Nations Unies

CRC/C/81/D/6/2016

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

10 juillet 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité des droits de l’enfant au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 6/2016 * , **

Communication présentée par :

X (non représentée par un conseil)

Au nom de :

Y et Z

État partie :

Finlande

Date de la communication :

16 juillet 2016

Date des constatations :

15 mai 2019

Objet :

Contacts des enfants avec leur mère

Questions de procédure :

Recevabilité : défaut manifeste de fondement ; ratione materiae; ratione temporis; affaire examinée au titre d’une autre procédure internationale d’enquête ou de règlement ; qualité de victime

Questions de fond :

Intérêt supérieur de l’enfant ; droits de l’enfant

Article(s) de la Convention :

2, 3, 5, 6, 7, 9, 12, 13, 14, 18, 19, 24, 29, 30 et 39

Article(s) du Protocole facultatif :

5 (par. 1), 5 (par. 2) et 7 c) à f)

1.L’auteure de la communication est X, de nationalité finlandaise, née en 1978. Elle soumet la communication au nom de ses enfants, Y et Z, de nationalité finlandaise, nés le 14 janvier 2012. Elle affirme que la Finlande a violé ses droits et les droits de ses enfants garantis par les articles 2, 3, 5, 6, 7, 9, 12, 13, 14, 18, 19, 24, 29 et 39 de la Convention relative aux droits de l’enfant. L’auteure n’est pas représentée par un conseil. Le Protocole facultatif à la Convention est entré en vigueur pour la Finlande le 12 février 2016.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1En janvier 2012, l’auteure a donné naissance à des jumeaux, Y et Z. Elle affirme que le père des enfants a tenté de la contraindre à avorter, qu’il lui a infligé à plusieurs reprises des violences physiques en 2011 et 2012, y compris pendant sa grossesse, et que les enfants ont été témoins de ces violences à plusieurs reprises en 2012, 2013 et 2015. Elle ajoute que, de janvier à avril 2012, les deux enfants ont aussi subi des actes de violence de la part de leur père, qui leur a donné des coups de pied, les a fait tomber de ses genoux alors qu’il était ivre, s’en est pris à eux verbalement et les a menacés en les frappant à la tête à coups de poing. Le 8 avril 2012, l’auteure a quitté le domicile familial en emmenant les enfants.

2.2En juin 2012, le père a demandé la garde exclusive des enfants. L’auteure a signalé à la police que le père des enfants l’avait agressée à plusieurs reprises, et l’affaire a été transmise au bureau du Procureur le 8 janvier 2013. Le 19 septembre 2013, après une enquête superficielle, le Procureur a décidé de ne pas poursuivre le père des enfants faute de preuves suffisantes. Le 19 octobre 2013, le père a commencé à voir ses enfants dans le cadre de visites supervisées.

2.3Le 4 décembre 2013, le tribunal de district de Kymenlaakso a accordée au père la garde exclusive des enfants et a décidé que les enfants vivraient avec lui à compter du 1er mai 2014. L’auteure s’est vu attribuer un droit de visite, en vertu duquel elle était autorisée à recevoir les enfants chez elle une semaine sur deux, du jeudi au dimanche.

2.4L’auteure affirme que, le 15 décembre 2013, elle s’est rendue avec ses enfants dans un centre d’accueil pour une visite sous supervision avec le père. Dès son arrivée, celui-ci l’a agressée, lui causant des contusions à l’épaule droite. L’auteure a porté plainte et consulté un médecin le lendemain.

2.5Le 17 janvier 2014, l’auteure a introduit un recours auprès de la cour d’appel de Kouvola contre la décision rendue le 4 décembre 2013 par le tribunal de district de Kymenlaakso au sujet de la garde des enfants. Elle a aussi demandé qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision jusqu’à ce que la cour d’appel se soit prononcée, et a par la suite formé une nouvelle demande en ce sens. Ces demandes ont été rejetées en 2014.

2.6Le 10 avril 2014, sans préavis, les services sociaux de Pori sont venus chercher les enfants au domicile des parents de l’auteure et les ont placés en urgence à l’orphelinat de Kalevanpuisto, à Pori. Cette décision arbitraire de placement en urgence n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de la part d’une autorité compétente.

2.7Le 2 mai 2014, les services sociaux de Pori ont informé l’auteure que les enfants avaient quitté l’orphelinat de Kalevanpuisto et avaient été placés sous la garde de leur père, qui les avait emmenés chez lui, à Iitti. L’auteure affirme qu’il s’agit d’une décision arbitraire, car les autorités n’ont pas indiqué pour quelle raison la garde des enfants avait été accordée au père, alors que c’est principalement elle qui avait élevé les jumeaux. Du 2 mai 2014 au 30 mars 2015, puis à plusieurs reprises par la suite, le père a refusé que l’auteure parle au téléphone avec les enfants. En mai 2014, il n’a pas laissé l’auteure voir ses enfants le week-end comme prévu. Quand l’auteure a rendu visite à ses enfants, le 18 mai 2014, leur état s’était détérioré sur les plans physique et cognitif.

2.8Le 16 mai 2014, l’auteure a saisi la cour d’Itä Soumi, lui demandant de prendre des mesures provisoires et de fixer la résidence des enfants chez elle ; le même jour, cette demande a été rejetée. Le 12 juin 2014, la cour d’appel de Finlande orientale a débouté l’auteure de l’appel qu’elle avait formé contre la décision du tribunal de district qui confiait au père la garde exclusive des enfants. L’auteure s’est vu accorder deux heures de visite sous supervision par semaine du 12 juin au 31 octobre 2014, puis, à partir du 1er novembre 2014, un droit d’hébergement un week-end sur deux, du jeudi au dimanche, et pendant six à sept semaines pendant les vacances. Le 12 septembre 2014, la Cour suprême a confirmé cette décision, sans autoriser l’auteure à former un recours.

2.9L’auteure soutient que, de 2014 à 2016, les enfants avaient en permanence des ecchymoses et d’autres lésions et lui disaient que leur père les frappait. Ils lui disaient qu’ils avaient peur de lui et exprimaient leur refus de retourner chez lui en pleurant, en se débattant, en s’enfuyant ou en se cachant. Durant cette période, l’auteure a à plusieurs reprises signalé les blessures des enfants aux autorités, y compris aux services de protection de l’enfance et à la police, mais celles-ci n’ont pas pris les mesures appropriées. L’auteure affirme que, le 26 octobre 2014, les enfants ont été témoins de violences potentiellement mortelles alors qu’ils se trouvaient chez leur père. Celui-ci a fourni aux autorités des informations contradictoires à ce sujet. Le 12 septembre 2015, un médecin de l’hôpital central de Satakunta a fait un signalement à la police au vu des blessures qu’Y avait à la main. Le même jour, Y a dit à l’auteure que son père l’avait frappé. Dans un compte rendu daté du 14 décembre 2015, un autre médecin a indiqué, après avoir examiné les enfants, que les lésions cutanées, les ecchymoses et les blessures se trouvaient principalement sur des parties du corps souvent exposées aux blessures accidentelles. Il a conclu qu’il n’y avait « aucune blessure dont on pouvait être certain qu’elle avait été causée par les violences supposées », mais aussi que « l’examen ne permet[tait] pas d’exclure des violences ».

2.10L’auteure dit avoir été agressée par le père le 13 septembre 2015, alors qu’elle lui ramenait les enfants. Elle a immédiatement signalé ces faits à la travailleuse sociale qui la suivait, mais celle-ci lui a dit qu’elle n’avait rien vu et a fait pression sur elle pour qu’elle ramène les enfants chez leur père. Le même jour, Y a dit à l’auteure qu’il avait été frappé à plusieurs reprises par son père mais, lorsque l’auteure a signalé les faits aux services de protection de l’enfance de Pori, ceux-ci ont refusé d’enquêter. Les enfants répétaient, en larmes, que leur père allait de nouveau les frapper. C’est aussi à cette date que le père a mis un terme aux visites des enfants au domicile de leur mère, empêchant tout contact entre eux jusqu’au 30 novembre 2015.

