Nations Unies

CAT/C/LKA/CO/3-4

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

8 décembre 2011

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-septième session

31 octobre-25 novembre 2011

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la torture

Sri Lanka

1.Le Comité contre la torture a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques de Sri Lanka, présentés en un seul document (CAT/C/LKA/3-4) à ses 1030e et 1033e séances, tenues les 8 et 9 novembre 2011 (CAT/C/SR.1030 et 1033), et a adopté, à ses 1050e, 1051e et 1052e séances (CAT/C/SR.1050, 1051 et 1052) tenues les 22 et 23 novembre 2011, les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction la soumission conjointe des troisième et quatrième rapports périodiques de Sri Lanka qui, dans l’ensemble, suivent les directives du Comité en matière d’établissement des rapports. Cependant, le Comité regrette que le rapport manque de données statistiques et pratiques sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention et qu’il ait été soumis avec deux ans de retard. Il apprécie le dialogue établi avec la délégation, les réponses apportées oralement pendant l’examen du rapport et les réponses supplémentaires fournies par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité note avec satisfaction que, pendant la période qui s’est écoulée depuis la soumission du deuxième rapport, l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en septembre 2006;

b)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en septembre 2006.

4.Le Comité prend acte des efforts consentis par l’État partie pour réformer sa législation, notamment:

a)L’adoption, en 2005, de la loi no 34 relative à la prévention de la violence familiale, qui prévoit que des ordonnances de protection peuvent être prises pour protéger les femmes comme les enfants;

b)L’adoption, en 2006, de la loi no 16 portant modification du Code pénal, qui a érigé notamment en infraction le fait d’engager et de recruter un enfant à des fins d’utilisation dans un conflit armé, ainsi que le travail des enfants, la traite des enfants et la pédopornographie.

5.Le Comité se félicite aussi des efforts déployés par l’État partie au sujet des politiques et procédures en cours, notamment:

a)L’adoption d’un Plan national d’action pour les enfants (2010-2015);

b)Les consultations tenues avec des organisations de la société civile au sujet des éléments à incorporer dans le projet de plan national d’action pour les droits de l’homme, qui devrait insister tout particulièrement sur la prévention de la torture;

c)La création, en mai 2010, de la Commission des enseignements et de la réconciliation.

C.Principaux sujets d’inquiétude et recommandations

Allégations de recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements

6.En dépit de la nouvelle situation qui prévaut depuis la défaite des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), de la fin du conflit militaire qui a consumé le pays pendant près de trente ans et de l’engagement pris publiquement par l’État partie envers le Comité d’appliquer une politique de tolérance zéro à l’égard de la torture aussi bien en matière de politique générale que dans la pratique, le Comité demeure sérieusement préoccupé par les allégations persistantes et cohérentes de recours généralisé à la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants dont des suspects placés en garde à vue feraient l’objet, en particulier lorsque la police veut obtenir des aveux ou des informations dans le cadre d’une procédure pénale. Le Comité est aussi préoccupé par des informations qui donnent à entendre que des acteurs étatiques, qu’il s’agisse de personnels militaires ou des services de police, ont continué à pratiquer la torture et les mauvais traitements dans de nombreuses régions du pays après que le conflit eut pris fin en mai 2009 et y recouraient encore en 2011 (art. 2, 4, 11 et 15).

Le Comité exhorte l’État partie à prendre de toute urgence des mesures immédiates et efficaces pour que tous les actes de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d’enquêtes et que des peines compatibles avec leur gravité soient infligées à leurs auteurs. Il invite l’État partie à veiller à ce que les personnels des services de police et des forces armées ne recourent pas à la torture. En plus de ces mesures, l’État partie devrait réaffirmer clairement l’interdiction absolue de la torture et en condamner publiquement la pratique, en faisant clairement savoir que quiconque commettrait de tels actes, en serait complice ou y participerait, en serait tenu personnellement responsable devant la loi, ferait l’objet de poursuites pénales et se verrait infliger les peines appropriées.

Le Comité rappelle l’interdiction absolue de la torture énoncée au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, selon lequel « [a]ucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture » , ainsi que la déclaration du représentant de l’État partie qui le réaffirme.

Garanties juridiques fondamentales

7.Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie sur la teneur des directives présidentielles du 7 juillet 2006 (publiées de nouveau en 2007) et des Règles applicables aux personnes placées en garde à vue (circulaire ministérielle no A 20), le Comité exprime sa profonde préoccupation devant le fait que, dans la pratique, l’État partie ne garantit pas à tous les détenus, y compris aux personnes détenues en application de la législation antiterroriste, toutes les garanties fondamentales, dès leur placement en détention. Il s’inquiète de ce que, malgré la teneur des directives présidentielles de 2006, la loi ne reconnaît toujours pas aux personnes soupçonnées d’infractions pénales placées en garde à vue le droit d’informer un membre de leur famille de leur arrestation ou d’avoir rapidement accès à un avocat de leur choix. Le Code de procédure pénale ne prévoit pas non plus d’autres garanties juridiques fondamentales, tels le droit à être assisté d’un avocat pendant un interrogatoire et d’un interprète, et le droit au respect du caractère confidentiel des communications entre l’avocat et son client. Le Comité note avec préoccupation que l’accès à un médecin est laissé à la discrétion du policier responsable du poste de police. Il exprime aussi son inquiétude devant le fait que la police ne présenterait pas les suspects à un juge dans le délai prévu par la loi et que, souvent, les accusés ne sont pas suffisamment informés de leurs droits. De plus, il est préoccupé par l’absence de programme d’aide juridictionnelle financé par l’État et par la multitude d’obstacles d’ordre institutionnel, technique et procédural qui fait perdre toute efficacité à l’ordonnance d’habeas corpus (art. 2).

