comité s’inquiète des sévères restrictions imposées à la liberté d’expression dans l’État partie, en particulier en application de la loi no 6/1997 portant réglementation de la presse, de l’édition et des médias audiovisuels. Il est préoccupé par :

a)Les informations indiquant que les médias sont contrôlés en grande partie par des partis politiques proches du Gouvernement et que les médias indépendants ont du mal à publier en raison du manque de fonds, d’infrastructure et de matériel d’impression ;

b)Les allégations de harcèlement et de persécution de journalistes ainsi que de confiscation ou blocage de publications ;

c)Les allégations selon lesquelles des visas seraient encore refusés à des journalistes étrangers tandis que les journalistes qui obtiennent un visa seraient soumis à une censure et un contrôle stricts lorsqu’ils travaillent dans l’État partie ;

d)Les allégations de blocage répété des sites Web de l’opposition et des réseaux sociaux, en particulier à l’occasion d’événements politiques comme les élections de 2017 (art. 2, 7, 14 et 19).

53.  À la lumière de l ’ observation générale n o 34 (2011) sur la liberté d ’ opinion et la liberté d ’ expression, l ’ État partie devrait :

a) Veiller à ce que toutes les dispositions de sa législation soient conformes à l ’ article 19 du Pacte ;

b) Revoir toutes les restrictions imposées aux activités de la presse et des autres médias pour s ’ assurer qu ’ elles soient strictement conformes aux dispositions du paragraphe 3 de l ’ article 19 du Pacte ;

c) Protéger les journalistes et les médias contre toute forme d ’ ingérence indue, de harcèlement et d ’ agression, faire procéder sans délai à une enquête sur tous les actes de ce type et traduire les responsables en justice.

Liberté de réunion pacifique

54.Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie réglemente le droit de réunion pacifique d’une manière qui porte atteinte à l’exercice de ce droit. Il est particulièrement préoccupé par : a) les pouvoirs étendus de l’État de suspendre les réunions ; b) les conditions strictes d’octroi d’autorisations et la rareté avec laquelle des autorisations sont accordées à des manifestations de personnes qui ne sont pas directement affiliées au Gouvernement ; et c) les restrictions imposées quant à l’objet des manifestations. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les forces de l’ordre menaceraient les organisateurs et les manifestants et feraient usage de la violence à leur encontre (art. 7, 9, 10, 14, 21 et 25).

55. L ’ État partie devrait réviser ses lois, ses réglementations et ses pratiques en vue de garantir pleinement, en droit et dans la pratique, la jouissance du droit à la liberté de réunion et veiller à ce que toute restriction du droit à la liberté de réunion, telle que l ’ application de sanctions administratives ou pénales aux personnes qui exercent ce droit, respecte les prescriptions strictes de l ’ article 21 du Pacte. Il devrait ouvrir sans délai des enquêtes efficaces sur toutes les affaires concernant l ’ usage excessif de la force par les membres des forces de l ’ ordre, prendre les mesures administratives nécessaires et traduire les responsables en justice.

Liberté d’association

56.Le Comité est préoccupé par les règles restrictives et disproportionnées d’enregistrement des associations civiles. Il est notamment préoccupé par le coût élevé du processus d’enregistrement et du manque de transparence des décisions à cet égard. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme dans l’État partie sont harcelés et fréquemment arrêtés. En particulier, le Comité prend note des allégations selon lesquelles, en octobre 2018, le militant des droits de l’homme Alfredo Okenve, du Centre d’études et d’initiatives pour le développement, aurait été frappé par les forces de l’ordre (art. 7, 9 et 22).

57. L ’ État partie devrait :

a) Adopter et mettre en œuvre sans tarder des mesures effectives pour protéger les organisations de la société civile, en particulier les défenseurs des droits de l ’ homme, et leur permettre de se faire enregistrer et de mener leurs activités librement et sans crainte de faire l ’ objet ou d ’ être menacées de harcèlement, de violence ou d ’ intimidation, et veiller à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice ;

b) Collaborer avec les organisations de la société civile pour l ’ élaboration, l ’ application et le suivi de politiques, programmes et mesures visant à promouvoir les droits civils et politiques, ainsi que pour la préparation des rapports au Comité.

Participation à la conduite des affaires publiques

58.Malgré les informations fournies par l’État partie, le Comité demeure préoccupé (CCPR/CO/79/GNQ, par. 12) par les allégations de persécution, d’intimidation, de harcèlement et de détention dont seraient victimes des candidats de l’opposition. Il s’inquiète également des informations indiquant que le système politique de l’État partie limite le pluralisme politique. Il est en particulier préoccupé par le fait que les partis de l’opposition disposent d’un temps de présence dans les médias inférieur à celui alloué au Parti démocratique de Guinée équatoriale, en particulier pendant les élections, et par les informations selon lesquelles le parti aurait bénéficié d’un financement public pour les élections de 2017 tandis que les partis de l’opposition ne pouvaient compter que sur leurs propres fonds (art. 7, 10 et 25).

59. L ’ État partie devrait veiller à ce que ses règlements et pratiques en matière électorale soient pleinement conformes au Pacte, en particulier à l ’ article 25, et garantir notamment : a) la jouissance pleine et effective des droits par toutes les personnes, y compris les candidats de l ’ opposition ; b) des élections nationales qui permettent le pluralisme politique, assorties de règles qui garantissent l ’ égalité de traitement entre les partis politiques tout au long du processus électoral.

D.Diffusion et suivi

60. L ’ État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, des réponses écrites à la liste de s points établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu ’ auprès du grand public, y compris des membres des communautés minoritaires, pour faire mieux connaître les droits consacrés par le Pacte.

61. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 75 du r èglement intérieur du Comité, il est demandé à l ’ État partie de faire parvenir, le 26 juillet 2021 au plus tard, des renseignements sur la suite qu ’ il aura donnée aux recommandations faites par le Comité aux paragraphes 19 (lutte contre la corruption et gestion des ressources naturelles), 21 (état d ’ exception) et 39 (interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) ci-dessus.

62.Le Comité demande à l ’ État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 26 juillet 2025 au plus tard et d ’ y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la suite qu ’ il aura donnée aux autres recommandations formulées dans les présentes observations finales et sur l ’ application du Pacte dans son ensemble. Il demande également à l ’ État partie, lorsqu ’ il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l ’ Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le Comité encourage tous les États à suivre la procédure simplifiée d ’ établissement des rapports. Si l ’ État souhaite suivre la procédure simplifiée de présentation des rapports pour son prochain dialogue, il lui est demandé d ’ en informer le Comité dans un délai d ’ un an à compter de la date de réception des présentes observations finales. L es réponses de l ’ État partie à la liste de points établie par le Comité au titre de la procédure simplifiée d ’ établissement des rapports constitueront son prochain rapport périodique devant être soumis en application de l ’ article 40 du Pacte.