C ommunication présentée par:

Maïmouna Sankhé (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

30 décembre 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Transmises à l’État partie le 10 février 2011 (non publiées sous forme de document)

Date de l ’ adoption de la présente décision:

11 octobre 2013

Annexe

Décision du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes en vertudu Protocole facultatif à la Convention sur l’éliminationde toutes les formes de discrimination à l’égarddes femmes (cinquante-sixième session)

* Ont participé à l ’ examen de la présente communication les membres du Comité suivants  : Ayse Acar, Noor Al-Jehani, Olinda Bareiro-Bobadilla, Náela Gabr, Hilary Gbedemah, Nahla Haidar, Yoko Hayashi, Dalia Leinarte, Violeta Neubauer, Theodora Nwankwo, Pramila Patten, Maria Helena Pires, Biancamaria Pomeranzi, Patri cia Schulz, Dubravka Šimonović et Xiaoqiao Zou .

Communication no29/2011, Maïmouna Sankhé c. Espagne*

Présentée par:

Maïmouna Sankhé (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

30 décembre 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Transmises à l’État partie le 10 février 2011(non publiées sous forme de document)

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, créé par l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 11 octobre 2013,

Adopte ce qui suit :

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication, Maïmouna Sankhé, de nationalité sénégalaise, affirme être victime de violations, par l’Espagne, des articles 1er, 2 a) à g), 3, 6, 9 1), 10 a), 11 1) a) et d) et 2) c), 15 1) et 2) et 16 1) c), d) et f) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur pour l’État partie le 4 février 1984 et le 6 octobre 2001, respectivement. L’auteur n’est pas représentée par un conseil.

1.2Conformément à l’article 69 de son règlement intérieur, le Comité a porté la communication à l’attention de l’État partie par une note verbale datée du 10 février 2011. Dans le même temps, il a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteur vers le Sénégal, dans l’attente de l’examen de son cas par le Comité, conformément à l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 du règlement intérieur. Le 7 mars 2011, l’État partie a fait savoir au Comité qu’aucune procédure d’expulsion n’avait été engagée contre l’auteur.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1De nationalité sénégalaise, l’auteur est arrivée en Espagne en 2000 pour y poursuivre des études supérieures. De 2000 à 2005, elle avait un visa d’étudiant.

2.2L’auteur affirme qu’en 2001 elle a épousé S. A. A., citoyen nigérian résident permanent et titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée en Espagne. Toutefois, d’après le registre d’état civil de Cubas de la Sagra, un mariage civil a été célébré le 2 septembre 2003. L’auteur a deux fils, nés le 8 septembre 2003 et le 26 octobre 2009. Le premier est de nationalité espagnole et le second a le statut de résident permanent en Espagne.

2.3Le 30 septembre 2005, le Délégué du Gouvernement à Valence a octroyé à l’auteur, qui détenait un contrat de travail dans l’entreprise de son conjoint, un permis de séjour temporaire et de travail au titre d’une relation de travail (arraigo laboral), dans le cadre du processus de normalisation prévu par la troisième disposition transitoire du décret royal 2393/2004, règlement d’application de la loi sur les étrangers. Le 30 novembre 2006, l’auteur a obtenu le renouvellement de ce permis pour une durée de deux ans. Le 15 août 2008, l’auteur a signé un nouveau contrat de travail à temps partiel avec la société SeproTec Traduction et interprétation S. L.

2.4Le 28 octobre 2008, l’auteur a déposé une demande de renouvellement de son permis temporaire de séjour et de travail auprès du Délégué du Gouvernement à Madrid. Elle a présenté à l’appui de sa demande un certificat de travail pour les périodes suivantes : du 2 décembre 2005 au 31 mars 2006; du 1er avril 2006 au 30 juin 2006; du 24 juin 2006 au 7 septembre 2006 et à compter du 15 août 2008. Le 15 janvier 2009, sa demande a été rejetée, l’auteur n’ayant pas prouvé qu’elle exerçait une activité professionnelle plus de six mois par an comme l’exigent les paragraphes 3 et 4 de l’article 54 du règlement d’application de la loi sur les étrangers (décret royal 2393/2004). L’auteur a été informée du fait qu’elle disposait d’un délai de trois mois pour demander un nouveau permis de séjour non assorti d’un permis de travail, ou tout autre permis de séjour pour raisons exceptionnelles, notamment au titre de liens familiaux.

2.5Le 16 février 2009, l’auteur a engagé une procédure de recours administratif auprès du Ministère du travail et de l’immigration. Elle a affirmé que, quoique n’étant pas en mesure d’apporter les preuves de l’exercice d’une activité professionnelle pendant plus de six mois par an, elle respectait l’ensemble des conditions établies au paragraphe 4 de l’article 54 du décret royal 2393/2004. La décision de rejeter sa demande de permis temporaire de séjour et de travail ne tenait pas compte des circonstances de force majeure qui avaient affecté son activité professionnelle, méconnaissait arbitrairement sa situation professionnelle et familiale et portait atteinte au droit et au devoir de soins et de protection qu’ont les parents à l’égard de leurs enfants mineurs. L’auteur soutient que, dans sa décision, le Délégué a ignoré le principe de l’égalité des droits et devoirs du père et de la mère, consacré par le Code civil de l’État partie, et que cette décision entraîne « une inégalité de devoirs entre les parents » (sic).

