Nations Unies

CERD/C/IRQ/CO/15-21

Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Distr. générale

22 septembre 2014

Français

Original: anglais

Comité pour l’éliminati on de la discrimination raciale

Observations finales concernant les quinzièmeà vingt et unième rapports périodiques de l’Iraq,soumis en un seul document *

Le Comité a examiné les quinzième à vingt et unième rapports périodiques de l’Iraq (CERD/C/IRQ/15-21), soumis en un seul document, à ses 2307e et 2308e séances (CERD/C/SR.2307-2308), les 19 et 20 août 2014. À sa 2319e séance, le 27 août 2014, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction les quinzième à vingt et unième rapports périodiques de l’Iraq, soumis en un seul document. Bien qu’il regrette que ces rapports aient été présentés tardivement, il remercie la délégation de haut niveau de l’État partie pour l’exposé qu’elle a présenté malgré la situation difficile dans laquelle se trouve le pays, et se félicite du dialogue ouvert et constructif qu’il a eu avec elle, ainsi que des réponses apportées à ses nombreuses questions.

B.Aspects positifs

Le Comité prend note avec intérêt des progrès accomplis par l’État partie sur les plans législatif et institutionnel depuis la présentation de son dernier rapport périodique, qui sont de nature à contribuer à la lutte contre la discrimination raciale, en particulier:

a)L’adoption du Plan national pour les droits de l’homme (2010-2014) et du Plan d’action pour les droits de l’homme dans la région du Kurdistan (2013);

b)La décision de la Cour pénale suprême d’Iraq, qui a jugé en 2010 que l’expulsion des Kurdes faylis sous l’ancien régime et la confiscation de leurs biens constituaient des crimes de génocide, ainsi que la création, en 2013, d’un comité gouvernemental chargé de lutter contre la violence à l’égard des Kurdes faylis;

c)L’adoption de la loi no 53 de 2008 portant création de la Haute Commission des droits de l’homme et de la loi no 4 de 2010 portant création du Conseil indépendant des droits de l’homme de la région du Kurdistan;

d)L’adoption de la loi de 2004 relative à la gouvernance de l’État pendant la période de transition;

e)La création de différents organes chargés d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises par le passé, notamment la Commission pour l’application de l’article 140 de la Constitution, la Fondation pour les martyrs, la Fondation pour les prisonniers politiques et la Commission des réclamations concernant les biens immobiliers.

Le Comité constate avec satisfaction qu’au cours de la période considérée, l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2013;

b)Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2011;

c)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2010;

d)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2008;

e)Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2008; Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2009; Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2009.

C.Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

Le Comité note que des attentats terroristes continuent d’être perpétrés et que depuis quelque temps les affrontements entre les forces armées iraquiennes et le groupe terroriste qui se fait appeler «l’État islamique» sont de plus en plus violents. Il constate en outre qu’au cours des dernières semaines, des milliers de civils ont été tués ou se sont trouvés en danger de mort, et plus de 650 000 personnes, dont la plupart appartiennent à des minorités ethnoreligieuses, ont été déplacées à l’intérieur du pays. Il est conscient que le conflit limite considérablement le contrôle exercé par l’État partie sur d’importantes parties de son territoire et que, de ce fait, celui-ci n’est pas en mesure de garantir pleinement la mise en œuvre de la Convention. Compte tenu des problèmes que connaît l’État partie depuis de nombreuses années dans le domaine des droits de l’homme, le Comité est particulièrement préoccupé par les lourdes conséquences que le conflit en cours entraîne pour différentes minorités. Il rappelle à l’État partie qu’il lui incombe au premier chef de protéger quiconque se trouve sur son territoire sans discrimination, conformément à la Convention.