L’État partie devrait prendre rapidement des mesures efficaces pour faire en sorte qu’en droit et dans la pratique tous les détenus jouissent, dès leur placement en détention, de toutes les garanties juridiques. Il s’agit en particulier des droits de chaque détenu à être informé des raisons de son arrestation, y compris de toute charge qui pèse contre lui, à avoir rapidement accès à un avocat et à s’entretenir en privé avec lui et, si nécessaire, du droit à l’aide juridictionnelle, ainsi qu’à un examen médical indépendant, si possible par un médecin de son choix, à informer un proche et à être informé de ses droits, à être assisté par un avocat pendant un interrogatoire de la police et par un interprète, à être traduit rapidement devant un juge et à faire examiner la légalité de sa détention par un tribunal, conformément aux instruments internationaux.

L’État partie devrait veiller à ce que, lorsque des suspects sont traduits devant les tribunaux par la police, les magistrats demandent systématiquement au suspect s’il a été torturé ou maltraité par la police pendant sa garde à vue. L’État partie devrait veiller à ce que les agents de l’État, en particulier les médecins légistes, médecins et personnels pénitentiaires, et les magistrats qui ont des raisons de soupçonner qu’un acte de torture ou des mauvais traitements ont été infligés, consignent tout acte de cette nature soupçonné ou dénoncé et le rapportent aux autorités.

Centres de détention secrets

8.Bien que la délégation sri-lankaise ait catégoriquement rejeté toutes les allégations faisant état de l’existence de centres de détention clandestins sur le territoire sri-lankais, le Comité est profondément préoccupé par des informations reçues de sources non gouvernementales concernant des centres de détention secrets dirigés par des groupes de renseignement militaire et des groupes paramilitaires sri-lankais qui seraient responsables de disparitions forcées, de torture et d’assassinats extrajudiciaires (art. 2 et 11).

L’État partie devrait veiller à ce que personne ne soit détenu dans un centre de détention secret quelconque, ces structures contrevenant en soi à la Convention. L’État partie devrait enquêter sur de tels lieux de détention, en révéler l’existence, et indiquer sous la responsabilité de quelles autorités ils ont été mis en place. Il devrait aussi faire en sorte que les résultats de l’enquête soient rendus publics. Il devrait fermer tout centre qui existerait et demander des comptes aux éventuels responsables.

Disparitions forcées

9.Tout en félicitant la Cour suprême de l’État partie de l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Kanapathipillai Machchavallavan v. Officer in C harge Army Camp Plaintain Point, Trincomalee and Three Others (2005), dont il ressort que la disparition forcée pourrait constituer une violation du paragraphe 4 de l’article 13 de la Constitution, le Comité note avec préoccupation que ce raisonnement n’a pas été repris dans des arrêts plus récents. Il constate par ailleurs que la disparition forcée n’est pas une infraction distincte en droit pénal sri-lankais et que de tels actes tombent sous le coup de dispositions du Code pénal réprimant d’autres crimes, à savoir le rapt, l’enlèvement et la séquestration. Il exprime son inquiétude devant le fait que 475 nouveaux cas de disparition forcée ont été transmis par le Groupe de travail des disparitions forcées ou involontaires à l’État partie au titre de sa procédure d’urgence pendant la période 2006-2010, et les allégations selon lesquelles l’armée, les services de police et le Département des enquêtes criminelles ainsi que des groupes paramilitaires en seraient responsables. Il est également préoccupé par des informations donnant à entendre que les pouvoirs très étendus prévus par la législation antiterroriste ont contribué à la multiplication des disparitions (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait:

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la disparition forcée soit érigée en infraction dans son droit interne;

b) Veiller à ce que les cas de disparition forcée fassent l’objet d’enquêtes approfondies et efficaces, que les suspects soient poursuivis et que les personnes jugées coupables se voient infliger des peines proportionnelles à la gravité de leur crime;

c) Veiller à ce que tout individu qui a subi un préjudice en relation directe avec une disparition forcée ait accès à des informations sur ce qu’il est advenu de la personne disparue, ainsi qu’à une indemnisation juste et suffisante;

d) Adopter des mesures propres à faire la lumière sur les affaires de disparition forcée non résolues et accéder à la demande de visite du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (A/HRC/16/48, par. 450).

Le Comité appelle en outre l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Lutte contre le terrorisme

10.Tout en prenant acte de la décision prise le 31 août 2011 par l’État partie de lever l’état d’urgence instauré des années plus tôt, le Comité s’inquiète de ce que vingt-quatre heures avant la levée de l’état d’urgence, de nouveaux règlements ont été pris au titre de la loi no 48 de 1979 relative à la prévention du terrorisme. Il est préoccupé par l’étendue de ces règlements qui restreignent indûment les garanties juridiques dont doivent jouir les personnes soupçonnées ou accusées d’avoir commis un crime terroriste ou de nature comparable, comme le Comité des droits de l’homme et le Rapporteur spécial sur la question de la torture l’ont fait observer. Il note que le Président a continué d’invoquer l’article 12 de l’ordonnance relative à la sécurité publique (chap. 40) pour permettre aux forces armées de conserver des pouvoirs coercitifs dans les 25 districts du pays (ordonnance présidentielle du 6 août 2011)1. À cet égard, le Comité note avec préoccupation qu’avec la levée de l’état d’urgence les quelques garanties qui étaient prévues dans le Règlement relatif à l’état d’urgence no 1 de 2005 (Dispositions et pouvoirs divers) et qui s’appliquaient en cas d’arrestation par les forces armées, ne sont apparemment plus en vigueur en vertu du nouveau règlement publié au titre de la loi relative à la prévention du terrorisme (ainsi, une personne arrêtée par un agent des forces armées devait être remise aux mains de la police dans les vingt-quatre heures) (art. 2 et 16).

L’État partie devrait veiller au respect des garanties juridiques fondamentales et prendre toutes les mesures nécessaires pour que ses mesures législatives, administratives et autres de lutte contre le terrorisme soient compatibles avec les dispositions de la Convention, en particulier le paragraphe 2 de l’article 2.

