Nations Unies

CRC/C/85/D/53/2018

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

28 octobre 2020

Original : français

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 53/2018 * , ** , ***

Communication présentée par :

J. A. et E. A. (représentés par un conseil, Klausfranz Rüst-Hehli)

Victime(s) présumée(s) :

E. A. et V. N. A.

État partie :

Suisse

Date de la communication :

3 août 2018 (date de la lettre initiale)

Date de la décision :

28 septembre 2020

Objet :

Expulsion au Nigéria d’une famille avec deux enfants, dont l’un était sous curatelle

Question ( s ) de procédure :

Irrecevabilité ratione temporis et ratione personae; épuisement des voies de recours internes ; griefs insuffisamment étayés

Question ( s ) de fond :

Développement de l’enfant ; intérêt supérieur de l’enfant ; discrimination ; liberté d’opinion ; droit à l’identité ; immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée ; protection de l’enfant contre toute forme de violence, abandon ou négligence ; protection de l’enfant privé de son milieu familial

Article(s) de la Convention :

2, 3 (par. 1 et 2), 6 (par. 2), 8, 9, 11, 12, 16, 19, 20, 27, 31 et 37 a)

Article(s) du Protocole facultatif :

7 c), e), f) et g)

1.1Les auteurs de la communication sont J. A., de nationalité nigériane, née le 1er janvier 1991, et son fils E. A., également de nationalité nigériane, né le 2 septembre 2008. Ils affirment qu’E. A. et son demi-frère V. N. A., lui aussi de nationalité nigériane, né le 8 mai 2014, sont victimes d’une violation par la Suisse des droits qu’ils tiennent des articles 2, 3 (par. 1 et 2), 6 (par. 2), 8, 9, 11, 12, 16, 19, 20, 27, 31 et 37 a) de la Convention. Ils sont représentés par un conseil, Klausfranz Rüst-Hehli. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 24 juillet 2017.

1.2Le 28 septembre 2018, conformément à l’article 6 du Protocole facultatif, le groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé de rejeter les mesures provisoires en faveur des auteurs, consistant à demander à l´État partie de leur octroyer un visa d’entrée en Suisse.

1.3Le 21 octobre 2019, le groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé d’accepter la demande de l’État partie tendant à ce que la question de la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par les auteurs

2.1Le 21 juin 2008, J. A. est entrée en Suisse illégalement et y a déposé une demande d’asile auprès de l’Office fédéral des migrations, aujourd’hui devenu le Secrétariat d’État aux migrations. Elle a fait valoir qu’au Nigéria, elle avait été mariée de force avec un homme de 70 ans, afin que celui-ci paie les frais du traitement médical de sa mère. Quand cette situation est devenue insupportable, elle a décidé de quitter le Nigéria à Port Harcourt. J. A. a traversé le Maroc et la Libye. Elle a été violée par plusieurs hommes et est tombée enceinte. Le 2 septembre 2008, E. A. est né en Suisse.

2.2Le 13 août 2009, l’Office fédéral des migrations a décidé de ne pas entrer en matière et a ordonné le renvoi de J. A. et d’E. A. Le 23 novembre 2009, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours contre la décision de l’Office, jugeant que le bien de l’enfant n’avait pas été pris en considération. Le Tribunal a renvoyé l’affaire à l’Office pour une nouvelle décision.

2.3Le 20 janvier 2010, l’autorité de tutelle de la commune de Fällanden (remplacée depuis le 1er janvier 2013 par l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf) a constaté que le développement d’E. A. était menacé et a nommé un curateur.

2.4Le 4 juin 2010, l’Office fédéral des migrations a rejeté de nouveau la demande d’asile des auteurs et a ordonné leur renvoi. L’Office a constaté l’absence de situation de violence généralisée au Nigéria ou de situation de guerre qui pourrait constituer un danger concret en cas de retour. Il a constaté également que J. A. était une jeune femme saine, qui avait fréquenté l’école primaire à Kaduna et disposait d’une certaine formation scolaire. De plus, elle se trouvait en âge de travailler. L’Office a jugé non crédible le fait qu’elle avait été mariée avec un homme de 70 ans et a donc considéré qu’elle pouvait rentrer auprès de ses parents et qu’elle disposait d’un réseau familial fort. Il a estimé qu’il y avait au Nigéria beaucoup d’institutions et d’organisations qui se consacraient au soutien et au soin des femmes se trouvant dans des situations semblables, et qui leur offraient hébergement, protection et aide judiciaire. Par ailleurs, l’Office a constaté qu’E. A. séjournait depuis un an et demi en Suisse et que la culture africaine lui était probablement familière, puisqu’il avait grandi avec sa mère. En outre, au vu de son âge et de la courte durée de son séjour en Suisse, l’Office a considéré que le renvoi de l’enfant ne constituerait pas un déracinement.

2.5Le 16 août 2010, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours des auteurs, en considérant que l’Office fédéral des migrations avait dûment motivé le renvoi en ce qui concernait le bien de l’enfant.

