Nations Unies

CRC/C/85/D/37/2017−CRC/C/85/D/38/2017

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

24 novembre 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant les communications nos 37/2017 et 38/2017 * , **

Communications présentées par :

L. D. (premier auteur) et B. G. (second auteur) (représentés par un conseil, Jose Luis Rodríguez Candela, de l’association Málaga Acoge)

Victime(s) présumée(s):

Les auteurs

État partie :

Espagne

Date de la communication :

20 décembre 2017

Date des constatations :

28 septembre 2020

Objet :

Procédure de détermination de l’âge d’un enfant non accompagné

Question(s) de procédure :

Non-épuisement des recours internes, irrecevabilité ratione personae, défaut de fondement des griefs

Article(s) de la Convention :

2, 3, 8, 12, 18 (par. 2), 20 (par. 1), 27 et 29

Article(s) du Protocole facultatif :

6 et 7 (al. c), e) et f))

1.1Les auteurs de la communication sont L. D. (premier auteur) et B. G. (second auteur), de nationalité algérienne, nés respectivement le 18 août 2001 et le 14 septembre 2000. Ils affirment être victimes d’une violation, par l’État partie, des droits qu’ils tiennent des articles 2, 3, 8, 12, 18 (par. 2), 20, 27 et 29 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 avril 2014.

1.2Le 21 décembre 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de prendre des mesures provisoires tendant à suspendre l’exécution de la décision d’expulsion visant les auteurs tant que leur communication serait à l’examen et à transférer les intéressés dans un centre de protection des mineurs.

1.3Le 6 mars 2018, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a approuvé la demande de l’État partie visant à lever les mesures provisoires concernant le premier auteur (L. D.). Le Comité, par l’intermédiaire du même Groupe de travail, a rejeté la demande tendant à mettre fin à l’examen de la première communication.

1.4Le 16 mai 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a approuvé la demande de l’État partie visant à lever les mesures provisoires concernant le second auteur (B. G.).

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 17 novembre 2017, le premier auteur, L. D., est arrivé sur la côte d’Almería, en Espagne, à bord d’une embarcation de fortune. à son arrivée au poste de police d’Almería, il a affirmé être mineur. Le même jour, il a été conduit à l’hôpital de Torrecárdenas, à Almería, où il a été soumis à des examens médicaux de détermination de l’âge, à savoir une radiographie de la main gauche interprétée selon l’Atlas de Greulich et Pyle, à la suite de laquelle il a été établi qu’il avait plus de 19 ans. Le 19 novembre 2017, le tribunal de première instance et d’instruction no 2 de Vera a ordonné que L. D. soit placé au centre pénitentiaire Málaga II, qui faisait office de centre de détention pour étrangers. L’avocat commis d’office a fait appel de cette décision, mais le recours est resté sans réponse. Le 22 novembre 2017, une lettre a été adressée au parquet de Málaga pour l’informer que L. D., qui était mineur, allait être détenu à Málaga II, et pour lui demander de veiller à l’application du protocole. Le même jour, une plainte a été déposée auprès du Défenseur du peuple espagnol pour l’informer qu’une personne qui disait être mineure allait être renvoyée en Algérie. Le 11 décembre, l’avocat s’est présenté au parquet des mineurs de Málaga avec une copie de l’acte de naissance de L. D.. Le 14 décembre, une autre plainte a été déposée auprès du Défenseur du peuple, qui a été informé de la situation de B. G. et a reçu l’acte de naissance de L. D. Le 16 décembre, le juge de contrôle chargé du centre de détention d’Archidona a été saisi d’une plainte dans laquelle il lui était demandé de réexaminer la situation des mineurs. Cependant, le 17 décembre 2017, une procédure d’expulsion a été engagée. Le 22 décembre 2017, l’avocat a fait savoir que L. D. avait été renvoyé en Algérie.

2.2Le 17 novembre 2017, le second auteur, B. G., est arrivé sur la côte de Lorca, en Espagne, à bord d’une embarcation de fortune. à son arrivée au poste de police, il a affirmé être mineur. Il est toutefois resté enfermé dans une cellule avec les autres personnes qui venaient d’arriver en Espagne. Le tribunal d’Archidona a ensuite ordonné son placement en détention au centre pénitentiaire Málaga II d’Archidona sans qu’aucun examen de détermination de l’âge n’ait été réalisé. Le 20 novembre 2017, la délégation du Gouvernement dans la région de Murcie a rendu une ordonnance d’expulsion. Le 14 décembre 2017, l’avocat du second auteur a adressé une lettre au Défenseur du peuple, l’informant qu’il y avait au centre pénitentiaire Málaga II d’Archidona des Algériens possiblement mineurs, dont son client, et lui demandant d’intervenir afin que leur âge soit correctement déterminé, conformément au protocole relatif aux mineurs étrangers non accompagnés. Le 15 décembre 2017, l’avocat a déposé une demande de mesures de protection auprès du tribunal de première instance et d’instruction d’Archidona, indiquant que des mineurs étaient détenus à Málaga II et joignant à sa demande l’acte de naissance du second auteur, qui prouvait que celui-ci avait 17 ans. Le 18 décembre, à l’hôpital d’Antequera, à Málaga, le second auteur a été soumis à un examen médical de détermination de l’âge, à savoir une radiographie du poignet gauche qui, comparée à l’Atlas de Greulich et Pyle, a permis de déterminer qu’il avait 19 ans. Le même jour, par l’ordonnance no 214/2017, le tribunal unique de première instance et d’instruction d’Archidona a rejeté la demande de mesures de protection tendant à suspendre l’expulsion de l’auteur et à le transférer dans un centre pour mineurs. Il a indiqué qu’un acte ou certificat de naissance et un simple carnet de santé avec photographie, sur lequel les informations étaient inscrites à la main et dont la fiabilité était, à tout le moins, douteuse, ne constituaient ni un passeport ni un document valide permettant de prouver l’identité d’une personne, et qu’il avait fait réaliser un examen osseux qui avait permis de conclure à la majorité de l’auteur. Le 5 janvier 2018, les autorités consulaires algériennes à Alicante ont remis à l’auteur un laissez-passer portant comme date de naissance le 14 septembre 1999.