2.11Le 21 septembre 2014, l’auteure a pris contact avec un cabinet de médiation familiale afin que celui-ci organise entre elle et le père des enfants une rencontre au cours de laquelle ils pourraient discuter de leurs relations et de questions concernant les enfants. Trois jours plus tard, le cabinet a pris contact avec le père, mais celui-ci a refusé la rencontre.

2.12En octobre 2015, l’auteure a saisi le tribunal de district de Kymenlaakso afin de faire appliquer son droit de visite. Le tribunal a ordonné une enquête sociale concernant les conditions de vie et la situation des deux parents. Le travailleur social chargé de l’enquête a soumis au tribunal un rapport écrit dans lequel il recommandait que les enfants recommencent rapidement à passer des week-ends chez l’auteure. Il estimait qu’ils n’étaient pas en danger au domicile de l’auteure et qu’il était dans leur intérêt supérieur de passer des week-ends prolongés et une partie des vacances avec l’auteure. Il a aussi recommandé une médiation familiale. Dès qu’elle a eu connaissance du rapport, l’auteure a pris rendez-vous pour une médiation, qui devait avoir lieu le 25 janvier 2016. Le père des enfants a refusé de s’y rendre.

2.13Le 14 décembre 2015, la police a décidé de ne pas mener d’enquête pénale contre le père des enfants car ceux-ci étaient trop jeunes pour être entendus. Les témoins adultes (la mère, la grand-mère et le conjoint de l’auteure) n’ont pas été entendus par la police. En outre, le travailleur social de la commune d’Iitti a fourni à la police des informations erronées et incomplètes.

2.14Le 21 décembre 2015, l’auteure a eu un enfant d’une autre relation. Peu après, elle s’est accordée avec le père de cet enfant pour en partager la garde. Le 15 mars 2016, celui qui était alors le conjoint de l’auteure a versé au père de Y et Z 200 euros pour couvrir ses frais de déplacement jusqu’à Pori, afin que l’auteure puisse voir ses fils. Le 20 mars 2016, l’auteure a pu passer deux heures avec ses enfants. C’était la première fois en six mois qu’ils se voyaient. Les jumeaux ont demandé à l’auteure quand ils pourraient rentrer à la maison. Y lui a dit qu’il voulait vivre avec elle, mais que son père ne l’y autoriserait pas. Il a ajouté qu’il avait peur de son père et ne voulait pas repartir avec lui. Le 13 avril 2016, l’auteure a de nouveau proposé au père des jumeaux de participer à une séance de médiation familiale à Pori, mais il a refusé.

2.15Le 15 avril 2016, le tribunal de district de Kymenlaakso a rejeté la demande de l’auteure visant à faire appliquer son droit de visite. Il lui a accordé deux heures de visite supervisée, une semaine sur deux, pour une durée indéterminée. Il a fondé sa décision sur le fait qu’en ne ramenant pas les enfants à leur père à l’heure prévue le 13 septembre 2015, l’auteure avait violé l’accord relatif aux visites qu’il avait entériné le 29 avril 2015 et que, ce faisant, l’auteure avait porté atteinte à l’intérêt supérieur des enfants. Le tribunal a estimé qu’en faisant examiner ses enfants par un médecin à la recherche de traces de violences, en 2014 puis à nouveau en septembre 2015, alors que ses soupçons n’étaient étayés par aucun élément objectif, l’auteure avait montré qu’elle cherchait activement une raison de ne pas rendre les enfants à leur père. Il a aussi condamné l’auteure à payer les frais de justice du père, d’un montant d’environ 12 400 euros, ainsi que sa part de ses propres frais de justice (en partie pris en charge par l’aide juridictionnelle), d’un montant de 3 500 euros. L’auteure a fait appel de cette décision auprès de la cour d’appel de Finlande orientale.

2.16Le 1er mai 2016, le père des enfants a refusé d’amener les jumeaux à Pori, où ils devaient voir l’auteure dans le cadre d’une visite supervisée. Le 18 mai 2016, l’auteure a de nouveau fait part aux services de la protection de l’enfance d’Iitti de ses préoccupations quant au comportement violent du père, mais aucune suite n’a été donnée.

2.17Les 4 et 5 juin 2016, le père des enfants a refusé d’amener les jumeaux voir l’auteure dans le cadre d’une visite supervisée. Le 11 juin 2016, il a refusé de les laisser assister à l’anniversaire de leurs cousins du côté maternel, arguant que les visites supervisées ne pouvaient avoir lieu que dans des lieux prévus à cet effet. L’auteure a perçu ce comportement comme une forme de maltraitance, de contrôle et d’humiliation envers elle et les enfants. Elle considérait que les espaces de rencontre officiels étaient des lieux aseptisés qui ne permettaient pas aux enfants de développer ni même de conserver une relation avec leur mère et d’autres membres de leur famille. Le 12 juin 2016, le père n’a pas amené les enfants à l’espace de rencontre pour la visite prévue. Le 18 juin 2016, l’auteure a pu voir les enfants pendant deux heures. Le père limitait les rencontres entre l’auteure et ses enfants au strict minimum (douze heures par an), ce qui était contraire à l’intérêt supérieur des enfants.

2.18Le 18 juin 2016, Y a dit à l’auteure que son père lui avait « interdit de [lui] parler de ce dont lui et son frère [lui] avaient parlé avant, mais que ces choses arriv[ai]ent encore ». Les enfants ont tous les deux dit qu’ils étaient tristes et en colère de ne pas pouvoir aller chez l’auteure, et qu’ils devaient s’occuper de leur père quand il était malade.

2.19Le 19 juin 2016, le père a refusé de laisser les enfants se rendre à l’enterrement d’un proche parent de l’auteure. Le 20 juin 2016, l’auteure lui a proposé de le rencontrer dans un centre de médiation familiale de Pori pour parler de leurs enfants, mais il a refusé.

2.20Le 30 juin 2016, la cour d’appel de Finlande orientale a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de district de Kymenlaakso concernant l’exercice du droit de visite qui avait été formulée par l’auteure, et n’a pas examiné le fond de l’appel. Au moment où elle a soumis la communication, l’auteure n’avait pas encore saisi la Cour suprême d’un recours contre la décision de la cour d’appel; elle avait jusqu’au 29 août 2016 pour ce faire. Elle dit toutefois avoir épuisé les recours internes, car la Cour suprême ne serait pas compétente pour examiner la question de l’exercice de son droit de visite.

2.21Le père n’a pas amené les enfants aux visites supervisées prévues les 2 et 3 juillet 2016 à l’espace de rencontre de Pori et, le 6 juillet 2016, ne s’est pas présenté à un rendez-vous au centre de médiation familiale de Pori.

2.22L’auteure affirme qu’elle n’a pas soumis la même affaire pour examen à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme qu’en confiant la garde de ses enfants à leur père, en venant les chercher à son domicile pour les placer dans un orphelinat puis chez leur père et en restreignant les contacts qu’elle peut avoir avec eux, l’État partie a violé les droits que ses enfants tiennent des articles 2, 3, 5, 6, 7, 9, 12, 13, 14, 18, 19, 24, 29 et 39 de la Convention.

3.2En violation de l’article 2 de la Convention, les enfants de l’auteure ont été punis parce qu’ils ne voulaient pas vivre avec leur père et avaient exprimé leur opinion à ce sujet. Leur opinion sur cette question n’a pas été prise en compte, en violation de l’article 12 de la Convention. En outre, les enfants n’ont été entendus dans aucune des procédures judiciaires ou administratives les concernant.

