Nations Unies

CERD/C/IRQ/CO/22-25

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

11 janvier 2019

Français

Original : anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Observations finales concernant les vingt-deuxièmeà vingt-cinquième rapports périodiques de l’Iraq *

1.Le Comité a examiné le rapport de l’Iraq valant vingt-deuxième à vingt-cinquième rapports périodiques (CERD/C/IRQ/22-25) à ses 2687e et 2688e séances (CERD/C/SR.2687 et 2688), les 29 et 30 novembre 2018. À ses 2701e et 2702e séances, les 10 et 11 décembre 2018, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’Iraq valant vingt-deuxième à vingt-cinquième rapports. Il remercie la délégation de haut niveau pour la présentation qu’elle a faite et pour le dialogue ouvert et constructif qu’elle a engagé. Il la remercie également pour les réponses qu’elle a données oralement à ses questions.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec intérêt les progrès accomplis par l’État partie sur les plans législatif et institutionnel et ses efforts continus pour améliorer le cadre juridique et les politiques générales afin d’assurer une plus grande protection des droits de l’homme, ce qui devrait contribuer à lutter contre la discrimination raciale, tout particulièrement l’adoption des textes suivants :

a)La loi no 28 relative à la lutte contre la traite des personnes (2012) ;

b)La loi no 7 relative aux langues officielles dans la région du Kurdistan (2014) ;

c)La loi no 7 relative aux langues officielles (2014) ;

d)La loi no 11 relative à la protection sociale (2014) ;

e)La loi no 5 relative à la protection des droits des minorités dans la région du Kurdistan (2015) ;

f)La loi no 36 relative aux partis politiques (2015) ;

g)La loi no 37 portant Code du travail (2015) ;

h)La loi no 26 relative à l’Autorité générale chargée de garantir les droits des régions et des gouvernorats non organisés en régions (2016) ;

i)La décision no 27 de la Chambre des députés, qui traite entre autres choses des réparations dues aux victimes d’agressions motivées par l’origine ethnique dans le district de Touz Khourmato (2016) ;

j)La décision no 43 du Conseil des ministres, qui traite entre autres choses des réparations dues aux victimes des actes de terrorisme commis par Daech à Sinjar (2016) ;

k)La décision no 92 du Conseil des ministres, qui a qualifié de génocide les souffrances infligées par Daech aux yézidis, aux Turkmènes, aux chrétiens, aux Shabaks et à d’autres groupes ethniques et ethnoreligieux minoritaires (2014).

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

4.Le Comité constate que des attentats terroristes continuent d’être perpétrés et que des affrontements ont lieu entre, d’une part, les forces de sécurité iraquiennes et les forces de mobilisation populaire constituées en vertu de la loi no 40 (2016) et, d’autre part, le groupe terroriste appelé Daech. Il constate en outre qu’au cours des dernières années, des dizaines de milliers de civils ont été tués et que plus de 4 millions de personnes, appartenant pour la plupart à des groupes ethniques ou ethnoreligieux, ont été déplacées à l’intérieur du pays. Le Comité est conscient que le conflit armé a considérablement limité le contrôle exercé par l’État partie sur d’importantes parties de son territoire, où celui-ci n’a pas été en mesure de garantir pleinement la mise en œuvre de la Convention. Compte tenu des problèmes que connaît l’État partie depuis de nombreuses années dans le domaine des droits de l’homme, le Comité s’inquiète particulièrement des lourdes conséquences du conflit pour différents groupes minoritaires. Il rappelle à l’État partie qu’il lui incombe au premier chef de protéger tous les individus se trouvant sur son territoire sans discrimination, conformément à la Convention.

D.Sujets de préoccupation et recommandations

Statistiques

5.Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas recueilli ni fourni de renseignements sur la composition ethnique et ethnoreligieuse de la population, assortis d’indicateurs économiques et sociaux ventilés par sexe, genre, appartenance ethnique, handicap et âge (art. 1er et 5).