2.3Le 8 janvier 2018, le tribunal de première instance et d’instruction no 5 de Lorca a ordonné la libération de B. G. et son placement dans un centre pour mineurs à Murcie. Par la suite, l’avocat a fait savoir que B. G. n’était pas dans un centre mais vivait avec des membres de sa famille élargie.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que l’État partie n’a pas respecté le principe de la présomption de minorité qui doit s’appliquer en cas de doute ou d’incertitude quant à l’âge, ce qui est contraire à leur intérêt supérieur et constitue une violation de l’article 3 de la Convention. Cette violation est d’autant plus évidente que l’État partie a exposé les auteurs à un risque réel de subir un dommage irréparable en les plaçant dans un centre de détention pour adultes et en ordonnant leur renvoi dans leur pays d’origine. Les auteurs citent des observations finales concernant l’État partie, dans lesquelles le Comité se dit préoccupé par l’absence de prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et par les disparités dans les méthodes employées pour déterminer l’âge des enfants non accompagnés. Ils s’appuient en outre sur diverses études pour affirmer que les méthodes d’évaluation médicale auxquelles l’État partie a recours, en particulier l’examen auquel on les a soumis, ont une marge d’erreur élevée, étant donné que les recherches sur lesquelles elles sont fondées ont été réalisées sur d’autres populations présentant des caractéristiques raciales et socioéconomiques très différentes.

3.2Les auteurs se disent en outre victimes d’une violation de l’article 3 de la Convention, lu conjointement avec l’article 18 (par. 2), au motif qu’aucun tuteur ne leur a été assigné pour défendre leurs intérêts, alors que cela constitue une garantie de procédure fondamentale pour le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant non accompagné. Ils affirment en outre qu’il y a eu violation de l’article 3 (par. 2), lu conjointement avec l’article 20 (par. 1), l’État partie ne les ayant pas protégés en dépit de la situation d’abandon et de grande vulnérabilité dans laquelle ils se trouvaient en tant que mineurs migrants non accompagnés. Ils soutiennent que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer les dispositions d’ordre public relatives aux étrangers et prévaloir dans toutes les décisions que prennent les autorités compétentes, et qu’en présence de personnes qui affirment être mineures et qui sont sur le point d’obtenir des documents pour le prouver, l’État partie doit mobiliser son appareil administratif et désigner automatiquement un tuteur.

3.3De surcroît, les auteurs affirment que l’État partie a violé leur droit à l’identité, consacré par l’article 8 de la Convention, car l’âge est un aspect fondamental de l’identité, à laquelle l’État partie ne doit pas porter atteinte. Ils ajoutent que l’État partie est même tenu de conserver et de protéger les données relatives à leur identité qui existent ou peuvent exister encore. Or, l’État partie leur a attribué un âge qu’ils n’ont pas et une date de naissance qui ne correspond pas à celle qu’ils ont déclarée et qui figure sur les documents d’identité qu’ils ont respectivement présentés par la suite.

3.4Les auteurs dénoncent en outre une violation de leur droit d’être entendus, consacré par l’article 12 de la Convention, étant donné qu’aucun représentant légal ne leur a été attribué dans le cadre de la procédure de détermination de l’âge, ce qui a ensuite eu une incidence directe sur leur droit à l’identité.

3.5Les auteurs se disent également victimes d’une violation des articles 27 et 29 de la Convention, car les décisions prises les ont empêchés de développer pleinement toutes leurs facultés. Ils estiment que, parce qu’ils n’ont pas eu de tuteur pour les guider, ils n’ont pas pu s’épanouir comme ils auraient dû le faire à leur âge.

3.6Les auteurs affirment en outre qu’il y a eu violation de l’article 20 de la Convention en raison du défaut de protection et de l’exclusion sociale qu’ont entraînés les décisions et actions de l’État partie. Ils soutiennent que l’État partie ne les a pas protégés puisqu’il les a considérés comme majeurs sans disposer de preuve concluante, et citent l’observation générale no 6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, où il est souligné que le droit à une protection doit être interprété en tenant compte de la situation du mineur, de son âge et de son origine ethnique, culturelle et linguistique.

3.7Les auteurs soutiennent avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur leur statut de mineurs algériens non accompagnés, en violation de l’article 2 de la Convention. Selon eux, ils n’auraient pas été privés de protection s’ils avaient été accompagnés par leur famille ou s’ils n’avaient pas été originaires d’un pays africain. En effet, la validité des documents établis par les autorités des autres pays n’est jamais mise en doute, pas plus que l’âge des ressortissants algériens dès lors que ceux-ci sont des adultes ou des mineurs accompagnés.