2.6Le 19 mai 2009, l’auteur a déposé devant le tribunal administratif un recours contentieux dans lequel elle affirmait être victime d’une violation du droit à l’égalité reconnu par l’article 14 de la Constitution de l’État partie. Elle a indiqué qu’elle avait un contrat de travail en vigueur mais que, sa demande de renouvellement de permis temporaire de séjour et de travail ayant été rejetée, elle ne pouvait pas continuer à offrir ses services à l’entreprise qui l’employait. La décision de refus du renouvellement du permis de séjour et de travail ne tenait pas compte de la souplesse envisagée par les articles 39 et 40 de la loi sur les étrangers à l’égard des étrangers ayant à charge des ascendants ou des descendants de nationalité espagnole. Par conséquent, ladite décision contrevenait à la loi et consacrait une inégalité de traitement entre l’auteur, ressortissante étrangère ayant à charge des enfants mineurs, et les citoyens espagnols dans la même situation. Toutefois, les articles de la loi sur les étrangers auxquels l’auteur renvoie, en vigueur au moment du dépôt de la plainte et du recours contentieux devant le tribunal administratif, définissent le cadre dans lequel l’État partie établit sa politique migratoire en tenant compte du marché du travail et les exceptions prévues à l’article 40 ne font pas référence aux normes applicables au renouvellement du permis de travail pour les travailleurs indépendants.

2.7En réponse à une demande présentée par l’auteur, le 2 juillet 2009, le bureau du Défenseur du peuple a fait savoir à celle-ci que les informations fournies semblaient indiquer que sa situation ne correspondait à aucun des cas prévus par le règlement d’application de la loi sur les étrangers donnant droit au renouvellement des permis temporaires de travail et de séjour. Cependant, il a indiqué que la loi sur les étrangers prévoyait, en son article 31 3), que l’Administration pouvait accorder d’office un permis de séjour temporaire pour motifs tirés de liens familiaux, de considérations d’ordre humanitaire, d’une coopération de l’intéressé avec la justice ou dans toutes autres circonstances exceptionnelles prévues par la loi. Dans ces cas, aucun visa ne serait exigible. Le bureau du Défenseur du peuple a également fait savoir que, conformément à l’article 45 du règlement d’application, toute demande de permis de séjour temporaire pour motifs tirés de liens familiaux devait être fondée sur les éléments suivants : a) séjour continu en Espagne pendant une période d’au moins trois ans; b) absence de casier judiciaire en Espagne et dans le pays d’origine; c) possession à la date de la demande d’un contrat de travail d’une durée d’au moins un an; d) existence de liens familiaux avec d’autres étrangers ayant le statut de résident ou intégration sociale attestée par la mairie du lieu de résidence.

2.8Le 28 août 2009, le Procureur du Tribunal supérieur de justice de la Communauté de Madrid est intervenu au procès en vertu des articles 114 et 119 de la loi 29/1998, étant donné qu’il s’agissait d’une procédure spéciale visant à protéger des droits fondamentaux. Au sujet du grief de l’auteur qui affirme ne pas avoir bénéficié de l’égalité de traitement par rapport aux femmes de nationalité espagnole mères d’un enfant espagnol, le Procureur a soutenu que la comparaison établie par l’auteur était valide et que ce droit à l’égalité devant la loi reposait sur le fait que, dans les deux cas, il s’agissait de personnes ayant à charge des citoyens espagnols qui étaient mineurs et qui devaient jouir des mêmes droits. Le fait de refuser à l’auteur un permis de travail constituait une violation de son droit fondamental à l’égalité devant la loi. Le Procureur a conclu que le Tribunal devait examiner la demande, étant donné qu’elle faisait apparaître une violation du droit à l’égalité devant la loi consacré à l’article 14 de la Constitution de l’État partie.

2.9Le 3 septembre 2009, le tribunal administratif no22 a rejeté la demande de l’auteur. S’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal constitutionnel relative au droit à l’égalité devant la loi, le tribunal administratif a établi que « l’appelante, en tant que ressortissante étrangère, ne jouit pas d’un statut juridique identique à celui des citoyens espagnols, dont le statut au regard du droit à résider et à travailler sur le territoire espagnol est pris comme élément de comparaison. Les ressortissants étrangers ne jouissent pas des mêmes droits que les citoyens espagnols; leur statut n’est assimilable à celui des citoyens espagnols ni au regard de la Constitution ni au regard du droit ordinaire ».

2.10Le 18 septembre 2009, l’auteur a interjeté appel, en réitérant ses arguments et en affirmant que le tribunal administratif avait violé son droit à une protection juridictionnelle effective en rejetant sa demande sans en apprécier correctement les prétentions ni tenir compte de l’avis rendu par le Procureur du Tribunal supérieur de justice de la Communauté de Madrid. Elle a aussi fait valoir que le tribunal administratif lui avait refusé le permis de travail, mais pas le permis de séjour, car il découlait de la décision contestée qu’elle devait demander un permis à un autre titre que professionnel, notamment celui des liens familiaux. L’auteur a aussi fait observer que, dans sa demande, elle n’établissait pas une comparaison absolue mais une comparaison sur le fond, étant donné que les prescriptions établies à l’article 40 de la loi sur les étrangers ne s’appliquaient pas aux mères de nationalité espagnole, alors même que dans les deux cas il s’agissait de mères jouissant de l’autorité parentale sur un citoyen espagnol mineur.

2.11Parallèlement, le 4 mars 2010, le Ministère du travail et de l’immigration a rejeté le recours administratif interjeté par l’auteur le 16 février 2009, estimant que l’auteur n’avait pas démontré qu’elle exerçait une activité professionnelle pendant la période comprise entre le 7 septembre 2006 et le 15 août 2008 et ne remplissait donc pas les conditions établies au paragraphe 4 de l’article 54 du règlement d’application de la loi sur les étrangers.