2.6Le 25 octobre 2010, J. A. a présenté auprès de l’Office fédéral des migrations une première demande de reconsidération de sa décision du 4 juin 2010, en faisant valoir son incapacité partielle et grave d’élever E. A. L’Office a rejeté cette demande le 3 avril 2013, jugeant qu’il n’y avait pas de faits nouveaux. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision le 21 mai 2013.

2.7Le 17 février 2014, J. A. a introduit une deuxième demande de reconsidération auprès de l’Office, rejetée le 28 juillet 2016. Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision le 3 octobre 2016.

2.8Le 8 mai 2014 est né le deuxième fils de J. A., V. N. A., dont le père, de souche africaine et résidant en Espagne, a été reconnu par le tribunal de première instance d’Uster le 23 mai 2017.

2.9Le 18 octobre 2015, en raison des maltraitances commises par J. A., l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte a placé E. A. dans une institution d’éducation nommée Buechweid, pour une durée indéterminée. L’Autorité a également établi une aide d’éducation permanente pour J. A. Les contacts d’E. A. avec sa mère ont été restreints et surveillés. À partir de septembre 2016, l’enfant a de nouveau passé partiellement les week‑ends à la maison, car sa mère avait gagné un certain niveau de confiance et le comportement d’E. A. s’était stabilisé. Toutefois, au début de 2017, quand ils ont su qu’ils allaient être renvoyés, J. A. et E. A. sont devenus de nouveau instables et angoissés. Leur relation est devenue difficile, et E. A. a exprimé son désir de passer son temps à l’institution Buechweid.

2.10Le 29 juin 2017, J. A. a introduit une troisième demande de reconsidération auprès du Secrétariat d’État aux migrations, successeur de l’Office fédéral des migrations. Elle y indiquait qu’elle était en traitement psychiatrique et qu’elle serait incapable de soigner et d’éduquer ses deux enfants au Nigéria. Le 6 juillet 2017, le Secrétariat d’État a rejeté sa demande. Le 3 août 2017, le Tribunal administratif fédéral a confirmé la décision, en considérant que l’exigibilité du renvoi avait déjà fait l’objet d’une procédure et de deux procédures de reconsidération, et qu’il n’y avait pas de faits nouveaux de nature à modifier les conclusions précédentes.

2.11Le 22 novembre 2017, la police a arrêté J. A., et toute la famille a été renvoyée au Nigéria. Le 17 avril 2018, l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte a prononcé la levée de la curatelle d’E. A. Les auteurs indiquent qu’ils ont déposé un recours contre cette décision auprès du conseil de district d’Uster.

2.12Le 4 mai 2018, E. A. a déposé auprès du Secrétariat d’État aux migrations une demande d’autorisation d’entrée sur le territoire suisse pour atteinte injustifiée à son identité, en invoquant l’article 8, paragraphe 2, de la Convention. Il a demandé la restauration de ses conditions de vie afin de pouvoir mener une vie correspondant à son identité suisse. Le 5 juin 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a décliné sa compétence.

2.13Le 22 juin 2018, les auteurs ont demandé à l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf d’accorder protection et assistance à E. A. en vertu de l’article 8, paragraphe 2, de la Convention. Ils lui ont également demandé de communiquer de manière formelle au Secrétariat d’État aux migrations qu’elle ne pouvait pas transférer les mesures de protection des enfants à une entité étatique nigériane.

2.14Dans un courrier électronique daté du 18 juillet 2018, la personne chargée du programme de réintégration des auteurs dans le pays d’origine du Service social international - Suisse a affirmé que les enfants ne semblaient pas aller bien et ne pouvaient pas s’intégrer au Nigéria, en particulier E. A., qui avait l’air déprimé. La mère s’occupait de ses enfants, mais elle avait peur pour leur sécurité et leur avenir. D’après les auteurs, E. A. n’a pas encore été placé dans une institution d’éducation au Nigéria. Les auteurs ajoutent que J. A. est gravement malade et ne peut pas s’occuper de ses enfants.

Teneur de la plainte

3.1Les auteurs affirment que, en les renvoyant au Nigéria, l’État partie a violé les droits qu’E. A. et V. N. A. tiennent des articles 2, 3 (par. 1 et 2), 6 (par. 2), 8, 9, 11, 12, 16, 19, 20, 27, 31 et 37 a) de la Convention.

3.2Les auteurs soutiennent que la décision du Tribunal administratif fédéral en date du 3 août 2017 n’inclut aucune référence à la Convention, et que les législateurs cantonaux et fédéraux n’ont pas établi quelles lois nationales devaient être adaptées suivant la ratification de la Convention. Ils expliquent que cette négligence des législateurs se reproduit dans la pratique administrative et judiciaire.

