Nations Unies

CRC/C/85/D/49/2018

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

9 novembre 2020

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Décision adoptée par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 49/2018 * , **

Communication présentée par :

L. I. (représentée par un conseil, N. E. Hansen)

Victime(s) présumée(s) :

B. I.

État partie :

Danemark

Date de la communication :

17 juillet 2018

Date de la décision :

28 septembre 2020

Objet :

Expulsion d’une mère et de sa fille vers la Macédoine du Nord, où l’enfant risquerait d’être victime d’un crime d’honneur

Question(s) de procédure :

Épuisement des recours internes ; fondement des griefs

Question(s) de fond :

Intérêt supérieur de l’enfant ; non-refoulement ; droit à la vie ; droit d’acquérir une nationalité ; droit de préserver son identité ; non‑discrimination

Article(s) de la Convention :

2, 3, 6, 7 et 8

Article(s) du Protocole facultatif :

7 (al. e) et f))

1.1L’auteure de la communication est L. I., Macédonienne/citoyenne de la République de Macédoine du Nord née en 1989. Elle présente la communication au nom de sa fille, B. I., née le 15 février 2015. L’auteure affirme qu’en expulsant sa fille vers la Macédoine du Nord, l’État partie violerait les droits garantis à l’enfant par les articles 2, 3, 6, 7 et 8 de la Convention. L’auteure est représentée par un conseil. Le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications est entré en vigueur pour le Danemark le 7 janvier 2016.

1.2Le 20 juillet 2018, le Comité, agissant par l’intermédiaire de son groupe de travail des communications, a rejeté la demande de mesures provisoires formée par l’auteure, en application de l’article 6 du Protocole facultatif et de l’article 7 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif. Les mesures provisoires en question auraient eu pour effet de suspendre l’expulsion de l’auteure et de sa fille vers la Macédoine du Nord tant que l’affaire était en cours d’examen par le Comité.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure, alors enceinte de son premier enfant, est entrée au Danemark le 4 février 2015 dans le cadre d’un programme de regroupement familial pour retrouver son mari, Macédonien/citoyen de la République de Macédoine du Nord qui résidait au Danemark. Le 15 février 2015, l’auteure a donné naissance à une petite fille, B. I. L’auteure affirme que, le 28 février 2015, son mari a tenté de tuer leur fille en lui plaquant un oreiller sur le visage. Elle avance que le père a tenté de tuer l’enfant car il était mécontent que ce soit une fille.

2.2L’auteure a signalé les faits à la police et s’est installée avec son enfant dans un foyer pour femmes. La Haute Cour de l’Est du Danemark a par la suite condamné le père de B. I. à suivre un traitement psychiatrique forcé pendant cinq ans. Les autorités danoises ont accordé à l’auteure un visa temporaire afin qu’elle puisse témoigner dans le cadre de la procédure engagée contre son mari. Le visa a expiré le 7 mai 2015.

2.3Le 2 octobre 2015, l’auteure a demandé l’asile pour elle-même et B. I., alléguant entre autres qu’elle craignait que le père de son mari les tue, sa fille et elle, si elles étaient forcées de retourner dans le pays d’origine de l’auteure. Elle a expliqué que les problèmes avec son beau-père avaient commencé après que son mari avait subi, le 18 décembre 2012, une opération du cerveau suite à laquelle sa personnalité avait changé. Elle a également indiqué que son beau-père avait menacé à trois ou quatre reprises au moins de la tuer et de tuer B. I. si elle faisait du mal à son fils.

2.4Le 9 octobre 2015, le Service danois de l’immigration a rejeté la demande d’asile formée par l’auteure au motif qu’elle était « manifestement dépourvue de fondement » au regard de l’article 53b de la loi sur les étrangers. Il a notamment estimé que les arguments invoqués dans la demande ne justifiaient pas l’octroi de l’asile en application de l’article 7 de la loi sur les étrangers. Il a souligné que, si l’auteure et B. I. étaient renvoyées en Macédoine du Nord, l’auteure devrait, au cas où son beau-père les menacerait ou les agresserait, elle ou sa fille, demander la protection des autorités du pays. Il a observé que l’auteure n’avait pas signalé les menaces de son beau-père à la police locale et qu’elle n’avait pas non plus expliqué pourquoi la police de Macédoine du Nord n’aurait pas la volonté ou la capacité de la protéger contre son beau-père.