3.3L’État partie a accordé la garde des enfants de l’auteure à leur père violent à compter du 1er mai 2014, et n’a pas fait respecter le droit de visite de l’auteure à partir du 2 mai 2014 et le 15 avril 2016. Ce faisant, il a violé les droits que les enfants tiennent des articles 3, 5, 6, 7 et 9 de la Convention en faisant de l’intérêt supérieur du père une considération primordiale, en excluant l’auteure de la vie de ses enfants et en ne respectant pas l’obligation qui lui incombe de pleinement assurer la survie et le développement des enfants. L’État partie n’a pas tenu compte du rapport d’un pédopsychiatre daté du 19 novembre 2013 indiquant qu’il serait préférable de ne pas confier la garde des enfants à leur père. Les enfants sont exposés à la violence de leur père depuis des années et ont été témoins d’activités criminelles à son domicile le 26 octobre 2014. L’auteure a informé les autorités que les enfants demandaient à être protégés de leur père, mais ils sont restés sous sa garde. L’auteure a été séparée à plusieurs reprises de ses enfants, leur père les ayant empêché de la voir pendant deux week-ends en mai 2014 et ayant refusé qu’ils se rendent à son domicile du 2 mai 2014 au 1er juin 2015 et de nouveau à partir du 14 septembre 2015.

3.4En refusant aux enfants la possibilité de rendre visite à l’auteure pendant les week‑ends et les vacances le 15 avril 2016 et le 30 juin 2016, l’État partie a violé l’article 9 de la Convention. Tous les témoins entendus pendant la procédure devant le tribunal ont déclaré que les enfants n’étaient pas en danger au domicile de l’auteure. Une autre violation de l’article 9 a été commise quand le père a refusé toute communication téléphonique entrel’auteure et ses enfants du 2 mai 2014 au 1er avril 2015, du 24 juin 2015 au 30 novembre 2015, puis de nouveau à partir du 15 avril 2016. Quand l’auteure a pu parler avec ses enfants au téléphone, leur père contrôlait les appels et écoutait la conversation. En outre, le père et l’État partie ont exclu toute la famille de l’auteure de la vie des enfants à compter du 2 mai 2014. Du 2 mai 2014 au 1er juin 2015, puis à compter du 14 septembre 2015, le père et l’État ont refusé que les proches de l’auteure voient les enfants ou soient en contact avec eux. Le père a aussi refusé que les parents de l’auteure participent aux visites supervisées. De plus, depuis le 1er octobre 2014, les enfants passent neuf heures par jour, cinq jours par semaine, à la crèche, sans aucune période de vacances. Leur père a donc confié à des tiers le soin de s’occuper d’eux, alors que l’auteure voulait assumer elle-même cette tâche. L’auteure a aussi été forcée de confier ses enfants à leur père contre la volonté des enfants et en l’absence de toute décision écrite, ce qui constitue une violation supplémentaire de l’article 9.

3.5En violation du paragraphe 1 de l’article 13 et du paragraphe 1 de l’article 14 de la Convention, l’État partie a permis au père d’exercer un contrôle sur les enfants et sur leur opinion et de les opprimer, et a empêché les enfants, par des décisions judiciaires, de voir leur mère.

3.6En violation de l’article 18 de la Convention, l’État partie a confié la garde des enfants à un parent autoritaire et non coopératif ; il ne s’est donc pas employé de son mieux à garantir la responsabilité commune des parents pour ce qui est d’élever leurs enfants. L’auteure a assumé ses responsabilités et, de 2013 à 2016, a cherché à discuter des questions relatives aux enfants dans le cadre d’une médiation familiale. Le père, lui, refuse de discuter de ces questions dans le cadre d’une médiation depuis trois ans. Il ne s’est rendu à aucun des entretiens de médiation familiale qui ont été organisés.

3.7En violation des articles 19 et 24 de la Convention, les décisions relatives à la garde et au droit de visite ont provoqué de la colère et de la tristesse chez les enfants, qui ne peuvent voir leur mère et leur famille maternelle. Les autorités de l’État partie n’ont pas protégé les enfants contre la violence alors qu’ils étaient sous la garde de leur père, et elles ont porté atteinte à leur bien‑être en faisant de l’intérêt supérieur de leur père une considération primordiale. La cour d’appel de Finlande orientale n’a pas tenu compte du rapport d’un pédopsychiatre affirmant que les enfants seraient gravement traumatisés par une séparation d’avec leur mère. Deplus, les enquêtes pénales sur les violences commises par le père présentaient des lacunes.

3.8En violation de l’article 29 de la Convention, l’État partie a exclu l’auteure de la vie de ses enfants, alors qu’elle est instruite et que, dans le cadre de ses activités dans la fonction publique, elle défend les droits des enfants. L’environnement dans lequel les jumeaux vivent chez leur père et l’attitude de celui-ci envers l’auteure ne préparent pas les enfants à être respectueux envers l’auteure et sa famille et à respecter l’identité culturelle de l’auteure, ni à mener une vie responsable dans une société libre et tolérante. Le père refuse toute conversation avec l’auteure au sujet des enfants. Il est connu des services de police et du système judiciaire depuis 2011 pour divers faits de violence, ce qui montre qu’il est agressif.

3.9En violation de l’article 30, les enfants n’ont pas pu voir leur grand-père maternel, qui parle finnois et suédois, du 2 mai 2014 au 15 juillet 2015, puis à nouveau à compter du 14 septembre 2015. En conséquence, ils ne parlent et ne comprennent plus le suédois.

3.10En violation de l’article 39, les enfants ont été exposés à des violences répétées de la part de leur père, y compris des violences visant l’auteure, sans compter les faits qui ont eu lieu le 26 octobre 2014. Le père a refusé à maintes reprises de discuter de questions relatives aux enfants avec l’auteure et, depuis deux ans, il exerce une emprise psychologique sur les enfants et les opprime. Les enfants devraient pouvoir se remettre de cette expérience stressante et néfaste au domicile de l’auteure, dans un environnement sain.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations en date du 12 janvier 2017, l’État partie a apporté de nouvelles informations complétant les faits exposés dans la communication. Conformément à la loi, l’auteure avait, à la naissance des enfants, leur garde exclusive. Le 27 avril 2012, après s’être séparée de leur père, elle a déménagé avec eux à Pori, à 300 kilomètres environ d’Iitti. L’auteure dit avoir quitté le père des enfants à cause de son comportement violent et de sa consommation d’alcool, mais l’intéressé affirme qu’il a demandé à l’auteure de partir en raison de son comportement à elle. Ce n’est que le 19 octobre 2013, un an et demi après la séparation, que les enfants ont pu revoir leur père.

4.2Les deux parents ont fait de nombreux signalements auprès des services de protection de l’enfance de Pori et d’Iitti. Le 15 juin 2012, le père a saisi le tribunal de district de Kymenlaakso en vue d’obtenir la garde des enfants et le droit d’avoir des contacts avec eux. Le 8 janvier 2013, le tribunal a ordonné des mesures provisoires permettant au père de passer, deux fois par mois, trois heures avec ses enfants. Conformément à la pratique établie, les visites devaient être supervisées jusqu’à ce que cette mesure ne soit plus jugée nécessaire par les agents de supervision. Toutefois, les visites n’ont jamais eu lieu et le père s’est rendu dix-sept fois à Pori en vain, car l’auteure n’a jamais amené les enfants au lieu de rencontre, prétextant qu’ils étaient malades. En conséquence, le 7 février 2013, le père a demandé au tribunal de district de Satakunta de prendre des mesures pour faire respecter son droit d’avoir des contacts avec ses enfants et, le 26 avril 1013, le tribunal a ordonné à l’auteure d’autoriser des rencontres entre le père et les enfants, sous peine d’amende. L’appel formé par l’auteure auprès du même tribunal a été rejeté, au motif qu’il était dans l’intérêt supérieur des enfants de voir leur père, car ces contacts étaient importants pour leur croissance et leur développement. Le 26 avril 2013, l’auteure a saisi la cour d’appel de Vaasa afin de faire suspendre le droit de visite du père. L’auteure a été déboutée car la cour a estimé que l’annulation de la visite surveillée avait été justifiée à une seule occasion. Malgré la condamnation de l’auteure, le 5 juin 2013, à une amende pour non-respect du droit de visite, le père n’a pas pu voir ses enfants. Ainsi, le 11 mai 2013, l’auteure ne s’est pas présentée à une visite supervisée et a informé le père qu’elle avait l’intention de quitter le pays. Le 10 juillet 2013, le tribunal de district de Kymenlaakso a rejeté l’appel formé par l’auteure contre la décision relative aux mesures provisoires, au motif que les enfants n’avaient pas vu leur père depuis le 27 avril 2012, et qu’il était dans leur intérêt supérieur de le voir souvent. Il a aussi estimé qu’étant donné que les enfants avaient trois mois et demi la dernière fois qu’ils avaient vu leur père, ils ne pouvaient pas en avoir très peur, contrairement à ce qu’affirmait l’auteure.

