Communication présentée par :

M. S. (représentée par un conseil, M. HelgeNørrung)

Au nom de :

L’auteur, son époux et leurs deux enfants mineurs

État partie :

Danemark

Date de la communication :

15 mars 2012 (date de la lettre initiale)

Référence :

Décision du Groupe de travail en vertu des articles 5 et 6 du Protocole facultatif et des articles 63 et 69 du Règlement intérieur du Comité, transmise à l’État partie le 19 mars 2012 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision :

22 juillet 2013

Annexe

Décision du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmesen vertu du Protocole facultatif à la Conventionsur l’élimination de toutes les formes de discriminationà l’égard des femmes (Cinquante-cinquième session)

Communication no40/2012, M. S. c. Danemark*

Communication présentée par :

M. S. (représentée par un conseil, M. HelgeNørrung)

Au nom de :

L’auteur, son époux et leurs deux enfants mineurs

État partie :

Danemark

Date de la communication :

15 mars 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Décision du Groupe de travail en vertu des articles 5 et 6 du Protocole facultatif et des articles 63 et 69 du Règlement intérieur du Comité, transmise à l’État partie le 19 mars 2012 (non publiée sous forme de document)

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, établi en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 22 juillet 2013,

Adopte ce qui suit :

Décision en matière de recevabilité

* Les membres suivants du Comité ont participé à l ’ examen de la communication : M me Ayse Feride Acar, M me Noor Al-Jehani, M me Nicole Ameline, M me Barbara Bailey, M me Olinda Bareiro-Bobadilla, M. Niklas Bruun, M me Náela Gabr, M me Hilary Gbedemah, M me Nahla Haidar, M me Ruth Halperin-Kaddari, M me Yoko Hayashi, M me Ismat Jahan, M me Dalia Leinarte, M me Violeta Neubauer, M me Theodora Nwankwo, M me Pramila Patten, M me Silvia Pimentel, M me Maria Helena Pires, M me Biancamaria Pomeranzi, M me Patricia Schulz, M me Dubravka Šimonović et M me Xiaoqiao Zou.

1.1L’auteur de la communication est M.S., une ressortissante pakistanaise née en 1982. Elle soumet la présente communication en son nom, ainsi qu’au nom de son époux et de leurs deux enfants mineurs, tous trois ressortissants pakistanais. L’auteur et sa famille ont demandé l’asile au Danemark, mais la demande a été rejetée, et au moment de la soumission de la communication, elles attendaient leur expulsion du Danemark vers le Pakistan. L’auteur affirme que leur expulsion vers le Pakistan constituerait une violation par le Danemark de leurs droits en vertu des articles 1er, 2, 3, 5, 12 et 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (ci-après « la Convention »), lus à la lumière de la Recommandation générale no 19 du Comité. Elle est représentée par un conseil, M. Helge Nørrung. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour le Danemark le 31 août 2000.

1.2À la demande de l’auteur et après avoir examiné l’affaire, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 du Règlement intérieur du Comité, a décidé que des mesures conservatoires devaient être accordées et demandé instamment à l’État partie de ne pas expulser l’auteur et ses deux enfants mineurs vers le Pakistan tant que sa communication serait à l’examen. L’État partie a accédé à cette demande.

1.3Le 6 juillet 2012, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son Groupe de travail des communications, a décidé, en vertu de l’article 66 de son règlement intérieur, d’examiner la question de la recevabilité séparément de celle du fond.

Exposé des faits

2.1L’auteur et sa famille sont originaires de Rawalpindi, au Pakistan, et appartiennent à la minorité chrétienne d’» Anglo-indiens » dont l’anglais est la langue maternelle. Elle affirme avoir toujours été victime de discrimination en tant que chrétienne et que lorsqu’elle est devenue une jeune femme cette discrimination s’est transformée en harcèlement sexuel. Elle dit avoir été fréquemment l’objet d’agressions verbales en public, ainsi que d’attouchements de la part d’individus non spécifiés. Elle indique que, lorsqu’elle avait 16 ans environ, un musulman du nom d’A. G. lui a demandé de le fréquenter. Il disait vouloir faire d’elle sa maîtresse, c’est-à-dire qu’il n’envisageait pas de relation sérieuse avec elle, car selon lui, en tant que chrétienne elle était autorisée à avoir des rapports sexuels avant le mariage. Lorsqu’elle a refusé, il l’a menacée de représailles sans qu’elle prenne cette menace au sérieux. Cependant, en mars 2002, la police est venue à son domicile et a arrêté l’un de ses frères sans aucun motif. A. G. a appelé l’auteur le lendemain pour lui dire que l’arrestation de son frère avait eu lieu à sa demande, car son propre frère était un officier supérieur dans la police. Le frère de l’auteur a été relâché après le versement d’un pot-de-vin par la famille.