3.8À titre de réparation possible, le premier auteur propose : a) que l’État partie reconnaisse qu’il est mineur, comme le prouve le document officiel qu’il a présenté, et que l’exécution de la décision de renvoi vers son pays d’origine soit suspendue ; b) que lui soient reconnus tous les droits attachés à son statut de mineur, y compris le droit d’être protégé par l’État, le droit à un représentant légal et le droit à l’éducation, et qu’un permis de séjour et de travail lui soit accordé afin qu’il puisse développer pleinement sa personnalité et s’intégrer dans la société. En outre, les deux auteurs proposent : a) que l’État partie reconnaisse que leur âge ne peut être établi sur la base des examens médicaux auxquels ils ont été soumis ; b) que leur soit reconnu le droit d’être entendus par l’intermédiaire d’une personne ou d’une institution spécialisée dans le droit des mineurs.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

Exposé des faits

4.1Dans ses observations datées du 29 janvier 2018 et du 6 août 2019 concernant la recevabilité des communications 37/2017 et 38/2017, respectivement, l’État partie affirme que les auteurs ont présenté les faits de manière partielle et inexacte. Les seules photographies recevables des auteurs sont les photographies officielles qui ont été prises au moment de leur sauvetage et de leur mise à disposition de la justice et sur lesquelles on peut voir clairement une personne avec une moustache et de la barbe, qui sont des caractéristiques compatibles avec la majorité.

4.2Concernant le premier auteur, l’État partie indique que, selon le rapport médical établi par l’hôpital de Torrecárdenas, à Almería, l’âge osseux de l’intéressé est estimé à 19 ans. Il précise en outre que le consulat d’Algérie à Alicante a confirmé que L. D. était algérien et lui a délivré un document d’identité portant comme date de naissance le 18 août 1998. Le premier auteur a été expulsé le 19 décembre 2019.

4.3Concernant le second auteur, étant donné que celui-ci a dit être majeur à son arrivée en Espagne, qu’il a indiqué être né le 21 décembre 1994, qu’il est entré illégalement sur le territoire et qu’il n’a pas demandé l’asile, une procédure d’expulsion a été engagée à son égard et il a été placé au centre de détention pour étrangers d’Archidona le 21 novembre 2017 en vue de son renvoi en Algérie. Par la suite, B. G. a affirmé être mineur sans fournir aucun document officiel. C’est pourquoi le parquet a demandé que des radiographies latérales de la main droite et de la mâchoire et des radiographies antéro-postérieures des deux mains soient réalisées. Les médecins ont conclu que B. G. était une personne adulte qui avait au moins 18 ans révolus.

4.4Étant donné que B. G. n’avait pas de document d’identité officiel, son renvoi devait être accepté par le Consul de son pays d’origine, qui devait au préalable confirmer qu’il s’agissait bien d’un ressortissant algérien. Après s’être entretenu avec l’intéressé et avoir vérifié les données biométriques et administratives issues des archives algériennes officielles, le Consul a déclaré que B. G. était né le 14 septembre 1999, ce qui signifie qu’il était majeur le jour de son arrivée en Espagne.

4.5L’État partie indique que, comme suite à la soumission de la présente communication, le second auteur n’a pas pu être renvoyé dans son pays d’origine car il s’est enfui du centre d’accueil pour mineurs deux jours seulement après y être arrivé.

Motifs d’irrecevabilité

4.6L’État partie soutient que les deux communications sont irrecevables ratione personae parce que les auteurs sont majeurs. Il affirme que ceux-ci sont majeurs pour les raisons suivantes : a) leur apparence est celle de personnes majeures, comme le montrent les photographies prises au moment de leur arrestation ; b) comme ils ont déclaré être mineurs, ils ont été soumis à des examens médicaux objectifs qui ont permis d’établir qu’ils avaient au moins 18 ans, tranche d’âge pour laquelle il n’y a pas d’écart-type. Qui plus est, les auteurs n’ont apporté aucun élément prouvant qu’ils étaient mineurs et il existe des documents officiels délivrés par les autorités de leur pays d’origine (laissez-passer) qui prouvent qu’ils sont majeurs. L’État partie ajoute que les documents d’identité présentés par les auteurs sont de simples photocopies qui ne contiennent pas de données biométriques et n’ont pas l’authenticité d’une carte d’identité ou d’un passeport. Concernant B. G., l’État partie ajoute que celui-ci a affirmé être majeur à son arrivée en Espagne et que les quatre examens médicaux auxquels il a été soumis ont permis d’établir qu’il était majeur.

4.7Selon l’État partie, déclarer la communication recevable en l’absence de preuves objectives de la minorité des auteurs servirait uniquement les intérêts des mafias impliquées dans le trafic de migrants. En outre, la présentation de la communication no 38 avait pour seul objet d’empêcher le renvoi du second auteur, qui s’est enfui du centre de protection des mineurs dans lequel il avait été placé à titre de mesure provisoire, sur la recommandation du Comité. L’État partie estime donc qu’il s’agit d’un abus manifeste du droit de présenter une communication.