Aveux sous la contrainte

11.Le Comité prend acte des éclaircissements apportés par l’État partie au sujet de l’irrecevabilité des éléments de preuve recueillis sous la torture au titre de la loi de 1985 relative à l’ordonnance concernant l’administration de la preuve, mais il reste préoccupé par le fait que la loi relative à la prévention du terrorisme considère comme recevables tous les aveux obtenus par des policiers du rang de commissaire adjoint ou au-dessus (art. 16) en imposant à l’accusé la charge d’établir que ses aveux ont été obtenus sous la contrainte (par. 2 de l’article 17). Le Comité est aussi préoccupé par des informations selon lesquelles dans la plupart des affaires instruites au titre de la loi relative à la prévention du terrorisme, les seuls éléments de preuve qui font foi sont les aveux obtenus par un policier du rang de commissaire adjoint ou au-dessus. Le Comité prend par ailleurs acte avec inquiétude d’informations étayant des cas individuels de torture et de mauvais traitements dont les victimes auraient été sélectionnées au hasard par la police qui les a arrêtées et détenues pour ce qui semble être une accusation sans fondement, et auraient été ensuite soumises à la torture et à des mauvais traitements destinés à leur extorquer des aveux à ce titre (art. 2, 11, 15 et 16).

L’État partie devrait exclure explicitement tout élément de preuve obtenu par la torture et veiller à aligner sa législation, y compris sa législation antiterroriste, relative à l’administration de la preuve dans une procédure judiciaire sur les dispositions de l’article 15 de la Convention.

L’État partie devrait aussi veiller à ce que le juge demande à tous les détenus s’ils ont été maltraités ou torturés en garde à vue. Il devrait s’assurer que les juges ordonnent des examens médicaux indépendants chaque fois qu’un suspect demande au tribunal à subir un examen médical et qu’il soit procédé immédiatement à une enquête impartiale chaque fois qu’il y a des motifs de croire qu’un acte de torture a été commis, en particulier dans les cas où les seuls éléments de preuve produits consistent dans des aveux. Le juge devrait exclure de telles déclarations si le suspect le demande à l’audience et que l’examen médical corrobore ses dires. Les détenus devraient recevoir une copie confirmant leur demande d’examen médical et une copie du compte rendu d’examen lui-même.

Enregistrement de tous les détenus

12.Le Comité note que, d’après le document de base de l’État partie, au cours de la période 2000-2005, plus de 80 000 personnes ont été placées en détention chaque année, dont plus de 60 000 n’ont jamais été condamnées. Qui plus est, d’après les renseignements écrits supplémentaires fournis par la délégation de l’État partie, au 11 novembre 2011, 765 personnes étaient en détention en vertu d’ordonnances de détention administrative, mais il n’existait aucun registre central des personnes détenues au titre de la loi relative à la prévention du terrorisme. Le Comité rappelle avec inquiétude que, suite à l’application de la procédure confidentielle du Comité en vertu de l’article 20 de la Convention (A/57/44, par. 123 à 195), l’État partie l’a informé de la mise en place d’un registre central informatisé de la police. Pourtant, l’État partie indique maintenant que cela ne s’est pas fait (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce que tous les suspects faisant l’objet d’une enquête criminelle soient rapidement enregistrés dès leur arrestation et non seulement une fois leur arrestation ou mise en accusation officialisée;

b) Établir immédiatement un registre central recensant toutes les personnes placées officiellement en garde à vue, notamment les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires, des postes de police et des «centres de réadaptation», ainsi que celles détenues au titre de la loi relative à la prévention du terrorisme;

c) Publier la liste de tous les détenus et lieux de détention.

Défenseurs des droits de l’homme, avocats de la défense, journalistes et autres acteurs de la société civile en danger

13.Le Comité exprime son inquiétude devant les informations dont il ressort que des défenseurs des droits de l’homme, avocats de la défense et autres acteurs de la société civile, y compris des activistes politiques, des syndicalistes et des journalistes de médias indépendants ont été pris pour cibles de mesures d’intimidation, de harcèlement, y compris de menaces de mort, d’agressions physiques et d’accusations motivées par des raisons d’ordre politique. Il regrette que, dans bien des cas, les individus qui seraient responsables des actes d’intimidation et de représailles jouissent apparemment de l’impunité. Il note avec regret que l’État partie n’a pas pu fournir de renseignements adéquats au sujet des incidents précis sur lesquels le Comité a enquêté, y compris le cas de journalistes, comme Poddala Jayantha, Prageeth Eknaligoda et J. S. Tissainayagam, et d’avocats, comme J. C. Welliamuna et Amitha Ariyarantne. Ces affaires ont suscité un certain nombre de communications adressées au Comité par plusieurs des personnes intéressées, contenant des informations contradictoires. Il est aussi préoccupé par des informations reçues selon lesquelles le Ministère de la défense aurait publié sur son site Web des articles impliquant que des avocats de la défense étaient des «traîtres» à la nation. Le Comité est préoccupé par le fait que l’un de ces articles, intitulé «Rassemblement de traîtres en robe noire», donnait le nom de cinq avocats, accompagné de leur photo, leur faisant courir un risque d’agression (art. 2, 12, 13 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Faire en sorte que toutes les personnes, y compris celles qui veillent au respect des droits de l’homme et luttent contre la torture et l’impunité, soient protégées contre les mesures d’intimidation ou actes de violence en raison de leurs activités;

b) Prendre rapidement des mesures efficaces, y compris mener des enquêtes et engager des poursuites, pour répondre aux préoccupations concernant le climat extrêmement hostile dans lequel œuvrent les défenseurs des droits de l’homme, avocats, journalistes et autres acteurs de la société civile à Sri Lanka.

Conditions de détention dans les postes de police et les prisons

14.Le Comité est préoccupé par le degré de surpeuplement déplorable et les mauvaises conditions que connaissent les postes de police et les prisons, en particulier le manque d’hygiène, l’insuffisance des soins médicaux, l’absence de séparation des prisonniers condamnés de ceux placés en détention provisoire et des détenus adultes d’avec les jeunes délinquants, comme le signale le Rapporteur spécial sur la torture (A/HRC/7/3/Add.6 et A/HRC/13/39/Add.6). À cet égard, le Comité regrette l’absence d’informations transmises par l’État partie sur les mesures prises pour améliorer les conditions de détention des personnes placées en détention provisoire et des personnes condamnées (art. 11 et 16).