2.2À la suite de ces événements, la famille a décidé de déménager. En 2003, l’auteur a obtenu un emploi dans un hôpital. L’ayant appris, A. G. est venu la voir sur son lieu de travail, vociférant et l’insultant, en disant qu’ils s’étaient fréquentés mais qu’elle l’avait trompé. En conséquence elle a été obligée de démissionner. Elle a quitté son deuxième emploi parce qu’elle était victime de harcèlement sexuel de la part de son chef qui considérait les femmes chrétiennes comme des femmes faciles. Dans le nouvel emploi qu’elle a ensuite occupé, au sein d’une banque, elle a de nouveau été exposée au harcèlement sexuel de ses supérieurs. De plus, un jour, A. G. est venu à son bureau et a dit à son chef qu’elle avait eu une relation avec lui et que sa famille s’occupait de prostitution. À la suite de cette humiliation, elle a quitté son emploi.

2.3L’auteur a obtenu un visa pour travailler en tant qu’«au pair» au Danemark, avec l’aide de sa sœur qui y résidait. Elle est arrivée au Danemark en janvier 2007. A. G. a répété ses menaces en l’appelant au numéro de sa sœur au Danemark. Elle a continué à être l’objet de menaces quotidiennes de sa part et, un jour, A. G. lui a dit de prendre contact avec sa famille au Pakistan. Lorsqu’elle l’a fait, elle a appris que son frère aîné avait été arrêté par la police sans aucun motif et qu’il avait victime de violences policières durant sa détention. La famille avait obtenu sa libération contre le versement d’un pot-de-vin.

2.4En mars 2008, la mère de l’auteur a eu des problèmes de santé et, en mai 2008, l’auteur est retournée au Pakistan pour s’occuper d’elle. C’est là qu’elle a rencontré son futur mari. Ils se sont mariés en juin 2008, malgré les menaces d’A. G. Durant quelques mois, A. G. ne l’a plus appelée. Cependant, une nuit où le mari de l’auteur était absent, A. G. avec quelques amis ont fait irruption chez elle. Ils l’ont insultée ainsi que sa belle-sœur et leur ont craché au visage. Ils ont également menacé l’auteur d’emprisonnement en raison de son séjour au Danemark.

2.5En octobre 2008, la police a arrêté son mari et son frère cadet sans aucun motif, sur la base d’allégations mensongères émanant d’A. G. Ils ont passé une semaine en prison où ils ont subi des mauvais traitements et n’ont été libérés qu’après le paiement d’un pot-de-vin par leur famille.

2.6L’auteur a continué à recevoir des menaces téléphoniques de la part d’A. G. alors qu’elle travaillait pour une société étrangère au Pakistan. À cette époque, elle attendait un enfant et, en raison de son stress, le bébé est né deux mois trop tôt, le 14 mars 2009. A. G. a menacé d’enlever sa fille à l’hôpital.

2.7L’auteur et sa famille, ayant été invitées par la sœur de l’auteur, ont obtenu un visa de tourisme pour le Danemark et ont quitté le Pakistan le 5 septembre 2009. Elles ont déposé une demande d’asile au Danemark, affirmant qu’au Pakistan elles craignaient qu’A.G. ne les persécute et se livre à des agressions sexuelles contre la personne de l’auteur avec risque de décès et qu’il ne tue son mari en raison de fausses accusations portées par les autorités contre lui. Elles ont affirmé qu’A. G. appartenait à une famille de notables, que son frère occupait un poste de rang élevé dans la police qui lui permettait de les retrouver n’importe où au Pakistan, ce qui les laissait sans protection.

2.8Le Service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile de l’auteur, et l’appel qu’elle a interjeté contre cette décision a également été rejeté par la Commission de recours pour les réfugiés, le 9 mars 2012; cette dernière décision étant définitive et sans appel. La Commission de recours a estimé que l’auteur et sa famille pouvaient raisonnablement s’installer dans une autre région du Pakistan. Elle n’a pas estimé que les mesures de harcèlement qu’ils avaient subies en tant que chrétiens constituaient des persécutions; ni qu’au regard de la situation des chrétiens au Pakistan il serait déraisonnable pour eux de résider ailleurs dans le pays.