4.8De surcroît, se fondant sur l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif, l’État partie soutient que les communications sont irrecevables au motif que tous les recours internes disponibles n’ont pas été épuisés. Les auteurs pouvaient : a) demander au ministère public de faire procéder à des examens médicaux supplémentaires ; b) en application de l’article 780 de la loi relative à la procédure civile, demander au juge civil dont dépend le lieu de détention de réexaminer toute décision rendue par la communauté autonome dans laquelle ils n’étaient pas considérés comme mineurs ; c) faire appel de la décision de renvoi devant la juridiction administrative ; d) former devant les tribunaux civils une demande en matière gracieuse aux fins de la détermination de l’âge, conformément à la loi no 15/2015.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans leurs observations sur la recevabilité datées du 5 avril 2018 et du 19 septembre 2019, les auteurs commentent les allégations de l’État partie. L. D. et B. G. affirment que les rapports médicaux dans lesquels leur âge osseux est estimé, respectivement, à 18 et 19 ans ne précisent pas s’il existe ou non un écart-type pour leur tranche d’âge, alors que les méthodes utilisées présentent une marge d’erreur telle qu’elles ne permettent pas de tirer de conclusion définitive. Si cette marge avait été prise en compte, les résultats des examens ne seraient pas en contradiction avec l’âge que les auteurs affirment et ont prouvé avoir.

5.2Concernant B. G., l’État partie avance que celui-ci est majeur en se fondant sur son apparence physique, mais rien n’indique que des examens psychologiques complémentaires aient été réalisés pour étayer cette affirmation. S’agissant du laissez-passer délivré par le consulat d’Algérie à Alicante, étant donné que ce document et l’acte de naissance présenté contenaient des informations contradictoires concernant l’âge de B. G., les autorités auraient dû contacter de nouveau le consulat pour vérifier si celui-ci confirmait les renseignements figurant dans le laissez-passer. L’auteur affirme que l’acte de naissance a une valeur supérieure à celle du laissez-passer et qu’il n’existe aucune autre preuve concluante qui permettrait à l’État partie de démontrer qu’il était majeur lors de son arrivée sur le territoire espagnol. L’État partie réaffirme que B. G. a initialement déclaré être né le 24 décembre 1994 mais aucune déclaration officielle enregistrée ne vient étayer cette affirmation. En outre, l’auteur affirme que les autorités ont rejeté ses déclarations et ignoré le fait qu’il était mineur. Lorsqu’il a présenté son acte de naissance, le document a été présumé faux et on ne lui a jamais accordé le bénéfice du doute, en violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Concernant la validité des examens de détermination de l’âge, les autorités ont laissé s’écouler un mois avant de lui faire passer les examens. Ces examens, uniquement radiologiques, étaient insuffisants pour exclure la possibilité qu’il soit mineur. L’auteur estime qu’on l’a privé de sa liberté de manière injustifiée pendant le mois ayant précédé les examens.

5.3Concernant L. D., il convient de souligner que, lorsque le tribunal de Vera a ordonné le placement en détention de l’intéressé, le 19 novembre 2017, et que la Délégation du Gouvernement à Almería a ordonné son expulsion, le 18 novembre 2017, son âge n’avait pas encore été déterminé, puisque, selon les dispositions de l’observation générale no 6, en cas d’incertitude, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé, qu’il convient de traiter comme un enfant. Qui plus est, l’auteur avance que rien n’indique qu’il ait été informé de la délivrance d’un laissez-passer par le consulat d’Algérie de manière à ce qu’il puisse vérifier les données qui y figuraient et que, s’il en avait eu connaissance, il aurait pu déposer un recours ou demander directement au consulat qu’il rectifie l’erreur.

5.4Pour ce qui est de l’irrecevabilité des communications pour non-épuisement des recours internes, les auteurs expliquent que les voies de recours disponibles en droit interne sont inutiles, soit parce qu’elles ne permettent pas d’obtenir une réparation effective pour le préjudice subi, soit parce qu’elles excèdent des délais raisonnables. Les recours administratifs sont subsidiaires, étant donné qu’ils nécessitent l’introduction préalable d’un recours en appel qui ne répond pas au critère du délai et n’a pas d’effet suspensif sur la décision de renvoi. En cas d’expulsion imminente, seuls les recours qui ont un effet suspensif peuvent être considérés comme utiles, dans la droite ligne de ce qu’ont affirmé le Comité contre la torture et la Cour européenne des droits de l’homme. En outre, le premier auteur (L. D.) souligne qu’il est impossible, dans la pratique, que le parquet revienne sur sa décision relative à son âge puisque, même après avoir reçu l’acte de naissance, il a refusé de réexaminer sa décision au motif que le document fourni contredisait les résultats des examens médicaux réalisés.

5.5L’État partie lui-même reconnaît que la décision du parquet est purement provisoire. Toutefois, l’âge de L. D. ayant été déterminé seulement quelques heures avant l’expulsion de l’intéressé, la décision est devenue définitive sans que le mineur présumé ait la possibilité de réagir, puisqu’il n’a pas été informé de la décision rendue par le parquet concernant son âge, ce qui fait qu’il lui était difficile de la contester.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans ses observations datées du 6 juillet 2018 et du 1er août 2019, l’État partie indique que, dans leurs communications initiales, les auteurs ne précisent pas en quoi les articles cités ont été violés, et fait valoir que la simple énumération des articles de la Convention ne saurait suffire au regard de la nature générique des griefs présentés. En outre, il soutient qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, consacré par l’article 3 de la Convention, étant donné que les auteurs sont majeurs. Il précise que la présomption de minorité ne doit être appliquée qu’« en cas d’incertitude », mais pas lorsque les intéressés sont manifestement majeurs. Il conclut qu’en l’espèce, les auteurs n’ayant aucun document d’identité et ayant l’apparence de personnes majeures, les autorités peuvent légalement les considérer comme telles sans qu’il soit nécessaire de procéder au moindre examen. Toutefois, devant les allégations des auteurs, l’État partie a décidé de les soumettre, après avoir obtenu leur consentement éclairé, à des examens médicaux, étant donné que l’observation générale no 6 n’empêche ni, à plus forte raison, n’interdit de procéder à des examens médicaux objectifs de détermination de l’âge sur des personnes qui semblent être majeures, n’ont pas de documents d’identité et affirment être mineures. L’État partie soutient que considérer un adulte comme mineur, en l’absence de preuves irréfutables et sur la seule foi de la déclaration de la personne concernée, ferait courir un risque important aux mineurs placés dans les centres d’accueil (lesquels pourraient être soumis par cet adulte à des violences et à des mauvais traitements), ce qui constituerait une violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

