NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/CAF/CO/227 juillet 2006

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME

Quatre-vingt septième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES

CONFORMÉMENT Á L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

République centrafricaine

Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique de la République centrafricaine (CCPR/C/CAF/2004/2) à ses 2373 e et 2374 e  séances, les 12 et 13 juillet 2006 (CCPR/C/SR.2373 et 2374). Il a adopté les observations finales ci-après à sa 2391 e  séance (CCPR/C/SR.2391), le 25 juillet 2006.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation du deuxième rapport périodique de la République centrafricaine et se félicite de l’occasion qui lui est ainsi offerte de renouer le dialogue avec l’État partie, après presque 20 ans d’interruption, puisque ce dernier n’avait pas été en mesure de soumettre son rapport en 2004. Le Comité est d’avis que la non-présentation du rapport pendant une aussi longue période, même si elle a été difficile pour le pays, constitue un manquement aux obligations qui incombent à la République centrafricaine, en vertu de l’article 40 du Pacte, et un obstacle à une réflexion plus approfondie sur les mesures qui doivent être adoptées pour assurer la bonne application du Pacte. Le Comité invite l’État partie à respecter dorénavant la périodicité établie par le Comité pour la présentation des rapports.

GE.06-43506

B. Aspects positifs

Le Comité note les efforts déployés par l’État partie pour assurer un meilleur respect des droits de l’homme et instaurer l’état de droit en République centrafricaine. Il note également que la délégation s’est engagée à mettre en œuvre les recommandations du Comité, et ce dans les plus brefs délais.

Le Comité salue l’adoption de l’ordonnance nº 05.002 du 22 février 2005, portant loi organique sur la liberté de la presse et de la communication, qui dépénalise les délits de presse.

Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie en matière de justice pour mineurs, notamment la création de tribunaux pour enfants en 2001, et du fait que les mineurs ne sont plus incarcérés.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité note que le préambule de la Constitution du 27 décembre 2004 réaffirme l’attachement de l’État partie au Pacte ainsi qu’à d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il regrette cependant que le Pacte n’ait pas été pleinement intégré dans la législation interne et qu’il n’ait pas encore été invoqué devant les tribunaux ou les autorités administratives (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait s’assurer que sa législation donne plein effet aux droits reconnus dans le Pacte. Il devrait faire connaître le Pacte à l’ensemble de la population et principalement aux responsables de l’application de la loi. L’État partie devrait veiller à ce qu’il existe des voies de recours pour garantir l’exercice de ces droits.

Le Comité constate avec préoccupation que de nombreuses et graves violations des droits de l’homme ont été commises en toute impunité—et continuent de l’être—sur le territoire de la République centrafricaine. Il observe que, lorsque des sanctions sont prononcées, elles sont souvent d’ordre administratif et disciplinaire, mais non d’ordre judiciaire (art. 2 du Pacte).

L’État partie devrait prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que toutes les violations des droits de l’homme portées à sa connaissance font l’objet d’enquêtes et que les responsables de telles violations, y compris les fonctionnaires, militaires et forces de l’ordre, sont poursuivis et sanctionnés pénalement.

Le Comité note avec préoccupation que les autorités n’ont, à ce jour, procédé à aucune évaluation exhaustive et indépendante des graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire perpétrées sur le territoire de la République centrafricaine et que les victimes n’ont pas reçu réparation (art.2, 6 et 7).

L’État partie doit s’engager, en toutes circonstances, à garantir que les victimes des violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire disposent d’un recours utile et que bonne suite y sera donnée, en veillant au respect du droit à indemnisation et à la réparation la plus complète possible. L’État partie devrait s’appliquer à mettre en œuvre rapidement les recommandations du « dialogue national » visant à la création d’une commission vérité et réconciliation.