Teneur de la plainte

3.L’auteur invoque une violation des articles premier, 2, 3, 5, 12 et 16, de la Convention ainsi que de la Recommandation générale no 19 du Comité. Elle affirme avoir été victime de harcèlement sexuel au Pakistan et que trois de ses frères, ainsi que son mari, ont été arrêtés et détenus par la police, détention durant laquelle ils ont subi des violences policières et des humiliations. Elle affirme que le 12 janvier 2010, l’un de ses frères est décédé des suites des graves blessures infligées pendant sa détention. Elle soutient qu’en l’expulsant, ainsi que sa famille, vers le Pakistan, le Danemark agirait en violation de la Convention parce qu’elle et sa famille ne pourraient obtenir aucune protection des autorités pakistanaises.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 21 mai 2012, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il note que l’auteur et sa famille sont arrivés au Danemark le 5 septembre 2009 et ont déposé une demande d’asile le 8 septembre 2009. Ils ont expliqué aux autorités qu’ils étaient des Anglo-indiens chrétiens de Rawalpindi, au Pakistan. Ils n’étaient membres d’aucune association ou organisation politique ou religieuse et ne menaient aucune activité politique. Ils ont déclaré craindre des persécutions de la part d’un individu qui s’était acharné contre eux dans le passé. À l’appui de leurs griefs, ils ont affirmé que l’auteur avait été harcelée pendant de nombreuses années par l’individu en question qui voulait la fréquenter. Ils ont également soutenu qu’il appartenait à une famille de notables et que son frère occupait un poste de rang élevé dans la police, ce qui lui permettait de les retrouver n’importe où dans le pays. Ils ont fait valoir que de ce fait, ils ne pourraient bénéficier d’aucune protection des autorités pakistanaises. Ils ont également mentionné les persécutions dont étaient victimes les chrétiens au Pakistan.

4.2Le 27 novembre 2009, le Service danois de l’immigration a rejeté leur demande d’asile. L’auteur a fait appel de cette décision auprès de la Commission de recours pour les réfugiés, qui a confirmé la décision du Service de l’immigration, le 9 mars 2012; la Commission a conclu que l’auteur et sa famille avaient été victimes de harcèlement et d’actes de violence pendant un certain nombre d’années, de la part d’un individu, de son frère et de la police locale. Mais elle n’a pas considéré que le décès du frère de l’auteur était imputable à la police. La Commission a notamment estimé qu’il serait raisonnable que l’auteur et sa famille s’installent ailleurs au Pakistan, en un lieu où leur persécuteur ne pourrait les harceler. Elle a également conclu que rien ne permettait de conclure qu’ils étaient victimes, en tant que chrétiens, de mesures générales de harcèlement au Pakistan telles qu’elles pouvaient être considérées comme des persécutions au sens du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, et que la situation des chrétiens ne lui semblait pas telle qu’il serait impossible à la famille de changer de lieu de résidence dans le pays. La Commission a conclu que l’auteur et sa famille ne remplissaient pas les conditions de résidence posées dans l’article 7 de la loi sur les étrangers et elle a rejeté leur demande d’asile.

4.3L’État partie fournit des informations détaillées sur les compétences et la composition de la Commission de recours pour les réfugiés et sur la base juridique de ses décisions. Il souligne en outre qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 7 de la loi sur les étrangers, un permis de séjour est délivré à un étranger si ce dernier remplit les conditions figurant dans les dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés (statut défini dans la Convention). Aux termes du paragraphe 2 de l’article 7 de la même loi (dont la formulation est analogue à celle de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme)), un permis de séjour est délivré à un étranger s’il risque d’être condamné à mort ou soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays d’origine (statut conféré par la protection). Les conditions d’octroi d’un permis de séjour au titre du paragraphe 2 de l’article 7 de la loi sur les étrangers sont satisfaites lorsque des facteurs concrets et individuels rendent probable, pour le demandeur, un risque réel d’être soumis à la torture en cas de renvoi dans son pays d’origine. Il découle du paragraphe 2 de l’article 31 de la loi sur les étrangers qu’un étranger ne saurait être renvoyé dans un pays où il risque d’être persécuté pour les motifs énoncés au point A de l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés, ou dans un pays qui pourrait le renvoyer vers un autre pays qui risque de le persécuter.

4.4Selon l’État partie, la présente communication doit être déclarée irrecevable ratione loci et ratione materiae en vertu de l’article 2 et de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, car le Danemark ne peut être tenu pour responsable, au titre de la Convention, des actes mentionnés dans la communication présentée par l’auteur et sa famille. Ceux-ci cherchent une application extraterritoriale des obligations découlant de la Convention, mais si les griefs invoqués pourraient être imputables au Pakistan, ils ne le sont pas au Danemark. Le Comité n’est donc pas compétent pour connaître des violations en cause à l’égard du Danemark et la communication est incompatible avec les dispositions de la Convention.