6.2L’État partie affirme en outre qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant au regard des articles 18 (par. 2) et 20 (par. 1) de la Convention, pour les raisons suivantes : a) les auteurs ont été secourus par les autorités alors qu’ils étaient en haute mer, en danger, à bord d’une embarcation très fragile et inadaptée à ce type de trajet ; b) ils ont été pris en charge par les services de santé dès leur arrivée sur le territoire espagnol ; c) ils se sont vu délivrer des documents et ont bénéficié gratuitement, aux frais de l’État, des services d’un avocat et d’un interprète ; d) leur situation a été immédiatement signalée à l’autorité judiciaire compétente afin que le respect de leurs droits soit garanti pendant le déroulement de la procédure découlant de leur séjour irrégulier ; e) dès qu’ils ont dit être mineurs, le ministère public, qui est l’autorité chargée de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant, en a été informé et a provisoirement déterminé qu’ils étaient majeurs. L’État partie soutient donc qu’on ne peut guère parler d’un défaut d’assistance juridique ou de protection des auteurs, et ce, même dans l’hypothèse où ils auraient été mineurs.

6.3L’État partie affirme également qu’à supposer que les auteurs aient été mineurs, leur droit à l’identité, protégé par l’article 8 de la Convention, n’a pas non plus été violé puisque l’identité qu’ils ont déclarée a été enregistrée dès leur arrivée illégale sur le territoire espagnol, après leur sauvetage en haute mer.

6.4Concernant L. D., l’État partie estime que l’intéressé a toujours eu la possibilité d’être entendu, la première fois lorsqu’il a été placé en détention au poste de police. Pendant la procédure de détermination de l’âge, L. D. a pu bénéficier de l’assistance de son avocat. On lui a notifié son expulsion en personne et en présence d’un interprète, et il a été informé de la possibilité qui lui était ouverte de déposer un recours.

6.5Concernant B. G., l’État partie soutient que les droits protégés par les articles 27 et 29 de la Convention n’ont pas été violés, puisque l’intéressé a été totalement pris en charge. En l’absence de document d’identité et compte tenu des mesures provisoires recommandées par le Comité, il a été placé dans un centre d’accueil pour mineurs, a bénéficié d’un ensemble de mesures d’assistance et a eu accès au système de santé.

6.6S’agissant des mesures de réparation demandées par les auteurs, l’État partie affirme que, face à l’impossibilité d’établir leur âge, L. D. et B. G. ne demandent ni ne proposent aucun moyen qui permette de déterminer leur âge avec certitude. Pour ce qui est de reconnaître la possibilité de faire appel des décisions du parquet devant des instances judiciaires, l’État partie réaffirme qu’il s’agit de décisions purement provisoires, qui n’ont pas force de chose jugée, qui peuvent être réexaminées par le parquet lui-même si de nouveaux éléments lui sont soumis et qui peuvent être remplacées par une décision définitive prise par des juges de toute autre instance judiciaire. Quant au reste des demandes, les auteurs ont déjà bénéficié de la protection publique et de l’assistance des juges et du parquet. Enfin, les permis de séjour et de travail ne peuvent être obtenus que si les conditions générales prévues par la loi sont réunies, or, en l’espèce, les auteurs sont entrés sur le territoire de manière illégale et n’ont pas demandé la protection internationale.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie concernant le fond

7.1Dans leurs commentaires datés du 3 octobre et du 6 mai 2019, respectivement, les auteurs soutiennent, s’agissant de l’article 3 de la Convention, que leur intérêt supérieur n’a pas été pris en compte puisque la présomption de minorité n’a pas été respectée, étant donné qu’ils n’ont jamais été considérés comme potentiellement mineurs et que le protocole relatif aux mineurs étrangers non accompagnés n’a pas été appliqué. L’État partie soutient qu’il n’y a aucune incertitude concernant l’âge des auteurs, alors que chacun des intéressés a présenté un acte de naissance qui n’a jamais été considéré comme falsifié ni par le parquet ni par le tribunal ; en témoigne le fait qu’aucune expertise n’a été réalisée à cet égard et que le consulat d’Algérie n’a jamais été contacté en vue de faire vérifier les documents. La méthode utilisée pour déterminer l’âge des auteurs se fonde sur l’analyse radiographique, ce qui est insuffisant. Aucun représentant légal ou tuteur n’a été assigné aux auteurs pendant la procédure de détermination de l’âge et les consentements éclairés auxquels l’État partie fait référence ne figurent pas dans le dossier. Les auteurs ont été placés dans une prison pour adultes et le bénéfice du doute ne leur a pas été accordé.

7.2S’agissant de la violation de l’article 8 de la Convention, les auteurs soutiennent que l’État partie a porté atteinte à des éléments importants de leur identité en leur attribuant un âge et une date de naissance qui ne correspondent pas à ceux figurant sur les documents officiels présentés, documents dont la validité n’a jamais été officiellement contestée. Leur date de naissance ayant été modifiée de manière aléatoire dans les laissez-passer délivrés par le consulat d’Algérie, les documents en question les ont privés de leur identité complète et correcte.