Le Comité note avec préoccupation la persistance de la discrimination à l’égard des femmes, aussi bien dans l’exercice des droits politiques que dans le domaine de l’éducation. Il est également préoccupé de la discrimination qui s’exerce à l’égard des femmes dans le cadre du mariage, notamment en ce qui concerne l’exercice de l’autorité parentale et le choix de la résidence. Le Comité note avec préoccupation l’affirmation de l’État partie selon laquelle, en dépit de sa volonté d’entamer des réformes pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes, ces dernières ne souhaitent pas jouir des mêmes droits que les hommes. Le Comité appelle l’attention de la République centrafricaine, en particulier, sur son observation générale nº 28 ( CCPR/C/21/Rev.1/Add.10 ), en date du 29 mars 2000, relative à l’égalité des droits entre hommes et femmes (art. 3, 23, 25 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait accélérer la mise en conformité du Code de la famille avec les instruments internationaux, y compris les articles 3, 23 et 26 du Pacte, notamment en ce qui concerne l’exercice de l’autorité parentale et le choix de la résidence.

L’État partie devrait renforcer ses efforts en vue de sensibiliser les femmes à leurs droits, promouvoir leur participation à la vie politique, et garantir leur accès à l’éducation et à l’emploi. L’État partie devrait, dans son prochain rapport, informer le Comité des actions entreprises et des résultats obtenus.

Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore aboli la polygamie, pratique discriminatoire qui porte atteinte à la dignité de la femme et qui est incompatible avec les principes consacrés par le Pacte. À cet égard, le Comité appelle l’attention de la République centrafricaine sur son observation générale n o  28 susmentionnée ( CCPR/C/21/Rev.1/Add.10, par. 24 ), relative à l’égalité des droits entre hommes et femmes (art. 3 et 26 du Pacte).

L’État partie devrait abolir la polygamie et la combattre par des moyens efficaces.

Tout en notant que l’État partie a entamé des efforts pour mettre fin aux mutilations génitales féminines, le Comité n’en reste pas moins préoccupé par la persistance de cette pratique contraire à la dignité humaine et regrette qu’elle ne soit pas sanctionnée par le Code pénal (art. 3 et 7 du Pacte).

L ’État partie devrait intensifier ses efforts de sensibilisation contre les mutilations génitales féminines, en particulier au sein des communautés où elles sont encore très répandues. L’État partie devrait veiller à ce que les mutilations génitales féminines soient passibles de peines pénales et à ce que leurs auteurs soient traduits en justice.

Le Comité demeure préoccupé par le nombre important de disparitions forcées et d’exécutions sommaires ou arbitraires en République centrafricaine. Le Comité note également avec inquiétude les informations selon lesquelles la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants seraient des pratiques courantes dans l’État partie, et s’inquiète de l’impunité dont semblent jouir les forces de l’ordre responsables de ces violations. Le Comité se déclare vivement préoccupé par les informations figurant dans le rapport de l’État partie selon lesquelles l’Office central de répression du banditisme « pratique systématiquement des exécutions sommaires et extrajudiciaires en toute impunité » ( CCPR/C/CAF/2004/2, par. 204). Le Comité se déclare aussi préoccupé du fait que, dans un cas, des militaires ont envahi une gendarmerie pour s’emparer d’un détenu, le torturer et l’assassiner (affaire Sanzé), et s’inquiète que de telles exactions relèvent de la justice militaire (art.2, 6, 7 et 9 du Pacte).

L’État partie devrait garantir que toutes les allégations de telles violations font l’objet d’enquêtes menées par une autorité indépendante et que les responsables de tels actes sont poursuivis et sanctionnés comme il convient. Dans cette optique, l’État partie devrait améliorer la formation des agents de l’État dans ce domaine. Les victimes devraient bénéficier de la réparation à laquelle elles ont droit. L’État partie devrait fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les plaintes déposées pour de telles violations, indiquer le nombre de personnes poursuivies et condamnées, y compris les membres ou les anciens membres de l’Office central de répression du banditisme, et préciser les réparations accordées aux victimes, au cours des trois dernières années .

Le Comité note avec inquiétude que, selon l’État partie, bien qu’elle n’ait pas été appliquée depuis 1981, la peine de mort ne peut pas être abolie en République centrafricaine en raison de l’opposition de l’opinion publique et du taux élevé de criminalité. Le Comité note également que l’État partie a accepté de reconsidérer sa décision d’ajouter des crimes inscrits dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale à la liste des infractions passibles de la peine capitale. Il rappelle néanmoins que le Statut de Rome ne prévoit pas la peine de mort pour de telles infractions (art. 2 et 6 du Pacte).

Conformément aux dispositions de l’article 6 du Pacte et dans l’optique de la politique d’abolition de facto de la peine capitale en République centrafricaine , l’État partie devrait garantir que la peine de mort n’est pas

élargie à des crimes qui n’en sont pas passibles . L’État partie est encouragé à abolir la peine capitale et à adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Le Comité se déclare préoccupé par la durée légale de la garde à vue qui peut être prolongée jusqu’à 16 jours, une durée excessive qui est souvent dépassée dans les faits. En outre, le Comité note avec préoccupation que la réglementation dans ce cas ne garantit pas le droit de la personne gardée à vue d’avoir accès à un avocat, à un médecin et à sa famille. Le Comité note avec préoccupation qu’il n’existe aucune limite légale à la durée de la détention provisoire (art. 7 et 9 du Pacte).

L’État partie devrait s’assurer que la durée légale de la garde à vue et de la détention provisoire est limitée dans le nouveau Code de procédure pénale, conformément aux dispositions du Pacte, et garantir que cette durée légale est respectée. Le droit des personnes gardées à vue ou en détention provisoire d’avoir accès à un avocat, à un médecin et à leur famille devrait être prévu par le nouveau Code de procédure pénale. L’État partie est invité à fournir, dans son prochain rapport, des informations précises sur les mesures adoptées pour faire respecter dans la pratique les droits des personnes gardées à vue, ainsi que sur les méthodes de contrôle des conditions de garde à vue.

17. Le Comité s’inquiète des mauvaises conditions de détention dans les institutions pénitentiaires du pays, lesquelles, selon l’État partie, se trouvent aujourd’hui dans un état de délabrement avancé. Le Comité est particulièrement préoccupé par la malnutrition dont souffrent la plupart des prisonniers (art. 10, par. 1, du Pacte).

L’État partie devrait veiller à ce que les conditions de détention dans les institutions pénitentiaires du pays soient en conformité avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (A/CONF.6/1) et à ce que tous les prisonniers reçoivent de la nourriture en quantité suffisante. L’État partie est encouragé à renforcer ses efforts en vue de reconstruire ses institutions pénitentiaires.

Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles l’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas respectée dans les faits (art. 14 du Pacte).

L ’État partie devrait lutter contre la corruption au sein du pouvoir judiciaire. Il devrait également recruter et former un nombre suffisant de magistrats afin de garantir une bonne administration de la justice sur tout le territoire de la République centrafricaine et de lutter contre la criminalité et l’impunité. Des ressources budgétaires suffisantes devraient être affectées à l’administration de la justice.

Prenant note des réformes législatives en faveur de la liberté de la presse, le Comité relève néanmoins avec préoccupation que de nombreux journalistes ont été victimes de pressions, d’intimidations ou d’actes d’agression, voire de mesures de privation de liberté ou de mauvais traitements, de la part des autorités de l’État partie (art. 19 du Pacte).

L’État partie devrait garantir l’exercice de la liberté d’expression à la presse et aux médias, conformément à l’article 19 du Pacte.

Le Comité s’inquiète du fait que de nombreux défenseurs des droits de l’homme ne peuvent exercer librement leurs activités et sont victimes de harcèlements et d’intimidations de la part des agents de l’État (art. 9, 21 et 22 du Pacte).

L’État partie devrait respecter et protéger les activités des défenseurs des droits de l’homme. Il devrait veiller à ce que toute restriction imposée à l’exercice de leurs activités soit compatible avec les dispositions des articles 21 et 22 du Pacte.

Le Comité fixe au 1 er  août 2010 la date de soumission du prochain rapport périodique de la République centrafricaine. Il demande que le texte du présent rapport et les présentes observations finales soient rendus publics et diffusés, selon qu’il convient et dans de brefs délais, sur tout le territoire de la République centrafricaine. Il demande également que le prochain rapport périodique soit porté à la connaissance de la société civile et des organisations non-gouvernementales qui opèrent dans l’État partie.

Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 11, 12 et 13. Le Comité demande à l’État partie de communiquer dans son prochain rapport des renseignements sur les autres recommandations qu’il a formulées et sur l’application du Pacte dans son ensemble.