4.5L’État partie relève que, si la Convention elle-même ne comporte pas de clause de compétence expresse visant à limiter la portée de son application, l’article 2 du Protocole facultatif dispose clairement que les communications soumises au Comité « ... peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers, relevant de la juridiction d’un État partie, qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie d’un des droits énoncés dans la Convention ». Par conséquent, le droit individuel de soumettre des communications est clairement limité par une clause de compétence. Il en résulte que l’auteur ne peut présenter une communication visant le Danemark que si les violations présumées de la Convention ont été commises par des individus ou organismes relevant de la juridiction de ce pays (voir l’article 2 du Protocole facultatif). En l’espèce, aucun fonctionnaire danois ni aucun particulier, organisation ou entreprise relevant de la juridiction du Danemark n’a commis d’acte de violence, sexiste ou autre, à l’encontre de l’auteur et de sa famille. Ceux-ci n’ont d’ailleurs formulé aucun grief en ce sens à l’encontre du Danemark. S’il est vrai qu’ils résident provisoirement au Danemark et se trouvent donc actuellement sous la juridiction danoise, leurs griefs ne s’appuient pas sur le traitement dont ils seront victimes dans ce pays ou dans une zone sous contrôle effectif de celui-ci ou en raison du comportement des autorités danoises, mais au contraire sur les conséquences éventuelles de leur renvoi au Pakistan. L’auteur et sa famille font valoir qu’ils seront renvoyés en un lieu où ils seraient victimes d’un traitement discriminatoire en violation de la Convention. La décision de les renvoyer vers le Pakistan ne saurait toutefois engager la responsabilité de l’État partie sur le fondement des articles premier, 2, 3, 5 ou 16, de la Convention.

4.6Selon l’État partie, la notion de juridiction aux fins de l’article 2 du Protocole facultatif doit être entendue au sens donné à ce terme en droit international public. Ainsi, les mots « relevant de la juridiction d’un État partie » doivent s’entendre comme signifiant que la compétence juridictionnelle d’un État est principalement territoriale et qu’elle est normalement censée s’exercer sur l’ensemble du territoire de cet État. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que certains actes de l’État partie peuvent produire des effets en dehors de son territoire et engager sa responsabilité (situation que l’on désigne par l’expression « effet extraterritorial »). De telles circonstances n’existent pas en l’espèce, et le Danemark ne saurait être tenu pour responsable de violations de la Convention qui pourraient être commises par un autre État partie en dehors du territoire, comme de la juridiction, du Danemark. L’État partie souligne également que la question de l’effet extraterritorial de la Convention n’a pas été directement abordée par la jurisprudence du Comité et que rien n’indique que les dispositions pertinentes de la Convention auraient une portée extraterritoriale.

4.7L’État partie indique, en outre, que la Cour européenne des droits de l’homme a clairement souligné dans sa jurisprudence le caractère exceptionnel de la protection extraterritoriale des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme). Déjà dans l’affaire Soering c. Royaume-Uni (requête no 14038/88, arrêt du 7 juillet 1989), elle a appliqué le principe de l’extraterritorialité à l’article 3 (interdiction de la torture) de la Convention européenne, renvoyant à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui interdit expressément l’expulsion, le refoulement ou l’extradition d’une personne vers des États où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

4.8Depuis lors, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé son arrêt à de multiples reprises. Dans sa décision du 22 juin 2004, rendue dans l’affaire F. c. Royaume-Uni (requête no 17341/03), le requérant était un ressortissant iranien qui avait demandé l’asile au Royaume-Uni invoquant des persécutions dans son pays en raison de son homosexualité et qui soutenait que son expulsion vers la République islamique d’Iran constituerait une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, car les relations homosexuelles entre adultes consentants y étaient interdites. Faisant observer qu’il ressortait de sa jurisprudence que la responsabilité des États contractants pouvait être engagée en cas de renvoi de personnes risquant de subir un traitement contraire aux articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture) de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour a poursuivi en déclarant :

Ces considérations impérieuses ne s’appliquent pas automatiquement aux autres dispositions de la Convention. Sur un plan purement pragmatique, on ne saurait exiger d’un État contractant qui expulse un étranger qu’il ne le renvoie que vers un pays respectant pleinement et effectivement tous les droits et libertés consacrés dans la Convention.