4.3Le 19 octobre 2013, les enfants ont vu leur père pour la première fois depuis plus d’un an. L’auteure ne leur avait pas donné les cadeaux que leur père leur avait envoyés. D’après un rapport des services de protection de l’enfance daté du 11 décembre 2013, le père a eu de bons échanges avec les enfants pendant les visites supervisées, s’est montré calme pendant toute la durée des entretiens, prenait soin des enfants et se souciait de leur bien-être. Le 26 mars 2013, les services de protection de l’enfance de Pori, qui avaient été saisis par le père et ses proches, ont entrepris une évaluation des besoins des enfants. Cette évaluation passait par des entretiens avec les parents comme avec les enfants, ainsi que par une évaluation des compétences parentales du père et de la mère, réalisée par un psychologue. Les travailleurs sociaux se sont entretenus avec la mère en présence des enfants et se sont rendus chez le père pour évaluer sa capacité à s’occuper des enfants. L’évaluation s’est terminée le 24 février 2014. Les services sociaux ont trouvé que les enfants étaient pleins d’énergie, mais ont décidé, afin de les protéger, de poursuivre le suivi de la famille au moins tant que les relations entre les parents seraient conflictuelles.

4.4Le 4 décembre 2013, le tribunal de district de Kymenlaakso a confié au père la garde exclusive des enfants, avec effet au 1er mai 2014. La garde devait être partagée entre les parents jusqu’au 30 avril 2014, et le père devait avoir un droit de visite non supervisée jusqu’à ce que les enfants emménagent chez lui, à Iitti. Le 20 décembre 2013, l’auteure a fait appel de cette décision et demandé que les visites du père soient supervisées. Le père a quant à lui demandé que les visites de l’auteure soient supervisées. Le 23 janvier 2014, il a demandé au tribunal de district de Satakunta de faire appliquer la décision par laquelle la garde des enfants lui avait été confiée. Le 1er avril 2014, le tribunal a fait droit à sa demande.

4.5Le placement en urgence des enfants a pris fin le 2 mai 2014. Le 12 septembre 2014, la cour administrative régionale de Turku a rejeté les appels formés par l’auteure contre les décisions relatives au placement en urgence et au droit de visite. Le 25 août 2015, la Cour administrative suprême a rejeté un nouvel appel formé par l’auteure. Conformément à la décision relative à la garde, le 2 mai 2014, les enfants sont allés vivre chez leur père à Iitti. L’auteure a pu les voir dans le cadre de visites supervisées entre le 15 juin et le 14 septembre 2014. En 2014, les services de protection de l’enfance ont reçu 11 signalements concernant les enfants, émanant de l’auteure, de sa mère, de son médecin, avec qui elle avait parlé de la situation des enfants, et de la police. Ces signalements ont été examinés par un travailleur social de la municipalité d’Iitti.

4.6Le 28 janvier 2015, l’auteure a fait un signalement auprès des services de protection de l’enfance d’Iitti, au motif que le père n’avait pas amené les enfants aux visites supervisées à cinq reprises en l’espace de sept semaines et qu’il avait aussi entravé par d’autres moyens la communication entre l’auteure et ses enfants. Un travailleur social a demandé à la police d’enquêter sur la question, et a élaboré un rapport sur les aptitudes parentales des deux intéressés à l’intention du tribunal de district de Kymenlaakso. Le 29 avril 2015, ce tribunal a entériné l’accord relatif aux visites auquel les parents étaient parvenus au cours des séances préparatoires devant le tribunal. Aux termes de cet accord, l’auteure verrait ses enfants dans le cadre de visites supervisées jusqu’au début de juillet 2015. Après cette date, les visites se feraient sans supervision. À compter de fin juillet 2015, elles s’étendraient du jeudi au dimanche.

4.7Alors que les enfants étaient avec leur mère, du 10 au 13 septembre 2015, celle-ci a emmené l’un d’eux chez le médecin, affirmant qu’il avait été frappé par son père. Le médecin a signalé ces allégations aux services sociaux de Pori, qui ont enquêté sur la question en coopération avec la police. Au cours d’une visite au domicile du père, le 24 septembre 2015, les services sociaux de Pori ont observé que le père avait avec ses enfants une relation harmonieuse et pleine d’affection.

4.8Quinze signalements ont été effectués après que les enfants ont emménagé chez leur père. Ils ont donné lieu à des enquêtes des services de protection de l’enfance d’Iitti, du centre de médiation familiale, des services sociaux d’urgence et des services de santé. La situation a aussi été évaluée, au cours de visites à domicile, par la police, le centre de soutien familial de Kouvola et les personnes qui organisaient les visites supervisées. Des travailleurs sociaux des services de protection de l’enfance se sont également rendus au domicile du père. Aucun d’eux n’a relevé d’élément portant à croire que les enfants subissaient des violences ou des mauvais traitements. Les enfants semblaient contents, joyeux, dynamiques et équilibrés, et avaient une relation solide et chaleureuse avec leur père. Leur développement ne suscitait aucune préoccupation. Un rapport de la crèche que fréquentent les enfants à Iitti indique que ceux-ci sont enjoués et pleins d’énergie, qu’ils ont progressé dans leur développement au cours de leur scolarité, qu’ils parlent mieux et qu’ils progressent dans l’apprentissage de la propreté, que leurs relations avec leur père sont chaleureuses et que rien ne porte à croire qu’ils sont victimes de violence. Selon un rapport distinct des services sociaux et des services de santé d’Iitti, les enfants sont venus à tous leurs rendez-vous au dispensaire, d’abord accompagnés de leurs deux parents, puis seulement de leur père. Aucune anomalie significative quant à leur santé, leur développement ou leur bien-être n’est signalée dans leur dossier médical, et le personnel n’a rien remarqué d’anormal. Le personnel avait remarqué que les parents avaient des relations tendues, et avait tenté de les orienter vers des services d’aide, et notamment de médiation familiale.

4.9L’État partie estime que la communication est irrecevable ratione materiae au regard de l’article 7 c) du Protocole facultatif car l’auteure demande le réexamen des faits sur lesquels sont fondées les décisions des juridictions internes, alors que le Comité n’a pas pour rôle d’agir comme une quatrième instance.

4.10La communication est irrecevable au regard de l’article 7 d) du Protocole facultatif pour deux raisons. Premièrement, l’auteure a soumis une requête concernant la même affaire à la Cour européenne des droits de l’homme, qui l’a jugée irrecevable en mai 2015. Deuxièmement, elle a aussi soumis au Comité des droits de l’homme une communication qui est toujours pendante. Que la communication soumise au Comité des droits de l’enfant concernant d’autres violations n’enlève rien au fait que les deux communications concernent la même auteure et les mêmes faits. Il est donc possible que la soumission de la présente communication constitue un abus du droit de présenter des communications. La seule partie de la communication qui n’ait pas été présentée au Comité des droits de l’homme est celle qui porte sur les procédures les plus récentes, qui ont été engagées en octobre 2015 et concernent l’exercice du droit de visite de l’auteure.