2.12Le 13 juillet 2010, le Tribunal supérieur de justice de Madrid a rejeté le recours en appel et condamné l’auteur aux dépens. S’agissant des griefs de l’auteur qui affirme que le traitement inégal dont elle est victime porte atteinte à son droit au travail et non à son droit de séjour, le Tribunal a rejeté le grief de discrimination, en affirmant que :

« Pour pouvoir travailler en Espagne, les ressortissants étrangers, comme l’appelante, doivent obtenir une autorisation administrative préalable dont l’octroi est soumis à conditions, tandis que, pour leur part, les ressortissants espagnols peuvent travailler sans devoir obtenir au préalable une quelconque autorisation administrative. Dès lors, on ne saurait ajouter au refus d’accorder une telle autorisation administrative au motif que les conditions requises par la loi ne sont pas réunies − fait qui n’est pas contesté par l’appelante − la violation du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi en prenant comme élément de comparaison la situation des citoyens espagnols, puisque ces derniers n’ont besoin d’aucune autorisation administrative pour travailler. La loi a ainsi établi un traitement différent pour les citoyens espagnols et pour les ressortissants étrangers en ce qui concerne le droit au travail, différenciation qui est légitime constitutionnellement d’après les explications qui précèdent, ce qui interdit en l’espèce d’exiger un traitement égal des citoyens espagnols et des ressortissants étrangers.

En outre, dans ce cas précis, l’appelante ne s’est pas vu refuser de façon absolue la possibilité de travailler en Espagne, puisque la décision contestée par l’appelante lui indique d’autres voies pour ce faire, en obtenant un permis de séjour au titre de l’existence de liens familiaux (art. 31, par. 3, de la loi organique 4/2000), qui va de pair avec une autorisation de travailler en Espagne (par. 7 de l’article 45 du décret royal 2393/2004). Par conséquent, la décision contestée ne prive pas l’appelante du droit au travail, mais lui interdit seulement d’obtenir un permis de travail par la voie concrète qu’elle a choisie, […]; la décision elle-même indique d’autres voies lui permettant d’obtenir un permis de travail, compte tenu de sa situation familiale et de son statut d’épouse d’un étranger ayant le statut juridique de résident et titulaire d’un permis de séjour permanent, père de son enfant de nationalité espagnole, du fait qu’elle a déjà été titulaire d’un permis de séjour et de travail et a donc déjà exercé une activité professionnelle, qu’elle a actuellement un nouveau contrat de travail, etc.».

2.13Le 21 septembre 2010, l’auteur a engagé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel, au motif qu’il y avait violation de son droit à une protection juridictionnelle effective et de son droit à l’égalité devant la loi. L’auteur a demandé à être autorisée à se représenter elle-même en justice, étant donné que ses revenus étaient supérieurs au plafond fixé par la loi pour avoir droit à un avocat d’office, ou à bénéficier des services d’un avoué et d’un avocat commis d’office dans l’intérêt de la justice. L’auteur a réaffirmé ses arguments, à savoir qu’elle avait un nouveau contrat de travail et était mère d’un enfant mineur de nationalité espagnole et épouse d’un étranger détenteur d’un permis permanent de séjour et de travail, et qu’elle était donc délibérément privée d’un droit inscrit dans la loi sur les étrangers.

2.14Le 29 septembre 2010, le Tribunal constitutionnel a demandé à l’ordre des avocats de Madrid de désigner un avocat ou un avoué d’office pour représenter l’auteur. Cependant, aussi bien l’ordre des avocats que la Commission centrale de l’aide juridictionnelle du Ministère de la justice ont rejeté la demande d’aide juridictionnelle, au motif que les revenus familiaux de l’auteur, calculés annuellement toutes sources confondues et par ménage, dépassaient le double du salaire minimum interprofessionnel fixé par l’article 3 de la loi 1/1996.

2.15Le 1er décembre 2010, l’auteur a informé le Tribunal constitutionnel du refus opposé par l’ordre des avocats de Madrid et demandé que son droit à l’aide juridictionnelle soit reconnu. Elle a affirmé qu’elle avait assumé les frais liés à sa représentation lors des procédures antérieures, mais qu’elle n’avait pas les moyens de continuer à payer ce service. De même, pour éviter tout préjudice susceptible de remettre en cause la finalité de l’amparo, elle a également demandé que soient prises les mesures conservatoires suivantes : que l’on envisage de proroger son permis de séjour et de travail jusqu’à ce que l’on ait statué sur sa demande; qu’on lui accorde une autorisation de sortie du territoire espagnol et de réentrée; et qu’on lui applique les règles relatives à la déduction de l’impôt sur le revenu sans discrimination aucune. Elle a affirmé que son droit à la libre circulation avait été restreint dans la pratique, étant donné qu’à plusieurs occasions le Service de l’immigration lui avait refusé la possibilité d’obtenir une autorisation de sortie du territoire espagnol et de réentrée, étant donné que, dans la base de données la concernant, elle était considérée comme migrante « illégale » depuis le 15 janvier

2009, raison pour laquelle, par exemple, elle n’avait pu assister aux funérailles de sa mère. L’administration fiscale ne lui permettait pas non plus de faire les déductions appropriées dans sa déclaration d’impôt sur le revenu pour l’année 2009.