L ’ État partie devrait:

a) Veiller à ce que les conditions de détention dans les prisons du pays soient compatibles avec l’ Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux dé linquantes (Règles de Bangkok);

b) Redoubler d’efforts pour remédier au surpeuplement des prisons, en particulier en adoptant des mesures de substitution aux peines privatives de liberté;

c) Continuer d’étendre l’infrastructure carcérale et les centres de détention provisoire, y compris ceux destinés aux jeunes délinquants;

d) Prendre des mesures efficaces pour améliorer les ressources en soins de santé dans les établissements pénitentiaires et veiller à ce que les soins médicaux prodigués aux détenus soient de grande qualité.

Décès en détention

15.Le Comité s’émeut d’informations émanant d’organisations non gouvernementales faisant état de décès en détention, notamment de l’assassinat par la police de personnes soupçonnées d’avoir commis des actes criminels à l’occasion d’«affrontements» ou de tentatives d’«évasion» qui auraient été montés de toutes pièces. Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a rapporté pour l’ensemble de la période 2006-2011 que deux cas de décès en détention, dans lesquels il a été établi que la cause du décès était le suicide, alors que dans son document de base pour une période comparable, 2000-2005, il avait signalé environ 65 décès en détention par an, toutes causes de décès confondues (HRI/CORE/LKA/2008, p. 87 de la version anglaise).

Le Comité exhorte l’État partie à enquêter rapidement, à fond et impartialement sur tous les décès de détenus en appréciant la responsabilité que pourraient avoir les personnels des forces de l’ordre et des établissements pénitentiaires, et prévoir, le cas échéant, l’imposition de sanctions aux responsables et l’indemnisation de la famille des victimes.

L ’ État partie devrait fournir des données détaillées concernant les cas signalés de décès en détention, ventilées par lieu de détention, sexe, âge, origine ethnique du défunt et cause du décès.

Suivi des établissements de détention

16.Le Comité constate certes les vastes pouvoirs d’enquête conférés à la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka, pour enquêter sur les violations des droits de l’homme, par l’article 11 de la loi no 21 de 1996 relative à la Commission des droits de l’homme, mais s’alarme de l’inactivité dont elle ferait preuve, de l’absence de coopération de la police et des pouvoirs publics et de ses ressources limitées, ainsi que des obstacles à son indépendance et à son impartialité, tenant à l’adoption du dix-huitième amendement à la Constitution sri-lankaise, qui confie au seul chef de l’État la nomination de ses membres. Le Comité est aussi préoccupé par le fait que, contrairement aux informations fournies par l’État partie, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) n’est pas autorisé à visiter les «centres de réadaptation» ou autres structures dans lesquels sont détenus des suspects des LTTE qui n’ont pas encore été mis officiellement en accusation. Il note avec inquiétude qu’en 2009 l’administration militaire des camps d’internement fermés pour personnes déplacées dans leur propre pays en a refusé l’accès aux organisations humanitaires, notamment à l’Organisation des Nations Unies et au CICR (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

Le Comité invite l’État partie à créer un mécanisme national indépendant chargé de contrôler et d’inspecter effectivement tous les lieux de détention, dont les établissements qui détiennent des suspects des LTTE et les camps fermés pour personnes déplacées, et à donner suite aux conclusions de ses contrôles systématiques.

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour soutenir les travaux de la Commission des droits de l’homme de Sri Lanka, en veillant à ce que ses recommandations soient pleinement mises en œuvre. Il devrait aussi fournir des informations détaillées sur la suite donnée aux recommandations faites par la Commission à l’occasion de sa visite au poste de police de Mount Lavinia, le 15 août 2011.

L’État partie devrait renforcer les capacités des organisations non gouvernementales qui entreprennent des activités de contrôle et adopter toutes les mesures voulues pour leur permettre de procéder à des visites impromptues, indépendantes et périodiques des lieux de détention.

Le Comité encourage vivement l’État partie à envisager la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cru els, inhumains ou dégradants en vue de mettre en place un système de visites impromptues régulières d’organes de contrôle nationaux et internationaux, afin d’empêcher la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Commission des droits de l’homme de Sri Lanka

17.Le Comité est préoccupé par le fait que le nouveau processus de nomination mis en place par le dix-huitième amendement à la Constitution sri-lankaise (septembre 2010), qui met fin au rôle du Parlement dans l’approbation des nominations, nuit à l’indépendance de la Commission. Il est aussi préoccupé par les difficultés rencontrées par la Commission pour s’acquitter de sa mission en raison en partie du manque de coopération des autres institutions de l’État partie et de ressources humaines et financières limitées, qui ont réduit son aptitude à enquêter sur des incidents spécifiques et à faire des recommandations pour y remédier, et le fait que ses rapports d’enquête ne sont pas publiés.

L’État partie devrait veiller à ce que la Commission des droits de l’homme s’acquitte effectivement de son mandat et reçoive les ressources nécessaires à cet effet. Il devrait faire en sorte que la Commission puisse ouvrir et mener des enquêtes en toute indépendance sur les cas présumés et possibles de torture et de mauvais traitements, y compris ceux concernant des locaux militaires, de même que les «centres de réadaptation» et autres établissements contrôlés par les pouvoirs publics, tels que les «centres de protection sociale», et en publier les résultats. L’État partie devrait mettre en place un processus de sélection consultatif et transparent pour garantir la pleine indépendance de la Commission, conformément aux Principes de Paris.

Impunité pour les actes de torture et mauvais traitements

18.Le Comité reste préoccupé par le climat d’impunité qui prévaut dans l’État partie et l’absence apparente d’enquête rapide et impartiale chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. Il note également l’absence de mécanisme de contrôle indépendant efficace pour enquêter sur les plaintes dénonçant des actes de torture. Le Comité exprime son inquiétude devant les informations selon lesquelles le bureau de l’Attorney général aurait cessé de renvoyer les affaires à l’Unité spéciale d’enquête de la police et devant le grand nombre d’affaires encore en suspens. Il est aussi préoccupé par les nombreuses informations faisant état de l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire (art. 11, 12 et 13).