3.3Les auteurs soulignent que l’article 2, paragraphe 2, de la Convention interdit d’attribuer un désavantage à E. A. du fait que sa mère est requérante d’asile en Suisse. Leur renvoi au Nigéria est illicite, car les autorités suisses n’ont jamais mentionné de raisons qui justifieraient cette décision. De l’avis des auteurs, celle-ci est une conséquence de l’activité de la mère, venue dans l’État partie sans s’intégrer dans la société suisse. De plus, avec leur renvoi, les deux enfants − surtout E. A. − sont victimes de discriminations multiples illicites interdites au titre de l’article 2, paragraphe 1, de la Convention. Les enfants, dont les parents ont fait l’objet de décisions négatives dans la procédure d’asile, ont le même droit que les enfants indigènes à ce que leur situation soit évaluée par un organe spécialisé et compétent tel que l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte. Le Tribunal administratif fédéral a usurpé cette fonction, lorsqu’il a ignoré la compétence de l’Autorité pour décider si le développement des enfants serait compromis par l’exécution du renvoi.

3.4Concernant la violation de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la Convention, qui garantit l’intérêt supérieur de l’enfant, les auteurs soutiennent que ni le Tribunal administratif fédéral ni le Secrétariat d’État aux migrations n’ont appliqué cette norme d’une manière basée sur des principes méthodiques. Dans l’arrêt du 3 août 2017 du Tribunal, on ne trouve aucun détail sur les conditions de vie de la famille au Nigéria, leurs ressources financières, le traitement médical des enfants ou le transfert de mesures protectrices à des organes d’État nigérians, qui n’existent même pas. Les auteurs ajoutent qu’ils contestent que les enfants se soient familiarisés avec la culture nigériane du seul fait qu’ils ont grandi avec leur mère, vu qu’E. A. n’a pas vécu sous la garde de sa mère dans les trente derniers mois et a développé une relation ambivalente avec celle-ci, en raison des mauvais traitements qu’elle lui a infligés. Les autorités migratoires n’ont pas constaté la totalité des liens sociaux qu’E. A. a tissés avec la Suisse durant ses huit années de séjour, surtout celles qu’il a vécues au sein de l’institution Buechweid.

3.5Les auteurs affirment aussi qu’E. A. et V. N. A. sont victimes d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la Convention puisque l’État partie ne s’est pas préoccupé de leur développement. Le développement psychique, corporel, mental et intellectuel des enfants a été gravement menacé par le renvoi traumatisant au Nigéria. Leur renvoi nuit d’autant plus à leur développement que les deux enfants ont reçu un traitement particulier en Suisse, destiné à réduire leur déficit de maturation : V. N. A. a suivi une formation préscolaire, et E. A. a été placé dans une institution d’éducation. Les auteurs ajoutent qu’E. A. souffre de dépression et présente un risque de se suicider.

3.6Les auteurs soutiennent également qu’E. A. est victime d’une violation de l’article 8 de la Convention et que l’État partie devrait rétablir le plus rapidement possible son identité suisse, ce qui rend nécessaire son retour en Suisse. E. A. s’est profondément adapté à la culture suisse par l’intermédiaire de son éducation dans une institution, un milieu favorisant fortement l’intégration. Sa première langue est l’allemand, il ne connaît aucune des langues du Nigéria. Il n’a pas d’amis ni d’éducateurs dans sa vie quotidienne au Nigéria. E. A. a des valeurs laïques, tandis que la société nigériane est fortement divisée par les appartenances religieuses. Son identité suisse sera « étranglée et étouffée », au Nigéria.

3.7Les auteurs affirment que l’État partie a également violé l’article 9 de la Convention. En remettant prématurément E. A. sous la garde de sa mère, les autorités suisses ont détruit toute chance qu’il puisse à l’avenir vivre avec sa mère dans des conditions favorables à son développement. L’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte n’a pas préparé de manière appropriée le retour d’E. A. sous la garde de sa mère, ce qui serait possible seulement en Suisse, pas au Nigéria. L’Autorité n’a pas analysé si le placement d’E. A. en institution d’éducation devait être prolongé ou s’il pouvait être placé de nouveau sous la garde de sa mère, ce qui a d’ailleurs été contesté par l’institution Buechweid. L’Autorité n’a pas pu non plus transférer les mesures de protection, car il n’existe pas d’institution équivalente au Nigéria.

3.8Les auteurs invoquent l’article 11 de la Convention, qui oblige les États parties à prendre des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants à l’étranger, puisque l’État partie n’a pas pris de mesures efficaces pour protéger E. A. et V. N. A. contre les interventions illicites des autorités qui ont décidé de les renvoyer au Nigéria.

3.9Les auteurs soutiennent que l’État partie a violé également l’article 16 de la Convention, lorsqu’E. A. a été « arraché » de l’institution Buechweid, puisque cela n’a pas été décidé par une autorité compétente et qu’il n’existait pas de justification pour cette immixtion étatique dans la vie privée d’E. A.