2.16L’auteur affirme que, le 3 décembre 2010, le Tribunal constitutionnel lui a fait savoir qu’elle disposait d’un délai de 10 jours pour se présenter avec le ministère obligatoire d’un conseil, à défaut de quoi la procédure serait close et la demande classée. Le 13 décembre 2010, l’auteur a contesté la décision de rejet de la demande d’aide juridictionnelle devant la Commission centrale, affirmant que, bien que les revenus familiaux dépassent le montant maximal établi par la loi pour pouvoir demander une telle aide, ces revenus suffisaient à peine à couvrir les dépenses familiales quotidiennes, raison pour laquelle elle sollicitait la reconnaissance exceptionnelle du droit à l’aide juridictionnelle.

2.17Le 21 septembre 2010, le conjoint de l’auteur s’est présenté à l’Office des étrangers de Leganés (Madrid) pour y déposer une demande de regroupement familial en faveur de l’auteur. La demande a été rejetée par un fonctionnaire de l’Office au motif que la personne concernée se trouvait en Espagne et qu’une telle demande n’était recevable que lorsque le membre de la famille absent se trouvait à l’étranger. L’auteur considère que cette décision n’est pas conforme aux dispositions de la Convention. Elle affirme que la condition en question ne s’applique ni aux conjoints de citoyens espagnols d’origine étrangère, ni aux conjoints d’étrangers résidant dans un autre pays de l’Union européenne. Elle soutient qu’elle remplit les conditions requises par la loi pour prétendre au regroupement familial, mais que l’État partie lui a imposé une condition plus sévère qu’aux autres étrangers se trouvant dans sa situation.

2.18L’auteur déclare qu’elle a épuisé tous les recours internes disponibles et que la décision du Tribunal constitutionnel en date du 3 décembre 2010, qui classe sans suite le recours en amparo, est définitive.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur considère que les faits susmentionnés constituent une violation des articles 1, 2 a) à g), 3, 6, 9 1), 10 a), 11 1) a) et d), 11 2) c), 15 1) et 2) et 16 1) c), d) et f) de la Convention.

3.2Le rejet de la demande de permis de travail, au seul motif que l’auteur n’avait pas travaillé six mois par an au cours de la période allant de septembre 2006 à août 2008, constitue une inégalité de traitement entre l’auteur et d’autres personnes dans la même situation, à savoir des personnes ayant à charge un enfant mineur de nationalité espagnole, vis-à-vis duquel elles ont un devoir de protection et de soins. Il porte atteinte aux droits de la famille et en particulier au droit des enfants de l’auteur auxquels elle doit prêter assistance tant qu’ils sont mineurs. Le Code civil de l’État partie tout comme le préambule de la Convention établissent l’égalité des devoirs et des droits de la mère et du père; toutefois, le fait que la demande de permis de travail de la mère a été rejetée a entraîné une inégalité de devoirs entre les parents.

3.3La loi organique 4/2000 établit deux circonstances exceptionnelles pour l’obtention d’un permis de travail : la femme est l’épouse d’un étranger titulaire d’un permis permanent de séjour et de travail et elle a un enfant mineur de nationalité espagnole à charge. C’est le cas de l’auteur. Le rejet de la demande de renouvellement de permis de travail temporaire présentée par l’auteur est donc une décision arbitraire et contraire à la loi.

3.4Le rejet de sa demande de renouvellement du permis temporaire de séjour et de travail ne laisse à l’auteur qu’une seule option, celle de demander un permis de séjour au titre de l’existence de liens familiaux, solution qui impliquerait qu’elle quitte son travail et sa famille et rentre dans son pays d’origine pour y obtenir un extrait de casier judiciaire, l’ambassade de son pays d’origine en Espagne n’ayant pas de fonctionnaire ou de service susceptible de l’aider dans ces démarches, ce qui est difficilement envisageable puisque l’auteur est actuellement enceinte et qu’il s’agit d’une grossesse à haut risque. Le fait de contraindre l’auteur à abandonner son travail et à quitter volontairement le pays est une décision injuste et antisociale qui porte atteinte à l’unité familiale et au droit des enfants de l’auteur. De plus, l’auteur affirme que le rejet de la demande de renouvellement du permis temporaire de travail et l’interdiction de demander un nouveau permis de travail lui ont causé de nombreux préjudices. La décision de rejet constitue un grave obstacle à l’obtention d’un permis de résidence permanente ou de la nationalité espagnole, le demandeur étant tenu de prouver qu’il réside de manière continue et ininterrompue en Espagne depuis cinq ou 10 ans, respectivement. La demande de renouvellement ayant été rejetée, les quatre années de résidence continue déjà écoulées ne seront pas prises en considération à ces fins. Par ailleurs, les autres possibilités proposées par les autorités, notamment la présentation d’une demande de permis de séjour au titre de l’existence de liens familiaux, feraient courir à l’auteur le risque de se retrouver en situation irrégulière si les autorités ne répondaient pas à sa demande dans le délai prévu de trois mois alors que le recours en appel de la décision de refus de renouvellement du permis de résidence et de travail lui permettrait de rester dans l’État partie, de travailler, de maintenir l’unité de sa famille et de terminer son doctorat dans des conditions de sécurité.

3.5L’auteur affirme que le fait de lui refuser de pouvoir se présenter devant le Tribunal constitutionnel sans être assistée d’un conseil est discriminatoire, étant donné qu’elle n’a pas les moyens de s’assurer les services d’un avocat et qu’elle n’a pas droit à l’aide juridictionnelle. Ses revenus dépassaient le montant maximal fixé par la loi pour avoir droit à l’aide juridictionnelle, mais ils ont baissé sensiblement en 2010 et 2011; l’administration judiciaire ayant tardé plus d’un an et demi à accéder à sa demande d’aide juridictionnelle, rendant ainsi sa demande de protection inefficace, l’État partie aurait dû lui concéder, à titre exceptionnel, l’aide sollicitée en vertu de l’article 5 de la loi 1/1996.