4.11La communication pourrait être irrecevable au regard de l’article 5 du Protocole facultatif et de l’article 13 du règlement intérieur du Comité, selon lesquels une communication ne peut être soumise qu’avec le consentement exprès de la ou des victime(s) supposée(s). Les enfants n’étant âgés que de cinq ans, il est difficile de déterminer s’ils peuvent donner un consentement objectif. Ils sont placés sous la garde de leur père, qui est leur représentant légal, et l’auteure n’a pas justifié qu’elle agissait en leur nom. On peut douter que la soumission de la communication corresponde à l’intérêt supérieur des enfants, et il est possible qu’il existe un conflit d’intérêt entre l’auteure et les enfants. Le Comité devrait examiner cette éventualité de prèset s’assurer que les enfants ne sont pas manipulés. L’élément central de la communication est que l’auteure n’est pas satisfaite des décisions des juridictions internes. Toutefois,la poursuite de la procédure devant le Comité pèse sur toute la famille, ce qui n’est pas dans l’intérêt supérieur des enfants.

4.12La communication est irrecevable au regard de l’article 7 e) du Protocole facultatif, car l’auteure n’a pas épuisé plusieurs recours internes disponibles. Le 2 octobre 2015, l’auteure a saisi le tribunal de district de Kymenlaakso et demandé que le père soit condamné à une amende conditionnelle, afin de garantir le respect de l’accord de 2015 organisant les visites de l’auteure. Le 15 avril 2016, le tribunal a rejeté la demande. Le 29 novembre 2016, la Cour suprême a autorisé l’auteure à faire appel de la décision de la cour d’appel de Finlande orientale en date du 30 juin 2016, par laquelle la cour avait confirmé la décision du tribunal de district de Kymenlaakso. La procédure est en cours et n’excède pas des délais raisonnables. De plus, contrairement à ce qu’elle affirme, l’auteure n’a pas été empêchée de voir ses enfants. En vertu de la décision du tribunal de district, elle a le droit de les voir dans le cadre de visites supervisées. Tant le tribunal de district que la cour d’appel ont tenu des audiences au cours desquelles les dépositions de nombreux témoins et nombre de preuves écrites ont été examinées. Le tribunal de district a aussi examiné les évaluations et les rapports pertinents des services sociaux. En outre, l’auteure ne s’est pas prévalue de son droit d’engager des poursuites secondaires en réponse à la décision prise le 4 juin 2016 par le procureur du district de Salpausselkä de ne pas engager de poursuites contre le père des enfants. Elle n’a pas non plus, comme elle en avait le droit, réclamé des dommages-intérêts ou demandé que le fonctionnaire responsable soit sanctionné, au titre de l’article 118 de la Constitution. Elle n’a pas porté plainte en application de l’article 23 de la loi sur les usagers des services sociaux pour contester l’action des services sociaux la concernant. Elle n’a pas non plus saisi l’administration régionale ou le médiateur du Parlement au sujet d’irrégularités qui auraient été commises par les autorités publiques.

4.13En outre, l’auteure n’a pas épuisé les recours internes quant à ses griefs au titre des articles 2, 13, 14, 29, 30 et 39 de la Convention puisqu’elle n’a pas soulevé ces griefs devant les autorités nationales.

4.14La communication est également irrecevable au regard de l’article 7 g) du Protocole facultatif car la majorité des faits en cause se sont déroulés avant le 12 février 2016, date d’entrée en vigueur du Protocole pour l’État partie. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, un acte instantané tel que l’attribution de la garde ne donne pas lieu à une violation continue des droits aux fins de la détermination de la compétence ratione temporis.

4.15La communication est irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif parce qu’elle est manifestement infondée. En ce qui concerne l’allégation de l’auteure selon laquelle le père a eu un comportement violent, l’État partie fait valoir que, bien avant la naissance des enfants, celui‑ci avait été impliqué, en tant qu’agent de sécurité, dans plusieurs incidents qui avaient donné lieu à des enquêtes de police. Aucune charge n’a jamais été retenue contre lui. L’auteure affirme que les procédures internes étaient entachées d’irrégularités sans préciser en quoi consistaient les irrégularités. En réponse aux accusations de l’auteure, qui affirme avoir été agressée par le père en 2011 et 2012, une enquête pénale a été menée et l’auteure, sa mère et le père des enfants ont été entendus. La décision d’accorder la garde exclusive au père a préservé le droit des enfants d’entretenir régulièrement des relations avec leurs deux parents. L’ensemble des autorités qui ont participé aux décisions relatives à la garde et au droit de visite ont fait tout leur possible pour prendre dûment en considération le droit des enfants d’avoir des relationsavec leurs deux parents, tout en tenant compte des droits et obligations de la mère et du père. Les mesures prises par les autorités étaient appropriées et ont eu pour effet de protéger les enfants et de préserver leur vie de famille. La question a déjà été longuement examinée par les tribunaux nationaux, qui ont fondé leurs décisions sur des raisonnements rigoureux.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1En date du 16 février 2017, l’auteure a soumis ses commentaires sur les observations de l’État partie. L’auteure affirme que le père continue de frapper ses enfants, portant ainsi atteinte à leur intégrité psychologique et physique, et que les personnes chargées d’encadrer les visites ont été témoins des violences mais n’ont signalé aucun problème aux autorités de protection de l’enfance. Les enfants ont présenté de nombreux symptômes comportementaux et physiques de maltraitance, comme des maux de tête, des douleurs abdominales, du bruxisme, des lésions défensives aux avant-bras, des marques de morsure humaine, des marques de brûlure et des blessures au visage. L’auteure soutient que, depuis 2015, le père a annulé 22 visites supervisées et ne s’est pas conformé à l’ordonnance du tribunal lui enjoignant de reprogrammer ces visites.

5.2L’auteure conteste chacun des arguments de l’État partie au sujet de la recevabilité de la communication, notamment en ce qui concerne l’épuisement des recours internes. L’auteure n’a pas le droit d’engager des poursuites secondaires, car ce sont les enfants, et non elle-même, qui ont la qualité de victime dans l’enquête pénale relative aux violences qui auraient été exercées par le père contre ses enfants. Étant donné que le père a la garde exclusive des enfants, lui seul peut les représenter dans les procédures internes.

5.3Les restrictions imposées au droit de visite de l’auteure limitent de manière illégitime son droit à la vie de famille et ne reposent sur aucune justification objective ou raisonnable. Les autorités nationales ont rendu des décisions arbitraires et constitutives d’un déni de justice, car elles n’ont pas fait preuve de la diligence voulue pour s’assurer que les enfants seraient en sécurité sous la garde de leur père, qui les a maltraités ; elles n’ont pas non plus fait en sorte que les enfants, qui sont vulnérables à cet âge, aient de nombreux contacts avec leurs deux parents. Les restrictions imposées au droit de visite de l’auteure sont lourdes et se fondent sur des causes mineures, comme la remise des enfants au père avec trois heures de retard. En outre, le médiateur chargé des procédures d’exécution a déclaré devant le tribunal qu’il n’y avait pas lieu d’encadrer les visites des enfants au domicile de l’auteure, et qu’il était dans l’intérêt des enfants de passer des week-ends et des vacances avec elle. Tout en réaffirmant que la présente communication ne porte pas sur la garde des enfants ou le placement en urgence, l’auteure répond aux affirmations de l’État partie sur ces questions, et maintient que les services de protection de l’enfance d’Iitti n’ont pas apprécié comme il se doit le risque de violence auquel les enfants sont exposés au domicile du père et ont effacé de leurs dossiers les informations et les documents pertinents que l’auteure leur a communiqués en juin 2014. En mai 2014, ces mêmes services ont interdit à l’auteure de photographier et de décrire les blessures des enfants et de faire examiner les enfants par un médecin lorsqu’ils présentaient des blessures.

5.4Dans le rapport qu’il a adressé à la police, le personnel de la crèche d’Iitti a indiqué qu’il pratiquait encore la punition consistant à imposer aux enfants de rester immobiles lorsqu’ils ne pouvaient pas contrôler leurs sentiments ou leur comportement. Cette punition est considérée par de nombreux psychologues comme étant préjudiciable à l’épanouissement harmonieux de l’enfant. Une crèche qui recourt à de telles méthodes n’est donc pas bien placée pour évaluer les lésions qui pourraient avoir été infligées aux enfants.