3.10Les auteurs font aussi valoir que l’État partie a violé l’article 12 de la Convention car le Secrétariat d’État aux migrations, le Tribunal administratif fédéral, l’Office des migrations du canton de Zurich et l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte n’ont pas entendu E. A. concernant la fin de son placement au sein de l’institution Buechweid. Ces autorités n’ont jamais ni justifié cette omission ni exprimé des doutes quant à sa capacité de s’exprimer durant la procédure de reconsidération à laquelle le jugement du 3 avril 2017 du Tribunal administratif fédéral a mis fin. Les auteurs indiquent que cela correspond à une pratique récurrente des instances d’asile de l’État partie de nier le droit des enfants au titre de l’article 12 de la Convention, de manière quasi totale et systématique pour les enfants de moins de 15 ans.

3.11Les auteurs affirment que l’État partie a violé également l’article 19 de la Convention. Ils indiquent que l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte reste responsable du transfert des mesures de protection au nouvel État, si un enfant change d’État de séjour, même si cet État n’a pas ratifié la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. Ils soutiennent que, dans le cas d’E. A. et de V. N. A., les instances d’asile n’ont pas examiné si le transfert des mesures de protection était possible. L’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf n’a jamais décidé, avant l’exécution du renvoi, si E. A. pouvait être placé de nouveau sous la garde de sa mère. L’Autorité n’a ni entendu les auteurs ni consulté l’institution Buechweid.

3.12Les auteurs indiquent que, le 14 juin 2017, le Président de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf a écrit à l’Office cantonal des migrations pour signaler que les objectifs du placement d’E. A. étaient de lui montrer des stratégies de comportement, de surmonter « ses particularités frappantes », et d’améliorer la capacité d’éducation et d’encouragement de la mère. Le Président ne s’opposait pas au renvoi de la famille, tout en admettant que les mesures de protection de l’enfant ne pouvaient pas être transférées au Nigéria. Il exprimait son intention d’attendre l’exécution du renvoi pour ensuite lever les mesures. Les auteurs soutiennent que la décision de lever la curatelle d’E. A. est nulle, car l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte a ignoré tous les droits procéduraux de la mère et des enfants, mais aussi les obligations de transférer les mesures de protection au Nigéria, de s’opposer à l’exécution du renvoi et de maintenir le placement d’E. A. dans l’institution Buechweid. Les auteurs indiquent que le fait pour une femme d’élever son enfant conçu lors d’un viol est un défi extrêmement difficile et que seule une personne mentalement très forte, stable et dotée d’un réseau de soutien permanent peut s’acquitter de cette tâche. Les autorités ont affirmé que J. A. pourrait bénéficier du soutien de sa famille, mais ils n’ont pas analysé si sa famille était prête à accepter et à soutenir une femme qui avait été violée. Si un enfant est gravement maltraité et, par la suite, placé dans une institution, il ne devrait être mis de nouveau sous la garde de sa mère que si les mauvais traitements ont été causés par des circonstances extérieures et rares, et si la mère a reçu entre-temps un traitement psychothérapeutique.

3.13L’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf aurait dû trouver au Nigéria une institution qui hébergerait E. A., puisque si J. A. n’était pas en état d’assumer sa garde en Suisse, elle le serait encore moins au Nigéria, où elle ne disposerait pas des services publics nécessaires. Le Nigéria est soumis à une corruption endémique, qui favorise les personnes ayant un grand pouvoir d’achat et défavorise les personnes économiquement faibles à tous les égards. Les auteurs considèrent que seule l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte a les connaissances nécessaires pour mener des enquêtes avec l’objectif de déterminer si le bien de l’enfant est menacé. Les institutions d’asile auraient dû attendre les résultats de recherche de l’Autorité, et celle-ci aurait dû les informer des recherches nécessaires à entreprendre.

3.14Les auteurs affirment également que l’exécution du renvoi a été faite en violation de l’article 20 lu conjointement avec l’article 2, paragraphe 1, de la Convention. Ils considèrent que l’État partie est obligé de surveiller les établissements de placement d’enfants et qu’au Nigéria, il n’existe pas d’instances pour remplir cette tâche de surveillance.

3.15Les auteurs allèguent aussi que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent de l’article 27 de la Convention, puisque le Tribunal administratif fédéral n’a pas vérifié si J. A. était en mesure de se procurer les moyens nécessaires pour survivre et garantir le développement d’E. A. et de V. N. A., ou si elle disposerait des ressources financières nécessaires pour garantir leur niveau de vie au Nigéria. En Suisse, leur niveau de vie était garanti. Il y a au Nigéria un manque d’aide sociale étatique. Les auteurs indiquent que le Service social international verse actuellement une aide financière mensuelle à la famille au Nigéria, pour rendre possible la survie des enfants et de leur mère.

3.16Les auteurs affirment que l’État partie a violé également l’article 31 de la Convention, puisqu’il a traité E. A. et V. N. A. de manière discriminatoire en les renvoyant de la Suisse, les écartant ainsi de leur environnement habituel qui leur permettait de jouer. Au Nigéria, E. A. et V. N. A. n’ont pas la possibilité de jouer avec d’autres enfants, car ils ne parlent aucune langue nigériane et sont très isolés à cause de la marginalisation de leur mère et de son incapacité à s’occuper de ses enfants.