3.6L’auteur demande au Comité de prier l’État partie de modifier toutes les lois qui, de façon directe ou indirecte, ont entraîné des violations des dispositions de la Convention, en particulier les mesures arbitraires, dégradantes et discriminatoires qu’elle et sa famille ont dû subir du fait des actes et des manquements de l’État partie. Elle réclame une indemnisation de 20 000 euros au titre des préjudices psychologiques et financiers que ces violations lui ont causés.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note verbale datée du 14 mars 2011, l’État partie affirme que la communication est irrecevable en vertu des articles 4 1) et 4 2) c) du Protocole facultatif à la Convention, étant donné que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes et que ses griefs ne sont pas étayés.

4.2Après avoir reçu la communication de la Commission centrale, datée du 29 novembre 2010, annonçant que le bénéfice de l’aide juridictionnelle avait été refusé à l’auteur, le 3 décembre 2010 le Tribunal constitutionnel a rendu un jugement accordant à l’auteur un délai de 10 jours pour se présenter avec le ministère obligatoire d’un conseil et indiquant que, dans le cas contraire, la procédure serait close et le dossier classé. Cependant, le 9 décembre 2010, l’auteur a fait appel de la décision de la Commission centrale. En conséquence, le 3 janvier 2011, le Tribunal constitutionnel a rendu un nouveau jugement prescrivant le classement provisoire de la procédure, jusqu’à ce que l’on ait statué sur le recours.

4.3En conséquence, l’État partie affirme que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes, étant donné que le Tribunal constitutionnel n’a pas statué sur le fond de l’affaire.

4.4La plainte n’est pas suffisamment étayée, l’auteur s’en tenant à des généralités pour affirmer que son droit a été violé. En outre, cette plainte constitue un abus du droit de présenter des communications, étant donné qu’elle ne dénonce pas une violation concrète mais remet en cause de façon abstraite le système juridique dans son ensemble.

4.5L’État espagnol peut légitimement prendre une mesure administrative de refus d’un permis temporaire de séjour et de travail en application de sa politique nationale relative aux étrangers; cela inclut l’établissement de critères et conditions que les étrangers doivent remplir pour entrer sur le territoire national et y séjourner et cela est conforme aux traités internationaux auxquels il a souscrit. La Constitution ne reconnaît pas aux étrangers le droit d’entrer sur le territoire national et d’y résider. Elle ne reconnaît pas non plus le droit fondamental au regroupement familial; toutefois, la législation relative aux droits des étrangers a évolué et reconnaît désormais le droit des étrangers au regroupement familial à condition que soient respectées les prescriptions prévues par la loi.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 28 avril 2011, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité.

5.2L’auteur fait valoir que l’État partie n’a pas expliqué en détail les recours effectifs dont elle dispose en l’espèce.

5.3L’auteur affirme que le Tribunal constitutionnel s’est hâté de classer définitivement le recours en amparo, par sa décision du 3 décembre 2010, en s’appuyant sur une décision de la Commission centrale qui n’était pas définitive et qui, à juste titre, a été contestée par l’intéressée. Cette décision a eu pour conséquence de vider de son sens dans la pratique la procédure d’amparo et de la priver d’effet, d’autant plus que le Tribunal constitutionnel « n’a pas réagi à la demande de mesure conservatoire ».

5.4Le 17 décembre 2010, l’appel a été transmis au Tribunal constitutionnel. Bien que l’auteur affirme que le Tribunal constitutionnel était compétent pour statuer sur ce recours, le Tribunal a refusé, sans justification, de connaître de l’affaire.

5.5Le 14 février 2011, le Tribunal constitutionnel a déclaré qu’il n’était pas compétent pour examiner le recours formé par l’auteur et a indiqué qu’il revenait aux organes de la juridiction administrative de statuer.

5.6Le dossier a été transféré à un tribunal administratif. L’auteur a déclaré que ce nouveau tribunal n’était pas compétent non plus pour statuer sur le recours et, lorsqu’elle a soumis ses commentaires au Comité, a fait valoir à la lumière de cette situation et en s’appuyant sur l’article 4 1) du Protocole facultatif, que la procédure excédait des délais raisonnables.

5.7L’auteur affirme que le recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel n’est ni efficace ni adapté. D’après une étude réalisée dans l’État partie, en moyenne 96 % des recours de ce type sont déclarés irrecevables chaque année et un nombre considérable d’entre eux n’a fait l’objet d’aucune décision de justice.

5.8En ce qui concerne le fond, l’auteur réaffirme la pertinence de tous les fondements sur lesquels s’appuie sa communication initiale et rappelle que le Procureur du Tribunal supérieur de justice de Madrid lui a donné raison sur ce point.

5.9Renvoyant aux recommandations générales 9, 16, 17, 19, 21, 25 et 26 du Comité, l’auteur fait observer que l’État partie n’a adopté aucune mesure permettant de quantifier le travail domestique non rémunéré ou d’en tenir compte dans le produit national brut. Le refus de renouveler le permis de travail de l’auteur au motif qu’elle a travaillé à domicile sans rémunération pendant plus de six mois constitue donc une violation imputable à l’État partie.

5.10L’auteur affirme que les faits qu’elle rapporte dans sa communication démontrent que l’État partie méconnaît les recommandations du Comité. Elle renvoie aux observations finales du 22 juillet 2009 dans lesquelles le Comité engageait l’« État partie à assurer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, y compris par le biais de mesures temporaires spéciales, assorties de délais, conformément l’article 4 1) de la Convention et à sa propre Recommandation généraleno 25 ».