6. Compte tenu des directives révisées concernant l’établissement de rapports au titre de la Convention (CERD/C/2007/1, par. 7) et rappelant sa recommandation générale n o 24 (1999) sur l’article premier, le Comité recommande à l’État partie de collecter et de lui faire parvenir des données statistiques sur la composition ethnique et ethnoreligieuse de sa population, y compris sur les migrants et les réfugiés, accompagnées d’indicateurs économiques et sociaux ventilés par sexe, genre, appartenance ethnique, handicap et âge, qui lui permettront de mieux évaluer la façon dont les différents groupes présents sur le territoire exercent les droits que leur reconnaît la Convention.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

7.Le Comité note que l’État partie s’est efforcé d’harmoniser sa législation avec la Convention, notamment au moyen de l’élaboration d’un texte législatif sur l’incorporation dans le droit interne des instruments internationaux auxquels l’Iraq est partie, mais il constate avec préoccupation que la Convention n’a pas encore été pleinement incorporée dans l’ordre juridique interne. Il s’inquiète aussi de ce que le statut de la Convention et sa place vis-à-vis de la législation nationale ne sont pas clairs. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné d’exemples de décisions rendues par les tribunaux dans des affaires de discrimination raciale ou de cas dans lesquels la Convention a été directement appliquée ou invoquée (art. 2).

8.Le Comité prie instamment l’État partie d’incorporer pleinement la Convention dans son ordre juridique et de garantir qu’elle l’emporte sur la législation nationale en cas de conflit. Il lui recommande par ailleurs d’organiser des formations et des campagnes de sensibilisation à l’intention des juges, des procureurs et des responsables de l’application des lois ainsi qu’auprès de la population, de façon à permettre que la Convention soit invoquée devant les tribunaux et appliquée par ces derniers. Il recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport des exemples précis d’application de la Convention par les tribunaux nationaux.

Législation antidiscrimination

9.Le Comité note qu’il n’existe pas de loi générale visant à prévenir et à combattre la discrimination dans tous les domaines. Tout en relevant l’introduction de dispositions qui interdisent la discrimination raciale dans certains textes législatifs, notamment le Code du travail, le Comité constate avec préoccupation que la définition de la discrimination directe et indirecte donnée dans le Code du travail n’énonce pas au nombre des motifs de discrimination la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine ethnique, comme l’exige l’article premier de la Convention.

10. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi générale antidiscrimination visant à prévenir et à combattre la discrimination dans tous les domaines et d’introduire dans cette loi et dans le Code du travail une définition de la discrimination directe et indirecte énonçant tous les motifs de discrimination interdits, conformément à l’article premier de la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

11.Le Comité prend note de l’augmentation des ressources humaines et financières de la Haute Commission des droits de l’homme, qui s’est vue attribuer le statut B par l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme en mars 2015, mais il est préoccupé par les difficultés que rencontrerait l’institution, notamment l’insuffisance de ressources ou l’absence de procédure de nomination des membres transparente, participative et fondée sur les critères de compétences, propre à garantir l’indépendance de l’institution (art. 2).

12. Rappelant sa recommandation générale n o 17 (1993) concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures de nature à permettre à la Haute Commission des droits de l’homme de s’acquitter pleinement de son mandat, avec efficacité et en toute indépendance, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (voir la résolution 48/134 de l’Assemblée générale). L’État partie devrait faire en sorte que la procédure de nomination des membres de la Haute Commission soit transparente, participative et fondée sur les critères de compétences, et doter l’institution des ressources humaines et financières nécessaires pour s’acquitter efficacement de son mandat.

Crimes et discours de haine

13.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des personnalités publiques, y compris politiques, tiendraient des discours de haine. Il note aussi avec préoccupation que les textes législatifs mentionnés aux paragraphes 83 et 84 du rapport de l’État partie ne traitent pas suffisamment de l’interdiction des crimes et des discours de haine (art. 4).