7.3Les auteurs affirment qu’on ne saurait dire qu’ils ont été dûment entendus étant donné qu’aucun représentant légal ne leur a été assigné alors qu’ils ont affirmé être mineurs. Par conséquent, l’article 12 de la Convention a été violé.

7.4B. G. fait observer que, selon l’État partie, les mesures provisoires recommandées par le Comité, telles que son placement dans un centre d’accueil pour mineurs, étaient suffisantes pour garantir la non-violation des articles 27 et 29. L’État partie oublie toutefois de mentionner que B. G. a passé plus de cinquante jours dans le centre de détention pour étrangers d’Archidona avant d’être transféré au centre pour mineurs.

7.5L. D. affirme qu’il a systématiquement été traité comme un adulte, puisqu’il a été privé de liberté et enfermé, avec des adultes, dans une prison faisant office de centre de détention pour étrangers, et ce, alors que l’État partie avait à sa disposition un acte de naissance montrant qu’il était mineur. De surcroît, il a été renvoyé en Algérie avec des adultes, sans qu’aucune mesure n’ait été prise pour vérifier qu’il serait pris en charge à son arrivée, que ce soit par sa famille ou par les services algériens d’assistance sociale et de protection des mineurs, ce qui constitue une violation de l’article 20 de la Convention.

Intervention de tiers

8.Le 3 mai 2018, le Défenseur français des droits a soumis en qualité de tiers une intervention portant sur la question de la détermination de l’âge et de la détention, dans des centres pour adultes, de mineurs sous le coup d’une décision d’expulsion. Cette intervention a été transmise aux parties, qui ont été invitées à faire part de leurs commentaires. Elles ont soumis leurs commentaires dans le cadre de la communication J . A . B . c . Espagne et ont indiqué qu’ils étaient applicables à toutes les communications dans lesquelles cette intervention a été retranscrite. Dans un souci de concision, le Comité renvoie aux paragraphes 8 à 10 de cette communication.

Délibérations du Comité

Cessation de l’examen de la communication no 37/2017

9.Le Comité des droits de l’enfant, ayant pris note des informations fournies par l’État partie selon lesquelles l’auteur L. D. a été renvoyé dans son pays d’origine le 19 décembre 2019, et après avoir reçu des informations du représentant de l’auteur confirmant avoir perdu le contact avec lui, décide de mettre fin à l’examen de la communication no 37/2017, conformément à l’article 26 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

Examen de la recevabilité de la communication no 38/2017

10.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

10.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable ratione personae, car : a) l’apparence de l’auteur est celle d’une personne majeure ; b) des preuves médicales objectives ont permis de déterminer que l’auteur avait au moins 18 ans ; c) l’acte de naissance de l’intéressé ne peut attester sa majorité car il ne contient pas de données biométriques. Le Comité observe toutefois que l’auteur a déclaré être mineur à son arrivée en Espagne et qu’il a présenté au tribunal d’instruction une copie de son acte de naissance algérien qui établissait son statut de mineur. Il note en outre que l’État partie avance que, faute de données biométriques, l’acte de naissance soumis ne peut pas servir à vérifier les informations fournies par l’auteur. Il rappelle que la charge de la preuve ne saurait incomber exclusivement à l’auteur d’une communication, d’autant que l’auteur et l’État partie n’ont pas toujours le même accès aux éléments de preuve et que, souvent, seul l’État partie dispose des informations pertinentes. Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel, si l’État partie avait des doutes quant à l’authenticité de l’acte de naissance, il aurait dû s’adresser aux autorités consulaires algériennes pour vérifier l’identité de l’auteur, ce qu’il n’a pas fait. À la lumière de tout ce qui précède, le Comité considère que l’article 7 (al. c)) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

10.3Le Comité prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur pas épuisé les recours internes disponibles, étant donné qu’il aurait pu : a) demander au parquet de faire procéder à des examens médicaux supplémentaires ; b) demander au juge civil, en application de l’article 780 de la loi relative à la procédure civile, de réexaminer les décisions au titre desquelles il n’a pas été placé sous la protection de l’État ; c) faire appel des décisions de renvoi devant la juridiction administrative ; d) former devant les tribunaux civils une demande en matière gracieuse aux fins de la détermination de l’âge, conformément à la loi no 15/2015. Parallèlement, il prend note des arguments avancés par l’auteur selon lesquels les recours internes mentionnés par l’État partie ne lui sont pas ouverts ou ne sont pas utiles. Il considère que, dans le contexte de l’expulsion imminente de l’auteur, tout recours qui se prolongerait excessivement ou qui ne suspendrait pas la décision d’expulsion ne saurait être considéré comme utile. Il constate que l’État partie n’a pas démontré que les recours mentionnés suspendraient l’expulsion de l’auteur. Par conséquent, le Comité considère que l’article 7(al.e)) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

10.4Le Comité considère que les griefs que l’auteur soulève au titre des articles 2, 18 (par. 2), 27 et 29 de la Convention n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

10.5Le Comité considère cependant que l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il soulève au titre des articles 3, 8, 12 et 20 de la Convention, en ce sens qu’aucun représentant ne lui a été assigné pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis, que cette procédure n’a pas respecté son droit d’être présumé mineur et a violé son droit à l’identité, et qu’il n’a pas bénéficié de la protection à laquelle il pouvait prétendre en tant que mineur. Par conséquent, le Comité déclare cette partie de la communication recevable et passe à son examen au fond.