Observations de l ’ État partie sur le fond

6.1Dans des notes verbales en date du 13 juillet 2011 et du 22 avril 2013, l’État partie a présenté ses observations sur le fond, renouvelant sa demande tendant à ce que la communication soit déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes disponibles ainsi que pour abus du droit de soumettre des communications et absence manifeste de fondement, conformément aux articles 4 1) et 4 2) c) du Protocole facultatif, respectivement, ou, à défaut, que le Comité déclare qu’il n’y a pas eu violation de la Convention.

6.2Lorsque la communication a été présentée, le Tribunal constitutionnel ne s’était pas prononcé sur le recours en amparo déposé par l’auteur. Il avait uniquement classé provisoirement le dossier en attendant l’issue de la procédure d’appel de la décision de la Commission centrale.

6.3L’auteur allègue que de nombreuses dispositions de la Convention ont été violées. Toutefois, dans sa communication, elle ne mentionne que le déni de son droit présumé à un permis de travail et ne fournit aucune donnée objective qui permettrait de conclure à une violation des articles de la Convention. Or, l’État partie est parfaitement en droit de refuser un permis de séjour ou de travail en prenant pour ce faire les mesures administratives voulues dans le cadre de sa politique relative aux étrangers. Dans le cas de l’auteur, les décisions rendues par les autorités n’étaient pas fondées sur le fait que l’auteur est une femme, mais sur le fait qu’aucun élément n’attestait du respect des conditions prévues par la loi.

6.4L’État partie rejette l’allégation selon laquelle le Ministère de l’intérieur a pris des mesures discriminatoires à l’égard des femmes dans l’exercice de ses attributions concernant la gestion, la coordination et le contrôle des pièces d’identité et dans ses relations avec les citoyens étrangers présents dans l’État partie. À cet égard, l’État partie a fourni la copie d’une communication du Ministère de l’intérieur, en date du 7 mars 2011, transmettant des données ventilées par sexe sur le nombre de refus de permis de séjour enregistrés entre 2006 et 2010. Il en ressort que, pendant la période considérée, davantage d’hommes que de femmes se sont heurtés à un refus. Ainsi, en 2009 et 2010, le nombre de refus concernant des demandes présentées par des femmes s’établissait, respectivement, à 44 683 (sur 108 568) et à 36 159 (sur 97 033), alors que, pour les années précédentes, les chiffres étaient de 52 260 (sur 146 597) en 2006, 68 490 (sur 188 276) en 2007 et 79 919 (sur 201 779) en 2008.

6.5L’État partie conteste les allégations avancées par le ministère public auprès du tribunal administratif no22 de Madrid et affirme que la décision prise par le Délégué du Gouvernement à Madrid de ne pas renouveler le permis provisoire de séjour et de travail est conforme à la loi sur les étrangers et à son règlement d’application. Par ailleurs, les exceptions prévues aux articles 38 et 40 de la loi exigent l’existence effective d’un contrat de travail. Les paragraphes 3 et 4 de l’article 54 du règlement d’application, qui sont pleinement conformes à la loi, précisent les conditions requises pour le renouvellement du permis de séjour et de travail lorsqu’un contrat de travail a été conclu avec un nouvel employeur. Il faut notamment certifier ce qui suit : l’activité pour laquelle le permis avait été accordé a été exercée pendant six mois par an au minimum ou, à défaut, une activité a été exercée pendant trois mois par an au moins; la relation de travail qui a donné lieu à l’établissement du permis a été interrompue pour des raisons indépendantes de la volonté du requérant; le requérant a activement recherché un emploi et, au moment où il a sollicité le renouvellement du permis, il était en possession d’un contrat de travail en cours de validité.

6.6L’auteur n’a pas eu recours aux autres solutions indiquées dans la décision portant refus de renouveler son permis de travail et de séjour et, ultérieurement, dans le rapport du bureau du Défenseur du peuple, à savoir : demander un nouveau permis de séjour ne conférant pas le droit de travailler, ou tout type d’autorisation de séjour temporaire pour motifs tirés de l’existence de liens familiaux, de considérations d’ordre humanitaire, d’une coopération de l’intéressée avec la justice ou dans toutes autres circonstances exceptionnelles prévues par la loi. Ainsi, l’auteur aurait pu demander un permis de séjour ne conférant pas le droit de travailler, qui lui aurait été accordé du fait qu’elle vivait dans l’État partie depuis l’an 2000, qu’elle était mariée avec un étranger en possession d’un permis de séjour permanent en Espagne et que ses deux enfants mineurs, dont l’un avait la nationalité espagnole, résidaient en Espagne. Bien qu’il s’agisse d’un permis de séjour ne conférant pas le droit de travailler, ceci n’empêche pas la personne qui en est titulaire de travailler, en vertu de l’article 40 c) et g) de la loi organique 4/2000, qui prévoit des exceptions lorsque la personne qui obtient un contrat ou une offre d’emploi est le conjoint d’un étranger résidant légalement en Espagne avec un permis de séjour renouvelé, pour autant que les conjoints vivent en Espagne depuis un an au minimum ou que la personne soit un étranger ayant à charge des ascendants ou des descendants de nationalité espagnole. Par ailleurs, elle aurait également pu demander un permis de séjour pour des circonstances exceptionnelles au motif de l’existence de liens familiaux, aux conditions indiquées par le bureau du Défenseur du peuple. Cette dernière option prévoit l’octroi d’une autorisation de travail conformément à l’article 47 7) du même règlement. Pour effectuer cette demande, il est nécessaire de présenter un extrait de casier judiciaire. Cependant, l’auteur n’était pas tenue de quitter l’Espagne pour l’obtenir. Qui plus est, du fait qu’elle l’avait présenté en 2005 et que, depuis, elle avait résidé dans l’État partie, les autorités espagnoles auraient pu attester que son casier était resté vierge jusqu’au moment où elle avait présenté sa requête. Par conséquent, l’État partie affirme que l’auteur remplissait les conditions requises pour obtenir l’un quelconque de ces types de permis de séjour assorti de la possibilité de travailler légalement.