4.9Dans sa décision du 28 février 2006, rendue dans l’affaire Z. et T. c. Royaume-Uni, relative à la requête no 27034/05, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que le principe d’extraterritorialité devrait s’appliquer au premier chef dans les cas de violation des articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture), 5 (droit à la liberté et à la sécurité) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme si la personne expulsée risquait des violations flagrantes de ses droits dans le pays de destination. Cette affaire concernait une violation présumée de l’article 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention en cas de renvoi des requérantes au Pakistan car elles soutenaient qu’il leur serait impossible d’y vivre en tant que chrétiennes sans être en butte à l’hostilité ambiante ou sans devoir dissimuler leur confession. La Cour a formulé les observations suivantes :

Lorsqu’un individu affirme qu’à son retour dans son propre pays il lui sera difficile de pratiquer sa religion, sans toutefois que la gravité du problème atteigne les niveaux prohibés par la Convention, la Cour estime que l’article 9 n’est guère, voire pas du tout, d’un grand secours. Dans le cas contraire, cette disposition obligerait en pratique les États contractants à agir en garants indirects de la liberté de culte pour le reste du monde.

4.10L’État partie note que, de la même manière, l’article premier du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose, tout comme l’article 2 du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, que le Comité des droits de l’homme peut recevoir des communications émanant de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie et qui affirment être victimes d’une violation, par cet État partie, de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte. Comme la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité des droits de l’homme a estimé dans un certain nombre d’affaires que l’expulsion de personnes par des États parties vers d’autres États, qui entraînerait une violation prévisible du droit à la vie ou du droit à ne pas être soumis à la torture, consacrés par les articles 6 et 7 du Pacte, constituerait une violation des droits qui leur sont garantis par la Convention. Le Comité des droits de l’homme n’a cependant jamais examiné quant au fond une communication portant sur l’expulsion d’une personne craignant des violations des droits de l’homme de « moindre gravité » dans le pays de destination (par exemple, la violation d’un droit susceptible de dérogation).

4.11Les obligations juridiques interdisant l’expulsion dans les cas où celle-ci entraînerait des violations graves des droits de l’homme sont expressément énoncées dans la Convention contre la torture, ainsi qu’aux articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Comité des droits de l’homme a interprété ces dernières dispositions comme visant à offrir implicitement une protection contre l’expulsion de toute personne qui risquerait d’être condamnée à mort, torturée ou en butte à d’autres menaces graves pour sa vie et sa sécurité; en revanche, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne traite pas directement (ni indirectement) d’expulsions susceptibles d’aboutir à des tortures ou d’autres menaces graves pour la vie et la sécurité de la personne.

4.12L’État partie indique qu’il est conscient de la position du Comité telle qu’elle ressort de sa Recommandation générale no 19 (1992), selon laquelle la violence fondée sur le sexe est une forme de discrimination qui peut compromettre ou empêcher la jouissance par les femmes de leurs droits individuels et libertés fondamentales, comme le droit à la vie, le droit à la sécurité de la personne ou le droit à ne pas être soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Néanmoins, cela ne change rien au fait que l’État partie n’est responsable que des violations commises par des personnes ou organismes relevant de sa juridiction et qu’il ne saurait être tenu pour responsable de la discrimination exercée sur le territoire d’un autre État, même si l’auteur pouvait établir qu’elle serait victime d’actes de discrimination contraires à la Convention si elle était renvoyée au Pakistan en raison de la violence fondée sur le sexe qui existe dans ce pays.

4.13Selon l’État partie, le renvoi de femmes venues au Danemark simplement pour échapper à un traitement discriminatoire dans leur propre pays, pour contestable que ce traitement puisse paraître, ne saurait constituer en soi une violation de la Convention. Si l’on admettait le contraire, les États parties ne pourraient renvoyer des étrangers que vers des pays qui respectent pleinement tous les droits, garanties et libertés consacrés par la Convention. Or, les États parties ne sauraient être tenus, en vertu de la Convention, de renvoyer les étrangers uniquement vers des pays dont les systèmes juridiques sont compatibles avec le principe de non-discrimination consacré par la Convention. Compte tenu de ce qui précède, l’État partie fait valoir que la présente communication est incompatible avec les dispositions de la Convention et devrait être déclarée irrecevable ratione loci et ratione materiae en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 4, lu à la lumière de l’article 2 du Protocole facultatif.