L’État partie devrait:

a) Veiller à ce qu’il soit procédé rapidement à une enquête impartiale sur toutes les plaintes dénonçant des actes de torture ou des mauvais traitements. En particulier, ces enquêtes devraient être placées sous la responsabilité d’un organe indépendant et non sous celle des services de police;

b) Instaurer un mécanisme indépendant d’examen des plaintes pour toutes les personnes privées de liberté;

c) D éclen cher spontanément des enquêtes rapides et impartiales chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu ’ un acte de torture a été commis ;

d) Veiller à ce que le bureau de l’Attorney général remplisse son devoir de soumettre les affaires à l’Unité spéciale d’enquête de la police;

e) En cas de présomption de torture, veiller à ce que les suspects soient immédiatement suspendus de leurs fonctions pendant la durée de l ’ enquête, en particulier s ’ il existe un risque qu ’ils soient en mesure de récidiver ou d’ entraver l ’ enquête ;

f) Veiller, dans la pratique, à ce que les plaignants et les témoins soient protégés contre tout mauvais traitement et tout acte d ’ intimidation lié à le ur plainte ou à leur témoignage;

g) Traduire en justice les auteurs présumés d’actes de torture ou de mauvais traitements et, s’ils en sont reconnus coupables, veiller à ce que les peines infligées soient proportionnelles à la gravité de leurs actes. À cet égard, l’État partie devrait prendre des mesures d’ordre législatif pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Protection des témoins et des victimes

19.Le Comité reste préoccupé par l’absence de mécanisme efficace permettant d’assurer la protection des témoins et des victimes de violations des droits de l’homme et de leur venir en aide, au détriment de la disposition et de l’aptitude des témoins et des victimes à participer à des enquêtes ou à témoigner en justice. À cet égard, il est préoccupé par l’impunité dans des affaires d’agression contre des témoins et des victimes comme l’illustre l’affaire de Gerald Perera et des personnes qui auraient été impliquées dans son meurtre après qu’il eut formulé des allégations de torture contre plusieurs policiers. Le Comité constate avec préoccupation qu’un projet de loi relatif à la protection des témoins et des victimes est à l’ordre du jour du Parlement depuis 2008. Il regrette que l’État partie ait fourni peu d’informations de fond au sujet de l’affaire Siyaguna Kosgodage Anton Sugath Nishanta Fernando , du nom de l’auteur d’une plainte pour torture portée devant la Cour suprême, qui a été tué le 20 septembre 2008 par des hommes équipés d’armes à feu, non identifiés. La victime avait demandé à maintes reprises des mesures de protection contre les auteurs présumés pour elle-même et sa famille (art. 2, 11, 12, 13 et 15).

Le Comité réitère sa recommandation antérieure (CAT/C/LKA/CO/2, par. 15), à savoir que l’État partie devrait veiller à ce que les témoins et les victimes de violations des droits de l’homme soient effectivement protégés et aidés, en particulier en s’assurant que les auteurs de telles violations n’exercent pas d’influence sur les mécanismes de protection et soient tenus responsables de leurs actes.

Personnes déplacées

20.Le Comité constate qu’au moment où le conflit armé touchait à sa fin, en 2009, près de 280 000 personnes ont fui les régions du nord contrôlées par les LTTE pour gagner les territoires contrôlés par le Gouvernement dans les districts de Vavuniya, Mannar, Jaffna et Trincomalee où la grande majorité d’entre elles ont rejoint des camps d’internement militaires fermés. Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie au sujet des efforts considérables déployés pour répondre à l’arrivée massive de personnes déplacées, il demeure préoccupé par la situation de ces personnes dans le pays, en particulier de celles qui demeurent dans des «centres de protection sociale». D’après l’État partie, les personnes déplacées se sont vu proposer dans un premier temps de vivre dans «un environnement sûr et d’être prises en charge pendant qu’elles faisaient l’objet d’un contrôle destiné à identifier le(s) cadre(s) terroriste(s) qui avai(en)t infiltré la population civile secourue à l’issue du conflit armé». Cependant, le Comité demeure préoccupé par les allégations persistantes de torture et de mauvais traitements qui seraient pratiqués au cours des interrogatoires des résidents par le Département d’enquête criminelle et le Département d’enquête terroriste. Il s’inquiète de ce que ces allégations n’aient pas fait l’objet d’enquêtes en dehors du processus mis en œuvre par la Commission des enseignements et de la réconciliation et qu’aucune mesure d’ordre judiciaire n’ait été prise. Il est aussi préoccupé par des informations faisant état de surpeuplement massif, de manque d’hygiène et d’installations sanitaires défaillantes, de malnutrition, de soins médicaux et psychologiques insuffisants et de l’absence de liberté des résidents des camps pendant et après les dernières phases de la guerre (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait:

a) Adopter les mesures nécessaires pour garantir l’intégrité physique et répondre aux besoins spéciaux des personnes déplacées, conformément aux Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l ’intérieur de leur propre pays (E/CN.4/1998/53/Add.2), y compris en leur apportant les soins médicaux et psychologiques dont elles ont besoin;

b) Veiller à ce que des enquêtes soient menées sur les cas de torture présumés, y compris de violences sexuelles, contre les résidents des camps et à ce que les auteurs de tels actes soient traduits en justice;

c) Prévoir des programmes de formation permanente obligatoire en ce qui concerne les droits de l’homme, les déplacements internes et la violence à motivation sexiste, à l’intention des personnels des forces armées et de maintien de l’ordre en service dans les camps.