6.7En ce qui concerne la demande déposée le 21 septembre 2010 par le conjoint de l’auteur au titre du regroupement familial, l’État partie fait observer qu’aucun document attestant la présentation de cette demande n’y a été joint. En tout état de cause, la décision de rejeter la demande de regroupement familial est fondée sur le fait que la personne visée, à savoir l’auteur, ne résidait pas en dehors de l’Espagne, ce qui ne peut être considéré comme un acte de discrimination fondée sur le sexe, d’autant plus que la demande était présentée par le conjoint de l’auteur.

6.8Les griefs de discrimination avancés par l’auteur, qui affirme s’être vu dénier le droit de se défendre dans la mesure où elle n’a pas les moyens d’engager les services juridiques requis par le Tribunal constitutionnel, sont également irrecevables. Le droit à l’aide juridictionnelle prévue pour les personnes dont il est établi qu’elles n’ont pas les moyens financiers d’engager les services d’un avocat est reconnu, dans les mêmes conditions qu’aux citoyens espagnols, à tout étranger se trouvant − légalement ou non − en Espagne. De plus, il est établi que les ressources financières de l’auteur équivalaient au double du montant du salaire minimum interprofessionnel en vigueur au moment de la requête. C’est pourquoi, au regard de la loi, elle n’avait pas droit à l’aide juridictionnelle.

Commentaires de l’auteur concernant les observations de l’État partiesur le fond

7.1Le 15 septembre 2011, l’auteur a formulé des commentaires concernant les observations de l’État partie sur le fond.

7.2Le Tribunal supérieur de justice de Madrid a lui-même déclaré que l’auteur a certifié être l’épouse d’un étranger titulaire d’un permis de séjour et de travail permanent en Espagne, être la mère d’un enfant de nationalité espagnole, partager avec eux un même logement et être en possession d’un contrat de travail à temps partiel établi le 15 août 2008. En dépit de ce qui précède, et alors qu’elle a contracté mariage en présence des autorités de l’État partie, celles-ci feignent d’ignorer son état civil en affirmant que l’auteur aurait bénéficié du droit au regroupement familial si elle avait démontré en temps utile qu’elle remplissait les conditions requises par la loi. Par conséquent, le droit de l’auteur reconnu à l’article 11 1) a) de la Convention n’est pas garanti de manière satisfaisante par l’État partie.

7.3En ce qui concerne le droit à l’aide juridictionnelle, les revenus personnels de l’auteur en 2010 n’ont pas dépassé le montant du salaire minimum et seul le montant total du revenu familial annuel était deux fois supérieur au salaire minimum interprofessionnel annuel. Or la Commission centrale, tout comme l’État partie devant le Comité, se sont référés au revenu de l’auteur, sans préciser qu’il s’agissait en fait du revenu familial. Enfin, l’auteur invoque l’article 5 de la loi 1/1996 sur l’aide juridictionnelle, qui prévoit des exceptions en fonction de la situation familiale du demandeur, du nombre d’enfants ou de proches à sa charge, de son état de santé, de ses obligations financières, des frais occasionnés par l’engagement de la procédure et d’autres considérations de même nature, évaluées en toute objectivité.

7.4L’auteur affirme que toutes les solutions proposées par les autorités de l’État partie, y compris celles fondées sur le critère de l’existence de liens familiaux, exigent de présenter un extrait du casier judiciaire établi dans le pays d’origine. Dans son cas, elle doit présenter sa demande en personne, ce qui l’obligerait à quitter le territoire de l’État partie.

7.5En ce qui concerne l’épuisement des voies de recours internes, l’auteur affirme que l’État partie n’a pas fourni d’explications raisonnables qui justifieraient la prolongation de la procédure d’amparo en raison du retard mis par les tribunaux à statuer sur son recours en appel de la décision de refus de l’aide juridictionnelle rendue par la Commission centrale.

7.6Le 10 juillet 2009, l’État partie a modifié, par le décret royal 1162/2009, la législation discriminatoire qui avait été appliquée à l’auteur depuis 2005. La nouvelle législation permet de « renouveler le permis de séjour des femmes mariées à un étranger titulaire d’un permis de séjour renouvelé » sans exiger qu’elles accomplissent une période de travail annuelle minimum. L’auteur affirme que, depuis cette date, la proportion de demandes de renouvellement de permis de travail présentées par des femmes faisant l’objet d’un rejet avait nettement diminué.

Informations complémentaires présentées par l’auteur

8.1L’auteur a informé le Comité que, le 22 août 2011, le tribunal administratif no22 de Madrid s’était déclaré incompétent pour connaître en appel de la décision rendue par la Commission centrale de l’aide juridictionnelle et avait indiqué qu’il incombait au Tribunal constitutionnel de connaître dudit appel.