14. Le Comité recommande à l’État partie de condamner les discours de haine tenus par des personnalités publiques, y compris politiques, et de se désolidariser de ces derniers, ainsi que de faire ouvrir des enquêtes et, s’il y a lieu, des poursuites, afin d’en punir les auteurs. À la lumière de ses recommandations générales n o 7 (1985) sur l’application de l’article 4 de la Convention, n o 15 (1993) sur l’article 4 de la Convention, et n o 35 (2013) sur la lutte contre les discours de haine raciale, le Comité recommande également à l’État partie de promulguer un texte législatif traitant de la question, conformément aux dispositions de l’article 4.

Plaintes pour discrimination raciale

15.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation de l’État partie concernant les plaintes relevant du Code du travail mais regrette de ne pas avoir reçu de renseignements sur les plaintes pour discrimination raciale dont ont été saisis la Haute Commission des droits de l’homme et les tribunaux du pays. Il rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice pour faits de discrimination raciale peut s’expliquer par l’inexistence d’un texte législatif adéquat, une connaissance insuffisante des voies de recours ouvertes, un manque de confiance dans le système judiciaire, la peur de représailles ou une absence de volonté, de la part des autorités, de poursuivre les auteurs de ces actes (art. 6).

16. Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale et lui recommande de faire figurer dans son prochain rapport des renseignements et des statistiques sur les plaintes pour discrimination raciale reçues par la Haute Commission et les tribunaux, en précisant la suite qui a été donnée, les condamnations prononcées ou les mesures disciplinaires prises, ainsi que les réparations accordées aux victimes. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’accès à la justice de tous les groupes et individus protégés par la Convention, de diffuser des informations pour faire connaître à toutes les personnes vivant sur son territoire la législation relative à la discrimination raciale et les voies de recours judiciaires disponibles ainsi que les possibilités d’obtenir l’assistance d’un conseil.

Situation des groupes ethniques et ethnoreligieux dans le contexte du conflit armé

17.Le Comité est préoccupé par :

a)Le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (A/HRC/28/18, par. 78), selon lequel Daech aurait commis un génocide contre la communauté yézidie ainsi que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ;

b)Les informations concernant d’autres violations graves des droits de l’homme commises par Daech contre des groupes ethniques et ethnoreligieux, en particulier des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des actes de torture, des conversions religieuses forcées, des violences sexuelles et des violences fondées sur le genre, y compris des viols et des faits d’esclavage sexuel, et la destruction et le pillage de leurs lieux de culte, de leurs habitations et d’autres biens ; et les informations selon lesquelles des yézidis et des personnes appartenant à d’autres groupes ethniques et ethnoreligieux sont encore retenus en captivité par Daech ;

c)Les informations concernant des actes de violence interethnique et interreligieuse de longue date et la discrimination raciale, ethnique et ethnoreligieuse structurelle en Iraq, exacerbée par le conflit armé ;

d)Les conséquences dévastatrices de la violence armée et des déplacements pour les groupes ethniques et ethnoreligieux, notamment les Arméniens, les assyriens, les chaldéens, les kaka’i, les sabéens‑mandéens, les Shabaks, les syriaques, les Turkmènes ou les yézidis, et les informations selon lesquelles les attaques qu’ils subissent ont entraîné une diminution alarmante de leur population, en particulier dans la plaine de Ninive ;

e)Les allégations de violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité iraquiennes et les milices qui leur sont affiliées pendant des opérations militaires ou des actions antiterroristes, dont des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres mauvais traitements ou encore la destruction d’habitations et d’autres biens, visant des groupes ethniques et ethnoreligieux (art. 1er à 7).