Processus de détermination des responsabilités et Commission des enseignementset de la réconciliation

21.Le Comité note qu’un certain nombre de commissions spéciales d’enquête se sont penchées sur les violations des droits de l’homme, dont la Commission présidentielle d’enquête, chargée d’enquêter sur de graves violations des droits de l’homme qui auraient été commises depuis le 1er août 2005, qui d’après le Groupe international indépendant de personnes éminentes ne répondait pas aux normes internationales d’indépendance, de protection des témoins et des victimes, et de transparence. Le Comité prend acte des informations sur le mandat, la composition et les méthodes de travail de la Commission des enseignements et de la réconciliation et du Comité consultatif interinstitutions, créés respectivement en mai et septembre 2010. Il relève les assurances données par la délégation de l’État partie, à savoir que la Commission des enseignements et de la réconciliation est habilitée à transmettre les plaintes reçues «avec la possibilité de l’ouverture immédiate d’une enquête et de l’adoption de mesures propres à remédier à la situation» et que l’Attorney général est «habilité à engager des procédures pénales en se fondant sur les éléments recueillis pendant que la Commission des enseignements et de la réconciliation formulait ses recommandations». Il regrette néanmoins le mandat apparemment limité confié à celle-ci et son manque présumé d’indépendance. Il regrette aussi que l’État partie ait fourni peu d’informations sur les enquêtes menées au sujet des allégations de violations graves du droit international des droits de l’homme, comme la torture, y compris le viol et les disparitions forcées et d’autres formes de maltraitance qui se seraient produites au cours des dernières phases du conflit et pendant la phase postérieure, rapportées par de nombreuses sources, dont le Rapporteur spécial sur la torture, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et la Commission consultative d’experts instituée par le Secrétaire général en vue d’instituer un mécanisme d’établissement des responsabilités à Sri Lanka. Il note que l’État partie fait valoir que la Commission des enseignements et de la réconciliation «a pris connaissance de toutes les allégations», mais déplore n’avoir reçu aucune information en ce sens. Il constate que l’État partie «(...) attendra le rapport de la Commission des enseignements et de la réconciliation avant d’envisager l’adoption de nouvelles mesures» et qu’«il lui apportera une réponse détaillée» sur la mise en œuvre de programmes destinés à venir en aide aux victimes de torture et de mauvais traitements commis pendant le conflit armé «une fois que le rapport de la Commission des enseignements et de la réconciliation aura été achevé et rendu public» (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

Suivant l ’ initiative de la Commission des enseig nements et de la réconciliation, l’État partie devrait ouvrir rapidement des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de violations de la Convention, notamment de torture, viol, disparitions forcées et autres formes de maltraitance, survenues au cours des dernières phases du conflit et pendant la phase postérieure, afin de demander des comptes aux responsables et d’apporter une réparation effective aux victimes de ces violations.

L’État partie devrait envisager aussi la possibilité d’accepter un organe international d’enquête qui se pencherait sur les problèmes posés dans le passé par le manque de crédibilité des précédentes enquêtes et toute préoccupation que pourrait encore susciter la Commission des enseig nements et de la réconciliation.

Violences faites aux femmes, y compris les violences sexuelles

22.Le Comité prend acte avec inquiétude des informations faisant état d’un nombre croissant de cas de violences faites aux femmes, dont des actes de violence sexuelle et familiale, ainsi que du peu d’informations fournies à ce sujet par l’État partie. Il note par ailleurs avec préoccupation que la violence familiale et le viol conjugal ne sont pris en considération qu’après qu’un juge a reconnu juridiquement la séparation des époux. Il s’inquiète aussi des cas signalés de viol en temps de guerre et d’autres actes de violence sexuelle survenus au lendemain du conflit, en particulier dans les camps dirigés par les forces armées (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait mener des enquêtes rapides, impartiales et efficaces sur toutes les allégations de violence sexuelle, engager des poursuites contre les suspects et les sanctionner.

Le Comité réitère la recommandation faite par le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes (CEDAW/C/LKA/CO/7), à savoir que l’État partie devrait élargir l ’ incrimination du viol conjugal, que la séparation ait été ou non reconnue par la justice .

L’État partie devrait fournir au Comité des informations sur les enquêtes menées sur les affaires de viol en temps de guerre et autres actes de violence sexuelle qui se sont produits au cours des dernières phases du conflit et pendant la phase postérieure ainsi que sur le résultat de ces procès, notamment des informations sur les peines infligées et les mesures de réparation et d’indemnisation offertes aux victimes.

Exploitation sexuelle des enfants et autre maltraitance imputables aux casques bleus

23.Le Comité exprime sa profonde préoccupation au sujet des allégations d’exploitation et d’abus sexuel de mineurs par des militaires du contingent sri-lankais de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) en 2007. Tout en notant les informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles les troupes en question ont été rapatriées et que l’affaire a été réglée conformément au droit militaire, le Comité regrette l’absence d’informations disponibles sur les actes d’accusation précis ou les peines infligées aux 114 militaires du contingent sri-lankais qui ont été rapatriés pour des raisons disciplinaires (art. 2, 5, 12 et 16).

L’État partie devrait mener des enquêtes sur les allégations d’incidents d’exploitation et d’abus sexuels imputables à des militaires du contingent sri-lankais de la MINUSTAH et faire rapport sur les conclusions de ces enquêtes et les mesures prises pour donner suite à ces conclusions, y compris le nombre de mises en accusation, de poursuites engagées et de condamnations prononcées, et les mesures prises pour empêcher que de tels faits ne se reproduisent. Le Comité encourage l’État partie à poursuivre sa coopération avec les services compétents de l’Organisation des Nations Unies pour garantir que des progrès soient faits dans ce domaine.

Traite des êtres humains et violence à l’encontre de travailleurs migrants sri-lankais

24.Tout en prenant acte de l’adoption en 2006 de la loi no 16 portant modification du Code pénal, le Comité est préoccupé par des informations persistantes faisant état de trafic de femmes et d’enfants sur le territoire de l’État partie à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, le faible nombre de condamnations pour traite d’êtres humains et la détention des victimes de la traite. De même, il est préoccupé par la maltraitance dont seraient victimes de nombreux travailleurs migrants sri-lankais, en particulier des femmes, qui se rendent à l’étranger et se trouvent alors soumis à des conditions de travail forcé ou d’autres formes de maltraitance dans le pays hôte, comme le représentant de l’État partie l’a dénoncé. À cet égard, le Comité note avec intérêt la déclaration du représentant de l’État partie selon laquelle le projet de Plan national d’action pour les droits de l’homme comporte une partie consacrée à la protection des travailleurs migrants sri-lankais (art. 2, 12 et 16).