8.2Le 16 février 2012, l’auteur a fait savoir au Comité que, le 13 février 2012, elle avait demandé au Tribunal constitutionnel de se déclarer compétent pour entendre l’appel, d’ordonner l’adoption de mesures conservatoires pour éviter tout préjudice susceptible d’invalider le recours en amparo et de l’autoriser à s’inscrire auprès des services publics de l’emploi et des agences de placement en tant que travailleuse étrangère non ressortissante de l’Union européenne.

8.3Le 16 août 2012, l’auteur a fait savoir au Comité que, le 26 mars 2012, le Tribunal constitutionnel s’était déclaré une nouvelle fois incompétent pour connaître de l’appel de la décision conformément à l’article 20 de la loi 1/1996 sur l’aide juridictionnelle car lorsque l’intéressé demande à bénéficier de ce service alors que la procédure n’est pas encore engagée, le juge de première instance est compétent pour connaître du recours en question. Par conséquent, le Tribunal constitutionnel a renvoyé le dossier de recours concernant la décision de la Commission centrale au tribunal administratif no22 de Madrid.

8.4Le 1er octobre 2012, l’auteur a fait savoir au Comité que le 26 juillet 2012 le tribunal administratif no22 a confirmé la décision de la Commission étant donné que, conformément à sa déclaration de revenus pour l’exercice 2009, les revenus familiaux bruts de l’auteur étaient supérieurs à 35 000 euros et, par conséquent, excédaient le montant maximal établi par l’article 3 de la loi 1/1996 sur l’aide juridictionnelle pour permettre de bénéficier de cette aide, sans que l’auteur ait justifié ses difficultés économiques autrement que par de simples allégations concernant l’existence de dettes. La décision est donc sans appel.

8.5L’auteur a informé le Tribunal constitutionnel de la décision du tribunal administratif no22 et demandé d’étendre sa requête d’amparo contre ladite décision, de façon que cette dernière soit annulée et que soit reconnu à son endroit, à titre exceptionnel, le droit à l’aide juridictionnelle qu’elle a sollicitée. Bien que ses revenus dépassent le montant maximal fixé par la loi pour obtenir l’aide juridictionnelle, en 2010 et 2011, elle avait des difficultés économiques. De plus, l’administration judiciaire a tardé plus d’un an et demi à statuer, invalidant ainsi sa demande d’amparo; le tribunal aurait dû prendre ces éléments en considération afin de lui accorder l’aide demandée, à titre exceptionnel.

8.6Le 22 février 2013, l’auteur a informé le Comité que, le 17 septembre 2012, le Tribunal constitutionnel avait accordé un délai de 10 jours pour qu’elle se présente avec le ministère obligatoire d’un avoué et d’un avocat désignés à ses frais, conformément à l’article 81.1 de la loi organique sur le Tribunal constitutionnel. Le 28 janvier 2013, l’auteur n’ayant pas donné suite, le Tribunal constitutionnel avait définitivement classé le dossier.

Délibérations du Comité sur la recevabilité

9.1En application de l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif à la Convention. En application de l’article 66 de son règlement intérieur, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle-même quant au fond.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions de l’article 4 2) a) du Protocole facultatif, que la même affaire n’avait pas déjà fait ou ne faisait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international.

9.3Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, étant donné que le Tribunal constitutionnel ne s’est pas prononcé sur le fond mais a uniquement décidé de classer provisoirement le dossier. À cet égard, le Comité prend note des arguments de l’auteur sur les voies de recours à savoir que : le 21 septembre 2010, l’auteur a exercé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel; les 11 et 29 novembre 2010, l’ordre des avocats de Madrid et la Commission centrale de l’aide juridictionnelle ont rejeté la demande d’aide juridictionnelle; le 3 janvier 2011, le recours en amparo a été classé provisoirement en attendant le règlement de l’appel formé contre la décision négative concernant l’aide juridictionnelle; le 26 juillet 2012, le tribunal administratif no22 de Madrid a rejeté sa demande d’aide juridictionnelle étant donné que les revenus familiaux de l’auteur dépassaient le montant maximal fixé par la loi pour bénéficier de cette aide; en conséquence, le 17 septembre 2012, le Tribunal constitutionnel a octroyé à l’auteur un délai de 10 jours pour qu’elle se présente avec un avoué et un avocat afin de régulariser le recours. L’auteur n’ayant pas donné suite, le 28 janvier 2013, le Tribunal constitutionnel a classé le dossier.

9.4Le Comité relève que l’auteur n’a pas justifié les raisons pour lesquelles elle n’avait respecté la condition imposée par le Tribunal constitutionnel, de se présenter dans un délai de 10 jours, et n’avait donc pas respecté une condition légale obligatoire imposée à toute personne qui souhaite former un recours devant ledit Tribunal. Il prend note des démarches engagées par l’auteur pour obtenir l’aide juridictionnelle à cette fin, démarches qui s’étaient conclues par une décision défavorable pour l’auteur, les conditions prévues par la loi pour obtenir une telle aide n’étant pas réunies. Néanmoins, le Comité considère que les arguments de l’auteur relatifs à ses difficultés financières pour engager un avocat sont d’ordre très général et que l’auteur ne donne pas d’informations précises à cet égard; le Comité ne peut par conséquent pas considérer que l’auteur a apporté des preuves convaincantes qu’elle n’avait pas les moyens de s’attacher les services d’un avocat ou qu’elle se trouvait dans l’impossibilité d’obtenir lesdits services par d’autres moyens n’entraînant pas pour elle une charge financière impossible à assumer. Par conséquent, le Comité estime que les recours internes n’ont pas été épuisés et que ce fait n’est pas imputable à l’État partie. Le Comité conclut donc que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif.

En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais, en arabe, en chinois, en français et en russe.]