3.17Finalement, les auteurs affirment qu’en renvoyant E. A. et V. N. A. au Nigéria, l’État partie les a exposés à un traitement dégradant, voire inhumain, puisque les autorités les ont soumis « à la peur d’un tel destin », les ont privés de la protection de l’État partie et leur ont fait perdre tout espoir d’une vie digne, en violation de l’article 37 a) de la Convention. En négligeant les droits procéduraux des auteurs, l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte les a humiliés, puisqu’ils ont été traités « comme des objets ».

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations datées du 28 novembre 2018, l’État partie fait valoir que la communication est irrecevable ratione personae à l’égard de J. A., puisqu’elle est née en 1991 et a atteint la majorité en 2009. En vertu de l’article premier de la Convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable. En Suisse, la majorité est également fixée à dix-huit ans. L’État partie soutient que J. A. est majeure et n’est donc pas protégée par la Convention.

4.2L’État partie fait valoir qu’il y a eu un défaut de pouvoir de représentation valable. Devant le Comité, le conseil des auteurs, Klausfranz Rüst-Hehli, a produit deux procurations datées du 19 avril 2018. L’une est signée par E. A. et stipule que ce dernier, vivant au Nigéria, veut que M. Rüst-Hehli fasse en sorte qu’il puisse revenir en Suisse et y vivre. L’autre est signée par J. A. et charge M. Rüst-Hehli de représenter ses intérêts devant les autorités suisses de protection de l’enfant, en particulier de présenter une communication au Comité des droits de l’enfant. Toutefois, dans son courrier du 3 août 2018 accompagnant la communication des auteurs, M. Rüst-Hehli affirme avoir reçu le mandat de rédiger la présente communication « il y a peu de jours, parce qu’une organisation non gouvernementale a dû renoncer à faire la communication pour des raisons imprévisibles ». Il indique en outre, en première page de la communication, que le domicile actuel des auteurs lui est inconnu. Dans son complément à la communication du 9 août 2018, M. Rüst-Hehli indique par ailleurs que si une autorisation d’E. A. est nécessaire, il entreprendra les démarches nécessaires pour l’obtenir. L’État partie note qu’au vu de ces éléments contradictoires, la date des procurations peut être sérieusement mise en doute et que les pouvoirs de représentation de M. Rüst-Hehli pour la présente procédure ne sont pas suffisamment établis.

4.3L’État partie fait valoir en outre que la communication est irrecevable au titre de l’article 7 e) du Protocole facultatif, étant donné que les auteurs n’ont pas épuisé les voies de recours internes disponibles. L’État partie souligne que le 11 juillet 2018, le Bureau de consultation juridique pour requérants d’asile de Zurich a introduit devant le Secrétariat d’État aux migrations, au nom d’E. A., une demande de visa humanitaire, afin de permettre son retour en Suisse. Cette demande est encore en cours d’examen. L’État partie ajoute que le 3 septembre 2018, J. A. a introduit devant le Tribunal administratif fédéral un recours pour déni de justice en raison de la non-entrée en matière sur sa demande d’autorisation d’entrée en Suisse, pour atteinte injustifiée à son identité. Par arrêt du 8 novembre 2018, le Tribunal a admis ce recours et a demandé au Secrétariat d’État de rendre rapidement une décision sujette à recours sur cette demande. L’État partie souligne que cette procédure est également pendante.

4.4L’État partie relève que la décision du 27 avril 2018 de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte n’est pas l’objet de la présente communication. En outre, il rappelle que J. A. a informé le Comité qu’un recours contre cette décision était pendant.

4.5L’État partie estime que la communication est également irrecevable ratione temporis en vertu de l’article 7 g) du Protocole facultatif, puisque les faits qui constituent l’objet de la communication précèdent la date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif, le 24 juillet 2017. L’État partie souligne que l’objet de la communication est la décision de renvoi au Nigéria de J. A. et de ses enfants par l’Office fédéral des migrations le 4 juin 2010, dans le cadre de la procédure d’asile, décision qui a été confirmée par l’arrêt du 16 août 2010 du Tribunal administratif fédéral par lequel elle est devenue exécutoire.

4.6L’État partie soutient que les recours ultérieurs auprès de l’Office fédéral des migrations, du Secrétariat d’État aux migrations et du Tribunal administratif fédéral ont été déposés dans le cadre de procédures extraordinaires, sur lesquelles le Tribunal administratif fédéral n’est pas entré en matière, faute de paiement de l’avance de frais requise (arrêt du 3 octobre 2016), ou n’ont fait l’objet d’un examen du cas des auteurs que sous l’angle restreint d’une demande de reconsidération (arrêt du 21 mai 2013). Tel était également le cas de la troisième demande de reconsidération, déposée par J. A. le 29 juin 2017, qui s’est close avec l’arrêt du 3 août 2017.

4.7L’État partie fait valoir également que la communication est irrecevable au titre de l’article 7 f) du Protocole facultatif, puisqu’elle est manifestement mal fondée.

4.8L’État partie soutient qu’il ressort des décisions rendues au cours de la procédure d’asile ainsi que des procédures de reconsidération qui ont suivi que la question de l’intérêt supérieur de l’enfant a été dûment examinée et prise en considération par les autorités nationales compétentes en matière d’asile. L’État partie fait référence à l’arrêt du 23 novembre 2009 du Tribunal administratif fédéral indiquant que, lorsque des enfants sont concernés par une mesure d’exécution d’un renvoi, sa pratique en vigueur depuis de nombreuses années veut que le bien de l’enfant soit considéré en priorité. Le Tribunal a décidé que l’Office fédéral des migrations devait entrer en matière sur la demande d’asile déposée par J. A. pour l’examiner sur le fond, étant donné que cette dernière, femme célibataire avec un petit enfant, appartenait à un groupe vulnérable de personnes. Il a disposé également que la décision d’exécution du renvoi devait être suffisamment motivée en ce qui concernait le bien d’E. A., sur les plans notamment du réseau social et familial de J. A. au Nigéria, de sa capacité à s’occuper de son enfant au Nigéria, ainsi que de la situation dans ce pays des femmes seules avec de jeunes enfants. Dans sa décision du 4 juin 2010, l’Office a examiné ces critères et est arrivé à la conclusion que le retour de J. A. et de son fils au Nigéria était admissible et exigible. Le Tribunal a confirmé ce point de vue dans son arrêt du 16 août 2010, se référant explicitement à la Convention.

4.9L’État partie signale que, par la suite, l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte a ordonné plusieurs mesures en faveur des auteurs. Ces circonstances nouvelles par rapport à la décision du 4 juin 2010 de l’Office fédéral des migrations ont fait l’objet d’un examen tant par l’Office lui-même que par le Tribunal administratif fédéral, en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’Office et le Tribunal ont conclu que le changement de circonstances n’était pas tel que l’exécution du renvoi s’avérait nouvellement ne plus être exigible. Le Tribunal a également relevé que, selon les rapports produits, la relation mère-enfant ainsi que la prise en charge de l’enfant par la mère s’étaient améliorées.

4.10L’État partie souligne que dans le cadre de la troisième demande de reconsidération, qui s’est terminée par l’arrêt du 3 août 2017 du Tribunal administratif fédéral, ce dernier comme le Secrétariat d’État aux migrations ont réexaminé la situation des auteurs à la lumière du bien des enfants. Ces autorités ont constaté que les arguments avancés par les auteurs n’étaient pas de nature à modifier les conclusions prises lors de la procédure ordinaire d’asile et des deux demandes de reconsidération qui avaient suivi. Ils ont constaté en particulier que le rapport du 22 juin 2017 établi par les personnes chargées de l’accompagnement familial et sociopédagogique des auteurs n’était pas de nature à modifier leurs conclusions, d’autant plus qu’il en ressortait que la situation familiale s’était stabilisée grâce aux mesures prises par l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte. L’État partie ajoute que les enfants mineurs accompagnés partagent généralement, en matière de droit de séjour, le sort de leurs parents. En l’espèce, la personne responsable de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf a conclu que, pour le bien des enfants, la famille ne devait pas être séparée et que l’unité de la famille au moment du renvoi était plus importante que les déficits en matière d’éducation de J. A. et les problèmes de comportement d’E. A. Elle a constaté également que J. A. se préoccupait du bien de ses enfants et qu’il existait un lien fort entre E. A. et sa mère. Elle a dit ne pas s’opposer au départ de la famille entière. De plus, lors de l’entretien de départ avec J. A., diverses mesures de soutien − sur le plan financier ainsi que pour la recherche au Nigéria de soutien pour la prise en charge du fils aîné − avaient été proposées à J. A., qui les avaient toutefois toutes refusées.

4.11L’État partie indique que les articles de la Convention invoqués par les auteurs, pour autant que ceux-ci soient considérés comme justiciables, ne fondent pas un droit subjectif à obtenir l’asile ou le séjour dans un État ou une région spécifique. Il ajoute que la Convention ne confère ainsi pas aux auteurs de droit au retour en Suisse. Les prétendues violations de l’article 12 de la Convention au motif qu’E. A. n’a pas été entendu par les autorités nationales compétentes en matière d’asile sont également insuffisamment étayées et manifestement mal fondées, ainsi que le sont les griefs selon lesquels le renvoi des enfants serait illicite au titre de l’article 11 de la Convention. Les violations de la Convention que les auteurs font valoir concernant leur vie au Nigéria ne sont elles non plus ni suffisamment étayées, ni fondées, y compris celle de l’article 20 de la Convention, au motif que le Nigéria ne dispose pas d’instance surveillant les institutions où sont placés des enfants. Concernant la situation actuelle des auteurs au Nigéria, le seul document produit devant le Comité est un courrier électronique daté du 18 juillet 2018, dans lequel la personne responsable de la famille au Nigéria, travaillant pour le Service social international - Suisse, fait état de la situation des auteurs après les avoir rencontrés le week‑end précédent. Elle y constate que les enfants, en particulier E. A., connaissent des problèmes d’adaptation au Nigéria et que ce dernier semble nostalgique de sa vie en Suisse. En ce qui concerne la relation entre J. A. et ses fils, il en ressortait que J. A. faisait de son mieux pour s’occuper de ses enfants et qu’elle le faisait très bien. Les auteurs indiquent également qu’ils reçoivent une aide financière du Service social international.