2.5La demande ayant été traitée dans le cadre de la procédure d’urgence applicable aux demandes « manifestement dépourvues de fondement », l’auteure et B. I. n’ont pas eu le droit de former un recours devant la Commission danoise de recours des réfugiés, ce qui, selon l’auteure, est en soi discriminatoire. L’auteure fait valoir que, lorsqu’il a pris sa décision, par laquelle il rejetait également la demande d’asile de B. I., le Service danois de l’immigration n’a pas procédé à un examen individualisé du risque que courrait B. I. si elle était contrainte de retourner en Macédoine du Nord. Elle ajoute que, dans la décision, seule a été prise en considération la menace que représentait le père de B. I., et qu’il n’a pas été tenu compte de la menace que représentaient d’autres membres de la famille résidant en Macédoine du Nord, en particulier le beau-père de l’auteure, qui pourrait tenter de tuer B. I. pour se venger de l’auteure parce qu’elle avait dénoncé son mari à la police.

2.6Après le rejet de la demande d’asile, l’auteure et B. I. ont demandé un permis de séjour pour raisons humanitaires. La Commission de recours en matière d’immigration a rejeté la demande le 6 novembre 2018, estimant notamment que ni l’auteure ni B. I. n’avaient noué avec le Danemark de liens indépendants suffisamment étroits pour justifier la délivrance d’un permis de séjour.

2.7L’auteure soutient également que B. I. souffre de lésions cérébrales et qu’elle présente un retard de développement par rapport aux autres enfants du même âge, ce qui est attesté par un rapport d’évaluation psychopédagogique rédigé par la Croix-Rouge danoise qui a été soumis à la Commission de recours en matière d’immigration. Ce rapport a conduit la Commission à rouvrir le dossier pour examiner la demande de permis de séjour pour raisons humanitaires. Il était indiqué dans le rapport que les compétences motrices, linguistiques et sociales de B. I. ne correspondaient pas à celles des enfants de son âge et qu’un psychologue avait diagnostiqué chez l’enfant un autisme infantile (F84.0). Dans la lettre qu’elle a jointe au rapport adressé à la Commission de recours en matière d’immigration le 10 juillet 2018, l’auteure ajoutait qu’il n’était pas certain que le trouble se soit développé en raison de l’agression dont B. I. avait été victime de la part de son père. Dans une décision datée du 12 février 2019, la Commission de recours en matière d’immigration a confirmé sa décision du 6 novembre 2018.

2.8L’auteure affirme en outre que, le 6 juillet 2018, elle a demandé au Service danois de l’immigration de rouvrir son dossier de demande d’asile et celui de B. I., car elle avait reçu de nouvelles informations selon lesquelles la police danoise avait été contactée par son beau-père, qui voulait connaître la date et l’heure de l’expulsion. Un rapport de police daté du 4 juillet 2018 confirme ce fait. Le 10 juillet 2018, le Service de l’immigration a refusé de rouvrir le dossier au motif qu’il n’existait pas de nouvelles informations significatives.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que l’État partie violerait les droits que B. I. tient des articles 2, 3, 6, 7 et 8 de la Convention s’il expulsait l’enfant vers la Macédoine du Nord.

3.2L’auteure soutient que l’expulsion de B. I. vers la Macédoine du Nord constituerait un risque majeur pour la vie, la survie et le développement de l’enfant et serait contraire à son intérêt supérieur. Elle constituerait donc une violation des articles 3 et 6 de la Convention. L’auteure craint que son ex-beau-père n’essaie de tuer B. I. pour se venger d’elle parce qu’elle a porté plainte contre le père de B. I. pour tentative de meurtre sur sa fille. Elle soutient en outre que les autorités danoises n’ont pas procédé à un examen individualisé des demandes d’asile et de permis de séjour soumises au nom de B. I.

3.3L’auteure avance que, puisque sa naissance n’a jamais été enregistrée en Macédoine du Nord, B. I. n’aura pas accès à la protection sociale ou au traitement médical dont elle a besoin, en violation des articles 7 et 8 de la Convention. Elle ajoute qu’en raison des lésions cérébrales dont elle souffre depuis que son père a tenté de la tuer, sa fille a besoin de soins spéciaux et d’un traitement hospitalier qu’elle ne recevra peut-être pas en Macédoine du Nord.

3.4Enfin, l’auteure affirme que l’expulsion de B. I. vers la Macédoine du Nord serait contraire à l’article 2 de la Convention, en ce que l’absence de recours devant un autre organe administratif ou devant la justice constitue une discrimination.

3.5L’auteure soutient qu’en raison de l’absence de droit de recours dans le cadre de la procédure d’urgence applicable aux demandes « manifestement dépourvues de fondement », la décision du Service de l’immigration est définitive ; elle a donc épuisé tous les recours internes disponibles.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans ses observations du 4 mars 2019, l’État partie soutient que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, conformément à l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif. Il affirme que l’auteure n’a pas saisi les tribunaux internes d’un recours contre la décision du Service de l’immigration datée du 9 octobre 2015 ni d’un recours contre la décision de la Commission de recours en matière d’immigration datée du 12 février 2019. Il fait valoir que, même si le Service de l’immigration a examiné l’affaire dans le cadre de la procédure applicable aux demandes « manifestement dépourvues de fondement », la décision peut tout de même faire l’objet d’un recours devant les tribunaux, conformément à la règle générale du droit au contrôle juridictionnel énoncée à l’article 63 de la Constitution danoise. L’auteure n’a donc pas épuisé tous les recours internes disponibles.

4.2L’État partie soutient de plus que l’auteure n’a pas présenté d’éléments suffisants aux fins de la recevabilité de la communication au regard de la Convention, au sens de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

4.3Sur le fond de l’affaire, l’État partie argue que l’auteure n’a pas suffisamment démontré que le renvoi de B. I. en Macédoine du Nord constituerait une violation des articles 3, 6, 7 ou 8 de la Convention et que l’absence de recours administratif constitue une discrimination contraire à l’article 2 de la Convention.

4.4L’État partie rappelle que le Comité a jugé qu’il appartient généralement aux juridictions nationales d’examiner les faits et les éléments de preuve, à moins que cette appréciation ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Il affirme que l’auteure n’a pas montré que la prise de décisions a été entachée d’irrégularités ou qu’il existe des facteurs de risque que les autorités danoises n’auraient pas dûment pris en compte. Il relève à cet égard que tant la demande d’asile que la demande de permis de séjour ont fait l’objet d’un examen approfondi de la part du Service de l’immigration et de la Commission de recours en matière d’immigration.

4.5En ce qui concerne l’allégation de l’auteure selon laquelle l’État partie n’a pas correctement apprécié les raisons personnelles qu’a B. I. de demander l’asile, en particulier le risque d’être victime d’un « crime d’honneur » (féminicide), l’État partie fait valoir que le jeune âge de B. I. − moins d’un an − au moment où le risque a été apprécié pour la première fois justifiait que l’appréciation des éléments concernant l’enfant soit liée à l’appréciation faite de la situation de la mère. Il soutient dès lors qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’appréciation des faits et des preuves faite par les autorités nationales.

4.6En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 6 de la Convention, l’État partie constate que l’auteure avance qu’il pourrait y avoir violation de la Convention en raison de la situation dans laquelle l’intéressée risquerait de se trouver si elle était renvoyée. Il rappelle que cette question a déjà été soulevée et dûment examinée dans le cadre de la procédure d’asile devant le Service de l’immigration.

4.7L’État partie relève à cet égard que le Comité, dans son observation générale no 6 (2005), recommande aux États de s’abstenir de renvoyer un enfant dans un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu’il serait soumis à un risque réel de préjudice irréparable, tel que ceux envisagés aux articles 6 et 37 de la Convention. Dès lors, il conclut qu’une violation ne se produit que si un enfant est renvoyé et exposé à un risque réel de préjudice irréparable. Il soutient que l’auteure n’a fourni à l’appui de sa demande aucune information nouvelle et particulière qui serait différente des informations qui ont déjà été communiquées et ont été examinées de manière approfondie.