L’État partie devrait:

a) Redoubler d’efforts pour lutter contre la traite des êtres humains en prenant des mesures efficaces pour enquêter sur les faits de cette nature, et poursuivre et sanctionner leurs auteurs, et en renforçant encore la coopération internationale avec les pays d’origine, de transit et de destination;

b) Revoir sa législation et ses pratiques afin que les victimes de la traite ne soient pas poursuivies, détenues ou sanctionnées pour le caractère illégal de leur entrée ou de leur séjour sur le territoire sri-lankais ou pour les activités dans lesquelles elles sont impliquées en conséquence directe de leur condition de victimes de la traite;

c) Donner pour instructions aux autorités consulaires ou diplomatiques d’assurer une protection et une aide aux travailleurs migrants sri-lankais afin de protéger leur droit à ne pas subir d’actes de violence, de détention et de maltraitance commis en violation de la Convention;

d) Envisager la possibilité de ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants , et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la crimi nalité transnationale organisée.

Définition de la torture

25.Le Comité réitère l’idée que la définition de la torture donnée à l’article 12 de la loi de 1994 relative à la Convention contre la torture ne reflète pas tout à fait la définition, dont il a été convenu à l’échelon international, énoncée dans la Convention. La définition donnée dans la loi restreint en effet l’acte de torture à «tout acte qui provoque une douleur aiguë, qu’elle soit physique ou mentale», alors que la Convention vise la «douleur ou [les] souffrances aiguës». La loi ne couvre donc pas les actes qui ne sont pas violents en soi mais qui infligent malgré tout des souffrances (art. 1 et 4).

Le Comité réitère la recommandation faite dans ses observations finales précédentes (CAT/C/LKA/CO/2, par. 5), à savoir que l’État partie devrait modifier la définition de la torture donnée à l’article 12 de la loi relative à la Convention contre la torture afin d’étendre la définition de la torture à tous les actes de torture, y compris à ceux par lesquels des souffrances aiguës sont infligées, conformément à l’article premier de la Convention. À ce propos, le Comité appelle l’attention sur son Observation générale n o 2 (2007), selon laquelle s i la définition de la torture en droit interne est trop éloignée de c elle énoncée dans la Convention le vide juridique réel ou potentiel qui en découle peut ouvrir la voie à l ’ impunité (CAT/C/GC/2, par. 9) .

Compétence pour connaître des actes de torture

26.Tout en prenant note des informations fournies par l’État partie au sujet de l’application des articles 5 à 8 de la Convention, le Comité regrette le manque de clarté sur le point de savoir si les mesures nécessaires établissant la compétence de l’État partie aux fins de connaître des actes de torture ont été prises. Alors que la loi de 1994 relative à la Convention contre la torture prévoit que l’État partie est compétent pour connaître des actes commis par les auteurs présumés d’actes de torture présents sur son territoire, qu’ils soient ou non ressortissants de Sri Lanka, le Comité ne voit pas bien si la loi prévoit l’établissement de la compétence universelle ou si la décision en la matière relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour suprême, comme le donne à entendre le paragraphe 2 de l’article 4 de la loi. Qui plus est, l’article 7 de la loi semble exiger le rejet d’une demande d’extradition pour que l’affaire puisse être soumise aux autorités compétentes. Le Comité rappelle sa jurisprudence concernant la teneur de l’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere, aut judicare), dont il ressort que l’obligation de l’État partie de poursuivre l’auteur présumé d’actes de torture ne dépend pas de l’existence préalable d’une demande d’extradition (art. 5, 6, 7 et 8).

L’État partie réitère la recommandation qu’il a faite précédemment (CAT/C/LKA/CO/2, par. 10) selon laquelle l’État partie devrait veiller à ce que sa législation interne permette l’établissement de sa compétence sur les actes de torture, conformément à l’article 5 de la Convention, en prévoyant notamment l’ouverture d’une action pénale, conformément à l’article 7, contre les étrangers qui ont commis des actes de torture en dehors du territoire de l’État partie mais se trouvent sur son territoire et n’ont pas été extradés.

Réfugiés, non-refoulement

27.Le Comité note avec inquiétude l’absence de législation interne ou de politique nationale garantissant la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile dans l’État partie et des personnes nécessitant une protection internationale. Il regrette l’absence d’informations fournies par l’État partie sur le nombre de cas de refoulement, d’extradition et d’expulsion enregistrés pendant la période à l’examen et sur le nombre de cas où il a offert des assurances diplomatiques ou des garanties (art. 3).

L’État partie devrait adopter une politique nationale, ainsi que les mesures législatives et administratives nécessaires pour garantir la protection des réfugiés, demandeurs d’asile et apatrides.

Le Comité encourage l’État partie à envisager la possibilité de ratifier la Convention relative au statut des réfugiés et le Protocole relatif au statut des réfugiés, la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie.

Formation

28.Le Comité prend note des informations sur la formation des personnels des services de police et des forces armées en matière de droits de l’homme contenues dans le rapport de l’État partie et des réponses à la liste des points à traiter. Il regrette toutefois l’absence d’informations sur l’évaluation de ces programmes et la réduction du nombre de cas de torture et de mauvais traitements, et le fait qu’aucune formation spécifique n’est dispensée au personnel médical des lieux de détention pour lui permettre de détecter des signes de torture et de mauvais traitements (art. 10 et 11).

L’État partie devrait:

a) Continuer de prévoir des programmes de formation obligatoire pour que tous les fonctionnaires, en particulier les personnels des services de police et des forces armées, se familiarisent avec les dispositions de la Convention, sachent que les manquements ne sont pas tolérés mais font l’objet d’enquêtes et que leurs auteurs sont traduits en justice;

b) Évaluer l’efficacité et l’impact des programmes de formation et de l’éducation sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements;

c) Soutenir la formation à l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) de tous les personnels intéressés, notamment médical.