5.5En 2014 et 2015, les enfants ont fréquenté la crèche pendant un an et demi sans interruption parce que le père n’a pas pu prendre de congés et a refusé que les enfants passent les cinq semaines de vacances estivales au domicile de l’auteure. Ainsi, alors que les enfants pourraient être élevés par leur mère, ils sont élevés par le personnel de la crèche parce que le père donne la priorité à son travail.

5.6L’auteure conteste l’affirmation de l’État partie qui soutient qu’un travailleur social a évalué les aptitudes parentales du père comme de la mère et a rédigé un rapport sur la question à l’intention du tribunal de district de Kymenlaakso. Un tel rapport officieux serait illégal parce qu’il n’a pas été demandé par le tribunal et que les parties n’ont pas consenti à sa rédaction.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et observations sur le fond

6.1Dans une lettre du 12 mai 2017, l’État partie a soumis à nouveau ses observations sur la recevabilité, a affirmé que la communication était dénuée de fondement et a complété les faits exposés dans la communication. Le 21 février 2014, un groupe de travail multidisciplinaire a constaté que les trois rencontres supervisées entre les enfants et le père s’étaient bien passées. D’autres rencontres qui avaient été programmées n’ont jamais eu lieu en raison du manque de volonté ou de l’incapacité de l’auteure. Le 1er avril 2014, faisant droit à la demande du père, le tribunal a ordonné que des services chargés de l’application des lois aillent chercher les enfants chez l’auteure pour que les rencontres prévues avec leur père puissent avoir lieu avant leur déménagement à Iitti. Dans sa décision, le tribunal a fait observer que l’auteure avait affirmé qu’elle n’accepterait pas, d’elle-même ou sous peine d’amende, les rencontres prévues par le tribunal de district. Le tribunal a ajouté que l’auteure l’avait informé qu’elle ferait tout son possible pour que ces rencontres n’aient pas lieu. En conséquence, les travailleurs sociaux ont vivement craint que l’auteure tente d’empêcher le père de venir chercher les enfants et que, ce faisant, elle mette en danger les enfants.

6.2Une fois la décision relative à la garde rendue, la mère a insisté pour que les visites du père se déroulent sous supervision, contrairement à ce qu’avait décidé le tribunal. Comme le père s’y est opposé, l’auteure a refusé à maintes reprises d’amener les enfants aux rencontres et a annulé les rendez-vous. Après avoir reçu plusieurs rapports relatifs au bien‑être des enfants, les services de protection de l’enfance de Pori se sont entretenus avec l’auteure le 10 avril 2014. Au cours de cet entretien, l’auteure a déclaré qu’elle ne remettrait pas les enfants au père, et qu’il faudrait « lui passer sur le corps » avant qu’ils ne repartent avec lui. Comme l’auteure n’a pas précisé de quelle manière elle s’opposerait au départ de ses enfants, les services de protection de l’enfance de Pori ont décidé de placer les enfants en urgence dans un établissement de protection de l’enfance le jour même.

6.3Selon un rapport relatif au bien-être des enfants du 3 décembre 2014, l’auteure a demandé à la personne chargée de surveiller une rencontre de constater la présence d’ecchymoses et de griffures sur le corps des enfants. Les ecchymoses étaient de taille réduite et se situaient principalement sur le visage et dans le dos. Selon les employés, les enfants auraient pu se faire ces bleus eux-mêmes en jouant, étant donné leur âge. Au cours d’une autre rencontre, les surveillants ont dû interdire à l’auteure de photographier les enfants sans leurs vêtements. L’auteure a appelé la police et la rencontre a été interrompue.

Nouveaux commentaires de l’auteure

7.1Dans ses commentaires du 12 juillet 2017, l’auteure a contesté en détail l’affirmation de l’État partie selon laquelle elle n’avait pas invoqué les articles 2, 3, 14, 29, 30 et 39 de la Convention. L’auteur soutient que l’imposition par le personnel de la crèche de la punition consistant à obliger les enfants à rester immobiles constitue une violation de l’article 29 de la Convention. Elle soutient également que les médecins qui ont examiné les enfants les 13 septembre et 14 décembre 2015 « ont recommandé que les enfants soient hébergés dans un centre d’accueil ou fassent l’objet d’un placement en urgence et ont signalé à la police des lésions susceptibles d’avoir été causées par des actes de violence ». L’auteure rappelle qu’Y a subi une blessure grave, à savoir une fracture du fémur, et que, pendant toute la durée de la procédure, les autorités de l’État partie n’ont pas pris en compte l’avis et l’opinion des enfants.

7.2Dans ses commentaires du 27 novembre 2017, l’auteure a informé le Comité que, le 17 novembre 2017, elle-même et le père avaient conclu devant la cour d’appel de Finlande orientale un accord visant à régler de manière pacifique la question de l’exercice du droit de visite de l’auteure. En vertu de cet accord, à compter du 19 novembre 2017, les enfants seraient accueillis au domicile de l’auteure, sans supervision, un week-end sur deux. L’auteure souligne que l’accord relatif au droit de visite avait déjà été entériné par le tribunal de district de Kymenlaakso le 29 avril 2015, mais n’avait été appliqué que deux ans plus tard.

7.3Dans ses commentaires du 5 février 2018, l’auteure a affirmé que les enfants continuaient de lui dire que leur père les battait et était souvent en colère contre eux. Le 21 septembre 2018, l’auteure a informé le Comité que, le 20 septembre 2018, la Cour suprême avait rejeté sa demande d’autorisation de faire appel de la décision relative à l’exercice de son droit de visite rendue le 30 juin 2016 par la cour d’appel de Finlande orientale. En conséquence, tous les recours internes avaient été épuisés.

Nouvelles observations de l’État partie

8.1Dans de nouvelles observations en date des 27 avril et 1er novembre 2018, l’État partie a rappelé sa position. Il considère que nombre des faits décrits par l’auteure sont dénués de pertinence et invérifiables. Les enfants n’ont pas la qualité de victimes parce que, le 17 novembre 2017, l’auteure et le père ont conclu un accord sur l’exercice du droit de visite de l’auteure, qui est au cœur de la présente communication. À la demande des parties, la cour d’appel de Finlande orientale a confirmé cet accord le 20 novembre 2017 et a conclu qu’il n’était ni contraire au droit ni manifestement déraisonnable, qu’il ne portait pas atteinte aux droits de tiers et qu’il était conforme à l’intérêt supérieur des enfants. La décision n’ayant pas fait l’objet d’un recours, elle est devenue définitive. La communication est également irrecevable car manifestement dénuée de fondement au motif que l’auteure demande au Comité d’agir comme une quatrième instance.

8.2Le 20 mars 2016, l’auteure a déposé plainte auprès de la police judiciaire pour des actes de violence présumés à l’égard de ses enfants. Des renseignements ont été demandés à la crèche et aux services de protection de l’enfance qui avaient assisté en qualité d’observateurs aux rencontres entre l’auteure et ses enfants ; aucune préoccupation n’a été signalée. Le père a contesté les allégations de violence. Eu égard à l’âge des enfants, il a été demandé au groupe de travail d’experts psychiatres de l’Université de Tampere d’évaluer si les enfants pouvaient être interrogés ; dans son rapport du 15 juin 2017, le groupe de travail a signalé qu’il ne serait pas dans leur intérêt supérieur de les interroger car des acteurs neutres ne s’étaient pas dits préoccupés par leur situation et il n’y avait aucun signe de violence ou de maltraitance. Le groupe de travail a fait remarquer qu’aucune des personnes entendues, parmi lesquelles un infirmier, un enseignant, un policier et des agents de la protection de l’enfance, n’avait exprimé la moindre préoccupation au sujet du bien-être des enfants ni constaté de signes de violence. Lesexperts ont fait remarquer que l’examen du dossier faisait apparaître des contradictions entre les déclarations de l’auteure et les informations consignées dans le dossier au sujet des rencontres supervisées en ce qui concerne la personne qui avait commencé à évoquer le comportement violent du père. Ils ont également déclaré que la possibilité d’obtenir des informations fiables en soumettant les enfants à un entretien psychologique médico-légal dépendait, entre autres choses, de la mesure dans laquelle ceux-ci avaient été exposés aux opinions de tiers concernant les violences présumées. Les jeunes enfants n’étaient pas forcément à même de faire la distinction entre les sources de leurs souvenirs, c’est-à-dire de déterminer si un souvenir était fondé sur du vécu ou sur la perception qu’avait un adulte de l’événement, par exemple. Enl’espèce, il existait de nombreux antécédents d’infractions similaires supposées, et les enfants avaient tellement été exposés à la question qu’il serait impossible d’évaluer la fiabilité de leurs déclarations concernant les violences présumées. Le conflit qui opposait les parents à propos de la garde étant ancien, il était difficile d’obtenir un récit fiable de la part des enfants.