D.Sujets de préoccupation et recommandations

Transformation démocratique et relations interethniques

Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie ces dix dernières années en vue d’instaurer la paix et de rétablir l’état de droit, ainsi que les mesures qu’il a prises pour remédier aux violations des droits de l’homme commises par le passé. Il a toutefois exprimé de vives préoccupations au sujet:

a)De l’émergence d’un mouvement d’insurrection sectaire dans l’État partie depuis 2003, phénomène qui a entraîné une recrudescence des attaques contre les membres des minorités ethniques ou ethnoreligieuses, leurs lieux saints et leurs commerces, notamment ceux des Assyriens, des Chaldéens, des Kurdes faylis, des Shabaks, des Syriaques, des Turkmènes et des Yézidis, en particulier à Bagdad, à Kirkouk, dans la plaine de Ninive, ainsi que dans d’autres régions où résident de nombreuses minorités;

b)De l’inertie de l’État partie face à ces attaques, dont les auteurs jouiraient d’une impunité quasi totale;

c)De l’incapacité des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir après la chute de l’ancien régime d’instaurer un système de gouvernance largement représentatif, ce qui a contribué à accentuer les clivages sectaires et ethniques au sein de la société iraquienne;

d)De la diminution alarmante des populations minoritaires dans le pays depuis 2003; la communauté sabéenne mandéenne, par exemple, est dix fois moins importante qu’avant 2003 et le nombre d’Assyriens a diminué de plus des deux tiers; selon différentes enquêtes menées en 2010, ainsi que d’autres sources d’information, la plupart des personnes appartenant à des minorités, en particulier les Assyriens, les Noirs, les Shabaks, les Turkmènes et les Yézidis, craignent pour leur sécurité; et certaines langues minoritaires comme le shabak et le mandéen risquent de disparaître;

e)Des attaques ciblées de «l’État islamique» contre les minorités ethnoreligieuses, qui représentent une forte proportion des personnes déplacées à l’intérieur du pays (art. 1er, 2 et 5).

Le Comité prie instamment l’État partie de faire de la réconc iliation nationale sa priorité et, à cet effet, de prendre les mesures suivantes:

a) Former un gouvernement au sein duquel les divers groupes politiques et ethnoreligieux, notamment les femmes, seraient représentés et prendre des mesures efficaces pour rétablir le lien de confiance entre les minorités ethnoreligieuses et l’autorité centrale tout en garantissant la participation et la représentation effectives de toutes les communautés concernées;

b) Reconnaître que diverses minorités marginalisées ont été de tout temps victimes de discrimination et étudier les causes profondes de ce phénomène, ainsi que ses multiples répercussions sur ces minorités; il devrait plus particulièrement tenir compte du fait que la plupart des personnes appartenant à des minorités, en particulier dans la plaine de Ninive, craignaient déjà pour leur sécurité avant le début du conflit actuel , que les minorités étaient également les premières victimes de l’invasion sanglante de «l’État islamique» et que l’État partie n’a pas assuré leur protection;

c) Concevoir et adopter une politique et des programmes de lutte contre la discrimination raciale, allouer des ressources suffisantes à cette fin, évaluer périodiquement l’efficacité de cette politique et de ces programmes sur les personnes ou les groupes qu’ils ciblent en particulier et faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises à cet égard et les résultats obtenus;

d) Une fois qu’il aura repris le contrôle des territoires envahis par «l’État islamique», accélérer la procédure de règlement du différend qui oppose le Gouvernement central au Gouvernement régional du Kurdistan au sujet des territoires contestés, conformément à l’article 140 de la Constitution, afin d’assurer la sécurité des minorités. L’État partie devrait consulter les communautés minoritaires qui résident sur ces territoires et les associer à cette démarche;

e) Adopter des mesures de protection afin de mieux assurer la sécurité des communautés minoritaires, en concertation avec les communautés concernées, faire en sorte que des enquêtes indépendantes soient ouvertes sur les attaques perpétrées par le passé contre des membres de minorités ethnoreligieuses, en poursuivre les auteurs, les punir comme il convient s’ils sont reconnus coupables et indemniser les victimes;

f) Prendre immédiatement des mesures pour protéger et préserver la diversité des langues, des religions, des ethnies et des cultures qui existent en Iraq depuis des centaines d’années.

Données statistiques pertinentes

Le Comité regrette que l’on ne dispose pas d’information sur la composition ethnique de la population, et notamment d’indicateurs socioéconomiques permettant de mesurer l’égale jouissance, par tous, des droits consacrés par la Convention. Il prend également note avec préoccupation des retards qui continuent d’être enregistrés dans le recensement de la population nationale (art. 1er et 5).

Ayant à l’esprit la diversité ethnoreligieuse de la population de l’État partie, appelant l’attention sur les directives révisées concernant l’établissement de rapports au titre de la Convention (CERD/C/2007/1, par. 10 à 12) et rappelant sa Recommandation générale n o  24 (1999) concernant la collecte de données relatives aux personnes appartenant à des races ou à des groupes nationaux ou ethniques différents, le Comité demande à l’État partie de recueillir et de publier des données statistiques fiables sur la composition ethnique de sa population, ainsi que sur la situation sociale et économique des différents groupes ethniques et ethnoreligieux, ventilées par zones où résident un grand nombre de personnes appartenant à ces minorités, pour l’ensemble du territoire de l’État partie, afin de constituer une base solide en vue de la conception de politiques visant à mie ux garantir l’égale jouissance des droits consacrés par la Convention dans l’État partie . Il l’encourage également à procéder au plus tôt au recensement de sa population.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne

Le Comité note que la délégation de l’État partie lui a fait savoir qu’en vertu de l’article 8 de la Constitution, l’État partie était tenu de respecter ses obligations internationales. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que, pour que les dispositions de la Convention fassent partie intégrante du droit interne et priment les dispositions nationales concurrentes, celle-ci doit être incorporée dans le droit interne, ce qui n’a pas encore été fait par l’État partie (art. 2).

Le Comité encourage l’État partie à incorporer la Convention dans son droit interne, comme il en a exprimé l’intention, et à prendre toutes les mesures voulues, législatives et autres, pour que les dispositions de la Convention fassent partie de son ordre juridique interne, de sorte que les victimes de discrimination puissent les invoquer devant les tribunaux nationaux.

Interdiction de la discrimination raciale et réforme juridique

Le Comité est conscient des efforts qui ont été faits pour mener à bien la réforme juridique en révisant la législation en vigueur et en présentant de nouveaux projets de loi destinés à améliorer le cadre juridique de la protection et de la promotion de différentes minorités. Il est toutefois préoccupé:

a)Par les lenteurs de la réforme;

b)Par l’absence, dans le Code pénal, de dispositions interdisant la discrimination raciale et les propos racistes, conformément au paragraphe 1 de l’article premier et à l’article 4 de la Convention;

c)Par la non-conformité des projets de loi sur la lutte contre la discrimination et sur le travail aux dispositions de la Convention;

d)Par le fait que certaines lois discriminatoires sont toujours en vigueur, notamment la loi relative à la protection sociale (1971), qui exclut certains groupes de personnes du système de protection sociale (art. 1er, 2, 4 et 6).

Le Comité prie instamment l’État partie de faire de la réforme juridique une priorité et d’accélérer le processus et, à cette fin, de veiller:

a) À ce que le projet de loi relatif à la protection des droits des minorités religieuses et ethniques soit définitivement adopté et à ce qu’il entre en vigueur au plus vite;

b) À ce que l’on introduise dans le Code pénal une disposition interdisant expressément la discrimination raciale conformément au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention;

c) À ce que le projet de loi relatif à la lutte contre la discrimination soit pleinement conforme à l’article 4 de la Convention, en applicatio n de sa Recommandation générale  n o 35 (2013) concernant la lutte contre les discours de haine raciale, et notamment à ce qu’il prévoie un recours utile pour les victimes de discrimination raciale, ne sanctionne pas les plaignants dont la plainte a été rejetée et s’accompagne de dispositifs d’application solides, efficaces et accessibles;

d) À ce que le projet de loi sur le travail comporte des dispositions qui définissent clairement et interdisent expressément la discrimination directe et indirecte à l’égard de tous les travailleurs et à tous les stades de l’emploi;

e) À ce que toutes les lois discriminatoires soient abrogées et à ce que le nouveau projet de loi relatif à la protection sociale s’applique à tous sans discrimination; et

f) À ce que le même cadre juridique, visant à interdire et à combattre la discrimination raciale conformément aux dispositions de la Convention, soit établi et appliqué dans la région du Kurdistan.

Organes nationaux des droits de l’homme

Le Comité prend note de la création de la Haute Commission des droits de l’homme, en application de la loi no 53 de 2008, et du Conseil indépendant des droits de l’homme dans la région du Kurdistan, en application de la loi no 4 de 2010, ainsi que des efforts de coopération faits par les deux institutions. Il est toutefois préoccupé par le retard que continuent de prendre la mise en place du bureau central et des antennes régionales de la Haute Commission et la désignation de son président, et note avec inquiétude que la Haute Commission ne serait pas indépendante et disposerait de ressources limitées (art. 2).

Le Comité encourage l’État partie à renforcer encore le mandat de la Haute Commission des droits de l’homme pour promouvoir efficacement les droits de l’homme et lutter contre toutes les formes de discrimination raciale, et à continuer de so utenir la coopération entre la Haute Commission et le Conseil indépendant des droits de l’homme. Il demande également à l’État partie, y compris au Gouvernement régional du Kurdistan, conformément à sa Recommandation générale n o  17 (1993) concernant la création d’organismes nationaux pour faciliter l’application de la Convention, de fournir à la Haute Commission et au Conseil indépendant des droits de l’homme dans la région du Kurdistan des ressources financières et humaines suffisantes, de veiller à l’application des P rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), et de prendre les mesures voulues pour que les deux organes gagnent la confiance du public et soient pleinement indépendants.

Composition ethnique des forces de sécurité et de la police

Le Comité note avec préoccupation que, bien que l’État soit tenu, en vertu de la Constitution, de garantir la composition équitable des diverses entités du secteur de la sécurité, le nombre d’agents des forces de sécurité et de policiers appartenant à des minorités ethnoreligieuses reste excessivement faible, en particulier dans la plaine de Ninive; il relève également avec inquiétude que les membres des minorités ethnoreligieuses sont peu nombreux à occuper des postes de direction et de grade supérieur au sein de ces entités. Il est également préoccupé par l’émergence de nouvelles milices armées sectaires (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures spéciales pour assurer une meilleure représentation des minorités ethnoreligieuses à tous les niveaux au sein des services de sécurité et des forces de police, notamment pour garantir qu’un plus grand nombre de personnes appartenant à ces minorités occupent des postes de direction et des postes de grade supérieur au sein de ces entités; pour ce faire, l’État partie devrait notamment cibler ces communautés en prenant des mesures efficaces de sensibilisation et de recrutement à leur intention. Il devrait également veiller à ce que toutes les unités des forces armées soient organisées de manière strictement non sectaire et à ce qu’elles s’inscrivent toujours dans une chaîne de commandement transparente, qui rend compte au Gouvernement et au Conseil des représentants.

Représentation des minorités dans la vie politique

Le Comité note avec préoccupation que les lois électorales en vigueur ne sont pas adaptées car elles permettent difficilement de garantir aux minorités ethniques une représentation politique à proportion de la population que celles-ci représentent, et que les quotas fixés en faveur de certaines minorités sont insuffisants (art. 2 et 5).

Le Comité recommande à l’État partie de modifier ses lois électorales et d’augmenter le nombre de sièges réservés aux minorités, y compris à celles qui ne bénéficient pas du système de quotas, de façon à garantir la représentation des différentes composantes de la population à proportion de leur importance démographique réelle. L’État partie devrait également appliquer l’arrêt rendu en 2010, par lequel la Cour fédérale ordonne d’accroître le nombre de sièges réservés aux Y ézid i s.

Discrimination raciale dans l’exercice du droit à la liberté de religion ou de conviction

Compte tenu de la corrélation entre l’appartenance ethnique et la religion dans l’État partie, le Comité est préoccupé par les informations qui lui ont été communiquées par la société civile, selon lesquelles il est interdit aux enfants appartenant à des minorités ethnoreligieuses dont l’un des parents ou les deux parents se sont convertis à l’islam d’adhérer à leur religion d’origine; cette interdiction a des conséquences bien plus importantes pour les filles, qui ont des difficultés à se marier à l’âge adulte (art. 2 et 5).

Le Comité demande à l’État partie de veiller à ce que les lois relatives au statut personnel garantissent à tous la liberté de religion, sans discrimination, conformément à l’article 14 de la Constitution.

Situation de la communauté noire et de la communauté rom

Le Comité note que la communauté noire et la communauté rom souffrent de la pauvreté et sont victimes d’exclusion sociale. D’après les données fournies par la société civile, il se pourrait que le taux de chômage de la communauté noire atteigne 80 %, celui de la communauté rom étant, lui aussi, extrêmement élevé. Nombre de Noirs et de Roms vivent dans des conditions déplorables, privés d’accès aux services les plus essentiels, tels que l’eau, l’électricité et les soins de santé, ainsi qu’à une alimentation suffisante. Les deux communautés affichent souvent des taux élevés d’analphabétisme. De nombreux villages roms ne comptent d’ailleurs aucune école primaire (art. 2 et 5).

Le Comité prie instamment l’État partie d’inscrire la lutte contre les inégalités et le développement des zones marginalisées dans ses stratégies de lutte contre la pauvreté et l’analphabétisme. En outre, à la lumière de sa Recommandation générale n o  32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention, de sa Recommandation générale  n o  27 (2000) concernant la discrimination à l’égard des Roms et de sa Recommandation n o 34 (2011) concernant la discrimination raciale à l’égard des personnes d’ascendance africaine, il recommande à l’État partie de prendre des mesures spéciales concrètes pour améliorer la situatio n socioéconomique précaire des N oirs et des Roms et leur assurer de meilleures conditions de vie, et notamment pour garantir qu’ils aient un meilleur accès à l’enseignement ordinaire et à l’enseignement supérieur, à un logement convenable, aux services de santé et à l’emploi, sans faire l’objet de préjugés ni de stéréotypes . De nouvelles mesures devraient être prises pour remédier aux causes profondes de la pauvreté et de la marginalisation de la communauté noire et de la communauté rom, notamment pour lutter contre toute discrimination indirecte dont celles-ci pourraient être victimes.

Information sur les affaires de discrimination raciale

Le Comité regrette que le rapport de l’État partie ne contienne aucune information sur les affaires de discrimination raciale qui ont été portées devant les tribunaux et sur les décisions y relatives, malgré la recommandation qu’il a formulée à cet effet (CERD/C/304/Add.80, par. 20) (art. 5 et 6).

Se référa nt à sa Recommandation générale  n o  31 (2005) concernant la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement du système de justice pénale, le Comité demande à l’État partie, y compris au Gouvernement régional du Kurdistan, de prendre toutes les mesures voulues pour que les actes de discrimination raciale soient signalés, et lui recommande de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données exhaustives à ce sujet, notamment concernant les affaires de discrimination raciale , et plus particulièrement la nature de ces affaires, les sanctions imposées et les mesures de réparation accordées aux victimes.

Femmes appartenant à des minorités

Le Comité note avec préoccupation que les femmes appartenant à des minorités sont victimes de multiples formes de discrimination. Les femmes yézidies afficheraient notamment un taux de suicide plus élevé; de même, les femmes appartenant à des minorités qui vivent dans des zones marginalisées, notamment les femmes noires et roms, seraient moins nombreuses que les autres femmes à travailler hors du foyer et plus souvent analphabètes; les mariages d’enfants seraient également plus courants chez ces groupes de femmes. Le Comité note en outre avec préoccupation que l’on ne dispose pas d’information sur les effets qu’a pu avoir la stratégie nationale pour la promotion de la femme sur la situation des femmes appartenant à des minorités (art. 5).

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur sa Recommandation générale  n o  25 (2000) concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale et le prie instamment d’évaluer et de surveiller la discrimination raciale à l’égard des femmes, en particulier des femmes appartenant à des minorités. L’État partie est tenu de garantir à chacun le droit d’exercer ses droits de l’homme sans discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique. Enfin, le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la situation des femmes appartenant à des minorités dans toutes les politiques et stratégies pour l’égalité des sexes et de lui rendre compte des progrès accomplis en faveur des femmes appartenant à des minorités.

Citoyenneté et nationalité

Le Comité note avec préoccupation que la loi relative à la nationalité ne serait pas appliquée de la même manière aux réfugiés palestiniens. Il relève également avec inquiétude qu’un grand nombre de Kurdes faylis, qui ont été déchus de leur nationalité iraquienne dans les années 1980, n’ont toujours pas pu être réintégrés dans la nationalité et qu’ils ont beaucoup de difficulté à prouver qu’ils peuvent prétendre à l’être, étant donné qu’ils ne possèdent pas les documents requis. Le Comité s’inquiète également de ce que les Shabaks et les Yézidis ne sont pas reconnus comme des groupes ethniques distincts par le Gouvernement régional du Kurdistan, bien qu’un grand nombre d’entre eux ne se considèrent comme kurdes (art. 5).

Le Comité prie instamment l’État partie de veiller à ce que les lois et règlements relatifs à l’acquisition et à la transmission de la nationalité, ainsi qu’à la réintégration dans la nationalité s’appliquent à tous sans discrimination. Il lui demande également d’accélérer la réintégration des Kurdes faylis dans leur nationalité, sans exiger d’eux qu’ils présentent des documents. Il engage en outre le Gouvernement régional du Kurdistan à reconnaître les S habak s et les Y ézid i s vivant dans la région comme des groupes ethniques distincts et, partant, à leur garantir l’exercice des droits énoncés aux articles 5, 14, 35 et 36 de la Constitution kurde.

Réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur du pays

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie accueille plus de 220 000 réfugiés syriens, essentiellement dans la région du Kurdistan, et reconnaît qu’il est difficile de subvenir aux besoins des plus de 1,5 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Il demeure toutefois préoccupé:

a)Par l’insuffisance du cadre juridique garantissant la protection des réfugiés;

b)Par le fait que la loi relative aux réfugiés ne s’applique pas aux Syriens, et par les informations selon lesquelles les réfugiés palestiniens et syriens seraient victimes d’actes de violence ethnique;

c)Par la situation difficile des Iraniens placés dans l’ancien camp d’Achraf;

d)Par le fait que la plupart des personnes déplacées à l’intérieur du pays appartiennent à des communautés ethniques, religieuses et autochtones et qu’elles vivent dans des conditions terribles, et notamment qu’elles ont un accès limité à l’aide humanitaire et ne bénéficient pas des services les plus essentiels;

e)Par les informations selon lesquelles la réglementation relative à l’entrée des déplacés internes dans la région du Kurdistan est appliquée de manière sectaire, en fonction de l’origine ethnique des intéressés, en particulier dans le cas des Arabes qui fuient la zone de conflit, et par les informations selon lesquelles les personnes appartenant à d’autres groupes ethniques se feraient confisquer leurs pièces d’identité (art. 5).

Le Comité demande à l’État partie:

a) De mettre la dernière main au projet de loi relatif aux réfugiés, qui devrait être mis en conformité avec les normes internationales relatives aux réfugiés, e t d’adhérer à la Convention de  1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 s’y rapportant;

b) De veiller à ce que tous les réfugiés soient traités sans discrimination et à ce qu’ils jouissent de l’égale protection de la loi;

c) De respecter le principe de non-refoulement en ce qui concerne les Iraniens placés dans l’ancien camp d’Achraf;

d) De prévenir et de combattre les actes de violence ethnique dont sont victimes les réfugiés;

e) De solliciter l’aide des pays voisins, des organismes des Nations Unies et d’organisations humanitaires ou d’organismes d’aide aux réfugiés et de coopérer avec eux en vue de venir en aide à tous les réfugiés et à toutes les personnes déplacées à l’intérieur du pays, d’assurer leur protection et de subvenir à leurs besoins essentiels;

f) De garantir à toute personne, quelle que soit son appartenance raciale, ethnique ou ethnoreligieuse, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence sur son territoire.

E.Autres recommandations

Ratification d’autres instruments

Compte tenu du caractère indivisible de tous les droits de l’homme, le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, en particulier ceux dont les dispositions intéressent directement les communautés susceptibles de faire l’objet de discrimination raciale, tels que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) et la Convention no 189 (2011) de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Il lui demande également d’envisager d’adhérer au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998).

Suite donnée à la Déclaration et au Programme d’action de Durban

A la lumière de sa Recommandation générale no 33 (2009) sur le suivi de la Conférence d’examen de Durban, le Comité recommande à l’État partie de donner effet, lorsqu’il applique la Convention, à la Déclaration et au Programme d’action de Durban adoptés en septembre 2001 par la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, en tenant compte du Document final de la Conférence, qui s’est tenue à Genève, en avril 2009. Il le prie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements précis sur les plans d’action qu’il aura adoptés et les autres mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

Consultations avec les organisations de la société civile

Le Comité recommande à l’État partie d’engager des consultations et de renforcer son dialogue avec les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l’homme, en particulier de la lutte contre la discrimination raciale, dans le cadre de l’application des présentes observations finales et de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

Déclaration prévue à l’article 14 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention.

Diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ses rapports soient rendus publics et soient consultables au moment de leur soumission, et que les observations finales du Comité qui s’y rapportent continuent d’être largement diffusées dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il convient.

Document de base commun

Le Comité encourage l’État partie à soumettre un document de base et à le mettre à jour régulièrement, conformément aux directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en particulier celles qui se rapportent au document de base commun, adoptées à la cinquième Réunion intercomités des organes crées en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, qui s’est tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I).

Suite donnée aux observations finales

Conformément au paragraphe 1 de l’article 9 de la Convention et à l’article 65 de son Règlement intérieur modifié, le Comité demande à l’État partie de fournir des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 6 et 18 dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales.

Recommandations d’importance particulière

Le Comité souhaite aussi appeler l’attention de l’État partie sur l’importance particulière des recommandations figurant aux paragraphes 7, 10, 11 et 16, et demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures concrètes qu’il aura prises pour y donner suite.

Élaboration du prochain rapport périodique

Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses vingt-deuxième à vingt-cinquième rapports périodiques en un seul document, d’ici au 13 février 2017, en tenant compte des directives pour l’élaboration du document propre au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, adoptées par le Comité à sa soixante et onzième session (CERD/C/2007/1), et en traitant de tous les points soulevés dans les présentes observations finales. Le Comité demande instamment à l’État partie de respecter la limite de 40 pages fixée pour les rapports propres au Comité et la limite de 60 à 80 pages fixée pour le document de base commun (voir les directives harmonisées figurant dans le document HRI/GEN.2/Rev.6, par. 19).