4.14L’État partie affirme en outre que la communication est irrecevable à l’égard du mari de l’auteur et de son petit garçon né en 2011, car ils ne peuvent se dire victimes au sens de la Convention. Selon l’article 2 du Protocole facultatif, les communications peuvent être présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de la juridiction d’un État partie et qui affirment être victimes d’une violation par cet État d’un des droits énoncés dans la Convention. Or, la Convention porte sur la discrimination à l’égard des femmes. Si le terme « femmes » n’y fait pas l’objet d’une définition claire, il est évident que des hommes adultes et des garçons ne peuvent être considérés comme des « femmes » et, qu’en conséquence, ils ne sauraient être victimes d’une violation de la Convention.

4.15L’État partie fait également valoir que la communication est irrecevable au motif qu’elle n’est pas suffisamment étayée (voir l’alinéa c du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif). L’auteur n’a pas clairement indiqué, ni expliqué, sur quels droits garantis par la Convention elle entend se fonder, se contentant d’énumérer les articles premier, 2, 3, 5 et 16 dudit texte. Il n’est pas clair quelles violations, aux dires de l’auteur, se produiraient au cas où l’auteur et sa famille seraient renvoyées au Pakistan. Par ailleurs l’auteur n’étaye pas suffisamment ses griefs.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Le 20 juin 2012, l’auteur explique que, dans sa demande écrite datée du 5 mars 2012 et adressée à la Commission de recours pour les réfugiés, elle a invoqué les articles 1er, 2 et 5 de la Convention ainsi que la Recommandation générale no 19 du Comité. Les articles 3 et 16 de la Convention, quant à eux, ont été invoqués dans sa communication initiale au Comité, en date du 15 mars 2012. L’auteur indique qu’elle souhaite également invoquer l’article 12 de la Convention. L’État partie n’ayant pas contesté la recevabilité de la communication pour non-épuisement des recours internes, elle considère qu’il n’y a pas lieu d’épuiser d’autres voies de recours au Danemark.

5.2L’auteur affirme que le Comité est compétent pour examiner les formes de violence fondées sur le sexe. Elle mentionne plus particulièrement un certain nombre d’affaires qu’il a examinées et qui portaient sur des crimes liés au sexe de la victime, notamment des viols. Elle affirme que l’affaire à l’examen porte sur le risque de viol ou d’agression sexuelle auquel elle serait exposée au Pakistan, faisant observer que la gravité du risque auquel elle serait exposée touche au fond de l’affaire et non à sa recevabilité.

5.3Elle soutient en outre que les dispositions de la Convention portant sur la violence à l’égard des femmes devraient avoir un effet « extraterritorial », comme l’article 3 de la Convention contre la torture et l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment dans les affaires où l’expulsion serait constitutive de torture ou de traitement inhumain si les femmes étaient renvoyées dans leur pays. Elle convient de l’absence de jurisprudence en ce sens, mais affirme que le Comité peut offrir une protection dans les affaires de violence exercée à l’encontre des femmes. Elle rappelle qu’en l’espèce le Comité a demandé à l’État partie de prendre des mesures conservatoires pour surseoir à son renvoi vers le Pakistan et mentionne d’autres affaires qui, selon elle, « semblent indiquer » que le Comité considère son cas comme « exceptionnel » et « confirment » l’effet extraterritorial des dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

5.4L’auteur rejette l’argument de l’État partie selon lequel son mari et son fils ne sauraient être des victimes au sens de la Convention, affirmant que son mari a dû fuir le Pakistan en raison des problèmes auxquels elle était exposée et que toute sa famille était victime de discrimination au Pakistan et craignait par conséquent d’y retourner. En outre, les hommes et les garçons peuvent eux aussi être victimes d’inégalité des sexes et de discrimination.

5.5L’auteur affirme enfin que, contrairement à ce que soutient l’État partie, sa communication est suffisamment fondée et devrait être examinée quant au fond. Elle fait valoir que la Commission de recours pour les réfugiés n’a pris en compte ni ses griefs concernant le harcèlement sexuel ni les obligations de l’État partie découlant de la Convention. Ainsi, lorsque la Commission a été appelée à évaluer le risque de viol et de mariage forcé qu’elle courrait en cas de renvoi au Pakistan, elle s’est contentée de lui recommander de s’installer dans une autre région du pays.