8.3Depuis le 1er décembre 2016, les services de protection de l’enfance d’Iitti ont reçu cinq signalements de l’auteure concernant les enfants et un signalement émanant du conjoint actuel de l’auteure au sujet d’actes de violence qui seraient commis par le père et des difficultés qu’a l’auteure à voir ses enfants. L’État partie fait observer que les services de protection sociale ont mené une enquête à la suite de ces signalements en interrogeant le père dans leurs bureaux le 29 mai 2017, en se mettant en relation avec les services de pédopsychiatrie de l’hôpital central dePäijät-Häme et de l’hôpital universitaire de Tampere, en réunissant le père et l’auteure en juillet 2017 pour discuter du problème, et en se rendant au domicile des enfants, le 27 juillet 2017, pour rencontrer les enfants et le père. Ilressort des comptes rendus des travailleurs sociaux que les enfants, âgés de cinq ans, étaient calmes, heureux, ouverts et bien élevés, et qu’ils discutaient avec leur père et parfois s’asseyaient sur ses genoux. Les enfants ont également déclaré que leur père les consolait et qu’ils avaient le sentiment de pouvoir lui parler de ce qui leur faisait peur. Les services de protection sociale n’ont observé aucun élément justifiant l’ouverture d’une enquête pour des soupçons de violence. En outre, dans ses signalements, l’auteure a mentionné des faits sur lesquels les services de protection de l’enfance avaient déjà mené une enquête en bonne et due forme. Les actes de violence que le père aurait commis avaient déjà fait l’objet d’une enquête de police. En particulier, il avait été établi que la fracture du fémur de Y, évoquée par l’auteure dans ses allégations, avait été causée par une chute à ski en mars2017.

8.4En ce qui concerne les allégations de l’auteure selon lesquelles les enfants n’ont reçu aucun soutien après avoir été exposés à des actes de violence le 26 octobre 2014, l’État partie souligne que les mesures suivantes ont été prises :a) le 23 janvier 2017, les services de police du sud-est de la Finlande ont demandé l’assistance du groupe de travail d’experts psychiatres, à la suite de la demande d’enquête reçue le 7 décembre 2016 ; b) le groupe de travail a signalé aux travailleurs sociaux des services de protection de l’enfance qu’il avait reçu un courriel de l’auteure dans lequel celle-ci se disait préoccupée par les actes de violence du père à l’égard des enfants ; c) le groupe de travail a adressé les enfants au département de pédopsychiatrie de l’hôpital central de Päijät-Häme ; et d) le département de pédopsychiatrie a pris contact avec le père le 11 juillet 2017 et lui a conseillé de demander à ce que les enfants soient orientés vers un pédopsychiatre. Il ressort du dossier du département que le père ne voyait pas la nécessité pour les enfants de consulter un pédopsychiatre, et que ni le père ni le personnel de la crèche n’avaient d’inquiétude au sujet du bien-être des enfants.

8.5Les enfants n’ont plus la qualité de victimes, et l’argument de l’auteure selon lequel les recours internes sont inutiles est devenu sans objet. La Cour suprême a rendu sa décision dans le cadre de la procédure interne le 11 juillet 2017. Elle n’a pas statué sur le fond mais a infirmé la décision de la cour d’appel de Finlande orientale par laquelle celle-ci avait rejeté la demande d’autorisation soumise par l’auteure aux fins de la poursuite de l’examen de l’affaire. L’affaire a alors été renvoyée devant la cour d’appel. En outre, le 17 novembre 2017, l’auteure et le père ont conclu un accord sur le droit de visite lors d’une audience préparatoire tenue devant la cour d’appel, laquelle a entériné cet accord dans une décision définitive rendue le 20 novembre 2017.

8.6Dans sa décision du 17 janvier 2018, la cour d’appel de Finlande orientale a rejeté la demande d’indemnisation pour durée excessive de la procédure qui avait été présentée par l’auteure. Bien que la demande d’autorisation présentée par l’auteure en vue de la formation d’un recours contre cette décision soit encore pendante, les griefs soulevés quant à la durée et au coût de la procédure ne sont pas examinés par le Comité.

8.7Pour ce qui est de l’épuisement des recours internes, la décision du tribunal de district en date du 15 avril 2016 ne mentionne aucun grief au titre de l’article 30 de la Convention. La règle de l’épuisement des recours internes a pour objectif de donner aux autorités nationales la possibilité de prévenir les violations supposées de la Convention ou d’y remédier. Les victimes présumées n’ont pas épuisé les recours internes disponibles quant aux nouveaux griefs soulevés par l’auteure concernant des faits qui auraient été signalés à la police ou aux services de protection de l’enfance. Ainsi, ce n’est que dans sa lettre du 16 juillet 2017 que l’auteure a évoqué pour la première fois devant le Comité la punition consistant à obliger les enfants à rester immobiles. Le grief relatif à cette punition est donc également irrecevable ratione temporis.

8.8En ce qui concerne le fond, pour ce qui est de l’évaluation du bien‑être, du développement et de la sécurité des enfants, dans un rapport élaboré par le directeur et le personnel de la crèche, il est indiqué que la croissance et le développement des enfants sont normaux pour leur âge. Le personnel signale que le degré d’autonomie, les capacités motrices, les compétences sociales et le développement linguistique et psychologique des enfants sont également dans la norme pour leur âge. Il fait toutefois observer que les enfants ont quelques difficultés à se maîtriser, ce qui se traduit par de l’impulsivité et des problèmes de concentration dans les activités quotidiennes. Les enfants apprécient les jeux d’action et aiment parfois désobéir aux règles en vigueur à la crèche.

8.9Le personnel de la crèche n’a pas observé de signes préoccupants indiquant que la sécurité ou le bien-être des enfants n’étaient pas assurés. La relation du personnel avec le père a toujours été franche et fondée sur la confidentialité. Le personnel de la crèche sait que les services de protection sociale suivent la situation des enfants et que toutes les parties qui travaillent auprès des enfants sont liées par l’obligation de signaler aux services de protection sociale tout soupçon de mauvais traitements. En outre, le personnel a été informé des soupçons de violence. En ce qui concerne les déclarations de l’auteure au sujet de la prise en compte de l’opinion des enfants eu égard à leur âge et à leur degré de maturité, l’État partie rappelle que le groupe de travail d’experts psychiatres de l’hôpital universitaire de Tampere a examiné l’aptitude des enfants à être interrogés en 2017. Il a conclu que les enfants n’étaient pas aptes à être entendus en raison de leur âge et de l’ancienneté du conflit relatif à la garde, et que l’organisation d’un entretien serait contraire à leur intérêt supérieur. En outre, comme l’explique en détail l’État partie, la situation des enfants a aussi fait l’objet de plusieurs autres types de suivi.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable.