Commentaires des auteurs sur les observations de l’État partie

5.1Dans leurs commentaires datés du 19 août 2019, les auteurs indiquent que le 1er juillet 2018 et le 18 avril 2019, ils ont demandé à l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf de faire des recherches concernant la capacité de J. A. à exercer la garde des deux enfants. Ils lui ont également demandé de communiquer au Secrétariat d’État aux migrations que l’Autorité était dans l’incapacité de transférer les mesures de protection, toujours valables en faveur des deux enfants, à l’État nigérian. En l’absence de réaction de l’Autorité, les auteurs ont déposé une demande de reconsidération auprès du Secrétariat d’État aux migrations le 20 mai 2019, en demandant qu’il reconnaisse l’incapacité de transférer les mesures de protection en faveur des deux enfants comme un obstacle au renvoi et attribue des visas d’entrée aux enfants et à leur mère. Le 6 août 2019, le Secrétariat d’État a pris une décision de non-entrée en matière, en se basant sur l’exécution du renvoi du 22 novembre 2017.

5.2Les auteurs indiquent également que, le 5 juillet 2018, le tribunal cantonal de Zurich a refusé le recours contre la décision du 27 avril 2018 de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte de Dübendorf de lever la mesure de protection en faveur d’E. A. Le 16 avril 2019, le conseil de district d’Uster a confirmé la décision de l’Autorité, car E. A. se trouvait à l’étranger et la Suisse n’était de fait plus compétente. Les auteurs indiquent qu’ils sont en train de préparer un recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral à Lausanne.

5.3Le 23 décembre 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a nié sa propre compétence pour s’occuper de la requête déposée le 4 mai 2018 par J. A. concernant une demande d’autorisation d’entrée sur le territoire suisse pour atteinte injustifiée à son identité, en invoquant l’article 8, paragraphe 2, de la Convention. Le 30 décembre 2018, les auteurs ont introduit un recours contre la décision de non-entrée en matière auprès du Tribunal administratif fédéral, lequel est encore en attente de décision.

5.4Le 5 juillet 2019, les auteurs ont introduit une demande de visa d’entrée en faveur d’E. A. et de V. N. A. auprès de l’Office des migrations du canton de Zurich. Le 7 août 2019, cette demande a été refusée par lettre de manière informelle. Le 13 août 2019, J. A. a demandé une décision formelle ouvrant la voie à un recours.

5.5Les auteurs soutiennent que la communication est recevable ratione personae vu qu’en tant que mère, J. A. est la représentante légale d’E. A. et de V. N. A., et qu’elle est donc autorisée à présenter une communication auprès du Comité. Ils indiquent que l’État partie ne conteste pas que la procuration d’E. A. en date du 19 avril 2018 soit valable et que, si besoin, ils peuvent en faire parvenir une nouvelle.

5.6Les auteurs réitèrent que toutes les voies de recours internes ont été épuisées, ce qui n’est pas contesté concernant la demande d’asile et l’obligation de quitter la Suisse. Les auteurs considèrent que l’État partie viole le principe de la bonne foi et agit de façon contradictoire, s’il prétexte le non-épuisement des voies de recours internes tout en ayant pris une décision de non-entrée en matière le 6 août 2019 concernant un moyen de droit extraordinaire. Ils indiquent que l’intérêt supérieur des enfants les pousse à utiliser tous les moyens existants afin de faire revenir la famille, et avant tout les enfants, le plus rapidement possible en Suisse.

5.7Les auteurs soutiennent également que la communication est recevable ratione temporis, dans la mesure où l’exécution du renvoi a eu lieu le 22 novembre 2017, soit cent vingt et un jours après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Le jugement qui fait l’objet de la communication a par ailleurs été rendu par le Tribunal administratif fédéral le 3 août 2017, soit deux semaines après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Suisse. En ce qui a trait au bien-fondé de la communication, ils réitèrent que l’intérêt supérieur des enfants n’a pas été pris en compte.