Observations supplémentaires de l’État partie

6.1Le 27 août 2012, l’État partie a indiqué qu’il ne contestait pas que la violence exercée à l’égard des femmes puisse être constitutive de mauvais traitements en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 3 de la Convention contre la torture et des articles 6 et 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politique. Cependant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne traite pas de l’expulsion de personnes risquant d’être torturées ou de faire l’objet d’autres menaces graves pour leur vie et leur sécurité, ni directement ni indirectement. L’auteur ne peut donc soumettre une communication visant le Danemark que si les violations présumées de la Convention ont été commises par des individus ou organismes relevant de la juridiction de ce pays.

6.2L’État partie réaffirme qu’il a connaissance de la position du Comité, telle que figurant dans la Recommandation générale no 19 (1992), dans laquelle le Comité souligne que la violence fondée sur le sexe est une forme de discrimination qui peut compromettre ou empêcher la jouissance par les femmes de leurs droits individuels et libertés fondamentales. Néanmoins, cela ne change rien au fait que l’État partie n’est responsable que des violations commises par des personnes ou organismes relevant de sa juridiction et qu’il ne saurait être tenu pour responsable, en vertu de la Convention, d’actes discriminatoires commis par des individus ou organismes relevant de la juridiction d’un autre État.

6.3Se référant à deux décisions récentes du Comité, l’État partie note que les communications donnant lieu à ces décisions ont toutes deux été déclarées irrecevables pour d’autres motifs et que la question de l’application extraterritoriale de la Convention n’a pas été abordée. Il invite donc le Comité à faire connaître son opinion sur cette question.

6.4L’État partie fait en outre observer que, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, l’invitation à prendre des mesures de protection formulée par le Comité en vertu du paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif en l’espèce, ainsi que dans d’autres affaires, telles Guadalupe Herrera Rivera c. Canada (communication no 26/2010), ne saurait être interprétée comme permettant de conclure que la Convention a un effet extraterritorial. Ce point de vue est confirmé par la formulation même du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif, qui se lit comme suit : « Le Comité ne préjuge pas de sa décision sur la recevabilité ou le fond de la communication du simple fait qu’il exerce la faculté que lui donne le paragraphe 1 du présent article ».

6.5L’État partie relève par ailleurs que l’auteur invoque également une violation du paragraphe 2 de l’article 12 de la Convention, en vertu duquel les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine des soins de santé. L’État partie affirme cependant que cet article, pas plus que les autres articles de la Convention, ne saurait être considéré comme ayant un effet extraterritorial. La Cour européenne des droits de l’homme a examiné à diverses reprises la question de savoir si des considérations liées aux soins de santé pouvaient permettre de conclure à une violation de l’article 3 de la Convention européenne en cas de renvoi d’une personne dans son pays d’origine. Dans une décision du 27 mai 2008 (requête no 26565/05, N. c. Royaume-Uni), elle a conclu que :

En raison des progrès de la médecine et des différences socioéconomiques entre les pays, le niveau de traitement disponible dans l’État contractant et celui existant dans le pays d’origine peuvent varier considérablement. Si la Cour, compte tenu de l’importance fondamentale que revêt l’article 3 dans le système de la Convention, doit conserver une certaine souplesse pour empêcher l’expulsion dans des cas très exceptionnels, l’article 3 ne fait pas obligation à l’État contractant de pallier lesdites disparités en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire. Conclure le contraire ferait peser un fardeau trop lourd sur les États contractants.

6.6Selon l’État partie, le risque de discrimination en matière de soins de santé ne peut créer pour les États parties l’obligation de ne renvoyer les étrangers que vers des pays qui respectent pleinement tous les droits, garanties et libertés énoncés dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ces considérations s’appliquent à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et, a fortiori, à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, celle-ci ne traitant ni directement ni indirectement, de la question de l’expulsion susceptible d’entraîner des actes de torture ou d’autres menaces graves pour la vie et la sécurité de la personne.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

7.1Conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable ou non en vertu du Protocole facultatif à la Convention. Conformément à l’article 66 de ce règlement, le Comité peut examiner la question de la recevabilité séparément de celle du fond.

7.2Conformément à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, le Comité s’est assuré que la question n’a pas déjà fait ou ne fait pas l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement international.

7.3Le Comité relève que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication au motif du non-épuisement des recours internes. Il estime donc que les conditions énoncées au paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif ne s’opposent pas à ce qu’il examine la communication.

7.4Le Comité prend note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle son expulsion et celle de sa famille vers le Pakistan constitueraient une violation de la Convention par le Danemark eu égard au harcèlement sexuel dont elle avait été victime dans ce pays et à l’incapacité des autorités pakistanaises de la protéger de manière efficace contre un traitement auquel, selon ses affirmations, elle serait à nouveau soumise en cas de retour. Il prend également note des arguments de l’État partie, à savoir que la communication devrait être déclarée irrecevable ratione loci et ratione materiae aux termes de l’article 2 et de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif, car l’auteur cherche à étendre la protection offerte par la Convention pour donner un effet extraterritorial à ses dispositions; et que l’État partie ne saurait être tenu pour responsable, en vertu de la Convention, de la discrimination fondée sur le sexe qui a été ou sera exercée sur le territoire d’un autre État (le Pakistan); que le Comité n’a pas compétence à l’égard de l’État partie en ce qui concerne les violations en question; et que la communication est incompatible avec les dispositions de la Convention.

7.5. Le Comité rappelle que l’article premier de la Convention définit la discrimination à l’égard des femmes comme une « distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes ... des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Le Comité rappelle également sa Recommandation générale no 19 dans laquelle il a indiqué sans ambiguïté que la violence à l’égard des femmes relevait de la discrimination en stipulant que la violence fondée sur le sexe était une forme de discrimination et englobait les actes qui infligeaient des tourments ou des souffrances d’ordre physique, mental ou sexuel, la menace de tels actes, la contrainte ou autres privations de liberté.

7.6.En l’espèce, le Comité relève que l’auteur affirme avoir été victime de harcèlement sexuel depuis l’âge de 16 ans (à savoir depuis 1998) de la part d’une personne appartenant à une famille de notables et ayant des relations à un niveau élevé au sein de la police et qu’elle soutient que ce harcèlement s’est poursuivi jusqu’à ce qu’elle quitte le Pakistan pour le Danemark avec sa famille en 2009. Il note également que l’auteur affirme qu’elle-même et sa famille ont été persécutées en raison de leur confession chrétienne.

7.7.Le Comité relève également que, si la Commission danoise de recours des réfugiés a estimé que l’auteur et sa famille avaient été victimes d’actes de violence durant un certain nombre d’années de la part d’une personne donnée, de son frère et de la police locale, elle a cependant estimé que l’on pouvait considérer comme raisonnable que l’auteur et sa famille s’installent ailleurs au Pakistan, en un lieu où leur persécuteur ne pourrait pas les harceler.

7.8Le Comité note que l’auteur affirme avoir été victime de harcèlement sexuel depuis l’âge de 16 ans (à savoir depuis 1998) de la part d’A.G. Alors que l’auteur évoque plusieurs incidents de harcèlement, de menaces et d’insultes verbales par la personne en question entre 1998 et 2009, et que des membres de la famille ont été arrêtés à plusieurs reprises à la demande de cette dernière, le Comité fait observer que les faits présentés par l’auteur n’établissent pas de lien de cause à effet entre les arrestations en question et le harcèlement qu’elle a subi. Elle n’a pas pu démontrer non plus que ces membres de la famille avaient été convoqués par la police, arrêtés ou inculpés. En outre, l’auteur ne fournit pas d’informations précises ou spécifiques concernant la décision de sa famille de déménager dans une autre région du Pakistan pour éviter le harcèlement par A.G. Elle n’explique pas non plus comment A.G. a pu obtenir le numéro de téléphone de sa sœur et continuer ainsi à harceler et à la menacer alors qu’elle se trouvait au Danemark entre janvier 2007 et mai 2008. Le Comité note également que les incidents de harcèlement présumé étaient sporadiques et ne pouvaient donc pas être considérés comme un harcèlement systématique constitutif de violence fondée sur le sexe. Enfin, le Comité considère que l’auteur n’a pas fourni d’informations suffisantes à l’appui de l’argument selon lequel elle serait persécutée en raison de sa religion. Dans ces circonstances, le Comité considère qu’elle n’a pu étayer suffisamment, aux fins de recevabilité, l’affirmation selon laquelle son expulsion vers le Pakistan l’exposerait à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence fondée sur le sexe. Par conséquent il déclare la communication irrecevable conformément à l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif.

7.9Compte tenu de cette conclusion, le Comité décide de ne pas examiner les autres motifs d’irrecevabilité invoqués par l’État partie, y compris ceux ratione loci et ratione materiae.S’agissant de l’argument invoqué par l’État partie, selon lequel l’auteur cherche à appliquer les dispositions de la Convention d’une manière extraterritoriale, le Comité rappelle sa position telle que définie dans sa décision figurant dans la communication no 33/2011, N.M. c.  Danemark, adoptée le 15 juillet 2013.

8.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur de la communication.

[Texte adopté en anglais, arabe, chinois, français, espagnol et russe, le texte anglais constituant la version originale.]