4.8En ce qui concerne le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, consacré par l’article 3 de la Convention, l’État partie soutient que, compte tenu du jeune âge de B. I. lors du premier examen de son cas, les motifs de sa demande d’asile étaient liés aux motifs avancés par sa mère et que la demande d’asile de B. I. a donc été examinée en même temps que celle de sa mère. Il fait valoir que ce n’est pas parce que le Service de l’immigration n’a pas expressément fait référence à la Convention dans sa décision qu’il n’a pas pris la Convention en considération.

4.9L’État partie soutient que la même appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant a été faite aux fins de la décision qui a été prise, le 12 février 2019, de rejeter la demande de permis de séjour de l’auteure et de B. I. présentée au titre de l’article 9c (par. 1) de la loi sur les étrangers. Dans sa décision, la Commission de recours en matière d’immigration a renvoyé à sa propre jurisprudence qui s’appuie sur les liens indépendants de l’enfant avec le Danemark et sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Toutefois, dans la présente affaire, la Commission n’a pas considéré que B. I. avait tissé avec la société danoise des liens suffisamment étroits pour justifier de manière indépendante, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la délivrance d’un permis de séjour au Danemark en application de l’article 9c (par. 1) de la loi sur les étrangers.

4.10Enfin, l’État partie soutient que l’article 3 de la Convention n’établit pas d’obligation pour les États parties autres que le pays de nationalité de l’enfant. En conséquence, un État partie dans lequel un enfant a séjourné temporairement n’est pas tenu d’assurer la continuité du séjour et des conditions de vie de cet enfant, et on ne saurait déduire de cet article un droit indépendant de l’enfant à l’immigration, qui serait fondé sur le désir de jouir de meilleures conditions de vie.

4.11L’État partie observe que, pendant que l’affaire était examinée par la Commission de recours en matière d’immigration, B. I. a fait l’objet d’un diagnostic d’autisme infantile. Il fait valoir toutefois que ce fait n’entraîne pas pour le Danemark l’obligation positive de garantir la continuité des conditions de développement de l’enfant. Selon l’État partie, l’auteure n’a donné aucune raison de croire que B. I. serait exposée à une dégradation grave, rapide et irréversible de son état de santé si elle était renvoyée en Macédoine du Nord. À cet égard, l’État partie fait également observer que, dans sa décision du 12 février 2019, la Commission de recours en matière d’immigration a souligné que l’autisme infantile n’était pas une maladie mortelle et que le rejet de la demande de permis de séjour déposée par l’auteure ne serait ni disproportionné ni incompatible avec les obligations internationales du Danemark.

4.12L’État partie observe que, selon les informations dont il dispose, en Macédoine du Nord la nationalité peut s’acquérir par l’origine (art. 3 de la loi sur la nationalité) et que les deux parents de l’enfant étaient, au moment de sa naissance, des ressortissants de la Macédoine du Nord. L’État partie soutient donc que l’auteure n’a pas démontré que l’expulsion de la fille et de la mère, toutes deux ressortissantes de la Macédoine du Nord, risquerait de quelque manière que ce soit de constituer une violation des articles 7 ou 8 de la Convention, indépendamment du fait que la fille soit née au Danemark.

4.13Enfin, l’État partie rejette l’argument de l’auteure selon lequel le fait de ne pas pouvoir former de recours contre la décision du Service de l’immigration constitue une discrimination, en violation de l’article 2 de la Convention, et renvoie aux constatations du Comité dans l’affaire K. Y. M. c. Danemark (CRC/C/77/D/3/2016, par. 10.3) et aux constatations du Comité des droits de l’homme dans l’affaire E. P. et F. P. c. Danemark (CCPR/C/115/D/2344/2014, par. 8.5 et suivants). L’État partie soutient que l’auteure présente son argument de manière très générale, sans établir l’existence d’un lien entre l’origine de l’auteure ou de B. I. ou tout autre élément de leur situation et l’absence alléguée de recours contre la décision du Service de l’immigration.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur au titre du Protocole facultatif, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif.

5.2Le Comité prend note des arguments de l’État partie selon lesquels la communication est irrecevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif car l’auteure n’a pas demandé de contrôle juridictionnel des décisions du Service de l’immigration ni de la décision de la Commission de recours en matière d’immigration. Il prend toutefois note des arguments de l’auteure selon lesquels une demande de contrôle juridictionnel n’aurait pas eu d’effet suspensif sur son expulsion et sur celle de sa fille. Il estime que, dans le contexte de l’expulsion imminente des intéressées vers la Macédoine du Nord, un recours qui ne suspend pas l’exécution de l’ordre d’expulsion qui les vise ne saurait être considéré comme utile. En conséquence, il considère que la communication est recevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif.

5.3Le Comité prend note de l’argument de l’auteure selon lequel l’expulsion de B. I. n’est pas dans l’intérêt supérieur de celle-ci et constituerait une violation des articles 3 et 6 de la Convention. Le Comité rappelle que l’existence d’un risque de violation grave de la Convention dans l’État d’accueil devrait être appréciée eu égard à l’âge et au sexe de l’enfant, que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale dans les décisions concernant le renvoi d’un enfant, et que ces décisions devraient garantir que l’enfant, à son retour, sera en sécurité, sera correctement pris en charge et jouira de ses droits. La prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être expressément assurée au moyen de procédures individuelles faisant partie intégrante de toute décision administrative ou judiciaire concernant le renvoi d’un enfant.

5.4Le Comité considère que, d’une manière générale, c’est aux organes des États parties qu’il incombe d’examiner et d’apprécier les faits et les éléments de preuve pour déterminer s’il existe un risque de violation grave de la Convention en cas de renvoi, à moins qu’il ne soit établi que cette évaluation a été manifestement arbitraire ou a constitué un déni de justice.

5.5En l’espèce, le Comité observe que, dans sa décision du 9 octobre 2015, le Service de l’immigration a examiné de manière approfondie les demandes de l’auteure en se fondant sur les informations relatives au risque de préjudice irréparable auquel B. I. pourrait être exposée si elle était renvoyée en Macédoine du Nord. Il prend également note de l’argument de l’État partie selon lequel, compte tenu du jeune âge de B. I. au moment de la procédure, l’intéressée n’a pu faire aucune déclaration lors de l’entretien avec le Service de l’immigration. L’auteure a donc fourni toutes les informations pertinentes au nom de B. I.

5.6Le Comité estime que, bien qu’elle conteste les décisions prises par les autorités nationales, l’auteure n’a pas démontré que l’examen des faits et des éléments de preuve par les autorités nationales était manifestement arbitraire ou constituait un déni de justice. Il considère dès lors que les griefs que l’auteure soulève au titre des articles 3 et 6 de la Convention ne sont pas suffisamment étayés et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

5.7En ce qui concerne les griefs que l’auteure soulève au titre des articles 7 et 8 de la Convention, le Comité prend note de l’argument non contesté de l’État partie selon lequel, en tant que fille de deux Macédoniens/citoyens de la République de Macédoine du Nord, B. I. aura le droit d’acquérir la nationalité de la Macédoine du Nord. En l’absence de toute autre information au dossier, le Comité considère que l’auteure n’a pas suffisamment étayé son grief selon lequel les droits garantis à B. I. par ces articles seraient violés si l’intéressée était expulsée du Danemark. En conséquence, le Comité conclut que ces griefs sont manifestement dépourvus de fondement et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

5.8Le Comité prend note du grief soulevé par l’auteure au titre de l’article 2 de la Convention, selon lequel sa fille a été victime de discrimination parce que son cas n’a été examiné que par le Service de l’immigration, sans aucune possibilité de recours. Il observe toutefois que l’argument de l’auteure est d’ordre général et qu’il n’est pas démontré que l’absence de recours contre la décision rendue par le Service de l’immigration le 9 octobre 2015 serait fondée sur l’origine de l’auteure ou de sa fille ou sur tout autre motif de discrimination. En conséquence, le Comité considère que ce grief est manifestement dépourvu de fondement et est irrecevable au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif.

6.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif ;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’auteure de la communication et, pour information, à l’État partie.