Examen de la communication no 38/2017 au fond

10.6Conformément à l’article 10 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

10.7Le Comité doit notamment déterminer si, dans les circonstances de l’espèce, la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur, qui a déclaré être mineur et a présenté son acte de naissance pour le prouver, constitue une violation des droits consacrés par la Convention. L’auteur a affirmé en particulier que son intérêt supérieur en tant qu’enfant n’avait pas été pris en compte au cours de cette procédure, compte tenu du type d’examen médical pratiqué pour déterminer son âge et du fait qu’aucun tuteur ou représentant ne lui a été assigné dans ce contexte.

10.8Le Comité rappelle que la détermination de l’âge d’une personne jeune qui affirme être mineure revêt une importance capitale, puisque le résultat de cette procédure permet d’établir si la personne en question peut ou non prétendre à la protection nationale en qualité d’enfant. De même, et cela est extrêmement important pour le Comité, la jouissance des droits énoncés dans la Convention est liée à cette détermination. Il est donc impératif qu’il existe une procédure adéquate pour déterminer l’âge et qu’il soit possible d’en contester les résultats au moyen d’une procédure de recours. Tant que ces procédures sont pendantes, l’intéressé doit être présumé mineur et traité comme tel. Par conséquent, le Comité rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale tout au long de la procédure de détermination de l’âge.

10.9Le Comité rappelle en outre que les documents disponibles doivent être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire. Ce n’est qu’en l’absence de documents d’identité ou d’autres moyens appropriés que, « [p]our obtenir une estimation éclairée de l’âge, les États devraient procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant, qui soit effectuée par des pédiatres et d’autres professionnels capables de combiner différents aspects du développement. Ces évaluations devraient être faites sans attendre, d’une manière respectueuse de l’enfant qui tienne compte de son sexe et soit culturellement adaptée, comporter des entretiens avec l’enfant, dans une langue que l’enfant comprend […]. ». La personne soumise à l’évaluation doit se voir accorder le bénéfice du doute. En l’espèce, le Comité constate que la validité du document officiel présenté par l’auteur, à savoir son acte de naissance, n’a pas été contestée par l’État partie et que, par conséquent, la présomption de minorité s’applique tant qu’il n’a pas été établi que le document prouvant l’âge de l’auteur n’était pas valide.

10.10Le Comité constate que : a) l’auteur, qui était sans papiers à son arrivée sur le territoire espagnol, a été soumis à un examen médical osseux visant à déterminer son âge, en l’espèce une radiographie du poignet et un panoramique dentaire sans qu’aucun examen complémentaire, notamment aucune expertise psychologique, ne soit pratiqué et, d’après les informations dont le Comité dispose, sans que le moindre entretien ne soit conduit avec l’intéressé dans le cadre de cette procédure ; b) à l’issue des examens susmentionnés, les hôpitaux concernés ont établi que l’âge osseux de l’auteur était 19 ans selon l’Atlas de Greulich et Pyle, sans tenir compte du fait que cette méthode, qui n’établit pas d’écart-type pour cette tranche d’âge, ne peut pas nécessairement être extrapolée aux personnes présentant les caractéristiques de l’auteur ; c) le juge compétent a ordonné le placement de l’auteur dans un centre pour adultes ; d) l’auteur n’était pas accompagné d’un représentant légal pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis ; e) l’auteur a été transféré dans un centre pour mineurs en application des mesures provisoires demandées par le Comité.

10.11En outre, le Comité prend note des nombreux renseignements figurant dans le dossier qui laissent supposer un manque de précision des examens osseux, qui comportent une grande marge d’erreur et ne sauraient donc être la seule méthode utilisée pour déterminer l’âge chronologique d’un jeune qui affirme être mineur et a présenté des documents pour l’attester. Il prend aussi note de l’argument de l’auteur selon lequel la marge d’erreur associée aux examens réalisés, loin de contredire ses déclarations et les informations figurant sur son document officiel, les étaye.

10.12Le Comité note que l’État partie a conclu que l’auteur avait manifestement l’apparence d’une personne majeure. Il rappelle néanmoins son observation générale no 6 dans laquelle il établit qu’il ne faut pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique, que l’évaluation doit être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement, et qu’en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé, qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur.

10.13Le Comité note en outre que l’auteur affirme qu’aucun tuteur ou représentant ne lui a été assigné pour défendre ses intérêts en tant qu’enfant migrant non accompagné présumé, ni avant ni pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis et à l’issue de laquelle il a été déclaré majeur. Il rappelle que les États parties sont tenus d’assurer à tous les jeunes étrangers qui affirment être mineurs, le plus rapidement possible après leur arrivée sur le territoire, l’assistance gratuite d’un représentant légal qualifié et, le cas échéant, d’un interprète. Il considère qu’assurer la représentation de ces personnes pendant la procédure de détermination de leur âge constitue une garantie essentielle pour le respect de leur intérêt supérieur et de leur droit d’être entendues, le rôle joué par le parquet spécialisé dans la protection des mineurs n’étant pas suffisant à cet égard. Ne pas le faire constitue une violation des articles 3 et 12 de la Convention, puisque la procédure de détermination de l’âge est le point de départ de l’application de la Convention. Le défaut de représentation adéquate peut donner lieu à une grave injustice.