18. Le Comité exhorte l’État partie à donner la priorité aux processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle, notamment en établissant une stratégie de lutte contre les violations des droits de l’homme commises par toutes les parties au conflit armé contre des minorités ethniques et ethnoreligieuses en Iraq. L’État partie devrait :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir la sûreté et la sécurité de tous les membres de groupes ethniques et ethnoreligieux, en consultation avec les communautés concernées, y compris les déplacés regagnant volontairement leur lieu d’origine ; et user de tous les moyens dont il dispose pour faire libérer les yézidis et les personnes appartenant à d’autres groupes qui sont encore retenus en captivité par Daech ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires afin de s’attaquer aux causes profondes des violences interethniques et interreligieuses et à la discrimination raciale, ethnique et ethnoreligieuse structurelle en Iraq ; et continuer de promouvoir la tolérance, le dialogue interculturel et le respect de la diversité, de manière à préserver la diversité linguistique, religieuse, ethnique et culturelle qui a toujours caractérisé le pays ;

c) Veiller à établir les responsabilités pour les crimes perpétrés par des membres de Daech, à mener des enquêtes efficaces et indépendantes, notamment sur les informations concernant des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et un génocide, à poursuivre les responsables et, s’ils sont reconnus coupables, à leur infliger les peines qui s’imposent ;

d) Veiller à ce que les mesures antiterroristes n’établissent pas de discrimination à l’égard de certains groupes ethniques ou ethnoreligieux ; et enquêter sur les informations concernant des violations des droits de l’homme, en particulier des exécutions sommaires, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que la destruction d’habitations et d’autres biens, imputées aux forces de sécurité iraquiennes ou à des milices apparentées, poursuivre les responsables et, s’ils sont reconnus coupables, leur infliger les peines qui s’imposent ;

e) Prendre sans délai des mesures visant à apporter une aide médicale, psychologique, matérielle et autre aux victimes, et leur assurer les réparations voulues, y compris la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et des garanties de non ‑ répétition ;

f) Veiller à associer pleinement les membres des groupes ethniques et ethnoreligieux aux processus de réconciliation nationale et de justice transitionnelle, notamment en collaborant avec ces derniers pour reconstruire leurs lieux de vie, en évaluant les atteintes à leur vie et à leurs biens, en reconstruisant leurs temples et leurs lieux de culte, en élaborant des programmes d’aide aux victimes et en allouant des fonds à la prestation des services nécessaires.

Minorités vivant dans les territoires contestés

19.Le Comité prend note des explications données par l’État partie mais demeure préoccupé par les problèmes de sécurité auxquels se heurtent les groupes et minorités ethniques et ethnoreligieux qui vivent dans les territoires contestés, en particulier dans la plaine de Ninive, et qui sont dus en particulier au fait que le différend territorial opposant le Gouvernement central iraquien et le Gouvernement de la région du Kurdistan n’est pas réglé sur le plan légal (art. 1er à 7).

20. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le processus de règlement légal et politique du différend concernant les territoires contestés afin de garantir la sécurité des minorités. L’État partie devrait veiller à associer pleinement à ce processus les groupes ethniques et ethnoreligieux vivant dans les territoires contestés.

Protection des langues minoritaires

21.S’il se félicite des mesures que l’État partie a prises pour préserver et promouvoir la diversité linguistique en Iraq, avec l’adoption de la loi relative aux langues officielles et de la loi no 7 de 2014 relative aux langues officielles dans la région du Kurdistan, le Comité regrette de ne pas disposer d’informations sur les mesures qui ont été prises pour garantir un enseignement de qualité dans les langues officielles ainsi que dans les langues des minorités (art. 5).

22. Le Comité recommande à l’État partie de continuer à préserver et à promouvoir les langues des minorités en droit et en fait. Il lui recommande également de prendre des mesures spéciales et de mobiliser davantage de ressources humaines, techniques et financières pour garantir un enseignement de qualité dans les langues officielles, ainsi que dans les langues des minorités, notamment l’araméen, le turkmène, le syriaque, l’arménien, le circassien et le tchétchène.

Femmes appartenant à des minorités

23.Le Comité prend note des efforts que l’État partie a déployés pour combattre la violence faite aux femmes, mais il constate avec préoccupation que cette violence persiste, en particulier contre les femmes issues d’une minorité ethnique ou ethnoreligieuse. Il est vivement préoccupé par les informations indiquant que les femmes yézidies ont été gravement touchées par le conflit armé et notamment qu’elles ont été victimes d’esclavage, d’enlèvements et d’actes de violence sexuelle et sexiste, y compris de viols (art. 5).