9.2Le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle la communication est irrecevable au regard de l’article 7 d) du Protocole facultatif au motif que la même question portant sur les mêmes faits est examinée par le Comité des droits de l’homme et a été examinée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui a déclaré la requête de l’auteure irrecevable en mai 2015. Il observe également que l’auteure indique que les questions soulevées devant le Comité des droits de l’homme ont trait à la garde des enfants et aux restrictions imposées à son droit de visite en 2014, et non à la procédure relative à l’exercice de son droit de visite à compter du 13 septembre 2015. Le Comité considère donc que les dispositions de l’article 7 d) du Protocole facultatif ne l’empêchent pas en principe d’examiner les griefs de l’auteure relatifs au déroulement de la procédure engagée en octobre 2015 devant le tribunal de district de Kymenlaakso concernant l’exercice de son droit de visite au titre de l’accord conclu avec le père et homologué par le tribunal le 29 avril 2015. En revanche, ces mêmes dispositions l’empêchent d’examiner des questions qui sont en cours d’examen devant le Comité des droits de l’homme, notamment la décision relative à la garde, la décision relative au placement en urgence et la décision de 2014 sur le droit de visite, ainsi que les griefs soulevés par l’auteure au sujet du lieu de résidence des enfants, du droit à la sécurité et du droit à la vie de famille. Le Comité fait observer que, dans sa décision rendue en formation de juge unique, la Cour européenne des droits de l’homme ne précise pas les motifs sur lesquels se fonde sa décision d’irrecevabilité. En conséquence, le Comité considère que cette décision ne permet pas d’établir que la Cour européenne des droits de l’homme a examiné la même question.

9.3En ce qui concerne les griefs soulevés par l’auteure concernant la violation de ses propres droits, le Comité considère que la Convention protège les droits des enfants et non ceux des adultes. En conséquence, il conclut que les griefs soulevés par l’auteure en son nom sont incompatibles avec les dispositions de la Convention et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 c) du Protocole facultatif.

9.4Le Comité note que l’État partie affirme que la communication est irrecevable au regard du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif et de l’article 13 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif au motif qu’en raison de leur jeune âge, les victimes présumées ne sont pas en mesure de consentir à la présentation de la communication, et que l’auteure n’a pas la garde des enfants et n’est pas leur représentante légale. Il rappelle toutefois qu’en vertu des dispositions précitées, une communication peut être présentée au nom de victimes présumées sans leur consentement exprès, lorsque l’auteur peut justifier qu’il agit en leur nom et que le Comité estime qu’il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans ces conditions, un parent n’ayant pas la garde devrait tout de même être considéré comme un parent légal et peut représenter ses enfants devant le Comité, sauf s’il peut être établi qu’il n’agit pas dans leur intérêt supérieur. En l’espèce, le Comité observe que, compte tenu de leur jeune âge au moment de la soumission de la communication, les enfants n’étaient pas en mesure d’exprimer leur propre opinion sur la présentation d’une communication ou de consentir à être représentés devant le Comité. Il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est contraire à l’intérêt supérieur des enfants. Il considère toutefois que les éléments dont il est saisi ne montrent pas que la présentation de la communication par la mère va à l’encontre de l’intérêt supérieur des enfants. En conséquence, le Comité considère qu’il n’y a aucun obstacle à la recevabilité de la communication au regard du paragraphe 2 de l’article 5 du Protocole facultatif.

9.5Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable ratione temporis au regard de l’article 7 g) du Protocole facultatif. Il constate que le Protocole est entré en vigueur pour l’État partie le 12 février 2016 et que, bien que l’auteure ait engagé une procédure concernant son droit de visite en octobre 2015, la décision initiale a été rendue par le tribunal de district de Kymenlaakso le 15 avril 2016. Le Comité considère donc que l’article 7 g) du Protocole facultatif ne l’empêche pas d’examiner les griefs soulevés par l’auteure concernant l’exercice de son droit de visite à compter du 12 février 2016.

9.6Le Comité prend également note de la position de l’État partie selon laquelle la communication est irrecevable au regard du paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif au motif que les enfants n’ont plus la qualité de victimes puisque, le 17 novembre 2017, l’auteure et le père ont conclu un accord désormais définitif concernant l’exercice du droit de visite de l’auteure. Le Comité renvoie à ses conclusions figurant plus haut aux paragraphes 9.2 et 9.5 et considère qu’il est compétent pour examiner les allégations de l’auteure concernant l’exercice de son droit de visite pendant la période allant du 12 février 2016 au 17 novembre 2017.

9.7Enfin, le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle la communication est irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif au motif qu’elle est manifestement dénuée de fondement. Le Comité rappelle que, conformément à l’accord homologué par le tribunal de district de Kymenlaakso le 29 avril 2015, l’auteure devait se voir accorder un droit de visite supervisée jusqu’en juillet 2015 et un droit de visite non supervisée du jeudi au dimanche à partir de la fin du mois de juillet 2015. Dans sa décision du 15 avril 2016, le même tribunal a décidé qu’au motif que, le 13 septembre 2015, l’auteure avait violé une disposition de l’accord en question, ses visites à ses enfants devraient être supervisées jusqu’à nouvel ordre. Le Comité note que l’auteure affirme que le fait d’avoir ramené les enfants à leur père avec trois heures de retard le 13 septembre 2015 constituait une violation mineure de l’accord et ne justifiait pas la décision prise par le tribunal de revenir à des visites supervisées. Il observe également que l’auteure indique que le médiateur chargé des procédures d’exécution a recommandé que des visites non supervisées soient autorisées. Toutefois, il constate aussi que le tribunal a fondé sa décision sur les affirmations selon lesquelles, en 2014 et à nouveau le 13 septembre 2015, l’auteure avait amené les enfants chez le médecin pour que celui-ci les examine à la recherche de traces de maltraitance, et ce, alors qu’elle n’avait aucune raison objective d’avoir des soupçons, et qu’elle avait ainsi démontré qu’elle cherchait activement une raison de ne pas rendre les enfants à leur père. À cet égard, le Comité note que, selon l’État partie, l’auteure a fait savoir à plusieurs reprises en 2014 qu’elle s’opposerait à ce que le père obtienne la garde, et que les services de protection sociale ont craint qu’elle porte atteinte au bien-être de ses enfants en empêchant le père de venir les chercher. Il note également que l’État partie a indiqué que les autorités nationales ont examiné les nombreuses allégations de l’auteure selon lesquelles le père aurait agressé ses enfants ou leur aurait porté préjudice d’autre manière, et qu’après avoir enquêté sur ces allégations, notamment dans le cadre de visites à domicile, la police et les services sociaux ont conclu que les enfants ne présentaient aucun signe de violence physique ou autre et semblaient contents et sereins en présence de leur père. Dans le rapport fourni par la crèche, il est également indiqué que les enfants sont enjoués, qu’ils progressent dans leur développement, et qu’ils ont une relation chaleureuse avec leur père et ne présentent aucun signe de maltraitance. En ce qui concerne l’affirmation de l’auteure selon laquelle un rapport médical daté du 13 septembre 2015 n’exclut pas la possibilité que les blessures que présentent l’un des enfants aient été causées par des voies de fait, le Comité constate que le rapport en question précise que les blessures et les contusions sont présentes sur des parties du corps souvent exposées aux blessures accidentelles.

9.8Le Comité rappelle qu’il appartient aux autorités nationales d’examiner les faits et les éléments de preuve, ainsi que d’interpréter et d’appliquer la loi nationale, à moins que l’appréciation faite par les autorités nationales ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Il appartient donc au Comité non pas de se substituer aux autorités nationales dans l’appréciation des faits et des preuves, mais de s’assurer que l’appréciation qu’elles ont faite n’était pas arbitraire ou ne constituait pas un déni de justice, et que l’intérêt supérieur de l’enfant a été une considération primordiale dans cette appréciation. En l’espèce, le Comité estime que, si l’auteure conteste les conclusions des tribunaux nationaux en ce qui concerne les contacts des enfants avec elle, elle n’a pas démontré que leur appréciation des faits et des preuves était manifestement arbitraire ou constituait un déni de justice. En conséquence, il considère que, en ce qu’elle a trait aux allégations de l’auteure concernant l’exercice du droit de ces enfants d’avoir des contacts avec elle dans le cadre de la procédure susmentionnée, la communication n’est pas suffisamment étayée, et est donc irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

9.9Le Comité considère donc que cette partie de la communication n’est pas non plus suffisamment étayée et la déclare irrecevable au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

10.Le Comité des droits de l’enfant décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard des articles 7 c), 7 d) et 7 f) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteure de la communication et, pour information, à l’État partie.