10.14Le Comité prend également note de l’affirmation de l’État partie selon laquelle un mineur non accompagné est considéré comme ayant des papiers s’il est en possession d’un passeport ou d’un document de voyage qui atteste son identité et est considéré comme valide au regard des conventions internationales signées par l’État partie, c’est-à-dire qui permet d’attester l’identité de celui ou celle qui le présente grâce à des photographies ou des éléments d’identification. Il observe toutefois que, conformément à une décision rendue par le Tribunal suprême de l’État partie, les doutes concernant la fiabilité d’un acte de naissance délivré par un État souverain ne peuvent pas prévaloir si la validité de ce document n’a pas été contestée officiellement.

10.15À la lumière de tout ce qui précède, le Comité considère que la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur, qui affirmait être mineur, n’a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection des droits que celui-ci tient de la Convention, car son acte de naissance, délivré par son pays d’origine, n’a pas été dûment pris en compte et aucun tuteur n’a été désigné pour l’accompagner pendant cette procédure. En conséquence, il considère que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été une considération primordiale pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle l’auteur a été soumis, en violation des articles 3 et 12 de la Convention.

10.16Le Comité prend également note de l’affirmation de l’auteur selon laquelle l’État partie a violé les droits consacrés par l’article 8 de la Convention, car il a porté atteinte à certains éléments de son identité en lui attribuant un âge qui ne correspondait pas aux informations figurant sur le document officiel délivré par son pays d’origine. Il considère que la date de naissance d’un enfant fait partie de son identité et que les États parties sont tenus de respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, sans le priver d’aucun des éléments qui la constituent. En l’espèce, il observe que l’État partie n’a pas respecté l’identité de l’auteur puisqu’il a refusé d’accorder une quelconque valeur probante à l’acte de naissance attestant sa minorité, sans en avoir contesté la validité ni avoir vérifié les données y figurant auprès des autorités de son pays d’origine, alors que l’auteur n’était pas demandeur d’asile et qu’il n’y avait donc pas de raison de penser que le fait de prendre contact avec les autorités algériennes lui aurait fait courir un risque quelconque. De surcroît, le Comité note qu’il y aurait une divergence entre deux documents officiels délivrés par les autorités algériennes. Toutefois, l’acte de naissance présenté par l’auteur et attestant sa minorité doivent être présumé valides, étant donné que sa validité n’a jamais été contestée devant les instances judiciaires et qu’il n’a pas non plus été démontré qu’il avait été falsifié. Par conséquent, le Comité conclut que l’État partie a enfreint l’article 8 de la Convention.

10.17Le Comité prend également note des affirmations de l’auteur, que l’État partie n’a pas contestées, selon lesquelles l’État partie ne l’a pas protégé en dépit de la situation d’abandon et de grande vulnérabilité dans laquelle il se trouvait en tant que mineurs migrants non accompagnés. L’auteur a été traité comme un adulte, privé de liberté et enfermé, avec des adultes, dans une prison faisant office de centre de détention pour étrangers, et ce, alors que l’État partie avait à sa disposition un acte de naissance montrant qu’il était mineur. L’auteur a passé plus d’un mois dans un centre de détention avant d’être transféré dans un centre pour mineurs. Par conséquent, le Comité considère que ces faits constituent une violation de l’article 20 (par. 1) de la Convention.

11.Le Comité des droits de l’enfant, agissant en vertu de l’article 10 (par. 5) du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des articles 3, 8, 12 et 20 (par. 1) de la Convention en ce qui concerne B. G.

12.Par conséquent, l’État partie est tenu d’offrir à l’auteur une réparation effective pour les violations subies. Il est également tenu d’empêcher que de telles violations se reproduisent. À cet égard, le Comité lui recommande :

a)De garantir que toute procédure visant à déterminer l’âge de jeunes gens qui affirment être mineurs soit conforme à la Convention et en particulier : i) que les documents présentés par les jeunes gens en question soient pris en considération au cours de cette procédure et que, dès lors qu’ils ont été établis ou que leur validité a été confirmée par l’État concerné ou son ambassade, leur authenticité soit reconnue ; ii) que les jeunes gens concernés se voient assigner sans délai et gratuitement un représentant légal qualifié ou un autre représentant, que les avocats privés désignés pour les représenter soient reconnus et que tous les représentants légaux ou autres représentants soient autorisés à les assister au cours de la procédure ;

b)De faire en sorte que les jeunes non accompagnés qui affirment avoir moins de 18 ans se voient assigner un tuteur compétent le plus rapidement possible, y compris lorsque la procédure de détermination de l’âge est encore en cours ;

c)De mettre en place un mécanisme de réparation efficace et accessible pour les jeunes migrants non accompagnés qui affirment être âgés de moins de 18 ans, afin qu’ils puissent demander le réexamen des décisions des autorités par lesquelles ils ont été déclarés majeurs dans les cas où la procédure de détermination de leur âge a été menée sans les garanties nécessaires pour protéger leur intérêt supérieur et leur droit d’être entendus ;

d)De dispenser aux agents des services de l’immigration, aux policiers, aux fonctionnaires du ministère public, aux juges et aux autres professionnels concernés des formations sur les droits des enfants migrants, et en particulier sur la teneur de l’observation générale no 6, du Comité, de l’observation générale conjointe no 3 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et no 22 du Comité des droits de l’enfant (2017) sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales et de l’observation générale no 4 et no 23 susmentionnée.

13.Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet aux présentes constatations. L’État partie est aussi invité à faire figurer des renseignements sur ces mesures dans les rapports qu’il soumettra au Comité au titre de l’article 44 de la Convention. Enfin, il est invité à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement.