Nations Unies

CRC/C/85/D/90/2019

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

4 novembre 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no90/2019*,* *

Communication présentée par :

La Défenseure générale de la nation (Stella Maris Martínez)

Victime(s) présumée(s) :

E. H. R. S., A. I. R. S. et A. H. R. S

État partie :

Argentine

Date de la communication :

5 juillet 2019

Objet :

Expulsion d’une femme de nationalité péruvienne, mère de trois enfants argentins, pour une infraction commise à son arrivée dans l’État partie

1.Les auteurs de la communication sont deux filles et un garçon de nationalité argentine : E. H. R. S. (12 ans), A. I. R. S. (10 ans) et A. H. R. S. (1 an). Ils affirment que l’État partie a violé les droits qu’ils tiennent des articles 3 (par. 1), 6, 7, 8, 9 (par. 1 et 2), 12 (par. 1 et 2), 16, 27 et 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Ils sont représentés par la Défenseure générale de la nation.

2.La mère des auteurs, R. A. S. O., de nationalité péruvienne, a émigré en Argentine en 2000. À son arrivée dans le pays, elle a été arrêtée pour possession de drogue à des fins de commercialisation et a été condamnée à une peine de quatre ans et demi de prison assortie d’une mesure d’expulsion, avec interdiction de séjour pendant huit ans une fois sa peine purgée. Elle a été libérée en 2003 et, en 2004, la Direction nationale des migrations l’a déclarée en situation irrégulière et a demandé son expulsion. La mère des auteurs a fait appel de cette décision par la voie administrative auprès de la Direction, puis par la voie judiciaire auprès du Tribunal administratif fédéral no 7, jusqu’à atteindre la Cour suprême de justice qui, le 2 mai 2019, a rendu un arrêt confirmant son expulsion.

3.Alors que la procédure d’appel était en cours, l’intéressée a rencontré son compagnon et a donné naissance aux trois auteurs de la communication, nés respectivement en 2008, 2009 et 2019. Les auteurs affirment que, pendant la procédure administrative et judiciaire, leur mère a informé à plusieurs reprises les autorités de la naissance de ses deux premières filles et a fait valoir que son expulsion constituerait une violation des droits humains de ses enfants nés en Argentine. À aucun moment les autorités administratives ou judiciaires n’ont autorisé l’intervention du Bureau du défenseur public des enfants, ni donné aux filles de l’auteure la possibilité de faire entendre leur opinion, et leur intérêt supérieur n’a pas été pris en considération.

4.Les auteurs affirment que leur droit à ce que leur intérêt supérieur soit une « considération primordiale », consacré à l’article 3 (par. 1) de la Convention, a été violé, tout comme leur droit d’avoir « la possibilité de participer [à la procédure] et de faire connaître leurs vues », reconnu à l’article 9 (par. 2) de la Convention. En outre, étant donné que leur opinion n’a pas été dûment prise en considération au cours de la procédure et qu’on ne leur a pas donné la possibilité d’être entendus, ils affirment que les droits qu’ils tirent de l’article 12 (par. 1 et 2) ont aussi été violés.

5.Ils affirment que l’expulsion de leur mère constituerait également une violation de leur droit de ne pas être séparés de leur mère contre leur gré, reconnu aux articles 7 et 9 (par. 1), et de leur droit de ne pas faire l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans leur vie privée, leur famille ou leur domicile, reconnu à l’article 16. Ils affirment également que l’expulsion de leur mère porterait atteinte à leur droit à la survie, au développement, à l’identité et à l’intégrité de leur personne, en violation des articles 6, 8, 27 et 37.

6.Les auteurs ont demandé l’annulation de la décision d’expulsion et de l’interdiction de séjour en Argentine, la reconnaissance de la responsabilité internationale de l’Argentine pour la violation de leurs droits et une réparation adéquate et proportionnée pour les violations commises. Plus généralement, ils ont également demandé des garanties de non‑répétition en ce qui concerne les procédures entraînant l’expulsion de migrants qui ont des enfants.

7.Le 10 juillet 2019, le Comité a demandé à l’État partie de prendre des mesures provisoires consistant à suspendre l’expulsion de la mère des auteurs tant que la communication serait à l’examen.

8.Le 8 novembre 2019, l’État partie a présenté ses observations concernant la recevabilité. Le 23 décembre 2019, les auteurs ont soumis leurs commentaires sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité.

9.Le 13 juin 2020, l’État partie a présenté des informations complémentaires, expliquant que, compte tenu du changement de gouvernement, et conformément à son obligation de se conformer à la demande de mesures provisoires soumise par le Comité, la Direction nationale des migrations avait décidé de suspendre définitivement l’expulsion de la mère des auteurs le 20 mars 2020. Il a également expliqué que, le 1er juin 2020, la Direction avait rendu une décision par laquelle le statut de résident permanent était accordé à la mère. L’État partie a demandé en conséquence qu’il soit mis fin à l’examen de la communication, devenue sans objet.

10.Le 7 août 2020, les auteurs ont confirmé les informations présentées par l’État partie et ont accepté sa demande tendant à mettre fin à l’examen de la communication. Ils ont toutefois demandé au Comité de souligner, dans sa décision de classement de la communication, l’obligation générale de garantir les droits des enfants dans le cadre de toute procédure administrative ou judiciaire relative à la migration dont font l’objet leurs parents et qui peut aboutir à l’adoption d’un arrêt d’expulsion ayant sur eux des effets directs ou indirects.

11.Réuni le 28 septembre 2020, le Comité des droits de l’enfant, après avoir examiné la demande de classement soumise par l’État partie, note que l’objet de la communication était d’empêcher l’expulsion de la mère des auteurs et que cette expulsion ne peut avoir lieu dans les circonstances actuelles. Bien que ce fait ne constitue pas en soi une réparation intégrale pour les violations alléguées de la Convention, il considère que la décision de ne pas expulser la mère des auteurs et de lui accorder le statut de résident permanent rend la présente communication sans objet, et décide de mettre fin à l’examen de la communication no 90/2019, conformément à l’article 26 de son règlement intérieur relatif au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.