24. Rappelant sa recommandation générale n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale, le Comité recommande à l’État partie de prendre sans délai des mesures pour prévenir efficacement toutes les formes de violence fondée sur le genre, notamment l’esclavage, les enlèvements et les viols, et en protéger les femmes appartenant à des minorités. L’État partie devrait veiller à ce que toutes les formes de violence contre des femmes appartenant à des minorités donnent lieu à des enquêtes approfondies et à ce que les responsables soient jugés. Il devrait en outre assurer réparation aux victimes.

Participation des minorités à la vie publique et politique

25.Le Comité constate avec préoccupation que les minorités ethniques et ethnoreligieuses sont peu représentées dans les organes électifs, à tous les niveaux, de même que dans la fonction publique. Il s’inquiète en particulier de ce que le système de quotas établi par la loi électorale ne permet pas une représentation politique des minorités ethniques et ethnoreligieuses proportionnelle à leur réel poids démographique dans la société. Il constate aussi avec préoccupation que le système de quotas ne profite pas à toutes les minorités (art. 2 et 5).

26. Le Comité recommande à l’État partie, y compris au Gouvernement de la région du Kurdistan, de veiller à ce que les membres de minorités ethniques ou ethnoreligieuses, y compris les femmes, soient dûment représentés dans tous les organes électifs et dans la fonction publique, et de prendre à cette fin toutes les mesures voulues, notamment en modifiant les lois électorales et en veillant à la représentation des minorités qui ne bénéficient pas du système de quotas.

Personnes d’ascendance africaine

27.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation de l’État partie, mais demeure préoccupé par la persistance de la discrimination raciale structurelle, de la marginalisation et de la stigmatisation que subissent les personnes d’ascendance africaine, qui empêchent ces personnes de jouir pleinement des droits qu’elles tiennent de la Convention, en dépit de la recommandation du Comité (CERD/C/IRQ/CO/15-21, par. 14). Il est préoccupé en particulier par les informations indiquant que les personnes d’ascendance africaine sont démesurément touchées par la pauvreté et l’exclusion sociale et se heurtent à la discrimination dans l’exercice de leurs droits à des conditions de vie convenables, à l’éducation, à la santé, au logement et à l’emploi (art. 2 et 5).

28. Compte tenu de ses recommandations générales n o 32 (2009) sur la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention et n o  34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine, le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour combattre efficacement la discrimination raciale structurelle, la stigmatisation et la marginalisation dont font l’objet ces personnes, notamment en prenant des mesures spéciales pour faire reculer la pauvreté et l’exclusion sociale dont elles souffrent et en améliorant leur accès à des conditions de vie convenables, à l’éducation, aux soins de santé, au logement et à l’emploi.

Roms

29.Le Comité est préoccupé par la discrimination et la marginalisation dont les Roms continuent de faire l’objet dans l’État partie. Il constate avec une préoccupation particulière que les Roms sont démesurément touchés par la pauvreté et qu’ils ont du mal à accéder à l’emploi, aux soins de santé, au logement et à l’éducation. Le Comité est en outre préoccupé par les informations indiquant que les citoyens roms n’ont pas de documents nationaux d’identité uniformisés, ce qui les exposerait à la discrimination, notamment dans l’accès à l’emploi (art. 2 et 5).

30. Compte tenu de sa recommandation générale n o  27 (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms, le Comité suggère à l’État partie de prendre des mesures concrètes pour combattre efficacement la discrimination et l’exclusion sociale que subissent les Roms. Il recommande aussi à l’État partie de prendre des mesures spéciales pour mieux intégrer les Roms dans la société, notamment en s’attaquant résolument à la pauvreté chez les Roms et en veillant à ce qu’ils aient accès aux soins de santé, à l’emploi, à l’éducation et au logement. Le Comité recommande en outre à l’État partie de faire en sorte que des documents nationaux d’identité uniformisés soient délivrés à tous les membres de la communauté rom, sans discrimination.

Travailleurs migrants

31.Le Comité prend acte des mesures qui ont été adoptées pour enquêter sur les mauvais traitements et sur l’exploitation dont des travailleurs migrants ont été victimes de la part de leur employeur, et pour engager des poursuites, mais il est préoccupé par les informations indiquant que les conditions de travail imposées aux travailleurs migrants, notamment aux employés de maison, se caractérisent par une rémunération peu élevée, de longues journées de travail et le non‑paiement des heures supplémentaires (art. 5).

32. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour faire en sorte que les travailleurs migrants, y compris ceux qui travaillent comme employés de maison, soient pleinement protégés contre les mauvais traitements et l’exploitation et puissent pleinement jouir des droits qu’ils tiennent de la Convention, sans discrimination. Il lui recommande aussi d’enquêter de manière approfondie sur les informations concernant des mauvais traitements et des pratiques d’exploitation, et de traduire les responsables en justice. Il lui recommande en outre de veiller à ce que les travailleurs migrants soient informés des recours prévus par la loi et à ce qu’ils y aient accès.

Nationalité

33.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour réintégrer dans la nationalité iraquienne les Kurdes faylis auxquels la citoyenneté a été retirée dans les années 1980, mais il est préoccupé par les informations indiquant que ce processus reste lent et qu’en raison des formalités excessives auxquelles sont soumis les Kurdes faylis, des obstacles administratifs continuent de s’opposer au rétablissement de leur nationalité (art. 2 et 5).

34. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer la réintégration des Kurdes faylis dans leur nationalité en facilitant leur accès à la citoyenneté, notamment en supprimant tous les obstacles administratifs qui jalonnent le processus de réintégration.

35.Le Comité constate avec préoccupation que des situations peuvent conduire à l’apatridie. Il prend note, en particulier, des informations communiquées par la société civile indiquant que si les femmes peuvent transmettre leur nationalité à leur enfant à sa naissance, l’obligation de fournir des documents attestant de la paternité peut conduire à des situations d’apatridie, dans la mesure où cette obligation peut constituer un obstacle pour les enfants nés d’un viol ou d’un père sans papier ou mort, et que les enfants yézidis courraient particulièrement le risque de devenir apatrides (art. 2 et 5).

36. Le Comité exhorte l’État partie à veiller à ce que les lois et règlements relatifs à l’acquisition et à la transmission de la nationalité, ainsi qu’à la réintégration dans la nationalité , s’appliquent à tous sans discrimination, et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir les cas d’apatridie. Il lui recommande également d’envisager de ratifier la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention de 1954 relative au statut des apatrides.

Réfugiés et personnes déplacées

37.Le Comité prend acte de la forte augmentation de la population dans la région du Kurdistan, qui serait due à l’afflux de réfugiés et de personnes déplacées originaires des régions touchées par le conflit. Il félicite le Gouvernement de la région du Kurdistan de venir en aide aux communautés déplacées et de leur offrir un refuge. Le Comité prend note avec préoccupation :

a)De l’absence de cadre législatif adéquat pour protéger les réfugiés, l’élaboration du projet de loi sur les réfugiés n’ayant pas encore été achevée ;

b)Du fait que les réfugiés et les personnes déplacées qui appartiennent, pour la plupart, à des minorités ethniques ou ethnoreligieuses vivent dans des conditions de vie très difficiles et ont du mal à accéder aux services de base, notamment aux soins de santé, à une nourriture suffisante, à l’électricité et à l’eau ;

c)Des informations selon lesquelles des personnes déplacées, en particulier des Arabes, des Turkmènes et des Shabaks, se verraient refuser l’accès à la région du Kurdistan pour des motifs ethniques ou sectaires (art. 5).

38. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que tous les réfugiés et toutes les personnes déplacées soient traités sans discrimination et jouissent d’une égale protection de la loi. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du projet de loi sur les réfugiés et de le mettre en application, afin de garantir la mise en place d’un cadre législatif adéquat pour protéger les réfugiés et les demandeurs d’asile, conformément aux principes reconnus au niveau international, notamment le principe de non ‑ refoulement, et d’envisager de ratifier la Convention de relative au statut des réfugiés (1951), et son Protocole (1967) ;

b) De protéger tous les réfugiés et toutes les personnes déplacées et de pourvoir à leurs besoins élémentaires, notamment en garantissant leur accès à l’électricité, à l’eau, aux soins de santé, à une nourriture suffisante, et à d’autres services, le cas échéant en coopérant avec les organismes des Nations Unies et avec d’autres organismes humanitaires ou de protection des réfugiés ;

c) D’assurer la protection des personnes déplacées dans toutes les entités de la fédération, y compris dans la région du Kurdistan, sans discrimination fondée sur la race ou sur l’origine ethnique ou ethnoreligieuse.

Formation, éducation et autres mesures visant à combattreles préjugés et l’intolérance

39.Le Comité prend acte des mesures que l’État partie a prises pour combattre les préjugés et l’intolérance, notamment l’incorporation des principes des droits de l’homme dans les programmes scolaires, mais il est préoccupé par la prévalence des stéréotypes racistes et de la stigmatisation en Iraq, lesquelles ont des répercussions négatives sur les relations interethniques (art. 7).

40. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour sensibiliser l’opinion publique à l’importance de la diversité ethnique, ethnoreligieuse et culturelle, et de la lutte contre la discrimination raciale, et intégrer ces considérations dans les programmes scolaires afin de promouvoir l’amitié et la solidarité interethniques.

E.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

41. Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés qui peuvent faire l’objet de discrimination raciale, comme la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques (n o  189) de l’Organisation internationale du Travail.

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

42. À la lumière de sa recommandation générale n o 33 (2009) concernant le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban, adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du document final de la Conférence d’examen de Durban, tenue à Genève en avril 2009, quand il applique la Convention. Le Comité demande une nouvelle fois à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durba n au niveau national.

Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine

43. À la lumière de la résolution 68/237 de l’Assemblée générale, le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des renseignements précis sur les mesures concrètes qu’il aura adoptées dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, compte tenu de sa recommandation générale n o 34 (2011) sur la discrimination raciale à l’égard des pe rsonnes d’ascendance africaine.

Consultations avec la société civile

44. Le Comité recommande à l’État partie de consulter les organisations de la société civile qui travaillent dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier celles qui luttent contre la discrimination raciale, et d’élargir le dialogue avec ces organisations dans le cadre de l’application des présentes observations finales et de l’élaboration du prochain rapport périodique.

Déclaration visée à l’article 14 de la Convention

45. Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative visée à l’article 14 de la Convention, par laquelle les États parties reconnaissent la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers.

Document de base commun

46. Le Comité encourage l’État partie à soumettre un document de base et à le mettre à jour régulièrement, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles concernant le document de base commun, adoptées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tenue en juin 2 006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).

Suite donnée aux observations finales

47. Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant dans les paragraphes 20 (minorités vivant dans les territoires contestés), 24 (femmes appartenant à des minorités) et 34 (nationalité).

Paragraphes d’importance particulière

48. Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant dans les paragraphes 14 (crimes et discours de haine), 18 (situation des groupes ethniques et ethnoreligieux dans le c ontexte du conflit armé), 28 ( personnes d’ascendance africaine) et 30 (Roms), et lui demande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Diffusion d’information

49. Le Comité recommande à l’État partie de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra.

Élaboration du prochain rapport périodique

50. Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son rapport valant vingt ‑ sixième et vingt-septième rapports périodiques, d’ici au 15 mars 2023, en tenant compte des directives pour l’établissement du document se rapportant spécifiquement à la Convention adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1) et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité engage aussi l’État partie à respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports spécifiques à un instrument particulier et la limite de 60 à 80 pages indiquée pour le document de base (voir les Directives harmonisées figurant dans le document HRI/GEN.2/Rev.6, par. 19).