Réparation, y compris l’indemnisation et la réadaptation

29.Le Comité prend note des déclarations de l’État partie qui a expliqué que, en vertu de leur compétence en matière de droits fondamentaux, les juridictions sri-lankaises peuvent accorder une indemnisation (529 plaintes ont été déposées contre des policiers depuis 2006), que, dans un certain nombre de cas, la Cour suprême a accordé une indemnisation pécuniaire aux victimes de torture et qu’une indemnisation peut être obtenue par le biais d’une action en dommages et intérêts auprès du tribunal de district. Cependant, le Comité relève des informations dont il ressort que les sommes accordées à titre d’indemnisation sont variables. À ce propos, il regrette que le rapport de l’État partie ne donne pas de précisions sur les décisions rendues par la Cour suprême et les tribunaux de district en matière d’indemnisation des victimes de torture et de mauvais traitements ou de leur famille et sur les sommes versées en pareil cas. Il note aussi avec inquiétude que ni la loi de 1994 relative à la Convention contre la torture ni le droit pénal ne prévoient d’indemnisation ou d’autres formes de réparation en faveur des victimes de torture. Enfin, il regrette le manque d’informations fournies sur les services de traitement et de réadaptation sociale, y compris médicale et psychosociale, à la disposition des victimes de torture (art. 14).

L’État partie devrait redoubler d’efforts pour assurer une réparation aux victimes de torture et de mauvais traitements, y compris une indemnisation juste et suffisante, ainsi qu’une réadaptation la plus complète possible.

Le Comité réitère la recommandation qu’il a formulée précédemment (CAT/C/LKA/CO/2, par. 16), tendant à ce que l’État partie veille à ce que les victimes de torture et de mauvais traitements puissent se prévaloir de programmes de réparation appropriés, y compris d’une assistance médicale et psychosociale.

Châtiments corporels

30.Le Comité note que, bien que les châtiments corporels soient interdits en tant que sanction pénale par la loi no 23 de 2005 relative aux châtiments corporels, ceux-ci ne sont pas interdits en tant que mesure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires pour jeunes délinquants, en famille ou dans les structures de soins de substitution, en vertu de l’article 82 du Code pénal. Il note aussi avec préoccupation que, malgré la publication en 2005 de la circulaire no 2005/17 du Ministère de l’éducation déclarant que les établissements d’enseignement ne devraient pas infliger de châtiments corporels, la loi ne l’interdit pas et que leur usage est encore répandu (art. 10 et 16).

L’État partie devrait envisager de modifier son Code pénal en vue d’interdire les châtiments corporels en tout lieu et de sensibiliser l’opinion à cette question.

Documentation exigée sur l’application de la Convention

31.Malgré la recommandation qu’il a formulée précédemment tendant à ce que l’État partie lui fournisse des données statistiques détaillées sur toutes sortes de questions essentielles d’ordre criminel et d’autres questions statistiques (CAT/C/LKA/CO/2, par. 19), le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie s’en est abstenu que ce soit dans son rapport périodique, sa réponse à la liste de points à traiter ou la documentation supplémentaire fournie par écrit. L’absence de données complètes et détaillées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de torture et de mauvais traitements infligés par des agents des forces de l’ordre, des militaires et des personnels pénitentiaires, ainsi que sur les disparitions forcées, les viols et les violences faites aux femmes, et les autres formes de torture et de mauvais traitements, nuit au recensement des violations qui méritent d’être prises en considération et à l’application effective de la Convention (art. 2 et 19).

L’État partie devrait rassembler des données statistiques utiles pour la surveillance de l’application de la Convention aux niveaux national et local, ventilées par sexe, appartenance ethnique, âge, région géographique et type et lieu du centre de privation de liberté, en incluant des données relatives aux plaintes, aux enquêtes et aux poursuites dans les affaires de torture et de mauvais traitements infligés par des agents des forces de l’ordre, des militaires et des personnels pénitentiaires, ainsi que sur les disparitions forcées, les viols et les violences faites aux femmes.

32.Notant les engagements volontaires pris par l’État partie à l’occasion de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme en mai 2008 (A/HRC/8/46, par. 90 et 108 à 110), le Comité recommande à l’État partie d’envisager d’adopter le projet de loi relatif à la protection des témoins et des victimes et du projet de loi relatif aux droits des personnes déplacées, d’améliorer et de rénover les établissements de détention et de renforcer la capacité des services de police à mener des enquêtes, en leur permettant de suivre une formation supplémentaire en matière d’interrogatoire et de poursuites.

33.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

34.Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

35.Le Comité invite l’État partie à envisager de ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie.

36.Le Comité encourage l’État partie à diffuser largement les rapports qu’il a soumis au Comité et les présentes observations finales, dans toutes les langues officielles, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

37. L’État partie est invité à mettre à jour son document de base commun (HRI/CORE/LKA/2008) conformément aux instructions relatives au document de base qui figurent dans les Directives harmonisées pour l’établissement des rapports à présenter en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN.2/Rev.6).

38.Le Comité invite l’État partie à soumettre, d’ici au 25 novembre 2012, des informations sur la suite donnée aux recommandations du Comité au sujet 1) du respect ou du renforcement des garanties juridiques offertes aux personnes placées en détention, 2) de la conduite d’enquêtes rapides, impartiales et efficaces, et 3) des poursuites engagées contre des suspects et des peines infligées aux auteurs d’actes de torture ou de mauvais traitements, visées aux paragraphes 7, 11, 18 et 21 du présent document. En outre, le Comité aimerait recevoir des informations sur la suite donnée aux recommandations concernant les recours et la réparation offerts aux victimes dont il est question dans ces paragraphes.

39.L’État partie est invité à faire parvenir son prochain rapport périodique, qui sera son cinquième rapport, avant le 25 novembre 2015. À cet effet, le Comité invite l’État partie à accepter d’ici au 25 novembre 2012 de faire rapport au titre de la procédure facultative d’établissement des rapports, qui consiste dans la transmission par le Comité à l’État partie d’une liste de questions à traiter avant la soumission du rapport périodique. Les réponses de l’État partie à la liste des points à traiter constitueront, conformément à l’article 19 de la Convention, son prochain rapport périodique.