5.8Les auteurs prétendent que la communication est bien fondée du fait que le Secrétariat d’État aux migrations et le Tribunal administratif fédéral refusent toujours de respecter la compétence juridique, professionnelle et technique exclusive de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte en matière de collecte des preuves concernant la mise en danger du bien de n’importe quel enfant, de prise de mesures de protection appropriées, et de transfert des mesures de protection ordonnées à l’État tiers. Par ailleurs, ils refusent systématiquement de résoudre le conflit de compétence positif existant entre l’Autorité d’une part et le Secrétariat et le Tribunal d’autre part. Les auteurs observent que l’État partie ne conteste pas le fait qu’E. A. et V. N. A. ont une vraie identité suisse profondément enracinée.

5.9Finalement, les auteurs prient le Comité de proposer à l’État partie un règlement à l’amiable.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieurau titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au titre du Protocole facultatif.

6.2Le Comité prend note de la position de l’État partie selon laquelle la communication est irrecevable ratione personae à l’égard de J. A., puisque celle-ci est adulte. Le Comité observe toutefois que les auteurs invoquent des violations prétendues des droits d’E. A. et de V. N. A. reconnus dans la Convention. En conséquence, le Comité estime qu’il n’y a pas d’obstacle ratione personae à la recevabilité de la présente communication.

6.3Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie, qui considère qu’il y a eu un défaut de pouvoir de représentation valable et que la date du 19 avril 2018 des procurations signées par les auteurs en faveur du conseil Klausfranz Rüst-Hehli pour qu’il les représente pouvait être mise en doute. Le Comité tient compte des arguments de l’État partie à cet égard, selon lesquels : a) dans un courrier du 3 août 2018, M. Rüst-Hehli a affirmé avoir reçu le mandat de rédiger la présente communication « il y a peu de jours, parce qu’une organisation non gouvernementale a dû renoncer à faire la communication pour des raisons imprévisibles » ; b) M. Rüst-Hehli a indiqué, en première page de la communication, que le domicile actuel des auteurs lui était inconnu ; et c) dans son complément à la communication du 9 août 2018, M. Rüst-Hehli a indiqué que si une autorisation d’E. A. était nécessaire, il entreprendrait les démarches nécessaires pour l’obtenir. Le Comité observe néanmoins que M. Rüst-Hehli a présenté les deux autorisations des auteurs, J. A. et E. A., signées et datées du 19 avril 2018, pour qu’il les représente devant les autorités suisses de protection de l’enfant, et que la procuration de J. A. incluait une autorisation pour que le conseil présente une communication au Comité en faveur de ses enfants. Il observe aussi que l’État partie n’a pas démontré que ces pouvoirs de représentation n’étaient pas valables. En conséquence, le Comité estime que les éléments du dossier ne lui permettent pas de conclure que le conseil n’a pas la légitimité d’agir devant le Comité au nom des auteurs.

6.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication des auteurs devrait être déclarée irrecevable ratione temporis, puisque les faits qui constituent l’objet de la communication sont antérieurs à la date d’entrée en vigueur du Protocole facultatif à son égard, le 24 juillet 2017. Le Comité observe en particulier les allégations de l’État partie selon lesquelles : a) la décision de renvoi au Nigéria des auteurs et de V. N. A. a été prise par l’Office fédéral des migrations le 4 juin 2010, décision confirmée et devenue exécutoire par arrêt du Tribunal administratif fédéral en date du 16 août 2010 ; et b) les recours ultérieurs auprès de l’Office fédéral des migrations, du Secrétariat d’État aux migrations et du Tribunal administratif fédéral soit ont été rendus dans le cadre de procédures extraordinaires, soit n’ont fait l’objet d’un examen du cas des auteurs que sous l’angle restreint de leurs trois demandes de reconsidération de la décision du 4 juin 2010 de l’Office. Le Comité note que l’arrêt du 3 août 2017 du Tribunal, qui a résolu la troisième demande de reconsidération des auteurs, a été rendu quelques jours après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Dans cet arrêt, le Tribunal a constaté que les arguments avancés par les auteurs n’étaient pas de nature à modifier les conclusions prises lors de la procédure ordinaire d’asile et des deux demandes de reconsidération qui ont suivi.

6.5Le Comité rappelle que, conformément à l’article 7 g) du Protocole facultatif, il lui est interdit ratione temporis d’examiner une communication lorsque les faits qui font l’objet de cette communication se sont produits avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie concerné, à moins que ces faits n’aient continué après cette date. Le Comité considère que, dans les circonstances particulières du cas présent, la violation éventuelle des droits d’E. A. et de V. N. A. garantis par la Convention aurait dû être considérée comme découlant de la décision de renvoi, décision exécutoire qui était susceptible de violer les droits des enfants invoqués auprès du Comité, et non ainsi des demandes subséquentes de reconsidération de cette décision. Le Comité considère que les demandes de reconsidération répétées des auteurs ne justifient pas automatiquement la compétence ratione temporis du Comité.

6.6Au vu de ce qui précède, et conformément à l’article 7 g) du Protocole facultatif, le Comité conclut qu’il est empêché ratione temporis d’examiner la présente communication.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable conformément à l’article 7 g) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteur de la communication ainsi qu’à l’État partie pour information.