NATIONS UNIES

CMW

Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Distr.GÉNÉRALE

CMW/C/BIH/CO/13 juin 2009

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DE TOUS LES TRAVAILLEURS MIGRANTSET DES MEMBRES DE LEUR FAMILLEDixième session, 20 avril‑1er mai 2009

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 74 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

Bosnie ‑Herzégovine

1.Le Comité a examiné le rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine (CMW/C/BIH/1) à ses 104e et 106e séances (voir CMW/C/SR.104 et SR.106), tenues les 23 et 24 avril 2009, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 113e séance, le 29 avril 2009.

A. Introduction

2.Tout en regrettant le retard avec lequel l’État partie a soumis son rapport initial, le Comité accueille avec satisfaction la présentation dudit rapport, ainsi que des réponses écrites à la liste des points à traiter. Il se félicite également du dialogue constructif et utile engagé avec une délégation compétente, multisectorielle et représentative. Il regrette toutefois que le rapport et les réponses écrites ne contiennent pas suffisamment d’informations sur plusieurs questions importantes concernant la mise en œuvre concrète de la Convention.

3.Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles la Bosnie‑Herzégovine est essentiellement un pays d’origine de travailleurs migrants, qui enregistre un nombre important et en augmentation de travailleurs migrants en transit ou vivant sur son territoire.

4.Le Comité constate que de nombreux pays dans lesquels des travailleurs migrants de Bosnie‑Herzégovine sont employés ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui est susceptible de constituer un obstacle à l’exercice par ces travailleurs des droits protégés par la Convention.

B. Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de la conclusion par l’État partie d’accords bilatéraux et multilatéraux à l’effet de promouvoir les droits des travailleurs migrants et de lutter contre la criminalité, notamment la traite des personnes.

6.Le Comité prend note avec satisfaction de la ratification récente des instruments suivants:

a)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés;

b)Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants;

c)Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée; et

d)Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, de 1999.

7.Le Comité constate avec satisfaction que la Bosnie‑Herzégovine est partie à la Convention no 97 (1949) de l’OIT concernant les travailleurs migrants (révisée), ainsi qu’à la Convention no 143 (1975) de l’OIT sur les migrations dans des conditions abusives et sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement des travailleurs migrants (Dispositions complémentaires), et qu’elle est l’un des rares États à avoir ratifié tous les traités relatifs aux droits des travailleurs migrants.

C. Facteurs et difficultés

8.Le Comité prend note de l’observation de l’État partie selon laquelle la structure politique et administrative mise en place par les Accords de paix de Dayton de 1995, et en vertu desquels les deux Entités que sont la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie‑Herzégovine jouissent d’une large autonomie, est susceptible de créer des difficultés pour ce qui est de planifier, d’élaborer et de mettre en œuvre des lois et des politiques globales et coordonnées en vue d’appliquer la Convention à tous les niveaux.

D. Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1. Mesures générales d’application (art. 73 et 84)

Législation et mise en œuvre

9.Tout en prenant acte des renseignements fournis oralement par la délégation au cours du dialogue avec le Comité, celui‑ci regrette que le rapport de l’État partie ne contienne pas d’informations adéquates concernant les mesures concrètes prises par l’État partie pour mettre en œuvre le cadre juridique, en particulier s’agissant de la question de savoir dans quelle mesure les protections constitutionnelles et autres protections juridiques applicables aux migrants et aux membres de leur famille sont respectées.

10. Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des informations détaillées sur la mise en œuvre concrète du cadre juridique.

11.Le Comité salue les efforts de l’État partie pour tenir compte des droits relatifs, globalement, à l’emploi, notamment les droits des non‑ressortissants, avec la promulgation d’un certain nombre de lois aux niveaux national et des Entités. Il est néanmoins préoccupé par le fait que la prolifération législative, aux niveaux national et des Entités, a entraîné un manque de cohérence entre les lois et règlements respectifs aux niveaux national et des Entités, ce qui a pour conséquence de compromettre la capacité de l’État partie à protéger les droits des travailleurs migrants, conformément à la Convention. En particulier, le Comité s’inquiète de ce que les lois différentes dans les Entités régissant la délivrance de permis de travail et de résidence ne soient pas conformes à la législation nationale et aux dispositions de la Convention.

12. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre complètement sa législation en conformité avec la Convention, afin que les dispositions de celle ‑ci soient correctement mises en œuvre.

13.Le Comité constate que la Bosnie‑Herzégovine n’a pas encore fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles elle reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir des communications d’États parties et de particuliers.

14. Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Collecte de données

15.Tout en prenant acte des efforts de l’État partie pour collecter des données sur les entrées de migrants et notamment des plans dont il a fait état, visant à fusionner toutes les bases de données migratoires, le Comité s’inquiète de ce que l’existence de plusieurs bases contenant des informations similaires est susceptible de nuire aux efforts pour traiter efficacement ces informations. Il est également préoccupé par l’absence d’informations adéquates sur les caractéristiques des migrations de transit.

16. Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour intégrer toutes les bases de données relatives aux migrations, afin d’assurer la gestion efficace de l’information et de contribuer à l’élaboration de politiques migratoires satisfaisantes. Il lui recommande également de faire figurer, dans son prochain rapport, des renseignements sur les migrations de transit.

Formation à la Convention et diffusion de celle ‑ci

17.Le Comité prend note des renseignements fournis par la délégation au sujet de la formation à la Convention dispensée aux agents de la police des frontières, mais note l’absence d’informations détaillées à cet égard. Il est préoccupé par le fait que les efforts actuels de formation risquent de n’avoir qu’une portée limitée, et qu’il n’y ait pas de renseignements sur les mesures destinées à diffuser l’information et à promouvoir la Convention parmi les autres parties prenantes intéressées, en particulier les organisations de la société civile.

18. Le Comité encourage l’État partie:

a) À renforcer et à intensifier ses programmes de formation afin qu’ils s’adressent à tous les agents travaillant dans le domaine des migrations, notamment les travailleurs sociaux, les juges et les procureurs, et il invite l’État partie à inclure dans son deuxième rapport périodique des renseignements sur ces programmes;

b) À faire le nécessaire pour garantir l’accès des travailleurs migrants à l’information sur les droits que leur reconnaît la Convention; et

c) À travailler avec les organisations de la société civile pour diffuser l’information et promouvoir la Convention.

2. Principes généraux (art. 7 et 83)

Non ‑discrimination

19.Le Comité accueille avec satisfaction la promulgation de la loi sur la circulation et le séjour des étrangers et sur l’asile, entrée en vigueur en octobre 2003, qui prévoit que les non‑ressortissants ne feront l’objet d’aucune discrimination, quel qu’en soit le motif. Il note également que les Constitutions de la Bosnie‑Herzégovine et des Entités interdisent également la discrimination. Il constate toutefois avec préoccupation qu’il n’existe aucune information précise sur le point de savoir dans quelle mesure le cadre juridique a permis de protéger efficacement les droits des travailleurs migrants contre la discrimination.

20. Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer, dans son prochain rapport périodique, des renseignements détaillés sur la mise en œuvre effective des dispositions antidiscrimination dans la pratique.

Droit à un recours utile

21.Le Comité est préoccupé par les renseignements selon lesquels le droit des travailleurs migrants à un recours utile est violé, en particulier s’agissant de la révocation de droits à la nationalité et des ordonnances d’expulsion prises sur cette base. À cet égard, le Comité est préoccupé par le fait que les travailleurs migrants qui ont été déchus de leur droit à la nationalité sont particulièrement exposés à une violation de leur droit à une procédure régulière.

22. Le Comité encourage l’État partie à renforcer le cadre juridique en vigueur pour permettre aux travailleurs migrants d’obtenir effectivement réparation de ces violations. Il lui recommande également de veiller à ce que, dans la loi comme dans la pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, y compris ceux en situation irrégulière, aient les mêmes droits que les nationaux de l’État partie de porter plainte et d’obtenir réparation devant les tribunaux.

3. Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

23.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur l’exercice des droits énoncés dans la troisième partie de la Convention par les travailleurs migrants et les membres de leur famille dépourvus de documents ou en situation irrégulière.

24. Le Comité recommande à l’État partie de revoir sa législation pour faire en sorte que les travailleurs migrants et les membres de leur famille dépourvus de documents ou en situation irrégulière jouissent des droits que leur confère la troisième partie de la Convention.

25.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les conditions de détention dans le centre de rétention des immigrants ne seraient pas conformes à la Convention. En particulier, le Comité constate avec préoccupation que ce centre ne réunit pas les conditions suffisantes pour accueillir des familles. Le Comité est en outre préoccupé par l’absence de toute information sur la durée maximale de détention des migrants.

26. Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour que les travailleurs migrants et les membres de leur famille détenus dans les centres de rétention aient accès à une aide juridique et à des services consulaires, qu’ils ne puissent être détenus que sur la base de critères juridiques clairs et qu’indépendamment de cela, leur traitement soit pleinement conforme aux dispositions de la Convention.

27.Le Comité note l’existence d’agences publiques pour l’emploi qui fournissent des informations sur la migration, mais il constate (à l’instar de la Commission d’experts de l’OIT pour l’application des conventions et des recommandations dans ses Observations directes de 2008 à propos de la Convention no 97 sur les travailleurs migrants (révisée) de 1949) que l’existence de services d’information officiels n’est en elle‑même pas suffisante pour garantir que les travailleurs migrants sont suffisamment et objectivement informés des questions liées à la migration. Le Comité réaffirme la préoccupation exprimée par la Commission d’experts de l’OIT, qui a estimé que les travailleurs migrants étaient insuffisamment protégés contre les informations trompeuses que pourraient fournir des intermédiaires ayant intérêt à encourager la migration sous quelque forme que ce soit, indépendamment des conséquences pour les travailleurs concernés.

28. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre les mesures voulues pour combattre la propagande mensongère liée à la migration, au moyen, notamment, de la pleine application de l’article 33 de la Convention;

b) De prendre les mesures voulues pour protéger les travailleurs migrants de tous les abus découlant des informations trompeuses sur le processus de migration.

4. Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

29.Le Comité se félicite que les lois électorales de l’État partie permettent aux citoyens de Bosnie‑Herzégovine résidant temporairement à l’étranger de participer aux élections par l’intermédiaire du consulat ou d’une autre représentation diplomatique dans leur pays de résidence ou par correspondance. Il constate toutefois une forte réduction du nombre de ressortissants de l’État partie à l’étranger qui participent aux élections et il regrette le manque de clarté caractérisant l’exercice de ce droit.

30. Le Comité demande instamment à l’État partie de renforcer les mesures visant à faciliter le vote par ses ressortissants à l’étranger. Il demande à l’État partie de fournir, dans son deuxième rapport périodique, des compléments d’information sur le cadre législatif visant à faciliter l’exercice de ce droit, ainsi que sur son application pratique dans le cas des travailleurs résidant en dehors de la Bosnie ‑Herzégovine.

31.Compte tenu du fort pourcentage de citoyens de Bosnie‑Herzégovine résidant à l’étranger, le Comité constate avec préoccupation qu’aucune information n’a été fournie au sujet des procédures ou des institutions permettant de tenir compte des besoins, aspirations et obligations particuliers des travailleurs migrants de l’État partie et des membres de leur famille résidant à l’étranger.

32. Le Comité recommande à l’État partie d’envisager la création de telles procédures et institutions conformément au paragraphe 1 de l’article 42 de la Convention et de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur toutes mesures prises conformément à cette disposition.

5. Dispositions applicables à des catégories particulières de travailleurs migrants et aux membres de leur famille (art. 57 à 63)

33.Le Comité est préoccupé par l’absence de données précises sur le nombre de travailleurs saisonniers employés dans l’État partie. En outre, le Comité note qu’il n’existe ni système d’enregistrement des travailleurs saisonniers ni accords bilatéraux ou multilatéraux sur les mouvements de travailleurs saisonniers. Le Comité est préoccupé par le fait que l’absence d’informations et de contrôle peut rendre les travailleurs saisonniers vulnérables à des conditions de travail inéquitables et à des abus.

34. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De mettre au point et d’appliquer un système d’enregistrement ainsi qu’un système de collecte de données sur les travailleurs saisonniers;

b) D’envisager de négocier des accords bilatéraux et multilatéraux avec les pays voisins et d’autres pays, selon qu’il convient, dans le but de promouvoir des conditions saines, équitables et humaines en ce qui concerne la migration des travailleurs saisonniers et conformément à la Convention;

c) De prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte que les travailleurs saisonniers jouissent du droit au même traitement que les travailleurs nationaux, s’agissant en particulier de la rémunération et des conditions de travail, et pour assurer le contrôle systématique, par les autorités compétentes, du respect des normes internationales à cet égard.

6. Promotion de conditions saines, équitables, dignes et légales en ce qui concerne les migrations internationales des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 64 à 71)

35.Le Comité, notant que l’application des lois et politiques relatives à la migration des travailleurs relève de plusieurs organismes, est préoccupé par le risque de chevauchement et de double emploi dans la planification et la coordination des activités et des responsabilités liées aux droits des migrants entre les organismes et les ministères au niveau national et à celui des entités.

36. Le Comité recommande à l’État partie, agissant dans le souci d’améliorer la coordination et la mise en œuvre des mesures destinées à protéger les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, de prendre les mesures voulues pour assurer une coordination efficace entre ses ministères et organismes à tous les niveaux de l’appareil gouvernemental.

37.Le Comité note en s’en félicitant les efforts de l’État partie visant à combattre la traite, notamment grâce à la coopération avec la communauté internationale, la mise en œuvre de deux plans d’action nationaux et les importantes réformes législative et institutionnelle. Il se félicite par ailleurs des efforts déployés par l’État partie pour poursuivre les personnes impliquées dans la traite des êtres humains. Toutefois, le Comité reste préoccupé par le phénomène de la traite en Bosnie‑Herzégovine.

38. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts visant à lutter contre la traite, notamment par des mesures de prévention du phénomène et par l’attention portée aux victimes et leur réadaptation. Le Comité encourage l’État partie à continuer la lutte contre la traite en poursuivant les coupables.

7. Suivi et diffusion

Suivi

39.Le Comité demande à l’État partie d’incorporer dans son deuxième rapport périodique des informations détaillées sur les mesures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant dans les présentes observations finales. Il lui recommande aussi de prendre toutes les mesures voulues pour faire en sorte que ces recommandations soient appliquées, notamment en les transmettant, pour examen et suite à donner, aux membres des pouvoirs exécutif et législatif, ainsi qu’aux autorités administratives et aux autres autorités compétentes, au niveau national et à celui des entités.

40.Le Comité regrette le peu de participation des ONG et des autres organisations de la société civile à l’élaboration du présent rapport et encourage l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour associer les organisations de la société civile à l’application de la Convention et à l’élaboration du deuxième rapport périodique de l’État partie.

Diffusion

41.Le Comité prie également l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics et de l’appareil judiciaire, des organisations non gouvernementales et des autres membres de la société civile, et de prendre des mesures pour en informer les migrants de Bosnie‑Herzégovine à l’étranger et les travailleurs migrants étrangers résidant en Bosnie‑Herzégovine ou transitant par ce pays.

8. Prochain rapport périodique

42.Le Comité invite l’État partie à lui soumettre son document de base conformément aux directives harmonisées de 2006 pour l’élaboration d’un document de base commun (HRI/MC/2006/3 et HRI/MC/2006/3/Corr.1).

43.Le Comité note que le deuxième rapport périodique de l’État partie est attendu le 1er juillet 2009. En conséquence, le Comité demande à l’État partie de soumettre son deuxième rapport périodique au plus tard le 1er mai 2011.

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